En bref:
- L’industrie automobile sud-africaine subit une forte baisse des exportations, en raison des normes d’émissions strictes de l’Union européenne et de l’instauration du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.
- La transition vers les véhicules électriques est essentielle mais compliquée par un retard réglementaire, des coûts de production élevés et une infrastructure de recharge insuffisante.
- Des stratégies d’adaptation, incluant des incitations financières et des investissements dans les infrastructures, sont mises en place pour soutenir la compétitivité du secteur.
L’industrie automobile sud-africaine traverse une période charnière. Confrontée à l’évolution rapide des réglementations environnementales de l’Union européenne, son principal marché d’exportation, elle doit s’adapter ou risquer de perdre pied. Entre la montée en puissance des véhicules électriques et l’instauration de mécanismes de taxation carbone aux frontières, les défis sont nombreux et complexes. Examinons en détail la situation actuelle, les enjeux et les stratégies mises en œuvre pour maintenir la compétitivité de ce secteur crucial pour l’économie sud-africaine.
Un secteur exportateur en difficulté
Les chiffres récents sont alarmants. En octobre 2024, les exportations automobiles sud-africaines ont chuté de 42,6% par rapport à l’année précédente, selon les données du conseil des affaires automobiles Naamsa. Avec seulement 17 324 véhicules exportés sur le mois, le secteur accuse un net recul. Cette baisse drastique s’explique en grande partie par le durcissement des normes d’émissions dans l’Union européenne, principal débouché à l’export pour les constructeurs sud-africains.
En effet, l’UE a progressivement mis en place des réglementations plus strictes visant à réduire les émissions de CO2 des véhicules. L’objectif affiché est clair : interdire la vente de nouvelles voitures thermiques d’ici 2035. Cette transition rapide vers l’électromobilité met en difficulté les exportateurs sud-africains, dont la production reste majoritairement axée sur les moteurs à combustion interne.
Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, nouvelle épée de Damoclès
Au-delà des normes d’émissions, une autre menace se profile pour les exportateurs sud-africains : le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) de l’Union européenne. Entré en vigueur en octobre 2023, ce dispositif vise à taxer les importations en fonction de leur empreinte carbone.
Pour l’industrie automobile sud-africaine, fortement dépendante des énergies fossiles dans sa production, le CBAM représente un défi majeur. Les véhicules et composants exportés vers l’UE risquent de voir leur compétitivité-prix fortement affectée par cette nouvelle taxe carbone. À titre d’exemple, en 2021, les exportations sud-africaines de fer et d’acier vers l’UE, secteurs étroitement liés à l’automobile, s’élevaient à 41 milliards de rands. Pour l’aluminium, autre matériau clé, le montant atteignait 6 milliards de rands. Ces flux commerciaux sont désormais menacés.
Une transition électrique semée d’embûches
Face à ces défis réglementaires, la transition vers les véhicules électriques apparaît comme une nécessité pour l’industrie automobile sud-africaine. Cependant, cette mutation ne se fera pas sans difficulté.
Un retard réglementaire à combler
Contrairement à de nombreux pays, l’Afrique du Sud accuse un retard dans la mise en place d’un cadre réglementaire favorable aux véhicules électriques. Si le gouvernement a publié un Livre blanc sur les véhicules électriques en décembre 2023, la concrétisation des politiques et incitations nécessaires reste en cours. Ce manque de visibilité freine les investissements des constructeurs et équipementiers dans la filière électrique.
Des coûts de production élevés
La production locale de véhicules électriques se heurte également à des coûts élevés. Les matières premières essentielles aux batteries, comme le lithium, le nickel ou le cobalt, ont vu leurs prix flamber ces dernières années. Cette inflation des coûts complique d’autant plus la transition vers l’électrique pour les constructeurs sud-africains.
Une infrastructure de recharge insuffisante
Le développement des véhicules électriques ne peut se faire sans un réseau de recharge adéquat. Or, l’Afrique du Sud souffre d’un manque criant de bornes de recharge publiques. Cette carence infrastructurelle constitue un frein majeur à l’adoption massive des véhicules électriques, tant sur le marché intérieur qu’à l’export.
Des stratégies d’adaptation en cours de déploiement
Face à ces multiples défis, l’industrie automobile sud-africaine et les pouvoirs publics ne restent pas inactifs. Plusieurs stratégies sont mises en œuvre pour tenter de maintenir la compétitivité du secteur.
Révision du programme de développement de la production automobile
Le gouvernement sud-africain envisage de réviser son Programme de développement de la production automobile (APDP) pour y inclure des incitations à l’assemblage de véhicules à nouvelles énergies (NEV) et à la fabrication de composants associés. Cette évolution du cadre réglementaire vise à encourager les investissements dans la filière électrique.
Mise en place d’incitations financières
Pour soutenir la transition, diverses incitations financières sont à l’étude : crédits d’impôt, subventions, prêts bonifiés. Le gouvernement compte notamment s’appuyer sur le Partenariat pour une transition énergétique juste, qui prévoit un financement de 8,5 milliards de dollars de la part de la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, les États-Unis et l’UE. Ces fonds devraient contribuer au développement du marché des NEV, à la mise en place d’infrastructures de recharge et au soutien d’une chaîne de valeur de l’hydrogène vert.
Réduction de l’empreinte carbone
Pour s’adapter au CBAM européen, les exportateurs sud-africains n’ont d’autre choix que de réduire leur empreinte carbone. Cela passe par l’adoption de pratiques de production plus durables, notamment la transition vers les énergies renouvelables et l’amélioration de l’efficacité énergétique. Des investissements conséquents seront nécessaires pour moderniser les outils de production.
Soutien aux PME de la filière
Le tissu de PME sous-traitantes joue un rôle crucial dans l’industrie automobile sud-africaine. Des programmes de soutien spécifiques sont en cours d’élaboration pour aider ces entreprises à s’adapter aux nouvelles réglementations et attentes du marché européen. L’accompagnement de "champions de la transition" au sein des conseils à l’exportation fait partie des pistes envisagées.
Développement des infrastructures
Enfin, des investissements massifs dans les infrastructures sont prévus. Cela concerne aussi bien le déploiement de bornes de recharge que la modernisation des ports pour promouvoir les technologies zéro émission. Des incitations à la demande, comme l’exemption de péages pour les véhicules électriques, sont également à l’étude pour stimuler l’adoption des NEV.
L’industrie automobile sud-africaine se trouve à la croisée des chemins. Face à l’évolution rapide des réglementations européennes et à la concurrence croissante des véhicules électriques chinois, elle doit se réinventer pour maintenir sa place sur le marché mondial. Si les défis sont immenses, les stratégies mises en œuvre témoignent d’une prise de conscience et d’une volonté d’adaptation. L’avenir dira si ces efforts seront suffisants pour préserver ce pilier de l’économie sud-africaine.