Double fracture sur le marché automobile européen : l’essor hybride face au désamour des particuliers pour l’électrique

En bref:

  • Le marché automobile européen recule globalement en 2025, mais les véhicules hybrides continuent de croître, représentant près d’un tiers des ventes, tandis que l’électrique pur progresse modérément surtout grâce aux flottes d’entreprise.
  • Les particuliers freinent sur le tout-électrique en raison des coûts, des infrastructures insuffisantes et des incertitudes, privilégiant hybrides et essence.
  • La transition énergétique reste complexe et inégale, nécessitant des véhicules électriques plus abordables, une meilleure infrastructure et un accompagnement durable pour convaincre les particuliers.

Le marché automobile européen traverse une zone de turbulences : recul global des ventes, transition énergétique à multiples vitesses… et surtout, une fracture qui s’accentue entre la dynamique des hybrides, la stagnation du 100% électrique chez les particuliers, et l’électrification forcée du côté des flottes d’entreprises. Décryptage d’une tendance de fond qui bouscule les ambitions climatiques et met à l’épreuve la stratégie de constructeurs comme de pouvoirs publics.

📊 Les chiffres clés : un marché en repli, l’hybride en pleine forme

Alors que le marché européen des voitures neuves a chuté de 7,3 % en juin 2025 (-1,9 % au premier semestre), ce sont les motorisations traditionnelles qui paient le plus lourd tribut :

  • Essence : -21,2 % sur six mois
  • Diesel : -28,2 %
  • Hybrides toutes catégories : +17,1 % (34,8 % du marché européen)
  • Électriques 100 % : +22 % de progression… mais seulement 15,6 % du marché

À noter : les hybrides rechargeables progressent aussi de 19,5 % et représentent désormais 8,4 % des ventes (portés par des incitations fiscales, surtout côté entreprises).

📌 À retenir :

Les hybrides absorbent en 2025 le recul du thermique et séduisent un tiers du marché, tandis que l’électrique pur marque une poussée contenue, bien loin des envolées prévues les années précédentes.


Entreprises vs. particuliers : la fracture s’élargit

⚡ La dynamique électrique reste… institutionnelle !

Dans plusieurs pays européens, et particulièrement en France et en Belgique, la poussée des immatriculations de véhicules électriques est largement portée par les flottes d’entreprise :

  • En Belgique au 1er semestre 2025, 87,7 % des nouvelles électriques sont immatriculées par des professionnels.
  • Au sein des entreprises européennes, la fiscalité avantage très largement le passage au tout-électrique : abattement maximal sur les avantages en nature, exonérations sur les taxes de circulation, subventions pour l’installation de bornes de recharge.

🚦 Des particuliers qui freinent

Chez les particuliers, l’enthousiasme pour la voiture électrique se tarit :

  • En France, la part des électriques neuves chute à 24,4 % au T1 2025 contre 30,1 % fin 2024.
  • Les coûts d’achat élevés, l’accès parfois limité à la recharge privée et le doute sur la valeur à long terme des modèles expliquent cette défiance croissante.
  • Résultat : l’essence reste plébiscitée par plus de 60 % des particuliers, tandis que les hybrides « classiques » engrangent 70 % de leur volume grâce à cette clientèle.

🔍 Pourquoi ce déséquilibre ? Analyse des ressorts de la double fracture

1. Fiscalité et incitations : deux mondes parallèles

  • Professionnels :
    • Incitations maximisées sur l’électrique (AEN, taxes, infrastructure subventionnée)
    • Fin des avantages hybrides → orientation contrainte vers le 100 % électrique
  • Particuliers :
    • Primes à l’achat maintenues sur l’électrique, mais nettement insuffisantes pour combler l’écart de prix.
    • Hybride devenu le refuge, car il reste plus abordable et rassurant à l’usage.

📌 Bon à savoir :

Le leasing reste la formule dominante chez les particuliers (57 % des ventes), permettant un moindre engagement, mais sans supprimer la crainte du « grand saut » technologique.

2. Offre, gamme, infrastructures : des réponses inabouties

  • Pénurie de modèles électriques réellement abordables, surtout sur le segment citadine/familiale, fragilise la démocratisation du VE.
  • L’infrastructure de recharge progresse vite pour les entreprises (grâce aux subventions), bien plus lentement dans l’habitat collectif et les zones rurales.
  • Hybrides multiformes : mild hybrid d’entrée de gamme, full hybrid très populaires chez Toyota, PHEV séduisant les cadres urbains.

Table ronde des constructeurs : quelle stratégie pour dompter le marché ?

ConstructeurStratégie HybrideStratégie Électrique
ToyotaGamme hybride historique, leadersAccélération prévue, mais progressive
VolkswagenInvestissements dans les PHEVOffensive électrique, ajustement de gamme en cours
StellantisRenewal de gamme (difficultés sur Fiat/Citroën)Limite la casse sur l’électrique avec Peugeot/Opel/DS
BMWFocus hybride rechargeable & luxePositionnement premium, VE haut de gamme
RenaultRésiste, recentre l’offre sur le cœur de gammePrudent sur les volumes, adapté au ralentissement particulier

💡 Conseil d’expert : la double transition, un défi à piloter avec réalisme

La transition énergétique du secteur automobile n’est ni linéaire, ni homogène.
Il est illusoire, à court terme, d’opposer véhicules hybrides et électriques purs : les deux répondent à des réalités d’usage, de fiscalité et d’accès à la mobilité radicalement différentes entre un public professionnel « assisté » et un particulier exposé de plein fouet aux incertitudes économiques.

Accélérer la bascule du côté particulier ne passera ni par la seule réglementation, ni par des primes éphémères. Il faudra des VE abordables, une infrastructure accessible et un accompagnement fiable dans la durée.


Les prochains mois seront décisifs pour l’équilibre du marché : entre constructeurs en phase d’ajustement stratégique et Etats sommés de clarifier leur vision de la mobilité bas-carbone, l’automobiliste européen, lui, attend des réponses concrètes.

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