En bref:
- YASA, filiale de Mercedes-Benz, développe un moteur électrique axial ultra-compact (13 kg, 738 ch) qui révolutionne la performance et l’efficience des véhicules électriques européens.
- Ce moteur promet allègement, réduction des terres rares et flexibilité d’intégration, avec un fort potentiel industriel et environnemental.
- Mercedes-AMG prépare une production de masse à partir de 2026, visant à démocratiser cette technologie de la supercar aux modèles premium grand public.
Imaginez un moteur électrique de la taille d’une boîte à pizza, pesant 13 kg… et capable de propulser une hypercar à plus de 700 chevaux. C’est la promesse du moteur à flux axial conçu par la société britannique YASA, désormais filiale de Mercedes-Benz. Cette innovation, plus qu’une prouesse d’ingénierie, vient bousculer l’équilibre technologique de l’automobile électrique européenne — et prépare le terrain à une nouvelle ère où efficience, légèreté et rareté des matières premières s’invitent au cœur du débat.
Un moteur de rupture : 738 ch pour 13 kg
Il y a des records qui forcent le respect, et le dernier prototype de YASA coche toutes les cases :
Spécificité | Valeur |
---|---|
Poids | 13,1 kg |
Puissance (pic, sur 5 s) | 550 kW (738 ch) |
Densité de puissance | 42 kW/kg |
Technologie | Axial flux, sans terres rares |
Capacité de production visée | 10 000 – 50 000/an |
À titre de comparaison, un moteur thermique de puissance équivalente pèse souvent plus de 200 kg, et même le moteur arrière d’une Tesla Model 3 atteint 80 kg pour… moins de la moitié de la puissance.
Ce rapport puissance/poids incarne une révolution potentielle, notamment pour les sportives électriques. Mais la promesse va bien au-delà de la simple performance brute. Plusieurs constructeurs de prestige (Ferrari, Lamborghini, Koenigsegg) se sont déjà engouffrés dans la brèche, mais c’est Mercedes-AMG qui s’apprête à passer à la série — une étape inédite à cette échelle.
📌 Encart – Qu’est-ce qu’un moteur à flux axial ?
Contrairement au moteur radial, où les champs magnétiques tournent autour de l’axe, le moteur axial fait circuler le flux parallèlement à l’axe de rotation. Résultat : un moteur “plat”, plus compact et plus léger, capable de délivrer davantage de couple grâce à une plus grande surface active. Les avantages sont multiples :
- Densité de puissance supérieure (jusqu’à 3 à 4 fois plus qu’un moteur radial)
- Volume et poids réduits
- Possibilité d’éliminer la “couronne” de fer, donc moins de matériaux et de coût
- Flexibilité d’intégration dans le véhicule (potentiellement jusqu’à l’in-wheel)
De la supercar au segment généraliste : quelles perspectives pour l’industrie ?
Certes, la Mercedes-AMG CONCEPT GT XX, attendue en série en 2026 sur la plateforme AMG.EA, affiche des chiffres d’un autre monde : plus de 1 360 ch cumulés grâce à trois moteurs axiaux, une recharge à 850 kW permettant de regagner 400 km d’autonomie en cinq minutes, une batterie densifiée à la technologie issue de la F1… Mais le véritable enjeu est ailleurs : rendre cette architecture viable et scalable pour une diffusion plus large.
Avantages pour l’ensemble de la filière
- Allègement global du véhicule : Moins de masse moteur = batteries plus petites ou autonomie accrue à poids équivalent.
- Espace libéré : Un moteur large et plat laisse plus de place pour l’habitacle ou d’autres composants.
- Moins de dépendance aux terres rares : La conception YASA pousse loin la réduction de l’usage de néodyme ou dysprosium, critiques dans l’impact environnemental comme géopolitique.
- Efficacité énergétique : Un rendement élevé (grâce au refroidissement direct à l’huile) permet de maintenir une puissance soutenue, avantage clé pour des utilisations sportives ou intensives.
⚡ Info Box : Capacité industrielle et défis à venir
- Usine-pilote inaugurée près d’Oxford (25 000 moteurs/an), montée en cadence prévue avec le site Mercedes à Berlin.
- Automatisation avancée, laser-welding, contrôle IA pour assurer précision et fiabilité, indispensables au passage du prototype à la série.
- Le coût unitaire reste à surveiller : s’il est maîtrisé, on pourrait voir cette technologie essaimer jusqu’au cœur de gamme premium — BMW travaille déjà sur ce scénario pour sa future M3 électrique.
À RETENIR
La démocratisation du moteur axial dépendra de deux facteurs centraux : la constance du process industriel et la viabilité économique à grande échelle. L’histoire industrielle regorge de concepts prometteurs, mais rares sont ceux qui passent massivement à la série.
Axial vs Radial : quels gains environnementaux ?
Du point de vue environnemental, l’argument du moteur axial ne se réduit pas à la seule efficience énergétique :
- Réduction de la masse globale : moins d’émissions indirectes lors du cycle d’utilisation.
- Baisse de la quantité de métaux utilisés : moins d’acier, moins d’alliages.
- Moins (ou pas du tout) de terres rares : levier immédiat pour baisser l’empreinte écologique du moteur, à condition de maintenir la performance magnétique avec des alternatives comme les ferrites ou le MnAlC.
- Simplification du recyclage des matériaux en fin de vie.
Cependant, même les meilleurs moteurs axiaux utilisent encore des aimants permanents en terres rares (NdFeB), même si l’espoir d’une bascule vers des alternatives existe. L’étude des flux environnementaux montre que le moteur axial a un potentiel de réduction d’émissions de CO2 bien supérieur, surtout s’il bascule durablement sur des matériaux “propres”.
Obstacles techniques et perspectives industrielles
Si l’architecture axiale paraît idéale sur le papier, sa fabrication n’est pas exempte de défis :
- Précision d’assemblage extrême : pour garantir l’alignement rotor-stator et la constance de l’écart axial.
- Gestion thermique : le refroidissement doit être géré avec une extrême efficacité pour délivrer (et soutenir) autant de puissance dans un si petit volume. YASA a innové avec refroidissement direct à l’huile et matériaux composites magnétiques pressés en 3D.
- Automatisation/contrôle qualité : La fiabilité du process d’industrialisation est la clef ; Mercedes a dû mettre en place près de 100 procédures spécifiques, dont plusieurs mondiales (laser, IA, etc.).
Astuce d’expert : Les premières applications viseront le segment sport ou hyper-luxe, plus tolérant au coût, avant diffusion vers des gammes où chaque euro compte.
🚗 Mercedes, catalyseur de la démocratisation ?
En rachetant YASA en 2021, Mercedes-Benz n’a pas simplement acquis une start-up technologique, mais a sécurisé pour l’Europe une avance stratégique sur les motorisations électriques performantes, face à la concurrence américaine ou asiatique. Intégrer ces moteurs à grande échelle — dès la famille AMG, puis via la plateforme modulaire AMG.EA — ouvre la voie à de nouveaux schémas de conception, des architectures plus audacieuses (in-wheel, e-axle ultra-fins, etc.) et une efficience de haut vol.
Synthèse :
- Première industrie à viser la production de moteurs axiaux à grande échelle,
- Capacité d’intégration transversale : de la supercar à la berline,
- Stratégie d’indépendance vis-à-vis des matières critiques.
Difficile à ce stade de prédire si le moteur axial YASA bouleversera toute l’industrie européenne — l’histoire de la technique demeure semée d’embûches industrielles et de promesses avortées. Mais en atteignant une densité de puissance inédite, en s’émancipant (partiellement) des terres rares et en permettant de nouvelles architectures automobiles, il impose déjà un nouveau standard et aiguise les ambitions d’une Europe qui cherche sa voie dans la course mondiale à l’électromobilité.