En bref:
- Lors des épisodes de pollution à l’ozone en Île-de-France, la limitation de vitesse s’applique à tous les véhicules, y compris électriques, pour faciliter les contrôles et réduire globalement la circulation.
- Les voitures électriques ne rejettent pas de polluants d’échappement, mais contribuent néanmoins à la pollution particulaire via l’usure des pneus et freins.
- Cette mesure vise surtout à protéger la santé publique en limitant la formation d’ozone et la remise en suspension de particules, malgré les avantages environnementaux des VE.
Depuis le 30 juin 2025, l’Île-de-France vit sous le régime d’alerte : un nouvel épisode de pollution à l’ozone, aggravé par la canicule, contraint tous les automobilistes, y compris ceux au volant d’une voiture électrique, à réduire leur vitesse de 20 km/h. Une annonce qui a surpris – voire exaspéré – bon nombre d’usagers de véhicules « propres ». Mais derrière cette mesure, la réalité est bien plus complexe qu’elle n’y paraît.
🚦 Pourquoi limiter la vitesse de tous les véhicules, électriques inclus ?
La tentation est grande, pour beaucoup de conducteurs de véhicules électriques (VE), de s’estimer exemptés de toute contribution à la pollution de l’air. Après tout, une voiture électrique n’a pas de pot d’échappement, et donc, a priori, aucune émission directe de polluants… du moins pas de NOx ou de particules fines issues de la combustion.
Pourtant, la mesure d’abaissement des vitesses concerne tous les véhicules pour plusieurs raisons essentielles :
- Faciliter les contrôles :
Sur la route, les policiers n’ont aucun moyen, visuellement et à distance, de distinguer le type de motorisation d’un véhicule en circulation. L’uniformité des limitations est donc gage d’équité et d’efficacité lors des contrôles routiers. - Des sources de pollution communes :
Les véhicules électriques ne produisent certes pas de gaz d’échappement, mais ils participent tout de même à la génération de certaines pollutions. Les principales ?- Abrasions des pneus (particules issues du contact pneu-chaussée)
- Usure des freins (bien que réduite grâce au freinage régénératif sur VE)
- Remise en suspension de particules déjà présentes sur la chaussée du fait du passage des véhicules
- Ralentir pour diminuer la formation d’ozone :
Le pic observé n’est pas lié aux particules fines, mais à l’ozone troposphérique. Ce gaz polluant provient, non directement des pots d’échappement, mais de la transformation sous l’effet des UV, en plein été, des oxydes d’azote (NOx) et des composés organiques volatils (COV) émis majoritairement par les moteurs thermiques… mais aussi par certaines activités industrielles.
📌 À retenir
Limiter la vitesse est avant tout une mesure de santé publique, appliquée à l’ensemble des usagers pour des raisons pratiques, mais aussi parce que tout déplacement automobile – quelle que soit la technologie – a un coût environnemental.
💨 Particules fines : véhicules électriques, pas totalement « propres » ?
L’avènement de la mobilité électrique a permis de réduire fortement la pollution urbaine liée à la combustion des carburants. Mais, comme le rappelle l’ADEME, plus de la moitié des particules fines émises aujourd’hui par les véhicules routiers ne proviennent plus de l’échappement. L’usure mécanique – en particulier les freins et les pneus – prend le relais.
Tableau : Origine des particules fines (hors échappement)
Source | Émissions annuelles estimées (France) | Évolution récente |
---|---|---|
Pneus/chaussée | ~13 980 tonnes | En hausse (effet poids véhicules) |
Usure des freins | ~7 340 tonnes | Légère baisse (VE, frein régénératif) |
Moteur (hors FAP) | ~7 740 tonnes | En forte baisse (diesel FAP, normes) |
- Freinage régénératif : Les VE émettent moins de particules de freinage grâce à cette technologie. En moyenne, ils produiraient environ 38% de particules fines en moins que les véhicules thermiques sur la partie frein + pneus, bien que l’avantage varie selon le gabarit de la voiture.
- Effet du poids : Les électriques sont généralement plus lourdes (~20% en moyenne), ce qui peut favoriser une abrasion accrue des pneus, mais les études montrent qu’au global, cela ne suffit pas à inverser la tendance : la pollution particulaire totale des VE demeure en-deçà de celle des thermiques.
ℹ️ Les constructeurs travaillent activement à réduire ces sources résiduelles via le développement de pneus et de garnitures de freins plus durables et moins émissifs.
🌡️ Ozone, un polluant pas directement issu des voitures électriques
Si la polémique enfle aujourd’hui, c’est que le problème actuel en Île-de-France, c’est l’ozone, et non les particules fines. L’ozone de surface (O₃), toxique à haute concentration, provient de la transformation chimique de précurseurs atmosphériques (NOx, COV) sous l’action du soleil et de la chaleur.
- Qui émet ces précurseurs ?
Essentiellement les moteurs thermiques, l’industrie, mais quasiment pas les électriques, qui sont de ce point de vue « neutres ». - Pourquoi alors limiter aussi les VE ?
Deux raisons principales :- Uniformité des règles pour rendre les contrôles possibles et la circulation fluide.
- Réduire globalement la circulation pendant l’alerte, car moins de véhicules sur la route signifie moins de particules mécaniques et moins de remise en suspension, et encourage le report modal (transports en commun, vélo, marche).
Conseil d’expert 💡 :
Plus la circulation est fluide et régulée (vitesses abaissées, trafic moins dense), moins on observe de pics de polluants, toutes motorisations confondues.
🛣️ Quelles limitations s’appliquent en pratique ?
Pour mémoire, les nouvelles limitations sont effectives tous les jours, de 5h30 à minuit, dans le périmètre de l’A86 :
- Sur les autoroutes : 110 km/h maximum (au lieu de 130)
- Sur les voies rapides : 90 km/h (au lieu de 110)
- Sur les grands axes : 70 km/h (au lieu de 90)
- Sur le périphérique : pas de changement, maintien à 50 km/h
⚠️ Ces restrictions resteront probablement en vigueur tant que la vague de chaleur et l’épisode de pollution n’auront pas reflué.
Info Box : Comment réagir en période d’alerte ?
- Anticipez vos déplacements, évitez les heures de pointe.
- Privilégiez le télétravail ou les transports en commun si possible.
- Surveillez la qualité de l’air via Airparif.org ou les applications officielles.
- Limitez l’utilisation de la climatisation dans la voiture, responsable d’une hausse de consommation – et donc d’énergie consommée (même si elle ne pollue pas à l’usage sur un VE).
👉 Les voitures électriques, un progrès indéniable… mais pas le « totem d’immunité » écologique
Il serait simpliste de pointer du doigt, lors des pics de pollution, le seul secteur automobile, ou de croire que l’électrification nous mettrait hors d’atteinte de toute mesure contraignante. Les faits démontrent que si l’électrique réduit drastiquement l’empreinte locale sur la qualité de l’air, il n’est pas synonyme de pollution zéro à l’échelle d’une métropole dense comme Paris.
En définitive, même sans émission d’échappement, toute voiture en circulation génère, par sa masse et son usage, des nuisances qui nécessitent, lors des épisodes critiques, des mesures collectives.
En période d’alerte à l’ozone, la réduction de la vitesse est donc avant tout une décision de bon sens, appuyée par la nécessité de garantir la sécurité sanitaire de tous – usagers de la route comme citadins.