En bref:
- Le bonus écologique et le leasing social pour voitures électriques sont désormais financés par les Certificats d’Économie d’Énergie (CEE), transférant la charge des aides des finances publiques aux fournisseurs d’énergie, dont le coût sera répercuté sur la facture des consommateurs.
- Les primes CEE, bien que maintenues voire revalorisées pour certains ménages modestes, peuvent sembler modestes face à la baisse du bonus direct, avec un leasing social relancé à partir de 100 €/mois pour les plus modestes.
- Ce nouveau mode de financement assure la pérennité des aides, mais soulève des enjeux de justice sociale et d’impact sur le pouvoir d’achat, dans un contexte d’évolution tarifaire énergétique à surveiller.
Depuis le 1er juillet 2025, le bonus écologique et le leasing social pour les voitures électriques connaissent une profonde refonte en France. Désormais, c’est le mécanisme des Certificats d’Économie d’Énergie (CEE) qui permet de financer ces deux dispositifs-phare de la transition automobile. Cette évolution, saluée comme une réponse à la réduction des enveloppes budgétaires publiques, soulève de nombreuses questions : en quoi consiste vraiment ce système ? Est-il une solution d’avenir ou bien un transfert de charges, in fine, sur la facture des Français ? Analyse détaillée, chiffres à l’appui, des enjeux, limites et du potentiel réel de ce nouveau financement.
📌 À retenir en bref
- Fin du financement direct par l’État du bonus écologique et du leasing social à partir du 1er juillet 2025 ; relais assuré par les CEE, sous l’impulsion des fournisseurs d’énergie.
- Montants revalorisés en apparence : 4 200 € pour les ménages modestes et intermédiaires, 3 100 € pour les autres, pour l’achat d’une voiture électrique.
- CEE financés par les énergéticiens, mais le coût risque d’être reporté sur la facture d’énergie de tous les Français.
- Leasing social à partir de 100 €/mois relancé dès septembre 2025, réservé aux ménages les plus modestes.
- Des primes complémentaires pour les utilitaires électriques et quadricycles, plus élevées que pour les voitures particulières.
- Système cumulable avec certaines aides locales et le bonus résiduel (sous conditions et selon modèles/constructeurs).
CEE : Le moteur caché de la nouvelle donne automobile
Instaurés en 2005 pour accélérer l’efficacité énergétique française, les Certificats d’Économie d’Énergie imposent aux fournisseurs d’électricité, de gaz ou de carburants la réalisation d’économies d’énergie (soit par leurs propres actions, soit en finançant celles de leurs clients). À défaut, ils s’exposent à de lourdes pénalités. Historiquement dédiés à la rénovation thermique des logements, les CEE s’appliquent depuis début 2025 au secteur automobile, ouvrant la porte à un financement inédit des véhicules électriques et hybrides rechargeables.
Concrètement, comment ça marche ?
- Les énergéticiens achètent des CEE auprès de l’État contre la preuve d’actions d’économies d’énergie (par exemple, un particulier passant à l’électrique).
- Ces CEE financent une partie de l’achat ou de la location de véhicules propres, par l’intermédiaire des constructeurs (Renault, Stellantis, Ford, Volkswagen, Toyota…), généralement sans formalité ajoutée pour le client final.
- Les primes sont versées directement lors de l’acquisition, via les concessionnaires partenaires.
📊 Montants, conditions et véhicules concernés
Catégorie | Prime CEE (minimum) | Prime CEE (maximum) | Cumul possible avec bonus écologique |
---|---|---|---|
Particulier – VP | 310 € à 525 € | 4 200 €/3 100 €* | Oui |
Particulier – VUL | 2 540 € | 4 500 € | Oui |
Quadricycle | 240 € (L6e), 460 € (L7e) | 520 € à 1 090 € (selon constructeur) | Oui |
Entreprise | 380 € à 534 € | 4 515 € | Non (pour VUL, bonus supprimé) |
Leasing social | 7 380 € (plafond, via CEE) | – | Non, non-cumulable |
*4 200 € pour les ménages modestes (déciles 1 à 8 selon composition du foyer), 3 100 € pour les autres. Sources : Arrêté du 27/06/2025, grilles constructeurs.
Conditions principales :
- Véhicule neuf de catégorie M1 (VP), inférieur à 47 000 € et < 2 400 kg.
- Durée de location minimale de 24 mois (achat ou LOA/LLD longue durée).
- Prime attribuée sans condition de ressources (sauf pour la version "coup de pouce" bonus écologique/Leasing social).
- Primes valables jusqu’au 31 décembre 2025, avec livraison avant juin 2026.
📱 Côté constructeur : qui joue le jeu et pour quels modèles ?
À ce jour, la quasi-totalité des marques généralistes (Renault, Dacia, Peugeot, Citroën, Opel, Fiat, Ford, Nissan, Volkswagen, Audi, Skoda, Toyota…) ont adopté le dispositif des CEE.
Chez Renault, la prime atteint 310 € pour une voiture particulière, 2 540 € pour un utilitaire léger, et 460 € pour la Mobilize Duo.
Chez Stellantis, comptez 353 € pour une Peugeot e-208 ou Citroën ë-C3. Ford affiche 367 € sur son nouveau Puma Gen-E.
La prime est même disponible sur certains véhicules non-éligibles au bonus écologique (provenance hors Union Européenne), comme la Dacia Spring.
💡 Conseil d’expert :
Vérifiez que le modèle de votre choix et le concessionnaire sont partenaires CEE. Certains constructeurs n’ont pas encore négocié l’accord avec un énergéticien (cas de BMW, Tesla…). La prime peut alors être indisponible, provisoirement ou de façon durable.
👨⚖️ Qui paie… vraiment le bonus ?
C’est la question centrale de cette mutation.
Jusqu’ici, le bonus écologique était financé par le budget de l’État, avec un plafond (épuisé mi-2025). Désormais, ce sont théoriquement les groupes énergétiques (EDF, Engie, TotalEnergies, Siplec/Leclerc etc.) qui règlent la note par obligation.
Mais rien n’est gratuit : le coût des CEE est in fine “lissé” dans les tarifs de vente d’électricité, gaz, carburant, etc., que ce soit à travers la facture d’un ménage ou le prix payé à la pompe.
🧮 Illustration
Un mégawattheure cumac de CEE coûte aujourd’hui un peu plus de 7 €.
Chaque prime automobile représente de 49 100 à 94 800 kWhc selon le type de véhicule, soit entre 343 et 654 € déboursés par les fournisseurs d’énergie… répercutés sur l’ensemble des clients !
Ainsi, chaque “économie” automobile bénéficie à l’acheteur d’un véhicule électrique, mais est mutualisée par tous les consommateurs d’énergie, automobilistes électrosceptiques compris.
🚦 Atouts, failles et points de vigilance du système CEE
✅ Les points forts
- Un financement “hors budget de l’État” : permet de maintenir le soutien à la filière électrique sans creuser le déficit public.
- Lissage de l’enveloppe : théoriquement, il n’y a plus de plafonnement annuel ni d’arrêt imprévu du bonus au fil de l’année.
- Extension à de nouveaux bénéficiaires : les pros (flottes, collectivités, artisans…) longtemps privés d’aides pour les véhicules utilitaires.
- Simplification pour l’acheteur : la prime CEE est généralement déduite chez le concessionnaire, sans démarche fastidieuse.
⚠️ Les limites et risques de dérive
- Coût social invisible : la note est mutualisée sur toutes les factures énergétiques, un point particulièrement sensible alors qu’une part des ménages peine à régler leurs charges d’énergie.
- Montants en trompe-l’œil pour les particuliers : la prime de 310 à 353 € sur une voiture électrique reste symbolique, loin de compenser la baisse du bonus écologique (parfois -2 000 € par rapport à 2024).
- Incitation possible à la hausse globale du prix des énergies : une aide plus généreuse… mais un risque de hausses indirectes de la facture annuelle pour tous.
- Effet d’aubaine pour les ménages déjà décidés à passer à l’électrique, et risque d’inefficacité si les marques n’adaptent pas leurs tarifs.
📢 Citation à méditer
“Ce bonus sera non seulement maintenu, mais revalorisé à partir du 1er juillet grâce aux certificats d’économies d’énergie. Une mesure gagnante, pour le climat comme pour les ménages”
Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, 27 juin 2025
🚗 Focus spécial : retour du leasing social, mode d’emploi
La location “à prix cassé” d’une voiture électrique fait son retour en septembre 2025, exclusivement pour les ménages à revenus modestes.
Conditions clés :
- RFR par part < 15 400 €
- Usage > 8 000 km/an, domicile-travail > 15 km
- Loyer de 100 à 150 €/mois (hors assurance), contrat sur 3 ans minimum
- Non cumulable avec d’autres aides d’État sur le même véhicule
Montant de l’aide via CEE : jusqu’à 7 380 € par véhicule, budget global limité à 369 millions € pour 2025.
À terme, le volume global de CEE alloué au dispositif ne devra pas dépasser 41 TWh cumac pour la période 2025–2030.
ℹ️ Bon à savoir
- Les CEE restent cumulables avec le bonus écologique “nouvelle mouture”, sous réserve d’éligibilité.
- Les véhicules éligibles sont les M1 (voitures particulières) et N1 (utilitaires légers), plafonnés à 47 000 € et 2 400 kg pour les bonus particuliers.
- La durée minimale de location/l’achat doit dépasser 24 mois pour enclencher la prime CEE.
- Les quadricycles électriques sont éligibles (sous conditions, barèmes spécifiques).
💡 Conseil d’expert : comment en profiter ?
- Se renseigner sur les offres CEE auprès de son concessionnaire : la prise en charge des démarches par les constructeurs simplifie très largement la procédure.
- Comparer les barèmes selon l’enseigne et le type de véhicule.
- Bien vérifier l’éligibilité de son véhicule (origine, prix catalogue, réseau de distribution).
- Anticiper une éventuelle hausse de facture énergétique : si vous êtes un “gros consommateur” d’électricité ou de carburant, surveillez l’évolution des tarifs.
Si le mécanisme des CEE assure la survie du bonus écologique et du leasing social en 2025, il ouvre surtout une nouvelle ère où la solidarité énergétique vient financer la mobilité de demain – au bénéfice des uns, mais au coût partagé de tous. À suivre dans les prochains mois, l’équilibre entre efficacité environnementale, justice sociale… et protection du pouvoir d’achat.