En bref:
- Le Rallye Cœur de France 2024 intégrera pour la première fois une manche du championnat ADAC Opel Electric Rally Cup, avec une vingtaine de véhicules 100% électriques.
- Des défis techniques, tels que l’alimentation électrique et l’adaptation des parcours, sont à relever pour accueillir ces nouvelles voitures.
- L’électrification des rallyes s’inscrit dans une dynamique internationale, avec des avancées technologiques prometteuses pour l’industrie automobile.
À l’heure où la transition énergétique s’impose comme un enjeu majeur, le monde du sport automobile n’échappe pas à cette dynamique. Les rallyes, discipline emblématique associée au vrombissement des moteurs et aux odeurs d’essence, sont en pleine mutation. L’arrivée des véhicules électriques sur les spéciales bouleverse les codes et ouvre de nouvelles perspectives pour cette discipline. Zoom sur cette révolution en marche, à travers l’exemple du Rallye Cœur de France 2024.
L’électrique s’invite sur les routes de campagne
Le Rallye Cœur de France, qui se tiendra du 27 au 29 septembre 2024, marquera un tournant dans l’histoire de l’épreuve. Pour la première fois, une manche du championnat ADAC Opel Electric Rally Cup y sera intégrée, faisant la part belle aux bolides 100% électriques. Une vingtaine de ces véhicules nouvelle génération sont attendus sur les routes sinueuses du Loir-et-Cher, aux côtés des concurrents "classiques".
Cette incursion de l’électrique dans le monde du rallye n’est pas une première en France. Déjà en 2023, deux Ford Mustang Mach-E GT avaient pris part à l’épreuve de Véhicules Modernes de Régularité Sportive (VMRS) du Rallye Cœur de France. Cependant, l’intégration d’une manche complète dédiée aux véhicules électriques marque une étape significative dans l’évolution de la discipline.
Des défis techniques et logistiques à relever
L’introduction de véhicules électriques dans une compétition de rallye ne se fait pas sans soulever de nombreux défis. Les organisateurs du Rallye Cœur de France ont dû repenser en profondeur certains aspects de l’épreuve pour accueillir ces nouveaux concurrents.
Une infrastructure électrique adaptée (Infrastructure de recharge à grande échelle)
L’un des principaux enjeux réside dans l’alimentation électrique des véhicules (Sécurité des bornes de recharge pour véhicules électriques : prévenir efficacement les risques d’incendie). Pour répondre aux besoins énergétiques des Opel électriques engagées, un dispositif conséquent a dû être mis en place :
- Installation d’un transformateur de 20 000 volts à proximité du parc d’assistance
- Déploiement de trois semi-remorques équipées d’unités de transformation
- Mise en place de bornes de recharge 220 volts
Ce dispositif permettra aux équipages de recharger leurs véhicules en environ 20 minutes, plusieurs fois par jour. Une logistique complexe mais indispensable pour garantir le bon déroulement de l’épreuve.
Des spéciales repensées
L’autonomie limitée des véhicules électriques a également conduit les organisateurs à adapter le parcours. Les spéciales chronométrées seront plus courtes pour les concurrents électriques : 130 km au lieu des 190 km habituels. Cette modification du tracé illustre la nécessité de repenser les formats de course pour s’adapter aux spécificités des nouvelles motorisations.
Une expérience de pilotage inédite
Au-delà des aspects organisationnels, l’arrivée des rallyes électriques bouleverse l’expérience même du pilotage. Alizée Pottier, jeune pilote de 23 ans engagée dans le programme Sport Auto Féminin de la FFSA, témoigne de cette révolution au volant de sa Corsa Rally Electric :
"C’est un tout nouveau pilotage auquel j’ai dû m’adapter. Il n’y a plus de passage de vitesse, c’est une boîte automatique. C’est accélérer et freiner, comme un karting."
Plusieurs caractéristiques distinguent les véhicules électriques de leurs homologues thermiques :
- Un poids nettement supérieur (1,8 tonne contre 1,1 tonne) dû à la batterie
- Une puissance modérée (140 chevaux) mais une accélération fulgurante
- L’absence de bruit moteur, nécessitant un pilotage au feeling
- Un freinage différent, requérant une adaptation technique
Ces spécificités imposent aux pilotes de développer de nouvelles compétences et stratégies de course. La gestion de l’énergie devient un élément clé (Système de gestion de l’énergie d’une voiture hybride), nécessitant un pilotage fin et précis pour optimiser l’autonomie tout en maintenant la performance.
Un accueil mitigé mais une crédibilité croissante
L’introduction des véhicules électriques dans le monde du rallye ne fait pas l’unanimité. Certains puristes, attachés au bruit des moteurs et aux sensations "traditionnelles", expriment des réserves. Cependant, la perception évolue progressivement, comme le souligne Alizée Pottier :
"On est sur une bonne voie, on se fait de moins en moins critiquer. Ça ne plaît pas à tout le monde, mais ça ne déplaît plus autant qu’avant. En France, on est soutenu, on voit qu’il y a de la grosse bagarre, ce sont des voitures qui fonctionnent, donc on est de plus en plus crédible."
Les performances des véhicules électriques en compétition contribuent à cette évolution des mentalités. David Rousseau, pilote ayant participé à l’édition 2023 du Rallye Cœur de France en VMRS électrique, souligne les qualités de ces nouvelles montures :
"Les Opel électriques sont performantes et demandent des qualités de pilotage car le poids de la batterie change la cinétique de la voiture. La voiture électrique, c’est une voiture amusante à conduire mais il ne faut pas s’amuser avec."
Une dynamique internationale
L’essor des rallyes électriques en France s’inscrit dans une tendance plus large à l’échelle internationale. Plusieurs initiatives témoignent de cette dynamique :
- L’ADAC Opel Electric Rally Cup, championnat 100% électrique organisé par le groupe Stellantis depuis 4 ans, se déroule dans 5 pays européens.
- Le championnat Extreme E, lancé en 2021, met en scène des SUV électriques dans des environnements extrêmes à travers le monde.
- Le Championnat du Monde des Rallyes (WRC) prépare activement son virage électrique, avec l’objectif d’introduire une catégorie 100% électrique à l’horizon 2030.
Ces développements démontrent l’engagement croissant de l’industrie automobile et des instances sportives dans la transition énergétique du sport automobile.
Des innovations technologiques prometteuses
L’avènement des rallyes électriques s’accompagne d’avancées technologiques significatives, qui bénéficieront à terme à l’ensemble de l’industrie automobile :
- Développement de batteries haute performance capables de délivrer jusqu’à 350 kW de puissance
- Mise au point de systèmes de refroidissement innovants, comme l’immersion des batteries dans un fluide diélectrique
- Optimisation des stratégies de gestion d’énergie et de freinage régénératif
- Progrès dans les technologies de recharge ultra-rapide
Ces innovations, testées et perfectionnées dans les conditions extrêmes de la compétition, contribueront à améliorer les performances et l’autonomie des véhicules électriques grand public.
L’électrification des rallyes, illustrée par l’intégration d’une manche de l’ADAC Opel Electric Rally Cup au Rallye Cœur de France 2024, marque une étape cruciale dans l’évolution du sport automobile. Si des défis techniques et culturels persistent, la dynamique est lancée. L’engagement des constructeurs, des organisateurs et des pilotes dans cette transition laisse présager un avenir prometteur pour les rallyes électriques, conciliant performance sportive et responsabilité environnementale.