Trump relance le tout-pétrole : la stratégie américaine qui inquiète l’industrie automobile européenne

En bref:

  • Sous la présidence Trump en 2025, les États-Unis assouplissent fortement leurs normes environnementales, éliminent les incitations à l’électromobilité et instaurent des droits de douane sur les véhicules européens, favorisant un retour des moteurs thermiques.
  • Cette stratégie crée une distorsion de concurrence importante, fragilise les investissements européens dans la voiture électrique, et suscite des tensions commerciales et réglementaires entre Europe et États-Unis.
  • L’Europe doit rester vigilante face à ce découplage réglementaire, qui menace son leadership technologique et climatique dans la transition automobile.

À l’heure où la transition énergétique s’impose comme une nécessité mondiale, le récent virage pro-pétrole de l’administration Trump, marqué par un assouplissement massif des standards anti-pollution aux États-Unis, trouble profondément les équilibres du secteur automobile global. Analyse d’un séisme réglementaire et commercial dont les ondes de choc risquent de freiner, voire de faire dérailler, les efforts de l’Europe pour électrifier son parc automobile.

Un retour en arrière réglementaire historique aux États-Unis

L’annonce début juillet 2025, côté américain, de la volonté de l’EPA (Environmental Protection Agency) de révoquer le « endangerment finding » de 2009 – pilier permettant de limiter les émissions de CO₂ des véhicules et des centrales électriques – s’inscrit dans une stratégie globale de démantèlement de la régulation environnementale. Objectif affiché : réduire la pression sur les constructeurs et relancer la domination des modèles thermiques.

Parmi les mesures phares prises ou annoncées :

  • Suppression du bonus fiscal à l’achat de véhicules électriques (jusqu’à 7 500 $), véritable moteur de la croissance du marché outre-Atlantique.
  • Annulation des amendes pour non-respect des normes de consommation et d’émissions, qui avaient coûté des centaines de millions de dollars à Stellantis ou GM ces dernières années.
  • Démantèlement du système de crédits d’émission, privant des entreprises comme Tesla ou Rivian d’un marché secondaire qui leur rapportait annuellement des milliards de dollars.
  • Blocage de l’interdiction californienne de vente de véhicules thermiques neufs à l’horizon 2035.

À retenir :
Sous la présidence Trump, l’essentiel des outils incitatifs et coercitifs en faveur de l’électromobilité américaine est neutralisé ou supprimé.

Vers une régulation à deux vitesses : la tentation du statu quo thermique

Le contraste est saisissant avec le cap suivi ces dernières années par l’administration Biden, qui avait poussé les constructeurs à viser 56 % de ventes électriques dès 2032 (vs. 8 % aujourd’hui), et à atteindre une moyenne de 50 miles par gallon pour les véhicules légers dès 2031. Désormais, l’industrie américaine retrouve une marge de manœuvre quasi illimitée pour favoriser le maintien, voire l’essor, d’une offre thermique « bon marché » – dans un marché où la rentabilité des électriques reste fragile.

Conséquence immédiate :
Les constructeurs, soulagés du poids réglementaire, n’ont plus aucune obligation économique ni légale d’accélérer la conversion de leur gamme. Plusieurs analystes s’attendent à un ralentissement, sinon un gel, des investissements dans le tout-électrique aux États-Unis sur les prochaines années.

Impact direct pour l’Europe : concurrence faussée et incertitudes stratégiques

L’Europe elle-même, championne autoproclamée de la voiture zéro émission, fait désormais face à trois périls majeurs :

1. Risques de distorsion de concurrence

Contrairement aux États-Unis, l’Union européenne maintient des objectifs stricts pour l’industrie :

  • Zéro émission de CO₂ à l’échappement pour les voitures neuves à partir de 2035.
  • Trajectoire intermédiaire avec -90 % d’émissions en 2040 et des phases de réduction dès 2027.

Or, en l’absence de convergence réglementaire, les constructeurs américains pourraient écouler plus facilement des modèles thermiques à bas coûts sur leur marché domestique, protégeant ainsi leurs marges, tandis que les groupes européens supportent seuls le coût des adaptations technologiques.
C’est la crainte de voir la compétitivité de l’industrie européenne subir un « choc de distorsion » sans précédent.

2. Viabilité des investissements dans l’électrique remise en question

Face à un marché américain pro-pétrole et un ralentissement de la demande mondiale d’électriques, les groupes européens pourraient être tentés de réévaluer, retarder ou revoir à la baisse leurs investissements dans la transition énergétique. Or, ces efforts financiers sont colossaux et nécessitent une visibilité internationale stable à long terme.

📢 « Sans incitations fortes et marché mondial aligné, la rentabilité des plateformes électriques européennes devient incertaine, et l’avance technique sur les batteries ou les logiciels automobiles risque d’être compromise. »
— Un analyste du secteur automobile interrogé cet été

3. Augmentation de la pression sur les normes et échanges mondiaux

L’ajout, annoncé le 1er août 2025, de droits de douane américains de 30 % sur les produits européens – dont les véhicules – créé un effet de ciseaux redoutable. Il pourrait inciter certains groupes européens à localiser une partie de leur production aux États-Unis ou, à l’inverse, à réorienter leur stratégie export vers d’autres marchés très prescrits (Chine, Moyen-Orient).

ℹ️ Note Importante :
L’Union européenne, bien que résolue à poursuivre ses objectifs climatiques, a déjà accordé plusieurs assouplissements transitoires à l’industrie, sous l’intense lobbying des constructeurs. Entre autres, une moyenne d’émissions calculée sur trois ans (2025-2027) au lieu d’annuelle, et un report progressif de certaines obligations.
Ce signal évoque la difficulté réelle de tenir la trajectoire fixée, dans un contexte de compétition mondiale exacerbée.

Tableau synthétique : États-Unis vs. Europe – Règles, incitations et perspectives

CritèreÉtats-Unis (Trump 2025)Union européenne (2025)
Règles d’émissions CO₂Assouplies, endangerment finding supprimé, fin de l’obligation de réduction-100% en 2035, phase intermédiaire -90% en 2040
Incitations à l’électriqueCrédits d’impôts supprimés, plus de pénalités pour excès d’émissionBonus à l’achat variable selon États membres
Pénalités pour dépassementAnnulées rétroactivementMenacées d’assouplissement, mais toujours en vigueur
Tarifs douaniers+30% contre l’UE (véhicules inclus)Possibles mesures de rétorsion à l’étude
Lobbying industrielFavorable au statu quo, peu de contraintes nouvellesLobbying intense pour un assouplissement partiel
Objectif affichéRelancer la compétitivité interne, protéger l’industrie existanteMaintenir leadership mondial sur les technologies propres

🚦 Ce qu’il faut surveiller pour la suite

  • Réactions européennes : Application ou non de mesures de rétorsion à l’égard des véhicules américains ? Nouveaux ajustements réglementaires à l’horizon 2030 ?
  • Stratégies industrielles : Risque de retard dans le développement ou l’industrialisation des plateformes électriques, transferts d’investissements hors d’Europe.
  • Conséquences environnementales : Éventuel ralentissement de la décarbonisation du secteur transport à l’échelle mondiale, avec un retour en force des moteurs thermiques sur certains marchés.

💡 Conseil d’expert
L’Europe doit rester vigilante, car un découplage réglementaire prolongé menacerait son avance technologique et environnementale, ainsi que la cohérence de ses politiques industrielles face à une Amérique « libérée » des contraintes climatiques.

Face à ce nouveau contexte, constructeurs, investisseurs et décideurs européens se retrouvent devant un défi majeur : réaffirmer leur cap, innover et accélérer, ou subir un ralentissement imposé par un grand marché rival. Une bataille qui s’annonce décisive pour l’avenir de l’automobile et de la transition énergétique.

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