En bref:
- L’auto‑import de VE chinois affiche des prix attractifs mais l’homologation (RTI) n’est pas garantie en France et peut bloquer l’immatriculation malgré la promesse « incluse ».
- Droits de douane, TVA, adaptations techniques (charge, éclairages, logiciels) et frais d’homologation font souvent exploser le coût et annulent l’économie initiale.
- Valable surtout pour professionnels/experts prêts à assumer risques d’assurance, SAV et revente ; déconseillé pour un usage familial courant.
Acheter une Xiaomi SU7, une BYD Seagull ou un Xpeng Mona introuvables en concessions européennes, livrés à domicile et « homologués » pour rouler ? C’est la promesse de nouvelles plateformes qui s’adressent directement aux particuliers. Prix d’appel agressifs, procédures « prises en charge »… mais derrière les beaux discours, l’homologation est devenue le point dur qui menace l’achat tout entier. Et ce n’est pas le seul.
Ce qui change en 2025 : l’auto-import passe à l’échelle
Des acteurs comme « China/EV Marketplace » revendiquent désormais la vente unitaire à des particuliers, avec dédouanement et « homologation européenne » en option. On y trouve:
- des modèles déjà vendus chez nous (BYD, Xpeng, Volkswagen « made in China »),
- des nouveautés encore absentes du Vieux Continent (Xiaomi SU7/YU7, Avatr, Wuling, etc.),
- et des tarifs affichés bien inférieurs au réseau officiel.
L’engouement est réel, la curiosité technologique aussi. Sauf que l’écart de prix sur l’écran n’a souvent plus grand-chose à voir avec la facture finale, et qu’une promesse d’« homologation » n’est pas une garantie d’immatriculation en France.
Homologation: l’angle mort qui peut bloquer votre carte grise
L’Union européenne distingue la réception de type (homologation communautaire complète) et la réception à titre isolé (RTI), au cas par cas. Beaucoup de modèles strictement chinois n’ont pas de certificat de conformité européen (COC). Résultat:
- la plateforme vise une RTI… qui dépend des exigences de l’État membre choisi et des adaptations techniques réalisées;
- rien ne garantit une immatriculation en France, même si le véhicule a été « réceptionné » ailleurs; les DREAL/UTAC peuvent exiger des preuves de conformité point par point.
Points durs fréquents sur les VE importés de Chine:
- Connectique et recharge: prise GB/T au lieu du CCS. Adaptateur DC nécessaire (≈ 850 à 1 000 €), compatibilité variable, puissance parfois dégradée; gestion du protocole de charge qui peut poser problème.
- Logiciel/OTA et cybersécurité: serveurs localisés en Chine, mises à jour à distance non disponibles ou bridées hors du pays; conformité aux exigences UE (ex. R155/R156) incertaine sur des modèles non destinés à l’Europe.
- eCall, ADAS, éclairage, marquages: conformité aux règlements ECE et équipements réglementaires à démontrer; parfois des modifications physiques sont nécessaires (optique, signalisation, etiquettes, etc.).
- Documentation: sans COC, les dossiers s’allongent; la RTI peut prendre de longues semaines, parfois plusieurs mois, sans certitude d’issue.
📌 À retenir
- « Homologation incluse » n’est pas synonyme de « carte grise française garantie ».
- Les adaptations techniques peuvent annuler l’économie initiale… voire échouer.
Le coût réel: quand l’addition rattrape la bonne affaire
Au prix « usine » s’ajoutent inévitablement:
- droits de douane (10 % de base) + mesures antisubventions spécifiques aux VE chinois variant selon les marques et pouvant grimper au-delà de 30 % (des cas rapportés dépassent 40 %),
- TVA (20 % en France),
- fret maritime et logistique,
- frais de dédouanement (quelques centaines d’euros),
- « homologation »/RTI (souvent annoncée autour de 2 500 €),
- adaptations techniques (connectique de charge, éclairage, etc.).
Exemples indicatifs observés sur des annonces récentes:
- BYD Seal « affichée » vers 21 000 € hors taxes en Chine: une fois ajoutés droits, TVA, frais d’homologation et de dédouanement, on dépasse couramment 34 000 €… avant adaptateur DC et éventuelles modifications.
- Xiaomi SU7 « affichée » autour de 26 000 € HT: avec surtaxes, 10 % de douane et 20 % de TVA, on frôle les 49 000 € si l’on parvient à boucler la RTI.
💡 Astuce
Demandez noir sur blanc un devis « toutes taxes et frais inclus » jusqu’à la carte grise française, avec calendrier, pénalités en cas d’échec, et modalités de remboursement.
Assurance, garantie, pièces, revente: les autres pièges du quotidien
- Assurance: sans code CNIT et sans référencement en base, de nombreux assureurs refusent ou sur-tarifient. Anticipez avec des devis fermes (VIN à l’appui).
- Garantie: hors réseau officiel européen, la garantie constructeur est généralement inapplicable. Les OTA et campagnes de rappel/patchs peuvent être inaccessibles.
- SAV et pièces: réseau inexistant pour certaines marques; délais et coûts élevés; immobilisation longue en cas d’avarie haute tension, BMS, électronique de puissance.
- Revente: véhicule « exotique », connectique GB/T, interface en chinois/anglais, pas de garantie: la liquidité du marché d’occasion est faible et la décote potentiellement lourde.
ℹ️ Bon à savoir
Les hybrides rechargeables (PHEV) sont parfois moins pénalisés par les surtaxes ciblant les VE 100 %, d’où leur part croissante dans ces auto-imports. Cela ne résout ni l’assurance, ni le SAV, ni la revente.
Un nouveau front de la guerre commerciale Chine–Europe
L’auto-import touche à la fois:
- la politique commerciale (droits additionnels sur les VE chinois),
- la sécurité et la conformité (homologation, cybersécurité, eCall),
- et l’équité concurrentielle (contournement des réseaux officiels et de leurs coûts de mise en conformité).
Les autorités européennes ont musclé les droits correctifs; aux États-Unis, des services similaires ont cessé face à la fiscalité. En Europe, il est probable que les contrôles se renforcent encore, notamment sur la valeur en douane, la conformité logicielle et la RTI, pour éviter des contournements systématiques.
Quand l’auto-import peut-il encore avoir du sens ?
- Pour des professionnels/ingénieurs qui achètent un véhicule « labo » à démonter et étudier.
- Pour des passionnés très avertis qui acceptent délibérément: incertitude d’homologation, absence de garantie, complexité d’assurance, adaptation de recharge et valeur de revente aléatoire.
Pour un usage familial au quotidien, l’équation risque/récompense est, à ce stade, défavorable.
Checklist express avant de signer
- Homologation:
- Y a-t-il un COC européen ? Si non, quelle RTI et dans quel pays ? Acceptée en France ?
- Dossier technique détaillé listant chaque règlement ECE couvert et les adaptations prévues.
- Contrat:
- Devis TTC « carte grise FR en main »; calendrier; clauses d’échec et de remboursement.
- Qui est le vendeur juridiquement (UE ou hors UE) et quelle loi s’applique ?
- Technique:
- Connectique: solution de charge AC/DC documentée, tests de compatibilité réseau public.
- Langue/OTA/serveurs: quelles fonctions connectées resteront actives en Europe ?
- Pièces et manuel d’entretien: sources, délais, références.
- Risques financiers:
- Assurance: attestation de couverture et tarif AVANT achat.
- Valeur de revente: accepter une décote potentiellement forte.
- Douanes: valeur déclarée, preuves de paiement, éviter tout « under-valuation » illégal.
✅ À retenir
- Économie affichée à l’écran ≠ coût total en France.
- L’homologation à titre isolé est le nœud du problème et peut échouer.
- Sans garantie, sans réseau, sans assurance claire, le risque consommateur est majeur.
En bref, l’auto-import de VE chinois promet l’accès rapide à des modèles alléchants… mais l’homologation reste une loterie et additionne des coûts cachés. À moins de savoir précisément où vous mettez les roues, mieux vaut rester sur des filières officielles ou patienter que les modèles arrivent avec une conformité et un SAV garantis.