Vigoz Cixi à 120 km/h en pédalant : révolution utile ou mirage séduisant ?

En bref:

  • Vigoz: tricycle caréné français (2 avant/1 arrière), 22 kWh pour ~160 km, 120 km/h visés, pédalier générateur (PERS) pour participation active, catégorie L5e (permis B/B1), 2 places en tandem.
  • Proposition séduisante (sobriété, autoroute, mobilité active) mais le pédalage apporte peu d’énergie; risques majeurs = homologation/sécurité à 120 km/h, prix/industrialisation et modèle commercial encore flous.

Le Vigoz de Cixi fait parler de lui: un tricycle électrique caréné, 120 km/h sur autoroute, et… un pédalier pour participer à la propulsion. Entre prouesse d’ingénierie et promesse de mobilité plus sobre, l’engin interroge autant qu’il intrigue. Peut-il vraiment bousculer la micro-mobilité et remplacer une petite voiture au quotidien, ou n’est-ce qu’une fausse bonne idée?

À retenir

  • Vélomobile tricycle (3 roues) conçu en France, combinant moteur électrique et pédalier électronique sans chaîne (PERS).
  • Vitesse visée 120 km/h, autonomie annoncée ~160 km (batterie 22 kWh), charge complète en ~6 h sur prise 220 V.
  • Positionnement réglementaire: tricycle à moteur (catégorie L5e), permis B1/B, immatriculation et assurance; accès aux autoroutes en principe possible pour un L5e conforme.
  • Sécurité annoncée: structure à zones de déformation, ceintures 3 points, inclinaison active, cockpit fermé (clim/chauffage), Isofix arrière.
  • Commercialisation: calendrier et tarifs non confirmés; Cixi évoque un modèle par abonnement plutôt que la vente.

C’est quoi, exactement, le Vigoz ?

Vigoz est un “véhicule actif” conçu par la start‑up savoyarde Cixi: un tricycle fermé (2 roues avant, 1 arrière) pensé comme un hybride entre vélo couché et micro‑voiture. Le conducteur est en position semi‑couchée, un second siège (ou volume de chargement) est disposé en tandem derrière, avec un long espace traversant annoncé (des skis tiennent à bord). Côté gabarit, la tête du conducteur culmine à ~130 cm, la hauteur totale serait d’environ 1,65 m: assez pour rester visible dans le trafic.

Fiche express:

  • Batterie: 22 kWh sous le plancher
  • Autonomie cible: ~160 km
  • Vitesse max: 120 km/h (prototypes déjà testés à ~100 km/h)
  • Masse: ~550 kg
  • Architecture: carénage intégral, inclinaison active des trains, freinage régénératif
  • Confort/usage: ventilation, clim/chauffage, vitres ouvrantes, tandem 2 places, Isofix

📌 Bon à savoir: à ce stade, ni prix public ni liste d’attente officiels n’ont été annoncés. C’est un signe que la phase d’industrialisation et d’homologation n’est pas totalement bouclée.

Pédaler pour aller à 120 km/h: comment ça marche (vraiment) ?

Le pédalier PERS (Pedaling Energy Recovery System) n’entraîne pas les roues: c’est un générateur (série) qui convertit l’effort humain en électricité. On pédale à son rythme; le système module l’assistance, gère l’accélération et peut même commander le ralentissement.

Ce que le pédalage apporte… et ses limites:

  • Contrôle et ressenti: doser la vitesse à la pédale est intuitif pour certains, motivant pour d’autres (on “conduit” en restant actif).
  • Un appoint énergétique modeste: un humain soutenu produit 100–200 W en continu. En 30 minutes, cela représente 0,05–0,1 kWh. Rapporté à une conso cible autour de 12–15 kWh/100 km, c’est tout au plus quelques centaines de mètres d’autonomie “gagnés”. Autrement dit, l’intérêt du pédalage est surtout comportemental (santé, implication) et fin de gestion d’énergie, pas un véritable “rechargeur” de batterie.
  • Efficacité: le carénage et l’aérodynamique feront bien plus pour l’autonomie que le pédalage lui‑même.

💡 Conseil d’expert: si vous cherchez à “recharger en pédalant”, gardez l’ordre de grandeur en tête. Même 200 W pendant 1 h, c’est 0,2 kWh — symbolique face à un pack de 22 kWh. L’intérêt principal du système est la conduite active et la sobriété induite.

Homologation et cadre légal: où se situe le Vigoz ?

  • Catégorie probable: L5e (tricycles à moteur). Cixi met en avant une conception “toutes routes”, y compris autoroutes, à la vitesse de 120 km/h.
  • Permis: B1 (dès 16 ans) ou permis B.
  • Autoroute: les tricycles L5e homologués et aptes à tenir l’allure (au‑delà de 80 km/h) peuvent y accéder. Des modèles comme les Can‑Am/MP3 y circulent déjà. Le Vigoz s’inscrirait dans cette logique.
  • Casque: pour un tricycle fermé avec ceintures, le port du casque n’est en général pas requis.
  • Pistes cyclables/bus: le Vigoz n’est pas un vélo; il relève des voies et règles des véhicules motorisés.

Important: début septembre 2025, plusieurs médias et Cixi mentionnent l’homologation “toutes routes”. Mais on ne trouve pas encore de détails publics sur la réception européenne (type, variantes, puissances, dispositifs obligatoires). Tant qu’aucun numéro de réception ni conditions précises ne sont publiés, il faut considérer que la mise en circulation reste à confirmer dans ses modalités.

Sécurité: mieux qu’un vélo, moins qu’une voiture

Cixi évoque des zones de déformation, un habitacle fermé, des ceintures 3 points et un système d’inclinaison pour la stabilité. C’est d’ores et déjà bien supérieur à un vélo ou à un vélomobile artisanal. Reste que:

  • La catégorie L n’exige pas les mêmes crash‑tests qu’une voiture M1 (airbags, intrusion latérale, compatibilité choc, etc.).
  • À 120 km/h, les contraintes de sécurité passive deviennent celles du “monde auto”. Sans normes M1 (ou équivalent), il ne faut pas attendre les niveaux de protection d’une citadine moderne.
  • L’inclinaison active et un centre de gravité bas sont des atouts dynamiques, mais s’évalueront sur route, en charge, sur chaussée dégradée et par vent latéral.

📢 Point de vigilance: un L5e aussi rapide est inédit. Les assurances, les autorités et Euro NCAP observeront de près la cohérence entre performances et niveau de protection.

Où se place le Vigoz face à Ami, Twizy, Microlino… et la future Twingo électrique ?

  • Citroën Ami (L6e, 45 km/h): très accessible, urbaine pure, pas d’autoroute. Vigoz vise un autre usage (péri‑urbain, voies rapides).
  • Renault Twizy (L7e, 80 km/h): plus dynamique, mais ouvert, rustique, et limité en vitesse. Vigoz promet confort et autoroute.
  • Microlino (L7e, ~90 km/h): proche d’une micro‑voiture “lifestyle”, chère et urbaine chic. Vigoz se veut utilitaire/actif, 2 vraies places en tandem, et 120 km/h.
  • Twingo électrique (M1 attendue vers 2026): vraie voiture, 4 places, sécurité automobile complète, services, réseau. Consommation comparable ou meilleure en ville, mais masse et empreinte matière supérieures. Vigoz jouera la carte sobriété matérielle et “mobilité active”.

Ce que Vigoz change:

  • Il ouvre le champ de la micro‑mobilité aux voies rapides et à l’autoroute, seuil symbolique et pratique pour des trajets péri‑urbains et inter‑villes.
  • Il combine confort/capotage et engagement physique, une proposition unique pour réduire la sédentarité… sans renoncer à la vitesse.

Ce qui peut coincer:

  • Le coût. Une batterie de 22 kWh, une structure carénée, l’inclinaison active, la clim: l’addition grimpe vite. Beaucoup de micro‑EV finissent au‑delà de 15–20 k€; certains dépassent 25–30 k€.
  • L’acceptabilité. Pédaler pour commander un “véhicule” peut dérouter. Et sur autoroute, il faudra convaincre du sérieux du package sécurité.
  • La polyvalence. 2 places en tandem, peu de volume latéral: pratique à deux, moins familial qu’une petite voiture.

Empreinte énergétique et usage réel

  • Consommation visée: avec 22 kWh pour 160 km, on tourne autour de 13–14 kWh/100 km, soit le niveau des meilleures citadines électriques. Un bon score sur voie rapide, excellent en péri‑urbain si l’aérodynamique tient ses promesses.
  • Sobriété matérielle: ~550 kg et 3 roues, c’est bien moins de matière qu’une M1 (~1–1,3 t). À l’échelle du cycle de vie, c’est un argument fort.
  • Climat et réseau: charge AC 2,3 kW (prise domestique) en ~6 h; facile à loger, à garer, et compatible avec un usage quotidien. L’hiver en montagne (usage historique de Cixi) sera le juge de paix: chauffage + relief = stress test.

Modèle économique et industrialisation: le grand écart à éviter

Cixi met en avant une fabrication en Haute‑Savoie (Poisy) et un modèle par abonnement. La promesse: un coût mensuel “compétitif face aux petites électriques”. Reste à connaître:

  • Le ticket d’entrée (caution, durée d’engagement, services inclus, assurance).
  • Le dimensionnement du réseau après‑vente (pièces, réparation carrosserie, calibration de l’inclinaison).
  • Le calendrier: malgré des présentations riches, on ne voit pas encore de carnets de commande publics ni de tarifs. Plusieurs acteurs de ce segment ont trébuché sur ce point.

🧭 Repère marché: Microlino a percé en assumant le côté “objet-plaisir” plus que l’outil rationnel. Le Vigoz prétend l’inverse: utilitaire, actif et “autoroutier”. Il devra tenir cette promesse dans la vraie vie (et au bon prix).

Vraie innovation ou fausse bonne idée ?

Le Vigoz coche beaucoup de cases techniques et philosophiques: moins de matière, plus d’efficience, autoroute possible, mobilité active intégrée. C’est une proposition rare, cohérente avec la transition (décarboner la tonne‑kilomètre et la sédentarité). Mais trois écueils restent devant lui: l’homologation détaillée, le prix (même en LLD) et la crédibilité sécurité à 120 km/h vis‑à‑vis d’une M1. Si Cixi apporte des preuves solides sur ces trois points, le Vigoz pourrait inventer un vrai nouveau segment. Sinon, il restera une brillante curiosité d’ingénieurs dans un marché impitoyable.


Sources consultées: communications Cixi (fiche Vigoz, technologie PERS), New Atlas, Designboom, Electrek, presse régionale et spécialisée (Mobiwisy, Auto Plus, L’Automobiliste, etc.). Informations techniques et réglementaires vérifiées au 25/09/2025 dans le cadre des catégories L en France.

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