En bref:
- La fin du crédit d’impôt fédéral US au 30/09/2025 provoque un pic de préachats (Q3) suivi d’un risque important de recul des ventes EV en Q4 — exacerbée par de nouveaux tarifs (~+4 000 $) et une compétition qui érode la part de Tesla.
- Leçon pour l’Europe : éviter les à‑coups budgétaires — préférer des cadres pluriannuels et ciblés (entrée de gamme, occasion, flotte) et renforcer bornes/réseau pour une transition stable.
D’ici au 30 septembre, l’Amérique vit une parenthèse électrique: concessions bondées, offres “à saisir”, livraisons anticipées. La cause? L’extinction du crédit d’impôt fédéral jusqu’à 7 500 $ pour l’achat d’un véhicule électrique (et 4 000 $ pour un modèle d’occasion), actée par le “One Big Beautiful Bill” de l’administration Trump.
Cette poussée de fièvre, avant un probable trou d’air, illustre les effets pervers d’incitations en stop-and-go. Volatilité des ventes, guerre des remises, parts de marché qui bougent (Tesla recule), et, surtout, adoption ralentie une fois la perfusion retirée. Un cas d’école dont l’Europe ferait bien de s’inspirer… à temps.
À retenir
- ⏳ Crédit d’impôt US expirant le 30 septembre 2025: jusqu’à 7 500 $ (neuf) et 4 000 $ (occasion).
- 🧾 Assouplissement IRS: un “contrat écrit contraignant” + un paiement avant le 30/09 permet de conserver le crédit même si la livraison a lieu plus tard.
- 🚀 Rush de fin d’été: EV à ~9% de part de marché en août selon Cox Automotive, jusqu’à ~12% d’après J.D. Power; Q3 attendu record.
- 🧊 Après la ruée, la chute? Cox et plusieurs analystes anticipent un net ralentissement en Q4; certains voient la part EV retomber temporairement très bas.
- 💸 “Double peine”: fin du crédit + tarifs à l’importation, avec un surcoût attendu autour de 4 000 $ par véhicule.
- 📉 Tesla passe sous 40% de part de marché EV aux USA en août (≈38% selon Cox), au plus bas depuis 2017.
- 🔭 EY révise la trajectoire: 50% de parts de ventes pour les EV en 2039 (5 ans plus tard que prévu), ~11% en 2029 (vs 8,1% en 2024).
- 🇪🇺 Avertissement pour l’Europe: éviter les falaises budgétaires, sécuriser un cap lisible et pluriennal, surtout en entrée de gamme.
Ce qui se passe aux États‑Unis
Un compte à rebours qui dope les ventes
- Les distributeurs et constructeurs multiplient promos et communication pour “vider” le stock avant la date butoir.
- En juillet, les ventes d’EV ont bondi (≈130 000 unités, +26% m/m, données Cox). En août, la part EV atteint environ 9,1% selon Cox Automotive; J.D. Power évoque un pic proche de 12%.
- Plusieurs observateurs anticipent un Q3 record sur l’électrique, porté par le phénomène de pré‑achat.
La règle IRS qui offre un peu de souplesse
- Le fisc américain considère désormais qu’un véhicule est “acquis” à la date d’un contrat écrit contraignant assorti d’un paiement (acompte ou reprise), même si la mise à disposition intervient après le 30 septembre.
- En pratique: ruée sur les bons de commande, notamment pour sécuriser des configurations en pénurie.
La marche arrière après l’euphorie
- Une “cassure” des immatriculations est attendue en Q4 une fois l’incitation supprimée.
- Un analyste (iSeeCars) prévient d’un risque de chute brève de la part EV sous 4% juste après l’échéance; d’autres scénarios sont moins sévères mais convergent vers un ralentissement net.
- EY repousse de cinq ans (à 2039) le moment où l’électrique atteindrait 50% des ventes US; d’ici 2029, la part ne monterait qu’à ~11%.
Tarifs et prix: la double peine pour l’EV
- Les droits de douane supplémentaires sur véhicules et composants devraient renchérir le prix d’un EV d’environ 4 000 $ en moyenne (estimation J.D. Power).
- Tant que les constructeurs absorbaient une partie du choc, l’effet prix restait contenu. Ce coussin s’amincit.
Tesla perd du terrain au pays
- La part de Tesla sur l’EV américain tombe à ~38% en août (Cox), première incursion sous 40% depuis 2017.
- En toile de fond: une concurrence qui s’élargit, une gamme Tesla vieillissante et des promotions agressives chez GM, Ford ou les nouveaux entrants.
- Paradoxalement, Q3 pourrait rester solide pour Tesla aux USA grâce au “pull‑forward”, avant un reflux en Q4.
Des incitations en stop‑and‑go, un marché en montagnes russes
- Tirer la demande vers l’amont (“pull‑forward”) crée une illusion de vigueur, suivie d’un “air pocket” qui déstabilise la planification industrielle.
- Le jeu des remises s’intensifie: rabais constructeurs, loyers de leasing retravaillés, ristournes équivalentes au crédit d’impôt (Lucid propose déjà un chèque maison de 7 500 $ sur certaines formules).
- Le “leasing loophole”, qui permettait de passer le crédit via les captives financières, doit aussi être refermé fin septembre, retirant un amortisseur clé.
- Résultat: marges sous pression, incertitude d’investissement sur batteries et outillages, et volatilité des valeurs résiduelles sur le marché de l’occasion.
Comment les constructeurs tentent d’amortir le choc
- Accélérer livraisons et immatriculations avant le 30/09, y compris via des contrats “binding”.
- Offres ciblées: coupons équivalents au crédit, packs borne + installation, financement subventionné.
- Repricing tactique après l’échéance: baisses de prix ponctuelles sur certains modèles pour maintenir le volume, au détriment des marges.
- Ajustement production/allocations: éviter les stocks EV immobilisés en Q4, quitte à prioriser hybrides et versions thermiques à forte rotation.
📌 Info pratique (USA): l’État de New York maintient une remise “Drive Clean” jusqu’à 2 000 $ au concessionnaire. D’autres aides locales subsistent, mais leur portée reste limitée face à la disparition du crédit fédéral.
La leçon pour l’Europe
L’épisode américain illustre un principe simple: l’EV est très sensible au cadre public. Quand l’incitation disparaît brutalement, l’adoption ralentit, surtout en phase de transition où les coûts restent plus élevés.
Or l’Europe n’est pas immunisée contre ces aléas:
- L’Allemagne a mis fin abruptement à son Umweltbonus fin 2023; la France a resserré l’accès au bonus via un score environnemental.
- La compétition chinoise tire les prix vers le bas hors USA; en Europe, la réponse par les droits additionnels réduit l’exposition mais pas l’exigence de rendre l’EV abordable.
- Les calendriers CO2 et l’échéance 2035 exigent une trajectoire lisible pour ménager les investissements et le pouvoir d’achat.
Cinq pistes concrètes pour éviter l’effet “falaise” en Europe
- Stabiliser un cadre pluriannuel: enveloppes budgétaires votées sur plusieurs années, trajectoires de dégressivité publiques à l’avance.
- Cibler l’entrée de gamme et le segment B/C: bonus conditionné au prix plafond et à la fabrication européenne, pour massifier.
- Soutenir l’occasion électrique: aides à l’achat d’EV d’occasion, garanties batterie encadrées, fiscalité douce sur les VUL/VO électrifiés.
- Harmoniser avec l’entreprise: aligner avantage en nature, TVS, amortissements, pour sécuriser le canal flotte (moteur du renouvellement et de l’approvisionnement VO).
- Investir dans l’infrastructure et la flexibilité réseau: bornes rapides sur axes et zones denses, tarification intelligente, soutien aux copropriétés.
💡 Conseil d’expert: le meilleur anti‑volatilité reste une “rampe de sortie” claire. Mieux vaut un bonus qui décroît linéairement (et prévisiblement) qu’une générosité ponctuelle suivie d’un couperet.
Indicateurs à surveiller d’ici fin 2025
- Taux d’inventaire EV aux USA (days’ supply) et ampleur des remises moyennes.
- Part du leasing dans les ventes EV après fermeture de la “passerelle” fiscale.
- Révisions de prix catalogue sur les modèles cœur de marché (SUV compacts).
- Part de marché Tesla aux USA et en Europe; cadence de lancement de nouveaux modèles.
- Valeurs résiduelles des EV en VO et écart de TCO vs thermique/hybride.
- En Europe: annonces budgétaires 2026, évolution des tarifs anti‑dumping et calibrage du bonus écologique.
En clair, la séquence américaine combine un sprint avant l’obstacle et un risque de faux-plat prolongé. Pour l’Europe, l’enseignements est limpide: si l’on veut une électrification soutenable — pour les ménages, les industriels et le climat — il faut des règles stables, lisibles et ciblées, pas des à-coups. La transition n’aime ni les falaises ni les virages serrés.