En bref:
- Le contrat L&F avec Tesla est passé de ~2,9 Md$ à ~7 386 $, signe d’un effondrement de la demande prévue pour les cellules 4680 internes.
- Le 4680 “dry” n’a pas été industrialisé à grande échelle (verrou du dry electrode) et dépend fortement des volumes du Cybertruck, aujourd’hui décevants.
- Conséquence: Tesla devra probablement s’appuyer sur des 46xx fournisseurs et la chimie LFP pour viser des modèles abordables, repoussant la promesse d’une Tesla à 25 000 $.
L’onde de choc est considérable dans l’écosystème batterie: le coréen L&F a ramené à… 7 386 dollars la valeur d’un accord de fourniture de cathodes haute teneur en nickel initialement évalué à 2,9 milliards. Un effondrement de plus de 99 % qui jette une lumière crue sur la réalité du programme 4680 de Tesla, cinq ans après les promesses de “Battery Day”.
Au-delà du coup d’arrêt, une question centrale s’impose: sans 4680 compétitif et abondant, Tesla peut‑il encore tenir la promesse d’une voiture électrique réellement abordable face à la pression chinoise sur les coûts ?
Ce qui s’est passé
- L&F (Corée du Sud), fournisseur de matériaux de cathode Ni‑riche, a indiqué dans un dépôt réglementaire que son contrat 2023 avec Tesla (livraisons 2024–2025) est révisé de ~2,9 Md$ à 7 386 $ (ou ~9,73 M KRW), invoquant un “changement de quantité fournie” (dépôt relayé par Reuters, Bloomberg, Electrek).
- Les matériaux visaient les cellules 4680 internes de Tesla. Or, à ce jour, le seul véhicule en production s’appuyant sur ces cellules Tesla est le Cybertruck.
- En parallèle, des signaux de marché pointent une demande et un rythme industriel inférieurs aux attentes sur le Cybertruck, malgré une capacité nominale élevée à Giga Texas.
📌 À retenir
- Échelle du choc: de milliards à quelques milliers de dollars — un quasi‑anéantissement contractuel.
- Indice fort d’un non‑ramp des 4680 “maison” à court terme.
- Dépendance du 4680 au succès produit du Cybertruck, lui‑même en deçà des ambitions initiales.
4680: où en est la promesse industrielle ?
Lors du Battery Day (2020), le 4680 devait:
- réduire drastiquement le coût par kWh,
- augmenter la densité énergétique,
- simplifier l’architecture via un pack structurel,
- ouvrir la voie à une Tesla à 25 000 $.
Cinq ans plus tard:
- Le procédé “dry electrode” reste le verrou industriel: rendement et capex/taux de rebut contraignent la montée en cadence.
- Le 4680 n’équipe en volume significatif que le Cybertruck; la variante Model Y 4680 a été proposée puis retirée.
- Le pack structurel n’a pas essaimé sur le reste de la gamme.
- Les gains “véhicule” annoncés (forte baisse $/kWh, hausses d’autonomie) ne se retrouvent pas encore dans une offre à large diffusion.
🔎 Bon à savoir
- Ne pas confondre “format 46xx” et “technologie Tesla 4680”. Des concurrents (BMW, Rivian) adoptent des 46 mm de diamètre chez Samsung SDI, LG, etc., mais avec des procédés et chimies pouvant différer (généralement en “wet electrode”). La difficulté propre à Tesla concerne surtout l’industrialisation du “dry”.
Le maillon faible: l’équation produit + supply chain
- Cybertruck: volumes réels bien inférieurs aux ambitions initiales, d’où un besoin en 4680 inférieur aux plans. Des remises de financement et une version d’entrée de gamme retirée ont illustré la friction côté demande aux États‑Unis.
- Cathodes Ni‑riches: chères, volatiles, et exposées aux cours des métaux. À l’inverse, la filière LFP/M3P (CATL, BYD) domine les EV “value” grâce à des coûts plus bas et une chaîne intégrée en Chine.
- Environnement politique: l’évolution des incitations américaines (IRA) et l’incertitude réglementaire 2025 ont brouillé la visibilité volumes/mix pour de nombreux projets côté batteries et véhicules. Plusieurs fournisseurs coréens évoquent des révisions/cancellations de commandes.
📢 Citation clé (sens général des dépôts et analyses)
“Changement de quantités fournies” et pressions marché: pas de remise en cause de la qualité produit chez L&F, mais un réalignement brutal sur la demande effective.
La voiture à 25 000 $: horizon repoussé
- Sans 4680 compétitif à grande échelle, difficile d’atteindre l’objectif de coût batterie clé pour une “Tesla à 25 000 $”.
- Tesla peut évidemment pivoter: plus de LFP/M3P pour les entrées de gamme et l’énergie stationnaire, et/ou des 46xx “fournisseurs” (LG, Panasonic, Samsung SDI) — mais cela suppose des re‑ingénieries, des arbitrages d’architecture (pack structurel vs cell‑to‑pack), et un calendrier réaliste.
💡 Conseil d’expert
À court terme, l’option la plus pragmatique pour un modèle abordable reste une chimie LFP optimisée (packs simples, densité suffisante pour segments compacts) et une plateforme véhicule allégée et rationalisée. Le 4680 “dry” pourrait rester cantonné à des modèles/uses cases hautes performances tant qu’il n’est pas “rentré dans la machine” industriellement.
Concurrence: l’écart de coûts chinois s’accentue
- BYD, SAIC, Geely, Xiaomi Auto et consorts empilent effets d’échelle, intégration verticale et chimies à coût plancher. Résultat: des berlines/SUV électriques sous 25 000 $ déjà en vente en Chine, avec un tempo d’itération produit élevé.
- En Occident, plusieurs groupes passent aux 46xx via des partenaires (Samsung SDI, LGES, CATL/EVE) avec cell‑to‑pack et packs structurels. L’approche “fournisseurs” permet d’amortir le risque process et d’accélérer la mise sur le marché.
📊 Éclairage comparatif (simplifié)
- 4680 Tesla “dry”: potentiel coûts/performances élevé, mais verrou industriel persistant.
- 46xx “wet” fournisseurs: performances solides, montée en cadence plus maîtrisée, coût moins disruptif mais disponible.
- LFP/M3P: coût imbattable pour volumes, densité moindre mais suffisante pour segments A‑C.
Ce que cela implique pour Tesla en 2026
- Produit:
- Cybertruck: trajectoire de volume décisive pour l’avenir du 4680 interne. En l’absence de ramp, la pertinence d’allouer capex et R&D au “dry” devra être réévaluée modèle par modèle.
- “Cybercab”/robotaxi: flou sur la cellule choisie, l’industrialisation et le cadre réglementaire. Sans volumes, pas d’échelle batterie.
- Industriel:
- Arbitrer entre poursuivre l’industrialisation du “dry” (temps/argent) ou standardiser davantage sur des 46xx fournisseurs et LFP pour sécuriser volumes et coûts.
- Sécuriser les chimies “value” (LFP) en Amérique du Nord/Europe pour limiter l’exposition à l’Asie, tout en gardant des accords avec CATL/BYD quand c’est pertinent.
- Finances:
- Les marges automobiles dépendent du mix (haut de gamme vs entrée), des coûts batterie et des remises commerciales. Un 4680 en stand‑by retarde l’amélioration structurelle promise des coûts.
✅ À surveiller début 2026
- Le communiqué livraisons Q4 (début janvier) et la ventilation par modèle.
- Toute mise à jour des rendements de production 4680 et du “dry electrode”.
- De nouveaux accords 46xx chez les fournisseurs (LG/Panasonic/Samsung SDI) et l’usage de LFP étendu.
- La trajectoire du Cybertruck (commandes/livraisons visibles) et le sort d’une éventuelle “voiture à 25 000 $”.
- Les arbitrages politiques sur les incitations EV aux États‑Unis et en Europe.
— À retenir —
- Un contrat cathode Tesla‑L&F révisé de ~2,9 Md$ à 7 386 $ signale une chute drastique des besoins 4680 à court terme.
- Le verrou industriel du “dry electrode” et la demande tiède du Cybertruck pèsent sur la montée en cadence.
- Pour un EV à 25 000 $, l’option la plus crédible à court terme reste une plateforme LFP optimisée; le 4680 “dry” devra prouver sa viabilité industrielle avant d’aspirer au volume.
- La concurrence chinoise, déjà à coûts plancher, impose un réalisme stratégique: sécuriser des cellules disponibles et bon marché, quitte à temporiser la disruption technologique.
Au final, l’épisode L&F n’enterre pas le 4680, mais il impose un atterrissage réaliste: en 2026, Tesla devra arbitrer entre poursuivre une industrialisation risquée du “dry” et capitaliser sur des solutions cellules plus matures pour garder la cadence face à une concurrence qui, elle, maîtrise déjà ses coûts.
