Hybrides qui déçoivent, Norvège qui coupe: la fin de la transition « facile » pour l’automobile européenne

En bref:

  • Analyse OBFCM/T&E : les PHEV émettent en réalité ~5× les valeurs WLTP (≈135–139 g CO2/km) avec ~27 % de kilomètres électriques — ils ne décarbonent que si rechargés quasi-quotidiennement ; l’UE va durcir les facteurs d’utilisation.
  • La Norvège supprime progressivement l’exonération de TVA (2026–2027), faisant monter le prix des VE et mettant fin aux aides permanentes — message pour la France : cibler les aides sur BEV abordables et la recharge, et conditionner tout soutien aux PHEV à la preuve d’un usage branché.

L’automobile européenne vient de recevoir un double électrochoc. D’un côté, une vaste analyse européenne remet sévèrement en cause l’efficacité réelle des hybrides rechargeables. De l’autre, la Norvège — marché pionnier et laboratoire du 100 % électrique — programme la fin de son exemption de TVA sur les VE. Deux signaux convergents qui marquent la fin des « béquilles » technologiques et fiscales de la transition.

Que reste-t-il quand la pédagogie des données se heurte aux habitudes de conduite, et quand les subventions s’effacent sur un marché jugé mature ? Décryptage et conséquences concrètes pour la France.

Le premier signal: les hybrides rechargeables, une promesse qui se fissure

Selon Transport & Environment (T&E), sur la base de données officielles collectées par l’Agence européenne de l’environnement (compteurs OBFCM, plus de 800 000 PHEV immatriculés 2021–2023), l’écart entre laboratoire et route s’est transformé en gouffre.

  • Emissions réelles ≈ 5 fois supérieures aux valeurs WLTP en 2023
  • Emissions moyennes en usage réel ≈ 135–139 g CO2/km (vs ~28 g/km en fiche WLTP)
  • Avantage CO2 réel vs thermique: seulement ~19 % (vs ~75 % promis)
  • Consommation réelle moyenne: ~5,9 L/100 km (vs ~1,5 L/100 km annoncés)
  • Surcoût d’usage: ≈ +500 € par an de carburant, en moyenne

Pourquoi un tel écart ? Deux raisons structurantes ressortent des données:

  • Un usage électrique largement surestimé dans la méthode WLTP. Le « facteur d’utilisation » (part des kilomètres effectués en électrique) tourne autour de 27 % en pratique, contre ~80 % postulés à l’homologation.
  • Une architecture et des calibrations qui sollicitent souvent le thermique. Même en « mode électrique », le moteur essence s’enclenche environ un tiers des distances (côtes, relances, vitesses soutenues), d’où ~3 L/100 et ≈ 68 g CO2/km… en théorie zéro-émission.

📌 À retenir

  • Le PHEV n’est pas une solution climatique par défaut: il le devient uniquement si l’on recharge très régulièrement et que la majorité des trajets quotidiens reste courte et urbaine.
  • Plus les batteries grossissent sans recharge fréquente, plus l’effet poids pénalise en thermique.
  • La Commission européenne abaissera le « facteur d’utilisation » en 2025 puis 2027/28: les CO2 officiels des PHEV remonteront et leurs avantages réglementaires diminueront.

Le second signal: la Norvège éteint (progressivement) la pompe à aides

Championne mondiale du VE, la Norvège enclenche la sortie des exonérations majeures:

  • 2026: seuil d’exemption de TVA ramené de 500 000 à 300 000 NOK (~42 500 € → ~25 500 €)
  • 2027: suppression totale de l’exemption de TVA (25 %) sur le prix d’achat des VE neufs
  • Hausse parallèle de la taxe d’immatriculation des thermiques (+20 000 à +30 000 NOK) pour maintenir un différentiel en faveur des zéro-émission
  • Contexte: 95 % de parts de marché VE sur 2025 (98,3 % en septembre), « objectif 2025 pratiquement atteint » selon le ministre des Finances

Effet attendu: une hausse sensible des prix des VE (jusqu’à +25 % sur le ticket TTC en 2027), critiquée par l’Association norvégienne des VE, mais justifiée budgétairement (coût annuel de l’exonération: ~17,5 Md NOK, ≈ 1,5 Md €) et politiquement au nom d’un marché désormais mûr.

ℹ️ Info Box — Ce que change la fin de l’exemption de TVA en Norvège

  • 2026: de nombreux modèles « cœur de marché » basculent partiellement à 25 % de TVA
  • 2027: 25 % de TVA appliqués à tous les VE neufs
  • Les thermiques restent plus taxés à l’achat, maintenant l’avantage comparatif du VE — mais la « fête » fiscale est bel et bien terminée

Un même message, deux faces: la transition n’avance plus « à crédit »

  • Côté produit, l’hybride rechargeable perd sa rente « statistique ». Mesuré par l’usage réel (OBFCM), il n’est un levier climat que sous conditions strictes d’exploitation.
  • Côté politique publique, le marché VE le plus avancé d’Europe s’affranchit de l’hyper-incitation. La subvention permanente cède la place à une fiscalité plus neutre, une fois la bascule acquise.

Cette double alerte clôt l’ère de la transition « facile »: celle où l’on cumulait promesses WLTP optimistes, bonus généreux et objectifs reportés. À l’avenir, l’Europe arbitrera plus sur la réalité d’usage que sur l’intention, et sur des incitations mieux ciblées que « massives ».

Conséquences pour la France: cap sur le réel, pas sur l’alibi

La France n’est pas la Norvège. Son marché VE est moins avancé, son réseau de recharge progresse mais n’est pas encore homogène, et ses ménages sont plus sensibles au prix d’achat. Pour autant, les signaux norvégiens et les données OBFCM appellent des inflexions claires.

  • Règlementaire

    • Révision des facteurs d’utilisation WLTP: les CO2 officiels des PHEV remonteront mécaniquement en 2025 puis 2027/28.
    • Flottes: ne plus « compter » les PHEV par défaut dans les cibles de verdissement, sauf usage tracé et rechargé (télémétrie à l’appui).
    • Zones à faibles émissions (ZFE): clarifier le statut des PHEV à horizon 2030 si l’objectif est la conduite réellement zéro-émission en ville.
  • Fiscalité et aides

    • Cibler les incitations sur l’accès au VE abordable (segments B/C), la recharge à domicile et au travail, et le réseau rapide interurbain.
    • Conditionner toute éventuelle incitation PHEV à la preuve d’un usage branché (par ex. taux de kilomètres en électrique via OBFCM), sinon s’abstenir.
  • Industriel et social

    • Anticiper la dépréciation des PHEV en occasion si leur statut réglementaire se durcit: risque de valeurs résiduelles en baisse pour les loueurs et flottes.
    • Accélérer la montée en cadence des BEV compacts fabriqués en Europe, en coûts et en prix cibles réalistes, pour sécuriser l’emploi et l’acceptabilité.

📌 À retenir (France)

  • PHEV: part de marché ~6 % en 2025, essentiellement flottes. Leur TCO se dégrade si l’usage électrique n’est pas au rendez-vous.
  • BEV: l’enjeu n’est plus de « subventionner tout », mais de rendre accessible le bon produit, bien rechargé, au bon prix — et partout.

PHEV: quelle place utile… et à quelles conditions ?

  • Pertinence ciblée

    • Conducteurs rechargeant tous les jours (maison/entreprise)
    • Trajets majoritairement < 40–60 km en ville/périurbain
    • Besoins occasionnels de longue distance, remorquage ou zones blanches de recharge
  • Conditions minimales de réussite

    • Recharge quotidienne planifiée, contrat d’énergie adapté
    • Mode « Éco » par défaut, anticipation des relances (réduire les appels de puissance du thermique)
    • Choix de modèles où le moteur électrique tient la charge en côte/voie rapide, et pas seulement « sur le papier »

💡 Conseil d’expert
Avant d’opter pour un PHEV, observez vos 90 derniers jours de trajets (téléphone/boîte télématique): si >70 % de vos parcours quotidiens excèdent l’autonomie électrique, ou si vous ne pouvez pas brancher quasi-quotidiennement, un hybride simple efficient ou un bon diesel moderne peut — oui — émettre moins en pratique. À l’inverse, si vous rechargez chaque soir et roulez surtout court, un BEV compact sera plus cohérent… et plus économique.

Ce que les constructeurs vont devoir corriger

  • Allègement et efficience réelle plutôt que « grosses batteries » peu utilisées
  • Chaînes de traction où l’électrique assure seul des phases soutenues (côtes, 110–120 km/h stabilisés)
  • Transparence d’usage: afficher dans l’ordinateur de bord la part électrique réelle, les litres économisés et un coach de recharge

L’Europe en toile de fond: après l’ère des « bonus », l’ère des preuves

  • L’Allemagne et la Suède ont déjà testé l’arrêt brutal des aides: ventes VE en chute à court terme, puis stabilisation.
  • La Norvège, elle, coupe parce que la bascule est faite (95–98 % de parts VE). Le message pour l’UE: soutenir l’accès et l’infrastructure tant que nécessaire, mais ancrer l’évaluation sur les kilomètres vraiment zéro-émission.

Au bout du compte, la transition avance quand les chiffres réels remplacent les promesses et que la fiscalité s’aligne sur l’impact. Les hybrides rechargeables n’en sortent pas disqualifiés par principe, mais sommés de prouver — véhicule par véhicule, usage par usage — qu’ils décarbonent vraiment. Quant aux aides, la Norvège rappelle qu’elles ne sont pas un viager: elles s’éteignent quand l’objectif est atteint.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *