Mercedes cale sur l’électrique, l’occasion électrique en crise : coup d’arrêt pour la transition VE en France ?

En bref:

  • Mercedes enregistre un net recul des ventes de véhicules 100 % électriques (-14 %) au profit des hybrides rechargeables, reflétant un désintérêt du premium pour le tout électrique.
  • Le marché français du véhicule électrique d’occasion souffre d’une forte décote, d’une confiance fragile et de la suppression des ZFE, freinant la demande malgré des prix attractifs.
  • La transition vers le VE connaît une phase critique nécessitant des mesures pour renforcer la confiance (transparence batterie, aides adaptées) et stabiliser le marché dans un contexte industriel et réglementaire incertain.

Depuis le début de 2025, plusieurs signaux forts semblent remettre en question la trajectoire de la transition vers le véhicule électrique (VE) en France. Chute des immatriculations chez Mercedes, envolée soudaine des hybrides rechargeables, stocks d’occasion électriques difficiles à écouler chez les concessionnaires… Le secteur, jadis moteur d’innovation et d’espoirs verts, traverse une période charnière. Symbole d’un malaise plus général ? Analyse impartiale et détaillée, entre ambitions politiques, réalités de marché et inquiétudes des professionnels.

Mercedes : l’électrique à la peine, l’hybride en sauveur ?

Le bilan semestriel 2025 de Mercedes sonne comme une alerte. Sur les six premiers mois, les ventes globales du groupe reculent de 8 % par rapport à 2024. Mais c’est surtout le décrochage électrique qui interpelle : désaffection marquée avec une baisse de 14 % pour les modèles 100 % électriques, alors que les hybrides rechargeables (PHEV) connaissent une croissance spectaculaire (+34 % au deuxième trimestre).

À retenir :

Les modèles électriques ne représentent plus que 8 % des ventes du groupe Mercedes au premier semestre 2025, alors que les véhicules électrifiés (PHEV inclus) atteignent 40 % sur le marché européen.

Pourquoi ce calage du tout électrique premium ?

  • Prix et positionnement : Les modèles électriques Mercedes restent coûteux, malgré une offre qui s’élargit légèrement. L’attente autour de modèles plus accessibles (comme la future CLA électrique) laisse penser que la clientèle traditionnelle n’a pas encore franchi le pas, préférant le compromis technique et financier de l’hybride.
  • Tensions sur la chaîne de valeur : La gestion anticipée des stocks, liée à l’incertitude sur les droits de douane (USA, Chine), a limité les livraisons.
  • Réalisme industriel : Mercedes capitalise sur le renouvellement de ses gammes thermiques et hybrides afin de maintenir des volumes et d’éviter une bascule trop risquée.

L’occasion électrique : prix en chute, confiance fragile

La baisse massive des prix sur le marché de l’occasion est indéniable. Pour la première fois, le prix moyen d’une électrique d’occasion passe sous la barre symbolique des 20 000 euros (19 990 € en moyenne au T2 2025). Des modèles phares comme la Peugeot e-208 voient leur cote décroître de plus de 17 % en un an (désormais 16 490 €), et même la Tesla Model 3 s’affiche souvent sous les 28 000 €.

ModèleBaisse sur un anPrix médian actuel
Peugeot e-208-17,5 %16 490 €
Tesla Model 3-12,5 %27 990 €
Renault ZOE+3,8 %/ -5,7%T212 980 €

📌 Info Clé : Près d’un Français sur deux serait désormais prêt à envisager l’achat d’une VE d’occasion. Pourtant, seuls 9 % franchissent le pas, selon les dernières études du secteur.

Mais pourquoi la demande ne suit-elle pas ?

Les principales craintes des acheteurs :

  • Incertitudes sur l’état de la batterie (autonomie, coût de remplacement, diagnostic complexe),
  • Décote accélérée (les VE perdent plus vite leur valeur que les thermiques ou hybrides),
  • Moindre attractivité sans ZFE : La suppression brutale des zones à faibles émissions (ZFE) en mai 2025 a privé le marché d’un puissant argument réglementaire en faveur de l’électrique en ville,
  • Aides publiques en berne : Le bonus écologique reste réservé au neuf, la prime à la conversion sur l’occasion ayant disparu fin 2024 (hors dispositifs locaux parfois limités).

Concessionnaires en alerte : entre stocks et incertitudes

Un marché de l’occasion en pleine croissance… mais sous tension

Les chiffres sont trompeurs : 80 000 VE d’occasion remises en circulation au premier semestre 2025 (+36,7 % sur un an), mais une réalité plus nuancée pour les professionnels.

Bon à savoir :

  • La rotation des stocks s’accélère (délais de vente plus courts),
  • Mais les arrivages massifs de retours de location créent un embouteillage, avec parfois des véhicules identiques en surnombre.
  • Obligation de montée en compétence : Diagnostic batterie, outillage, formation… La transition technologique impose des investissements non négligeables.
  • Demande encore hésitante : Malgré la multiplication des offres, la part de marché effective des VE dans l’occasion reste limitée (9 % des intentions d’achat en France, stable par rapport à 2024).

ℹ️ À noter : Les professionnels réalisent toujours l’essentiel des ventes d’occasion électrique (82 %, contre 76 % pour les thermiques).

Le coup de frein ZFE, facteur aggravant

L’élargissement des ZFE avait dopé le marché de l’occasion électrique dès début 2025. Mais leur suppression en mai 2025 pénalise lourdement l’attractivité des VE d’occasion, notamment pour ceux qui n’ont plus d’interdiction de circuler en thermique en zone urbaine.

Impact direct : repli de la demande, pressions sur les prix, nécessité d’adopter une nouvelle stratégie commerciale (offres de garanties, services après-vente, promotions…).

Quelles perspectives pour la transition VE en France ?

Les symptômes d’une crise structurelle

L’électrique paie aujourd’hui le prix d’une phase de croissance déséquilibrée :

  • Décote plus rapide qu’anticipé, voire massive sur certains modèles,
  • Absence de relais de croissance réglementaire après la suppression des ZFE,
  • Aides publiques recentrées sur le neuf, alors que le parc d’occasion attend un soutien,
  • Marché neuf premium timide, l’hybride rechargeable opportunément préféré par de nombreux clients traditionnels (stratégie de “moindre risque”),
  • Crise de confiance persistante sur la fiabilité des batteries, le coût de l’électricité à venir et la revente future.

Conseil d’expert

💡 Comment rassurer le marché ?

  • Renforcer la transparence et la garantie sur la batterie lors de chaque transaction,
  • Développer une filière de reconditionnement certifié,
  • Proposer des financements adaptés (leasing social, prêts à taux réduits),
  • Accompagner la montée en compétence des professionnels du secteur,
  • Mettre en place rapidement des relais réglementaires locaux et des aides adaptées à la réalité de l’occasion.

Passage obligé : réajuster la trajectoire et éviter l’essoufflement

La transition énergétique du secteur automobile ne peut se limiter à des symboles ou à des effets d’annonce. La réalité du terrain — des concessionnaires aux clients, du neuf à l’occasion — impose dès maintenant un recentrage pragmatique des politiques publiques et constructeurs sur la stabilité, la confiance et la pérennité de la filière électrique.

L’innovation et la volonté restent là, mais il est temps de composer avec la complexité d’un marché en mutation rapide et parfois brutalement rattrapé par les réalités économiques et sociétales.

Un constat lucide : la route vers le tout électrique est loin d’être rectiligne, et l’industrie comme le politique devront innover, dialoguer et s’adapter pour que la transition reste crédible… et souhaitable.

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