Fin du bonus US à 4 000 $ sur l’électrique d’occasion: ruée, trou d’air… et leçons pour l’Europe

En bref:

  • Aux États‑Unis, la fin du crédit d’impôt de 4 000 $ pour l’électrique d’occasion déclenche une ruée avant le 30/09, des tensions de stock et un risque de « trou d’air » au T4 ; la prime a amélioré la liquidité mais rendu le marché dépendant des aides.
  • Pour l’Europe, éviter les coupures brutales en faveur de trajectoires pluriannuelles et d’aides ciblées au point de vente (micro‑bonus pour ménages modestes), renforcer la confiance via un passeport batterie standardisé et lisser l’accès au leasing plutôt que des primes ponctuelles.

Dernière ligne droite aux États‑Unis: le crédit d’impôt fédéral pour voitures électriques d’occasion (jusqu’à 4 000 $) s’éteint le 30 septembre 2025. À une semaine de l’échéance, la mécanique s’emballe: stocks qui fondent, remises spectaculaires, files d’attente chez les concessionnaires. Mais que reste‑t‑il une fois l’incitation retirée? L’expérience américaine éclaire utilement les choix européens, où l’électrique d’occasion peine encore à se démocratiser.

Ce qui se passe aux États‑Unis cette semaine

  • Ruée avant l’extinction: selon Cox Automotive, les ventes d’EV neufs ont atteint un record en août (146 332 unités, 9,9 % de part de marché), tandis que l’occasion a bondi à près de 41 000 unités (+22 % sur un mois, +59 % sur un an). L’accélération devrait se prolonger jusqu’au 30/09.
  • Stocks en tension: le “days’ supply” des EV neufs est tombé à 62 jours (plus bas de 2025). Côté occasion, 36 jours seulement en moyenne, avec Tesla à 26 jours.
  • Prix et comportements: un indice de gros des valeurs d’EV d’occasion progresse de 1,2 % sur un mois à fin août, signe d’une pression de la demande avant l’arrêt. Près d’un acheteur sur deux déclare avancer son achat pour verrouiller le crédit (Cars.com).
  • “Loophole” de dernière minute: l’IRS autorise le crédit si un contrat “binding” est signé et un paiement effectué avant le 30/09, même si la livraison intervient après. Le rapport “time of sale” du concessionnaire reste indispensable.
  • Leasing en première ligne: la fin du crédit appliqué aux baux (via le régime “commercial”) renchérit fortement les loyers — un point crucial car l’EV se loue plus qu’il ne s’achète aux USA.
  • Après le 30/09: la plupart des analystes anticipent un “trou d’air” au T4, puis une normalisation graduelle. Certains constructeurs (ex. GM) ajustent déjà la cadence de production à une demande attendue plus molle, malgré des records de ventes juste avant l’échéance.

📌 À retenir

  • Le crédit d’occasion (jusqu’à 4 000 $) n’était accessible que sous 25 000 $ de prix de vente, créant un “sweet spot” très liquide sur ce créneau.
  • Les remises constructeurs ont parfois pris le relais pour préserver le volume, mais le retrait des incitations sur le leasing pèsera mécaniquement sur les mensualités.

Le crédit d’occasion a‑t‑il structuré un vrai marché?

Bilan nuancé plutôt que verdict expéditif.

  • Oui, pour la liquidité et le “match” offre‑demande sur l’entrée de gamme: le plafond de 25 000 $ a fluidifié l’écoulement des retours de LOA/LLD et des véhicules en fin de garantie, créant un référentiel de prix lisible pour les ménages sensibles au budget.
  • Non, pour les fondamentaux: les freins structurels (assurance élevée dans certains États, hétérogénéité de la recharge publique, incertitude perçue sur l’état de batterie) n’ont pas été “réparés” par une subvention. Ils réapparaissent dès que l’incitation disparaît.
  • Effet collatéral: une “latéralisation” vers le leasing, dopé par la possibilité de capter l’intégralité du crédit au point de vente. Côté revente, cette dynamique gonfle l’offre future d’occasion… mais au prix d’une volatilité quand l’incitation s’arrête brutalement.
  • Prix: les données disponibles suggèrent un soutien temporaire des valeurs avant l’échéance (légère hausse à gros), mais un reflux probable post‑crédit, surtout sur les modèles qui “tenaient” leur prix grâce au coup de pouce. À l’inverse, des baisses d’MSRP côté neuf pourraient s’amplifier pour compenser la disparition des aides — sans forcément neutraliser l’effet sur les loyers.

En bref, le crédit d’occasion a contribué à créer un marché plus liquide et plus lisible… mais sa suppression met à nu la dépendance aux incitations lorsque les fondamentaux (coût total de possession, qualité de recharge, transparence batterie) ne sont pas au niveau attendu par le grand public.

Leçons concrètes pour l’Europe (et la France)

L’Europe n’a pas d’outil homogène dédié à l’électrique d’occasion. Quelques enseignements très opérationnels se dégagent du cas américain.

  1. Éviter les “falaises budgétaires”
  • Les à‑coups (“on/off”) provoquent ruées, puis trous d’air. Préférer des trajectoires pluriannuelles, dégressives et annoncées très en amont. Côté États‑Unis, l’annonce puis l’extinction au 30/09 ont créé un pic artificiel suivi d’un risque de creux.
  1. Miser sur des aides ciblées, simples, au point de vente
  • L’efficacité tient autant à la simplicité qu’au montant. Un mécanisme point‑de‑vente, ciblé sur les ménages modestes et les véhicules à forte utilité (familles, ruraux, pros), maximise l’effet sans inflationner tout le marché.
  • Éviter les seuils “magiques” (25 000 $, 30 % du prix) qui rigidifient les stickers et créent des effets de bord.
  1. Outiller la confiance dans l’occasion
  • Instituer un “passeport batterie” standardisé à l’échelle européenne (état de santé certifié, historique de charge, garanties transférables).
  • Étiquetage TCO (coût total de possession) normalisé sur l’occasion: énergie, maintenance, assurance, garanties.
  • Harmoniser et étendre la recharge AC/DC là où l’occasion se joue (grands ensembles, zones rurales, voirie).
  1. Jouer le levier fiscal local plutôt que la subvention brute partout
  • Exonérations de TVS/CG/parkings résidentiels, gratuités zones ZFE, TVA réduite sur la rénovation/diagnostic batterie: autant de leviers moins procycliques que des primes “cash”.
  • Renforcer les scrappages conditionnés (prime à la conversion) applicables à l’occasion zéro émission.
  1. Cadencer l’offre par les flottes
  • L’occasion se nourrit des retours de flotte: fixer des quotas d’EV dans les marchés publics et les grandes flottes privées, avec durées/ kilométrages optimisés pour l’arrivée sur l’occasion à bon TCO.
  1. Sur le leasing: préserver l’accessibilité
  • Si l’on subventionne un élément, que ce soit le loyer lui‑même (et non une ristourne amont), pour lisser l’effort mensuel et éviter un choc à l’arrêt du dispositif — le point faible observé aux États‑Unis.

💡 Conseil d’expert

  • L’aide la plus “structurelle” pour l’occasion n’est pas toujours une prime achat: généraliser un diagnostic batterie standard, opposable et peu coûteux, peut avoir plus d’impact sur la valeur résiduelle et la confiance que 1 000 € de subvention.

Où en est la France?

  • Pas d’aide nationale spécifique à l’électrique d’occasion depuis la suppression du bonus dédié. En revanche, la prime à la conversion (mise au rebut d’un ancien véhicule) reste mobilisable pour l’achat d’un EV neuf ou d’occasion selon conditions.
  • Depuis juillet 2025, le “coup de pouce” via les CEE soutient l’achat neuf, avec un bonus additionnel de 1 000 € à partir du 1er octobre pour les modèles européens dotés de batteries produites en Europe. Ce sont des aides “neuf”: l’occasion reste en retrait.
  • LLD sociale: le dispositif de location longue durée à bas loyer doit être relancé (moins de 200 €/mois annoncés) — un point clé pour alimenter l’occasion dans 2 à 4 ans via les retours de location.

🎯 Pistes très pragmatiques pour 2026

  • Créer un “micro‑bonus” ciblé sur l’EV d’occasion sous un seuil de prix réaliste (ex. 18–22 k€), réservé aux ménages modestes, versé au point de vente et conditionné à un passeport batterie normalisé.
  • Flécher une part des CEE vers la remise en état/garantie batterie (reconditionnement, diagnostics certifiés), avec TVA réduite sur ces prestations.
  • Expérimenter dans 3 métros et 3 territoires ruraux un pack “occasion zéro émission”: aide à l’achat + carte de recharge publique + stationnement résidentiel gratuit 12 mois + assurance à tarif encadré pour premiers acquéreurs.

Impact attendu en Europe si rien n’est fait

  • Dépréciation encore plus rapide de certaines générations d’EV occasion, faute de confiance batterie et de filet d’aides ciblées.
  • Retard de massification sur les foyers modestes, ceux-là mêmes qui structurent le marché de seconde main.
  • Volatilité accrue des mensualités de LOA/LLD à la merci des politiques “stop‑and‑go”, avec effets de ciseaux sur la valeur résiduelle.

🎙️ Parole de terrain
“Ce qui met vraiment en confiance un acheteur d’EV d’occasion, c’est la preuve de l’état de la batterie et des coûts d’usage prévisibles. La prime ne suffit pas si on ne sait pas ce qu’on achète.” Un leitmotiv entendu chez les distributeurs comme chez les associations de consommateurs.

Ce qu’il faut surveiller dans les 6 prochains mois

  • États‑Unis: l’ampleur du “dip” post‑30/09 sur l’occasion, l’évolution des loyers de leasing, et l’ajustement des MSRP sur les modèles cœur de marché.
  • Europe: annonces nationales 2026 sur l’occasion (Pays‑Bas, pays nordiques, Italie/Allemagne après la réduction des aides), et initiatives locales (villes/ZFE) côté stationnement et recharge résidentielle.
  • France: calendrier précis de la LLD sociale 2.0, éventuelle intégration d’un passeport batterie dans la réglementation, et articulation CEE/occasion.

En définitive, l’extinction brutale du bonus US à 4 000 $ n’enterre pas l’électrique d’occasion, mais elle rappelle une évidence: sans politiques stables, ciblées et centrées sur la confiance (batterie, TCO, recharge), les incitations créent des pics… puis des creux. L’Europe a l’occasion de choisir la voie de la prévisibilité et du “service” au client d’occasion plutôt que celle des montagnes russes budgétaires.

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