En bref:
- Malgré une croissance apparente des ventes de véhicules électriques, de nombreux constructeurs automobiles ralentissent leurs investissements et la production, indiquant une demande moins soutenue que prévue.
- Les obstacles à l’adoption de l’électrique persistent, tels que l’autonomie limitée, l’infrastructure de recharge insuffisante et le coût initial élevé.
- De nouveaux acteurs et des marques établies tentent de dynamiser le marché, mais près de la moitié des consommateurs trouvent toujours les prix des véhicules électriques prohibitifs.
Une croissance en trompe-l’œil
À première vue, l’industrie automobile pourrait se féliciter d’un bond significatif de 43 % des ventes de véhicules électriques sur les neuf premiers mois de 2023, comparé à l’année précédente. Cependant, une analyse plus fine révèle un tableau plus nuancé. Des constructeurs de renom comme Ford, GM, et même le groupe Volkswagen, semblent retenir leur souffle, suspendant des investissements cruciaux et ralentissant la cadence de production, voire immobilisant temporairement certaines lignes dédiées à l’électrique. Les chiffres encourageants masqueraient ainsi une réalité plus préoccupante : une fois les « early adopters » servis, la demande s’essouffle, témoignant d’un enthousiasme modéré de la part du grand public.
L’attrait pour l’électrique: une tendance stable mais fragile
Les études menées par des bureaux tels que JATO Dynamics, GlobalData ou The Langston, ont mis en lumière un certain déséquilibre entre l’offre et la demande. VW en est un exemple criant avec une division par deux de ses commandes de VE. L’origine de ce décalage proviendrait de l’achèvement des livraisons de commandes antérieures, laissant place à un marché moins réceptif. Les freins habituels à l’achat – autonomie, infrastructure de recharge, coût initial – persistent, et ce malgré l’attrait croissant pour des pratiques durables. Les prévisions des analystes pour les prochaines années ne sont guère optimistes, évoquant une « vallée de la mort » pour le secteur, caractérisée par une surproduction et une dévaluation rapide des véhicules électriques d’occasion.
Un marché concurrentiel à l’affût
Face à cette situation, de nouveaux acteurs comme Xiaomi avec son modèle SU7, et des marques établies comme Renault, qui prépare sa Twingo électrique abordable, viennent dynamiser le marché. Cependant, une étude récente de S&P Global Mobility révèle que pour près de la moitié des sondés, le prix des véhicules électriques reste prohibitif, malgré des aides comme le bonus écologique en France. Ce sentiment se répercute sur l’intérêt global pour l’achat de tels véhicules, avec une baisse notable de l’ouverture des consommateurs à l’électrique.
Des obstacles qui persistent
Les préoccupations des automobilistes sont multiples. Outre le coût d’acquisition, l’inflation et la hausse des taux d’emprunt influencent la réticence à s’engager dans de gros crédits. De plus, la disponibilité et l’accessibilité des bornes de recharge sont des enjeux majeurs, même si des enseignes telles que Lidl tentent de démocratiser l’accès à ces infrastructures. La comparaison inévitable avec le temps de ravitaillement des véhicules thermiques accentue l’hésitation des consommateurs.
La situation aux États-Unis: un reflet de la polarisation politique
Outre-Atlantique, la situation est tout aussi complexe. Les subventions pour l’achat de véhicules électriques suscitent la controverse, et la polarisation politique amplifie le phénomène, avec près de la moitié des Américains se déclarant contre ces aides fiscales. Cette division pourrait ralentir les plans ambitieux des constructeurs en matière de développement des véhicules électriques.
Renault et l’offensive électrique
Malgré ces vents contraires, Renault se positionne de manière proactive avec l’annonce de sa voiture électrique « Legend », prévue pour un lancement post-2025. Avec une proposition de leasing social et une réduction significative des émissions de CO2, Renault entend démocratiser l’électrique en Europe. La nouvelle filiale Ampere s’engage à proposer sept modèles d’ici 2031, alliant rentabilité et accessibilité.
Le scepticisme des automobilistes français
En France, la réduction des prix des véhicules électriques semble attirer certains acheteurs, mais l’autonomie demeure une préoccupation majeure, particulièrement pour les longs trajets. Une étude de l’observatoire Cetelem révèle que les Français sont parmi les plus sceptiques en Europe quant à l’électrique, avec une majorité qui juge difficile l’acquisition d’une voiture dans le contexte réglementaire actuel. Malgré l’interdiction imminente des ventes de véhicules thermiques neufs au sein de l’UE, de nombreux consommateurs restent attachés à l’essence ou au diesel.
Dans ce contexte incertain, la transition vers l’électrique s’apparente davantage à un parcours d’obstacles qu’à une route dégagée. Si les initiatives pour rendre l’électrique plus attrayant sont louables, elles doivent s’accompagner d’une politique plus claire et d’un accompagnement accru des consommateurs. La voiture électrique incarne un avenir plus vert, mais sa généralisation nécessitera une approche holistique, prenant en compte à la fois les enjeux économiques, environnementaux et sociaux. Face à ces défis, l’industrie doit redoubler d’ingéniosité et d’engagement pour convaincre un public encore hésitant.