Guerre des écrans: BYD ouvre, GM ferme — qui gagnera le tableau de bord ?

En bref:

  • BYD choisit l’ouverture (CarPlay/Android Auto, fin de l’écran rotatif) pour privilégier l’UX et la compatibilité ; GM fait l’inverse en bannissant le mirroring pour imposer Android Automotive + IA et capter données/abonnements.
  • En jeu: expérience utilisateur, contrôle des données et revenus récurrents — risque de frustration pour les utilisateurs iPhone et nécessité d’un app‑store embarqué mature.
  • Pour l’acheteur (surtout VE) : testez 20 min l’infodivertissement (navigation EV, voix, latence), vérifiez CarPlay/AA, durée des mises à jour et coûts des services.

L’habitacle devient le nouveau champ de bataille entre constructeurs et géants de la tech. D’un côté, BYD supprime ses écrans rotatifs pour mieux intégrer Apple CarPlay et Android Auto. De l’autre, General Motors activera une stratégie inverse: bannir ces interfaces afin d’imposer un cockpit logiciel propriétaire, bâti sur Android Automotive et l’IA Gemini.

Au-delà du gadget ou de l’ergonomie, c’est une lutte pour la maîtrise de l’expérience utilisateur, des données et des futurs revenus connectés. Voici ce que cela change pour les conducteurs — en particulier les acheteurs de véhicules électriques.

Deux visions qui s’entrechoquent

BYD: adieu l’écran rotatif, bonjour la compatibilité universelle

  • La marque chinoise retire progressivement son écran pivotant (portrait/paysage) sur ses modèles européens. Motif: meilleure stabilité logicielle pour CarPlay/Android Auto et préparation des interfaces à la conduite autonome.
  • Stella Li (vice-présidente BYD) l’a reconnu: l’usage réel de la rotation est faible, et il pénalise la fluidité des apps tierces. Priorité désormais à « l’expérience avec les applications ».
  • Exemple concret: le nouveau BYD Atto 2 renonce au mécanisme rotatif au profit d’une dalle 12,4" fixe en paysage. Au passage, la version Comfort progresse à 430 km d’autonomie WLTP et 150 kW en charge.

GM: couper le cordon avec les smartphones, miser sur l’IA embarquée

  • Après avoir commencé par ses VE dès 2023, GM confirme la suppression de CarPlay/Android Auto sur ses futurs modèles thermiques et électriques. Les Cadillac Lyriq et GMC Hummer EV figurent parmi les derniers à les conserver aux USA, à court terme.
  • Cap logiciel: Android Automotive OS (à ne pas confondre avec Android Auto), intégrant Google Maps, Assistant, un Play Store auto… et bientôt l’assistant IA Gemini (déploiement à partir de 2026 selon les annonces).
  • Raison officielle: transitions jugées « maladroites » entre CarPlay et l’interface native, sources de distraction. Objectif: une expérience unifiée, mieux intégrée aux fonctions du véhicule, OTA et architecture centralisée à horizon 2028.
  • Angles morts actuels: connexion app par app, catalogue d’apps plus restreint qu’iOS, impact fort pour les clients iPhone. GM promet une connexion unifiée… sans calendrier précis.

📌 À noter

  • Hors USA, certains modèles GM conservent encore CarPlay/Android Auto selon les marchés.
  • Côté Apple, le nouveau CarPlay Ultra annoncé en 2025 divise: des marques (Audi, Mercedes-Benz, Polestar) ont levé le pied, quand Aston Martin, Kia ou Hyundai poursuivent. Et, fait notable, Tesla envisagerait CarPlay selon Bloomberg — un revirement qui, s’il se confirme, remettrait une pièce dans la machine.

Le point data

  • Selon AutoPacific 2025, près de 60% des automobilistes américains n’achèteront pas un véhicule dépourvu de CarPlay/Android Auto.
  • J.D. Power (APEAL): satisfaction plus élevée avec CarPlay (840/1000) et Android Auto (832/1000) qu’avec les systèmes natifs (≈805/1000).
  • McKinsey 2024: environ 1 acheteur sur 2 refuse désormais une voiture non compatible; 85% préfèrent l’ergonomie des solutions smartphone.

ℹ️ Interprétation

  • La préférence utilisateur pour le « mirroring » est nette. Tout écosystème propriétaire devra égaler — puis dépasser — ce niveau d’UX pour emporter l’adhésion.

Pourquoi ces choix opposés ?

  • Monétisation et services connectés:
    • En retirant le mirroring gratuit, un constructeur récupère le contrôle du « front » numérique: app store embarqué, packs connectés, navigation premium, assistants IA, ADAS évolutifs, etc. Beaucoup visent des revenus récurrents à horizon 2030 (Stellantis évoque ≈20 Md€).
  • Contrôle de la donnée:
    • Détenir la donnée d’usage (localisation, habitudes, préférences) permet de personnaliser services et offres… et d’ouvrir la porte à l’assurance à l’usage, à l’énergie maison/auto, etc. Revers: enjeux RGPD/consentement accrus.
  • Architecture SDV et OTA:
    • Un « software-defined vehicle » impose une pile logicielle maîtrisée, des mises à jour fréquentes, une intégration profonde des fonctions (énergie, ADAS, confort, commerce embarqué).
  • Sécurité/ergonomie:
    • GM invoque la distraction liée aux bascules entre interfaces. Argument recevable, mais l’UX propriétaire doit alors être irréprochable (latence, voix, continuité, cartes, messagerie).
  • Coûts et dépendances:
    • CarPlay/Android Auto n’imposent pas de lourdes licences, mais requièrent intégration/test. Un système propriétaire coûte cher à développer/maintenir, mais évite de déléguer l’interface client à Apple/Google — et garde la « porte d’entrée » de la voiture.

Ce que ça change pour le conducteur (surtout en VE)

  • Si vous êtes utilisateur iPhone:
    • Chez GM (futurs modèles), plus de CarPlay: il faudra se reposer sur l’écosystème Google embarqué et les apps disponibles. Vérifiez la présence de vos services (musique, podcasts, messages, navigation).
  • Si vous êtes utilisateur Android:
    • Android Automotive n’est pas Android Auto. Pas besoin du smartphone pour les fonctions natives, mais toutes vos apps préférées ne sont pas forcément présentes.
  • Qualité de navigation/énergie:
    • Itinéraires EV, préchauffage batterie, planification par bornes, états de charge: comparez la maturité entre app véhicule et CarPlay/Android Auto. Le diable se cache dans les détails (bases de données, disponibilité temps réel, paiement).
  • Connectivité et coûts:
    • Les services embarqués exigent souvent une eSIM/abonnement data. Certaines fonctions autrefois « gratuites » via smartphone pourraient devenir payantes (packs connectés).
  • Durée de support et revente:
    • Annonce de certains constructeurs: 7 ans d’updates garantis. Or, l’âge moyen d’un véhicule dépasse 10 ans. Un cockpit qui se dégrade logiciellement peut peser sur la valeur à la revente.

BYD vs GM: deux routes, un même objectif

AxeBYDGM
PhilosophieOuvrir aux standards (CarPlay/AA), simplifier l’UXFermer le mirroring, unifier l’expérience propriétaire
MatérielFin de l’écran rotatif, dalle fixe stablePlateforme centralisée à horizon 2028
LogicielCompatibilité large + préparation conduite autonomeAndroid Automotive + IA Gemini + app store
RisquesPerdre une différenciation « design »Frustrer clients iPhone, app store limité, frictions de login
Gains visésAdoption fluide, satisfaction utilisateurDonnées, abonnements, contrôle total de l’interface

💬 Citation clé

  • BYD (Stella Li): la rotation « n’aide pas » l’expérience apps et est peu utilisée.
  • GM (Mary Barra): bascule CarPlay/interface native « peu fluide » et source de distraction.

Trois scénarios d’ici 2030

  1. Le smartphone gagne
  • Les conducteurs imposent CarPlay/Android Auto. Les tentatives de fermeture reculent ou s’assouplissent. Probable si la satisfaction reste structurellement supérieure.
  1. Le compromis
  • Cockpits propriétaires solides, mais ouverture optionnelle au mirroring. Les constructeurs monétisent l’ADN automobile (ADAS/énergie), laissent Apple/Google gérer divertissement/messagerie.
  1. Le cockpit propriétaire s’impose
  • Les systèmes natifs égalent puis dépassent l’ergonomie smartphone, intègrent mieux l’auto (énergie, capteurs, IA, sécurité). Il faudra un app store riche, une voix fiable, une connexion unifiée et des politiques data claires.

Conseils d’achat: la check-list à tester en concession

  • Compatibilité smartphone:
    • CarPlay/Android Auto présent ? Filaire ou sans fil ? Dans quelles finitions ?
  • Navigation EV:
    • Planification par bornes fiable ? Prise en compte de la dispo/puissance ? Préconditionnement batterie ?
  • Commande vocale:
    • Compréhension naturelle, fiabilité hors 4G, accès aux fonctions natives (clim, sièges, ADAS) ?
  • Catalogue d’apps:
    • Musique/podcasts/messagerie/outils que vous utilisez au quotidien sont-ils disponibles nativement ?
  • Connexion et confidentialité:
    • Compte unique pour toutes les apps ? Paramètres de consentement clairs ? Données géolocalisation/usage: qui collecte quoi, pourquoi ?
  • Mises à jour et durée:
    • Période d’updates garantie (en années) ? Engagement écrit ? Historique de suivi du constructeur ?
  • Coûts cachés:
    • Abonnements data/pack connectés après la période d’essai ? Tarifs transparents ?
  • Plan B:
    • En cas d’arrêt de service, quelle dégradation fonctionnelle ? Lecteur Bluetooth/USB autonome ? Navigation offline ?

📦 À retenir

  • Plus que l’écran ou le marketing, ce sont la stabilité, la latence, la qualité de la voix et la richesse du store qui feront la différence au quotidien.

Et les autres dans tout ça ?

  • Tesla: selon Bloomberg, des tests internes de CarPlay seraient en cours. Aucune annonce pour Android Auto. Si cela se concrétise, ce serait un signal fort de réalignement avec les attentes clients.
  • Ford: le patron Jim Farley a redit ne pas vouloir supprimer CarPlay/Android Auto — un positionnement pro-utilisateur clair.
  • Premium allemands et CarPlay Ultra: hésitations chez Audi, Mercedes-Benz, Polestar; Aston Martin, Kia, Hyundai poursuivent. Les arbitrages portent autant sur la maîtrise des données que sur l’UX.

💡 Conseil d’expert

  • Vous hésitez entre deux VE proches en autonomie/prix ? Tranchez à l’usage: 20 minutes d’essai focalisé sur l’infodivertissement (navigation EV, voix, messages, multimédia, latence) valent mieux qu’une fiche technique.

En filigrane, une même ambition se dessine: faire du logiciel la colonne vertébrale de la voiture. BYD choisit l’ouverture et la simplicité d’usage; GM, la souveraineté et la monétisation. Le vainqueur sera celui qui, à l’écran comme sur la route, livrera l’expérience la plus fluide, durable et honnête sur les données — au meilleur coût pour l’automobiliste.

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