Batteries électriques : l’UE hausse (enfin) ses aides, la France peut-elle vraiment contrer la Chine ?

En bref:

  • L’UE alloue 852 millions d’euros à six usines stratégiques, dont deux françaises (ACC et Verkor), pour renforcer sa filière batteries face à la domination chinoise.
  • Ces aides favorisent la création d’emplois, la R&D et l’intégration industrielle, mais restent trop modestes face aux investissements massifs de la Chine.
  • Pour rivaliser durablement, l’Europe doit augmenter ses financements, simplifier ses réglementations et développer ses approvisionnements en matières premières.

L’annonce a fait du bruit à Bruxelles comme en France : la Commission européenne octroie 852 millions d’euros à six usines majeures de batteries, avec, parmi les lauréats, deux projets tricolores de premier plan (ACC dans les Hauts-de-France et la start-up Verkor à Dunkerque). Alors que la domination industrielle chinoise inquiète, cette mesure arrive-t-elle à point nommé pour offrir à la France – et à l’Europe – les moyens d’un véritable rebond industriel dans la batterie automobile ? Ou s’agit-il d’une réponse encore bien timide, loin de l’offensive nécessaire face à l’avance technologique et industrielle de la Chine ?

Plongée critique et chiffrée dans les nouveaux enjeux européens de la souveraineté énergétique.


📊 Où vont les 852 millions d’euros ? Focus sur ACC et Verkor

La toute récente enveloppe européenne, issue du “Fonds pour l’innovation”, vise à renforcer une poignée d’acteurs jugés stratégiques afin de consolider la filière continentale, aujourd’hui en retard sur l’Asie. Côté français, deux projets bénéficient d’un soutien direct :

  • ACC (Automotive Cells Company) : Gigafactory opérationnelle à Douvrin (Pas-de-Calais), coentreprise réunissant Stellantis, Mercedes-Benz et TotalEnergies.
  • Verkor : Start-up grenobloise prometteuse, en plein chantier de sa future usine à Dunkerque, et déjà centre d’innovation pilote à Grenoble (Verkor Innovation Centre).

💡 Info Box – Pourquoi ces sites ?
Les Hauts-de-France et Dunkerque concentrent déjà des savoir-faire industriels lourds, une main-d’œuvre qualifiée et des réseaux logistiques performants, posant le socle d’une filière batterie crédible sur le sol national.

Mais l’Europe, plus pragmatique qu’à l’accoutumée, ne se limite plus à soutenir la seule “innovation” : désormais, la part des aides va aussi financer les dépenses opérationnelles. Un infléchissement salué par les industriels français, pour qui la montée en puissance industrielle nécessite du cash, pas seulement des brevets ou des prototypes.


🚗 Quels effets concrets sur l’économie et la filière ?

Une dynamique pour l’emploi et la R&D

Les fonds publics accordés à ces gigafactories (complétés en France par les ressources du plan “France 2030”) font bien plus que financer des machines :

  • Création de plusieurs milliers d’emplois directs et indirects, de la production à la logistique, en passant par la R&D ou les services associés.
  • Accélération de la recherche sur les batteries hautes performances, bas carbone et sur la circularité (recyclage, technologie de pointe).
  • Effet d’entraînement sur la chaîne de valeur européenne : l’intégration entre centres de recherche, fournisseurs, sous-traitants et filières de recyclage se renforce.

À retenir
Les subventions européennes sont déterminantes pour attirer aussi le capital privé. Exemple : Verkor a pu lever plus de 2 milliards d’euros, en grande partie grâce à l’appui initial public – un phénomène d’“effet de levier” désormais indispensable pour tout acteur industriel de pointe.


📌 Le duel avec la Chine : équilibre impossible ?

La question n’est plus tant de soutenir quelques champions européens, mais de savoir si l’Europe peut véritablement rivaliser avec la Chine, leader incontrôlé du secteur (CATL, BYD…). Les chiffres parlent d’eux-mêmes :

CritèreChineEurope (2025-2030)
Nombre d’usines> 100~50 en projet
SubventionsMassives et continuesPlus limitées, encadrées par l’UE
IntégrationDe la mine au recyclageProgressivement en cours
RéglementationSouple, évolutiveTrès stricte, parfois lourde

La Chine investit sans relâche dans toute la chaîne, de l’extraction à la production, et s’appuie sur une stratégie nationale coordonnée, largement hors d’atteinte des bureaucraties européennes. Les industriels bénéficient d’un appui massif, quand l’Europe doit composer avec ses propres règles de concurrence, plus restrictives.

Citation d’expert 🗨️

"L’Europe reste sous pression : face à des géants asiatiques, il ne suffit pas de déployer des annonces. Il faut créer un marché homogène, accélérer la construction des usines et réduire la dépendance aux importations."
— Extrait d’une analyse menée par la Plateforme européenne des batteries, 2025.


Les IPCEI : collaboration européenne mais limites structurelles

L’Europe mise aussi sur ses fameux “IPCEI” (Projets Importants d’Intérêt Européen Commun), deux programmes massifs pilotés en partie par la France. Leur but : stimuler l’innovation, du laboratoire à la gigafactory, et créer une chaîne de valeur cohérente à l’échelle du continent.

Schéma organisationnel rapide :

  • Association public-privé à large spectre
  • Partenariat transnational (France en coordination accrue avec l’Allemagne)
  • Critère clé : impact sur l’emploi, la croissance et la souveraineté industrielle
  • Implication de PME, start-up et centres de recherche

👉 Remarque critique :
Si l’effet d’entraînement est réel, la lourdeur des montages européens, l’hétérogénéité des règles nationales et les délais d’exécution restent des freins majeurs, pour l’instant peu comparables à la réactivité chinoise.


💡 Conseil d’expert : Que faudrait-il pour vraiment changer la donne ?

Pour espérer inverser durablement le rapport de force, les experts s’accordent sur quelques axes prioritaires :

  • Accroître très sensiblement l’échelle des financements (l’enveloppe européenne reste, à ce stade, largement inférieure aux aides asiatiques)
  • Alléger les démarches administratives et harmoniser les réglementations sur tout le continent pour “industrialiser l’Europe”
  • Développer simultanément la filière d’approvisionnement en matières premières, encore trop dépendante de l’extérieur
  • Investir massivement dans la formation et la montée en compétence des travailleurs européens du secteur

En définitive, ces 852 millions d’euros d’aides marquent un virage stratégique bienvenu et des signaux encourageants pour la souveraineté industrielle européenne. Toutefois, face à la puissance de feu financière, politique et industrielle de la Chine, il s’agit d’un effort louable… mais encore largement insuffisant pour véritablement reprendre la main dans la course mondiale des batteries électriques.

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