En bref:
- Mitsubishi abandonne la production en Chine face à la montée en puissance des constructeurs locaux de véhicules électriques, illustrant la domination croissante du marché chinois.
- Les innovations rapides, la maîtrise des coûts et l’adaptation aux usages locaux des marques chinoises posent un défi majeur aux constructeurs étrangers, notamment européens.
- Pour rester compétitifs, les industriels européens doivent accélérer leur innovation, internaliser leurs chaînes de valeur et repenser leur offre face à l’arrivée massive des marques chinoises en Europe.
La nouvelle a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans l’écosystème automobile mondial : Mitsubishi Motors tire un trait définitif sur sa production en Chine. Derrière un retrait industriel qui pourrait sembler anecdotique pour certains se cache en réalité un bouleversement stratégique majeur—et un avertissement retentissant pour les constructeurs européens face à la montée en puissance des acteurs chinois du véhicule électrique.
Mitsubishi en Chine : ascension fulgurante, déclin brutal
Pour qui suit l’automobile avec attention, la trajectoire de Mitsubishi en Chine est instructive. L’aventure avait bien commencé : en 2012, la joint-venture GAC Mitsubishi est lancée, portée par le succès de l’Outlander SUV. Le pic n’est pas si lointain : 144 000 unités vendues en 2018. Mais la suite est tout autre. À peine cinq ans plus tard, en 2022, les ventes dégringolent à 33 600 exemplaires*—malmenées par des concurrents locaux capables de proposer des VE plus avancés et abordables.
📉 À retenir
- De 144 000 à 33 600 véhicules vendus en quatre ans : la dégringolade est spectaculaire.
- En mars 2023, la JV affiche une perte nette de près de 1,4 milliard de yuans (env. 196 millions $).
Cette descente aux enfers s’est soldée par l’arrêt de la production locale et la reprise des installations par GAC, désormais recentrées sur la marque électrique maison, Aion.
Un marché chinois désormais imprenable pour les étrangers ?
La débâcle de Mitsubishi n’est pas un épiphénomène. Elle s’inscrit dans une tendance profonde de l’industrie automobile en Chine, aujourd’hui indéniablement dominée par ses propres champions du VE.
Qui règne désormais sur l’empire du Milieu ?
- BYD : leader tout puissant, environ 25-26% de parts de marché, devant Geely, Wuling, et d’autres étoiles montantes comme Xpeng, Leapmotor, NIO ou encore la jeune marque Xiaomi.
- Tesla : toujours présent, mais soumis à une concurrence locale redoutable qui grappille ses parts de marché.
- Les "legacy brands" étrangères : en perte de vitesse, à l’exception notable de quelques rares alliances tactiques ou produits très spécifiques.
Un chiffre, encore, pour mesurer l’ampleur du phénomène : en 2024, près d’une voiture neuve sur deux immatriculée en Chine est électrique—et majoritairement chinoise.
Pourquoi les constructeurs étrangers échouent-ils en Chine ?
1. Innovation à un rythme effréné
Les marques locales lancent des modèles inédits à cadence industrielle, multiplient les innovations logicielles (IA, connectivité, assistants vocaux natifs) et proposent déjà des VE à autonomie respectable pour un tarif imbattable.
2. Structures de coûts et supply chain avantageuses
Les filières batteries, semi-conducteurs, plateformes—tout est intégré localement, massivement subventionné et optimisé à l’échelle nationale.
3. Approche centrée sur les usages
L’offre chinoise est ultra-ajustée aux préférences du consommateur local : habitacles connectés, recharge rapide, simplicité d’usage.
📢 Citations d’analystes
"La Chine est désormais un champ de bataille pour l’innovation électrique, où seuls les plus rapides survivent."
Les grandes leçons pour l’Europe… et leurs constructeurs
Ce séisme industriel chinois agit comme un miroir grossissant pour Renault, Stellantis et leurs homologues européens. Car la vague VE chinoise commence à déferler sur le Vieux Continent. Nul doute que l’épisode Mitsubishi sera analysé de près à Boulogne-Billancourt comme à Turin.
🚦 Quels risques pour Renault, Stellantis et consorts ?
- Arrivée massive des marques chinoises en Europe : Aion chez GAC, BYD, MG (SAIC), Nio ou même Zeekr s’installent dans les concessions.
- Concurrence sur le cœur de gamme : là où les constructeurs généralistes européens ont historiquement régné.
- Défi de compétitivité : sur l’innovation, la connectivité et surtout… les prix.
🎯 Adaptation indispensable
Les constructeurs européens n’auront d’autre choix que :
- Raccourcir leur cycle d’innovation
- Internaliser davantage la chaîne de valeur des batteries
- Repenser leur offre pour l’adapter au client européen ET aux standards d’usage chinois de plus en plus universels
Mitsubishi, vers l’Asie du Sud-Est… et l’après-VE pur ?
Si Mitsubishi abandonne la Chine, ce n’est pas pour se retirer du jeu mondial. La marque redirige ses investissements vers l’Asie du Sud-Est (ASEAN), misant sur l’hybride (Xforce HEV au départ de la Thaïlande, Xpander hybride, etc.) et prépare à moyen terme l’arrivée de voitures 100% électriques via des partenariats stratégiques… mais sans se précipiter.
ℹ️ À noter
Mitsubishi anticipe la montée progressive de l’électrique dans des régions où l’infrastructure et le pouvoir d’achat demandent encore un mix hybride, avant un passage plus large au BEV.
Le retrait de Mitsubishi symbolise une réalité implacable : la suprématie chinoise sur le marché du véhicule électrique est désormais un fait. Pour les constructeurs européens, le temps n’est plus aux tergiversations face à la révolution industrielle chinoise—il s’agit désormais d’accélérer, s’adapter… ou risquer le même sort.