En bref:
- La France relève son bonus VE (jusqu’à 5 700 € en 2026) pour soutenir la demande et l’industrie, tandis que la Commission européenne évoque des « flexibilités » autour de l’interdiction des thermiques en 2035 (détails le 10/12/2025).
- Objectif double : accélérer l’électrique côté consommateurs tout en assouplissant la transition côté production pour préserver emplois et sites — au risque d’affaiblir la trajectoire climatique si ces flexibilités deviennent pérennes.
La France renforce son bonus à l’achat d’un véhicule électrique dès 2026. Au même moment, à Bruxelles, la Commission laisse entendre qu’elle pourrait « adapter le chemin » de la transition en accordant des « flexibilités » à l’interdiction des moteurs thermiques en 2035. Contradiction totale ou ré-équilibrage pragmatique face à la réalité industrielle européenne ? Décryptage.
Dans un marché bousculé par la concurrence chinoise et la pression sociale sur l’emploi, l’Union tente de concilier cap climatique et compétitivité. Résultat : des messages qui paraissent dissonants, mais pourraient, en réalité, dessiner une stratégie à deux leviers — soutenir la demande électrique tout en desserrant certaines contraintes côté offre.
Ce qui vient de se passer
- France: le gouvernement confirme le maintien du bonus et son relèvement « jusqu’à 5 700 € » en 2026 pour l’achat d’un VE, dans la continuité du cadre actuel et de ses critères environnementaux. Objectif affiché: soutenir le pouvoir d’achat et l’écosystème industriel local.
- Bruxelles: le vice‑président Stéphane Séjourné a évoqué l’idée d’« accorder des flexibilités » et qu’« un certain nombre de technologies pourraient être autorisées après 2035 », avec des précisions attendues le 10 décembre.
- Berlin: le chancelier Friedrich Merz a annoncé l’envoi d’une lettre à Ursula von der Leyen demandant de « corriger la réglementation sur la mobilité » afin d’autoriser, au-delà de 2035, des hybrides rechargeables, des moteurs thermiques à très haute efficacité et des prolongateurs d’autonomie, tout en lançant une prime nationale pour VE et PHEV destinée aux ménages modestes et intermédiaires.
- Contexte: l’industrie allemande a perdu plus de 50 000 emplois en un an, souffre de coûts énergétiques élevés, de la faiblesse de la demande et de la concurrence chinoise. Des droits de douane américains de 15 % compliquent encore l’équation.
📌 À retenir
- Bonus VE français relevé à partir de 2026: signal pro‑électrique clair côté demande.
- À Bruxelles, pas de suppression de 2035 annoncée, mais une porte entrouverte à des « flexibilités » technologiques.
- L’Allemagne pousse pour un assouplissement, la France défend la date de 2035… tout en se disant prête à « ouvrir des flexibilités » limitées.
Contradiction ou partage des rôles entre Paris, Berlin et Bruxelles ?
Vue de loin, la séquence ressemble à un tir croisé. En réalité, on observe:
- Côté consommateurs (France): un soutien renforcé pour accélérer l’adoption des VE dans les ménages.
- Côté production (UE): une volonté de limiter la casse industrielle en modulant la marche vers le « zéro émission » tailpipe en 2035.
Paris reste favorable au calendrier 2035, jugeant qu’il « aligne les acteurs » et sécurise les investissements, tout en acceptant le principe de flexibilités ciblées pour éviter « un couperet aveugle ». Berlin, plus en difficulté, cherche un reparamétrage plus large. La Commission, elle, tente de concilier ambition climatique et souveraineté industrielle, dans un contexte de rattrapage face aux marques chinoises.
Quelles « flexibilités » sont sur la table ?
- Prolongateur d’autonomie (range extender): petit moteur thermique servant de générateur pour recharger la batterie sur longs trajets, sans entraîner directement les roues.
- Hybrides rechargeables (PHEV): maintien possible dans des usages/segments précis, sous conditions plus strictes d’émissions réelles.
- Thermiques « e‑fuels only » ou très haute efficacité: niches déjà évoquées, à encadrer par l’homologation et des verrous techniques.
- Flex par segments/territoires: exemptions ciblées pour usages professionnels, zones rurales ou véhicules utilitaires légers.
- Cadence: phasage, paliers intermédiaires, ou fenêtres transitoires après 2035.
Avantages
- Donne de l’oxygène aux sites européens en reconversion.
- Maintient une offre adaptée à des usages où le 100 % électrique reste contraignant (autonomie, charge, TCO professionnel).
Risques
- Dilution de l’objectif « zéro émission au pot d’échappement » et retards d’investissements VE.
- Emissions réelles des PHEV souvent supérieures à l’homologation si recharges insuffisantes.
- Complexification réglementaire et incertitude pour les investisseurs.
💡 Note d’expert
La faisabilité juridique compte: modifier substantiellement l’interdiction 2035 suppose un processus européen formel (révision législative ou actes délégués précis). La Commission peut suggérer des voies de flexibilité, mais l’atterrissage dépendra des États et du Parlement.
Bonus français 2026: ce que ça change vraiment
- Montant: jusqu’à 5 700 € annoncés en 2026, dans un cadre de critères environnementaux qui favorise les modèles à faible empreinte de production et l’ancrage européen.
- Cible: ménages et modèles « cœur de marché » produits en Europe, pour soutenir volumes et emplois.
- Effet attendu: accélérer le renouvellement du parc et sécuriser les plans industriels (batteries, assemblage, sous-traitance) en France et chez nos voisins.
Conseils pratiques pour 2026
- Vérifiez l’éligibilité du modèle (critères environnementaux et plafond de prix).
- Cumulez avec la prime à la conversion si vous mettez au rebut un ancien thermique.
- Anticipez disponibilité et délais: l’effet bonus peut tendre l’offre sur certains modèles très demandés.
Qui dit quoi aujourd’hui ?
| Acteur | Position résumée | Objectif prioritaire |
|---|---|---|
| France | Maintien de 2035, bonus VE renforcé, flexibilités possibles mais ciblées | Tenir la trajectoire climat et soutenir l’industrie locale |
| Allemagne | Demande d’assouplissement explicite (PHEV, prolongateurs, thermiques très efficients) | Préserver l’emploi et la compétitivité face au choc VE |
| Commission (Séjourné) | « Adapter le chemin » et « accorder des flexibilités », détails le 10/12 | Éviter un choc industriel sans renier le cap |
| Constructeurs UE | Neutralité technologique, plus de souplesse de calendrier et d’outils | Gérer la transition sans destructions massives |
Industrie vs climat: le délicat équilibre
- Industrie: l’UE doit combler l’écart de coûts avec la Chine, sécuriser ses chaînes batteries et soutenir la demande locale. Des assouplissements ciblés peuvent éviter des fermetures à court terme.
- Climat: l’UE vise −55 % d’ici 2030 et la neutralité 2050. Toute flexibilité devra rester encadrée, mesurable et temporaire, pour ne pas creuser l’écart d’émissions du transport routier.
📊 Points de vigilance
- Mesures « transitoires » qui deviennent pérennes.
- Contrôle des émissions réelles et des usages PHEV.
- Lisibilité pour les industriels: éviter l’instabilité réglementaire.
Trois scénarios d’ici mi‑2026
- Cap 2035 maintenu, flexibilités limitées
- Petites fenêtres pour prolongateurs/niches, renforcement des contrôles d’émissions réelles.
- Probabilité: élevée si la France, l’Espagne et d’autres États restent fermes.
- Extension PHEV sur segments ciblés et période limitée
- Exemptions post‑2035 sous conditions strictes; nécessite un cadre juridique robuste.
- Probabilité: intermédiaire, dépend de la coalition d’États « pro‑flex ».
- Report de 2035
- Politiquement très sensible; choc de crédibilité climatique.
- Probabilité: faible à court terme.
🗓 Calendrier à suivre
- 10 décembre 2025: annonces de la Commission pour « soulager » la filière auto.
- Premier semestre 2026: précisions techniques (si actes délégués/révisions) et mise en musique nationale des aides.
- 2035: cap actuel de fin des ventes neuves émettrices de CO2 au pot d’échappement.
Au fond, l’Europe n’envoie pas deux messages incompatibles: elle tente d’accélérer la demande électrique tout en aménageant la pente pour son outil productif. Toute la question est de savoir jusqu’où ira la « flexibilité » sans casser la boussole 2035. La réponse commencera à s’écrire le 10 décembre.
