Belle initiative d’Honda qui développe un moteur électrique fabriqué sans terres rares : retour sur ces matériaux dont l’usage est convoité mais dangereux

Le constructeur japonais s’affirme peu à peu comme un acteur visionnaire de la mobilité verte : il a récemment annoncé la conception d’un moteur synchrone à aimants permanents sans terres rares, des matériaux habituellement contenus dans les moteurs électriques, dont l’extraction est polluante. L’innovation s’inscrit dans la lignée des avancées déjà effectuées par quelques rares acteurs quant à la prise d’indépendance vis-à-vis des terres rares.

Terres rares : des éléments aux propriétés uniques convoités, mais à quel prix?

terre rares

Les éléments de terres rares (ETR) sont un regroupement de 17 éléments chimiques aux propriétés uniques car liées à une configuration électronique particulière, utilisés en quantité pour produire des biens technologiques. Ils proviennent en abondance des tréfonds de l’écorce terrestre ou bien naturellement de certaines roches et minerais.

Ces 17 ETR se divisent eux-mêmes en deux groupes : les terres rares légères, les plus nombreuses, et les terres rares lourdes, plus précieuses, qui permettent en particulier de produire les moteurs électriques (synchrones à aimants permanents).

Les terres rares sont aujourd’hui indispensables aux industries de haute technologie principalement. Extrêmement répandus dans nos sociétés, ils sont contenus dans tous types de biens : de nos télévisions et smartphone aux drônes, en passant par les éoliennes… Bref, ils font entièrement partie de notre mode de vie contemporain.

Néanmoins, le fait est que leur extraction complexe, leur traitement et la séparation des éléments (pour parvenir à des niveaux de purification élevés) entraînent des conséquences environnementales et sanitaires graves, trop souvent négligées : destruction de la végétation naturelle et des terres agricoles autour des usines, dégradation des sols et de la qualité de l’eau, production de déchets radioactifs; développement de cancers et maladies pulmonaires chez les populations, etc…

A titre d’exemple principal, la ville de Baotou en Chine a été élogieusement baptisée “capitale mondiale des terres rares”; et pour cause, elle assure environ 60% de la production mondiale de terres rares (80% de cette production est assurée et quasi-monopolisée par la Chine). Mais à quel prix ? Les usines de Baotou rejettent en grande quantité des éléments radioactifs et toxiques à l’origine de la décimation des cultures agricoles environnantes et du développement de maladies diverses et variées chez les habitants des villages implantés autour des usines (cancers, ostéoporose, diabète, malformations…). A ce désastre s’ajoutent des conditions de santé et sécurité totalement déplorables pour les travailleurs des usines, qui portent des uniformes brûlés par l’acide, des masques déficients, manient un matériel rudimentaire et écopent de journées de travail interminables pour un salaire de misère.

Lac toxique de Baotou

Lac toxique de Baotou

Etonnamment et paradoxalement, les terres rares sont particulièrement mises à profit dans le domaine des énergies vertes, alors même que leur extraction est polluante et dangereuse…

La récente initiative saluable d’Honda pour supprimer les terres rares de l’un de ses moteurs

Outre l’aspect environnemental, la quasi-dépendance à la Chine concernant l’approvisionnement de ces métaux ainsi que leur coûts élevés sous-jacents posent problème aux industriels. Il est donc plus que nécessaire de trouver des solutions de production sans terres rares, spécifiquement du côté du secteur de l’automobile propre.

Dans ce contexte s’opère une prise de conscience chez certains acteurs (encore trop peu nombreux) de la nécessité de trouver des alternatives à l’emploi de terres rares. C’est le cas chez plusieurs constructeurs (Tesla, Nissan, Renault qui ont respectivement développé des moteurs asynchrones et synchrones à rotors bobinés ou encore Power Japan Plus avec sa batterie électrique fabriquée à partir de coton organique) et notamment Honda. L’entreprise est la dernière en date à avoir réussi à gagner le pari de développer un moteur électrique fonctionnant en l’absence de terres rares lourdes (les plus polluantes à extraire, en particulier le dysprosium).

Fabriqué en association avec le groupe japonais Daido steel et destiné à permettre au monospace hybride Honda Freed de rouler, ce nouveau moteur synchrone à aimants permanents substitue dans ses composants les nanotechnologies aux terres rares. Les nanotechnologies freineront ainsi le réchauffement du moteur, rôle attribué traditionnellement aux terres rares.

Honda Freed, production 2008

En outre, l’absence de terres rares entraînera une réduction des coûts de production (environ 10%), sans pour autant affecter la performance du véhicule. La commercialisation du monospace est prévue à l’automne prochain. 

D’autres mesures prises pour limiter l’impact des terres rares

Si la suppression des terres rares est une solution idéale, ces métaux précieux sont toutefois difficilement remplaçables. Des mesures moins drastiques existent pour tendre vers une autonomie face aux terres rares :

Honda, avant d’envisager la production d’un moteur dépourvu de terres rares, s’est engagé par exemple en faveur d’une économie circulaire en signalant en 2012 sa décision de recycler 80% des terres rares contenus dans ses moteurs hybrides.

Mis à part le recyclage des terres rares, une autre disposition serait d’en modérer la quantité dans les moteurs.  Le chercheur américain Bill McCallum oeuvre notamment à déployer un concept inédit d’aimant à teneur minime en néodyme et disprosium, deux terres rares lourdes.

 

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