En bref:
- France : 132 927 immatriculations en nov., part de marché VE record à 26 % mais marché global −0,3 % — progrès réel mais largement porté par un leasing social temporaire.
- Norvège : 97,6 % de VE en nov. grâce à une fiscalité pro‑VE durable, recharge mature et pouvoir d’achat élevé — leçon pour la France : stabiliser les règles, mieux cibler les aides et multiplier la recharge utile (domicile, rapide, occasion).
En un mois, deux mondes. En France, la voiture électrique signe un record historique de part de marché, portée par le retour du leasing social, mais sur un marché général en léger recul. En Norvège, l’électrique atteint un niveau inédit, quasi hégémonique, dopé par des arbitrages fiscaux et des achats anticipés.
Au-delà du choc des chiffres, voici ce qui explique l’écart – et ce que la France peut concrètement retenir pour accélérer sans s’épuiser budgétairement.
Les chiffres clés de novembre 2025
- France
- 132 927 immatriculations de VP, marché -0,3 % sur un an (PFA)
- 26 % de part de marché pour les VE, un record mensuel (PFA)
- Forte contribution du leasing social relancé fin septembre (quota 50 000 commandes encore ouvert à fin novembre)
- Norvège
- 19 899 immatriculations, mois parmi les plus forts de l’histoire (OFV)
- 97,6 % de VE, nouveau record (OFV)
- Tesla à 31,2 % de part de marché en novembre, achats anticipés avant changements fiscaux (OFV)
📌 À retenir
- La France bat un record « électro » mais sans redresser le marché global.
- La Norvège s’approche d’un mois à 100 % électrique grâce à une combinaison unique d’incitations… qui commencent justement à être rabotées.
Deux photos du même mois
- En France, la transition s’accélère « par à-coups ». La part des VE franchit 26 % en novembre, tirée par le leasing social et par des modèles accessibles (Renault 5 E-Tech en tête). Mais les immatriculations totales restent molles (-0,3 %), signe d’un marché fragilisé par l’attentisme, l’inflation et une politique d’aides changeante.
- En Norvège, l’électrique est devenu la norme. Près de 98 % des immatriculations en VE en novembre, volumes au plus haut de l’année, et une ruée avant un durcissement fiscal attendu. L’annonce d’un abaissement du seuil d’exonération de TVA, puis de sa suppression à l’horizon 2027, a provoqué un effet d’aubaine fin 2025, selon l’OFV.
Pourquoi la Norvège tutoie 100 % électrique
- Une fiscalité qui inverse la hiérarchie des prix
- Exonération (longtemps totale) de TVA à 25 % pour les VE, désormais limitée et appelée à disparaître progressivement.
- Taxes d’achat très lourdes sur les thermiques (CO₂, masse, NOx), dont les VE sont exemptés : l’écart de TCO s’est durablement installé en faveur de l’électrique.
- Avantages périphériques (péages, ferries, stationnement) historiquement généreux, réduits ces dernières années mais toujours favorables.
- Un réseau de recharge dense et mature
- Densité élevée de bornes rapides sur les grands axes ; stations-service converties en hubs de recharge.
- Forte capacité de recharge à domicile, facilitée par un habitat plus pavillonnaire que la moyenne européenne.
- L’énergie et le pouvoir d’achat
- Électricité majoritairement hydraulique, émissions très basses et coût historiquement compétitif.
- Revenus élevés qui fluidifient le passage à l’électrique.
- Une acceptation déjà « mainstream »
- Le VE n’est plus un pari, c’est la norme. La pénétration par foyer figure parmi les plus élevées au monde.
- Effet de « boule de neige »: offre pléthorique, remises de fin d’année, disponibilité produits et délais optimisés.
🗣️ Repère
« L’incertitude autour d’une modification de la TVA pousse de nombreux acheteurs à sécuriser une voiture sous conditions actuelles », résume l’OFV. Le « pic » de fin 2025 est autant conjoncturel (fiscalité) que structurel (marché arrivé à maturité).
Pourquoi la France progresse… mais « sous perfusion »
- Des aides efficaces, mais instables
- Le leasing social fait la preuve de son efficacité pour élargir l’accès au VE. Mais l’effet est mécanique et réversible si le robinet budgétaire se referme.
- Le bonus écologique a été recentré (exclusion de nombreux modèles importés), brouillant certains signaux de prix.
- Un marché global atone
- Les ménages arbitrent : incertitude économique, hausse du coût de la vie, attente des nouvelles règles 2026 (taxe au poids étendue aux VE >2,1 t à partir de juillet 2026).
- Les entreprises restent décisives mais prudentes : elles bénéficient d’avantages (TVS, amortissements, AEN), tout en anticipant les futures contraintes (poids, fiscalité d’usage).
- La recharge progresse, la densité reste hétérogène
- Environ 175 000 points de recharge publics fin été 2025, +20 à +30 % en un an (Avere-France). Rattrapage réel, mais encore inégal selon les territoires et les axes.
- Freins résiduels en habitat collectif (copropriétés), malgré la montée en puissance du programme Advenir.
- Des coûts d’usage moins lisibles
- Tarification de l’électricité moins stable qu’en Norvège et, pour les charges publiques rapides, parfois dissuasive sur longs trajets.
- TCO du VE favorable… à condition d’optimiser la recharge à domicile et de choisir un modèle efficient.
Le fossé France–Norvège en 5 lignes
- Fiscalité: Norvège, stabilité pro-VE depuis une décennie; France, alternance de coups d’accélérateur et de coups de frein.
- Prix relatifs: en Norvège, l’ICE est fiscalement « malussé » jusqu’à devenir dissuasif; en France, l’écart reste moins tranché hors offres subventionnées.
- Infrastructures: Norvège très mature en recharge rapide et domestique; France en rattrapage rapide mais inégal.
- Pouvoir d’achat et énergie: Norvège combine hauts salaires et électricité hydraulique; France bénéficie d’un mix bas-carbone (nucléaire/hydro), mais d’une facture perçue comme moins prévisible.
- Acceptation: en Norvège, l’électrique est le standard culturel; en France, la bascule est en cours, mais encore conditionnée aux aides.
Tableau de bord express
- Norvège (nov. 2025): 97,6 % VE, volumes au plus haut, achats anticipés avant resserrement fiscal; Tesla ≈ 31 % PDM (OFV).
- France (nov. 2025): 26 % VE, record mensuel; marché total -0,3 %; effet massif du leasing social; Renault ultra-dominante sur le VE particulier (PFA, données marché).
📌 Bon à savoir
- Dans les deux pays, le bénéfice climatique du VE est très élevé (mix bas-carbone). Le différentiel porte davantage sur les prix relatifs, la stabilité des règles et les infrastructures, que sur l’empreinte CO₂ de l’électricité.
Que peut apprendre la France pour 2026 sans « perfusion » permanente ?
- Stabiliser les règles au moins sur 24 mois
- Calendrier lisible du bonus/malus et de la taxe au poids. Privilégier la visibilité à la perfection réglementaire.
- Mieux cibler l’aide
- Prioriser les petits et moyens VE sobres, ménages modestes et ruraux/périurbains dépendants de l’auto.
- Consolider les offres locatives abordables en limitant les effets d’aubaine.
- Accélérer la recharge « utile »
- DC 150–300 kW sur les axes secondaires encore délaissés; fiabilité et disponibilité en temps réel; paiement universel sans friction.
- Coup d’accélérateur sur la copropriété (forfaits « clé en main », simplification administrative, subventions mieux calibrées).
- Sécuriser la recharge à domicile
- Maintien d’un soutien à l’IRVE résidentielle (le crédit d’impôt menacé en 2026 compliquerait l’équation TCO).
- Tarifs heures creuses plus incitatifs et stables pour la recharge nocturne.
- Doper l’occasion électrique
- Bonus « seconde main » ciblé, certificat de santé batterie standardisé, garantie reconditionnée, financement adapté.
- Flottes comme levier d’entraînement
- Renforcer les obligations d’électrification des parcs publics et d’entreprises avec accompagnement (AEN, amortissements, bornes au travail).
- Parler usage, pas dogme
- Transparence sur les coûts réels (énergie, entretien, pneus), pédagogie sur l’autonomie utile et l’itinérance, essais longue durée. Le scepticisme recule quand l’expérience précède l’achat.
💡 Conseil d’expert
Pour un ménage roulant 12 000 à 15 000 km/an, un VE compact rechargé majoritairement à domicile en heures creuses reste l’option TCO la plus robuste. L’itinérance rapide doit être occasionnelle; si elle devient fréquente, viser un modèle efficient et un abonnement de recharge négocié.
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En novembre, la France a franchi un cap symbolique, la Norvège un cap historique. L’écart ne tient pas à une fatalité, mais à des choix de long terme: fiscalité lisible, infrastructures impeccables, et un arbitrage prix/usage constant en faveur de l’électrique. À 2026 d’en dessiner la version française, moins dépendante des perfusions et plus ancrée dans l’usage.
