Fin des aides américaines aux voitures électriques : la fenêtre stratégique qui s’ouvre pour les constructeurs français

En bref:

  • Les États-Unis suppriment au 30 septembre 2025 leur crédit d’impôt fédéral de 7 500 $ pour les véhicules électriques, fragilisant Tesla et les constructeurs européens sur le marché américain.
  • En Europe, malgré la baisse en France, la dynamique VE reste solide, offrant aux groupes français une opportunité de renforcer leur position face à la concurrence chinoise et américaine affaiblie.
  • Ce contexte géopolitique incite les constructeurs français à se concentrer sur l’innovation, la différenciation et l’ancrage européen pour saisir une fenêtre stratégique favorable.

L’onde de choc n’a pas fini de parcourir l’industrie automobile mondiale. Avec la promulgation du « Big Beautiful Bill Act » par Donald Trump début juillet 2025, la page du crédit d’impôt fédéral de 7 500 dollars pour l’achat d’un véhicule électrique aux États-Unis sera définitivement tournée au 30 septembre prochain. Sur fond de difficultés pour Tesla et envolées contrariées des marques chinoises en Europe, le nouvel équilibre géopolitique et industriel questionne : cette inflexion historique sera-t-elle, contre toute attente, une opportunité de rebond pour les constructeurs français et européens ?


🔍 Fin du soutien fédéral aux VE : un tournant pour l’industrie

La fin annoncée du crédit d’impôt américain, pilier structurant du décollage du marché des véhicules électriques (VE) outre-Atlantique, n’est pas anodine. Introduit pour stimuler l’innovation et l’adoption, cet avantage fiscal avait, ces deux dernières années, été réservé à une poignée de modèles assemblés en Amérique du Nord, déjà limitant les ambitions d’exportation.

Or, à l’issue de septembre 2025, plus rien : ni pour l’achat, ni pour la location. Les incentives pour l’installation de bornes privées disparaîtront dans la foulée à l’été 2026. Cette décision va bien au-delà d’une logique budgétaire : elle marque un tournant idéologique sur la place de l’État dans la transition énergétique et la décarbonation de l’automobile américaine.

À retenir

  • Les Etats-Unis verront le crédit d’impôt de 7 500 $ disparaître le 30 septembre 2025
  • Les modèles importés d’Europe ou de Chine, déjà peu éligibles, sont désormais privés de toute incitation
  • Les ventes pourraient subir une forte accélération d’ici l’échéance, avant un trou d’air annoncé

📉 États-Unis : une fin d’ères pour les VE… et une fenêtre pour le thermique ?

Pour les consommateurs américains, la disparition du bonus changera radicalement la donne. Les premiers effets se font déjà sentir : dealers et constructeurs accélèrent la cadence, cherchant à écouler les stocks avant la date fatidique. Passée l’échéance, nombre d’analystes prévoient un ralentissement marqué, voire un gel des ventes de VE, les modèles thermiques redevenant plus compétitifs, surtout soutenus par la nouvelle possibilité de déduction des intérêts d’emprunt pour les véhicules produits aux USA.

Cette bascule pourrait surtout fragiliser l’avance prise par Tesla, mais aussi pénaliser les ambitions (déjà limitées) des constructeurs européens sur le sol américain. La conquête des États-Unis par les groupes français, qui représentaient moins de 1% du marché du VE local, apparaît ainsi compromise, du moins à court terme.


🌏 Marché mondial : redistribution des cartes sous tensions

En parallèle, Tesla et les constructeurs chinois connaissent une zone de turbulences majeure en Europe :

  • Tesla : si la Model Y reste solide en France, le constructeur subit une baisse des ventes spectaculaire sur le Vieux Continent, avec près de -50% ce printemps. Les marges sous pression et la surmédiatisation du controversé Elon Musk viennent s’ajouter à la perte du leadership.
  • Marques chinoises : la guerre des prix menée en Chine a affaibli la rentabilité des grands acteurs comme BYD ou Xpeng. Leur offensive européenne se heurte à une double barrière : commerciale (essor timide en Europe malgré des modèles compétitifs) et réglementaire (droits de douane EU allant jusqu’à 38%, 100% aux USA).

Le saviez-vous ?
Malgré la crainte d’une déferlante, aucune marque 100% chinoise n’a intégré le top 20 des ventes de VE en France au premier semestre 2025 (hors Dacia Spring, d’origine européenne). L’essentiel des volumes reste aux mains de constructeurs européens.


🇪🇺 Un rebond européen… et une opportunité à saisir pour les Français

Ce contexte géopolitique et commercial ouvre, pour l’industrie européenne, une fenêtre singulière :

  • En Europe, la dynamique du marché VE reste bonne sur la plupart des grands pays (progression de +25% en mai 2025 vs 2024), à l’exception notable de la France, en léger recul. Volkswagen caracole en tête, alors que Renault, Stellantis et d’autres généralistes voient leur offensive récompensée par une place renforcée dans les ventes.
  • Pour Renault, la R5 E-Tech confirme son démarrage prometteur ; la R4 E-Tech et la future Twingo pourraient amplifier le mouvement, soutenues par une offre « Made in Europe » répondant aux nouveaux critères d’éco-bonus français.
  • Chez Stellantis, la Citroën ë-C3 à moins de 20 000 € et la Fiat Grande Panda affrontent désormais moins de concurrence directe des modèles chinois low-cost, frappés par les nouvelles taxes.
  • Dans le premium, BMW et Mercedes accélèrent avec leurs nouvelles gammes électriques, tandis que les délais de livraison s’allongent pour certains modèles, témoignant d’une demande soutenue.

📊 Part de marché des VE en Europe (S1 2025)

PaysProgression ventes VE (vs. S1 2024)Part de marché VE
Allemagne+43%18,4%
Royaume-Uni+32%17,6%
Espagne+72%10,2%
Italie+58%9,9%
France-6,4%16,9%

📌 Les nouveaux équilibres : quels enjeux pour l’industrie française ?

Les géants français ne doivent pas sous-estimer la complexité de la période qui s’ouvre. Si la fragmentation des aides et l’incertitude réglementaire mettent à mal la visibilité des investissements à l’export, elles offrent cependant une opportunité claire de se recentrer sur l’Europe, et éventuellement sur les marchés émergents hors Amérique du Nord, moins hostiles.

À surveiller :

  • Pérennité des bonus écologiques français et européens (qui baissent progressivement, mais demeurent importants face aux USA désormais sans aide fédérale)
  • Adaptation aux attentes des clients (autonomie réelle, facture globale, service local)
  • Avance technologique sur les batteries LFP, interfaces, modularité

💡Conseil d’expert
Pour tirer parti de cette conjoncture, les constructeurs hexagonaux devront accentuer la différenciation de leur offre, valoriser l’ancrage européen (fabrication, design, empreinte carbone), tout en poursuivant l’innovation logicielle et la baisse continue des coûts de production.


🌐 Perspectives : menaces ou opportunités pour les français ?

La séquence actuelle s’apparente à une phase de « reparamétrage » du marché mondial. Les ambitions américaines de relocalisation et la fermeture relative du marché US aux VE importés dessinent une ère plus fragmentée, à rebours du grand marché mondial de l’auto qu’on annonçait il y a peu. Mais, pour les constructeurs français – et plus largement européens – cette fragmentations, en réduisant la concurrence asiatique et en affaiblissant l’avance de Tesla, pourrait être une planche de salut à condition de ne pas relâcher la dynamique industrielle et commerciale engagée.

À l’heure où l’incertitude règne, l’un des rares points de consensus reste la capacité d’adaptation de l’industrie européenne. Les mois à venir seront décisifs pour transformer l’adversité américaine en « aubaine stratégique » et, pourquoi pas, affirmer enfin le leadership français sur l’électrique en Europe… et au-delà.

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