En bref:
- Kia PV5 châssis‑cabine : châssis‑cabine électrique modulaire (<5 m) avec batteries 51/71 kWh, charge utile ≈1 005 kg, recharge DC jusqu’à 150 kW, prix utilitaire attractif et écosystème pro (télématique, accès bornes, OTA, services flotte).
- Potentiel disruptif réel si la recharge se fait au dépôt et les flottes cherchent un TCO inférieur; mais dépend fortement des infrastructures, des règles CO2/localisation, du réseau après‑vente — le rétrofit demeure une alternative compétitive.
Alors que la dynamique des voitures électriques particulières se tasse en Europe, un autre front s’ouvre: celui des utilitaires légers. Et l’arrivée du Kia PV5 en version châssis-cabine, dévoilé à Solutrans, en est un signal fort. Modulaire, connecté et agressif sur les coûts, il vise en plein cœur le terrain des Renault Trafic, e-Jumpy/Expert, E‑Transit Custom et consorts.
Derrière l’effet nouveauté, une question structurante: l’électrification des VUL, portée par la logistique du dernier kilomètre et la pression réglementaire, peut-elle devenir le vrai champ de bataille où de nouveaux entrants déstabilisent les constructeurs historiques?
Pourquoi les utilitaires électriques peuvent changer la donne
- Des objectifs CO2 qui se durcissent: pour les VUL, la cible 2030 (-50%) est jugée hors d’atteinte au rythme actuel. Les parts des VUL électriques à batterie plafonnaient autour de 9–10% au S1 2025, quand il faudrait 15–20% dès maintenant pour rester sur trajectoire.
- Une régulation en révision: Stellantis, l’ACEA et plusieurs gouvernements (dont la France) poussent un “lissage” des objectifs sur 5 ans et une différenciation claire entre voitures et utilitaires. Décisions clés attendues mi-décembre.
- ZFE et accès aux centres-villes: l’électrique reste le passe-droit le plus sûr pour la livraison urbaine, même si certains pays discutent des calendriers. Pour les pros, c’est un facteur d’adoption “défensif”.
- Infrastructures encore insuffisantes: environ un quart seulement des points publics nécessaires à horizon 2030 sont installés en Europe. La recharge au dépôt devient donc le pivot économique et opérationnel.
📌 À retenir
- Le zéro-émission en VUL n’est plus une option marketing, c’est une contrainte opérationnelle des grandes villes et un levier CO2 central pour les flottes. La bataille se joue désormais sur le TCO, l’écosystème de services et la qualité d’intégration “véhicule + recharge + data”.
Kia PV5 châssis-cabine: fiche express et positionnement
Châssis-cabine électrique sur plateforme dédiée (E‑GMP.S), pensé pour être transformé “métier par métier” avec des carrossiers européens.
Chiffres clés
- Gabarit compact (<5 m) et rayon de braquage de 5,5 m
- Charge utile jusqu’à 1 005 kg
- Volume jusqu’à 8 m3 avec caisson cargo
- Batteries: 51,5 kWh (dès lancement), puis 71,2 kWh (à partir de 2026)
- Autonomie annoncée (WLTP): 297 km (51,5 kWh) et 416 km (71,2 kWh)
- Recharge DC jusqu’à 150 kW (10–80% ≈ 30 min)
- Garantie 7 ans/150 000 km (extensible à 260 000 km)
- Prix indicatifs versions utilitaires (HT): dès 33 500 € (51,5 kWh, L2H1 Essential) jusqu’à ≈ 38 300 € (71,2 kWh, finition Plus)
Modularité prête à l’emploi
- Benne basculante, frigo, ridelles, food-truck, etc.: catalogue de transformations déjà balisé avec des carrossiers européens.
- Format châssis-cabine: la base la plus “souple” pour coller aux usages réels et préserver la charge utile.
Un écosystème pro intégré
- Drive: OS Android embarqué, assistant, OTA, écran ~13”, location flexible via “Kia Drive Business”.
- Charge: accès à plus d’1 million de points en Europe (interop via Deftpower) et accompagnement pour l’installation sur site.
- Connect: télématique multi‑marques sans boîtier additionnel, app Business gratuite jusqu’à 5 véhicules.
- Work: portail unifié pour piloter l’ensemble de la flotte et des rôles.
💡 Conseil d’expert
Sur le marché VUL, la valeur n’est plus dans le “hardware” seul. La simplification de la recharge, la télématique ouverte et la location flexible pour absorber les pics d’activité sont devenues des critères d’achat décisifs.
Autonomie réelle: ce que disent les usages, pas seulement le WLTP
- 297–416 km WLTP, oui. En réel, chargé et en hiver, comptez plutôt:
- 51,5 kWh: 180–220 km typiques en urbain/périurbain.
- 71,2 kWh: 260–320 km typiques, avec une vraie marge pour les tournées étendues.
- Le point dur n’est pas l’aller-simple, mais l’enchaînement de missions avec clim/chauffage, arrêts fréquents et conduite multi‑conducteurs.
Astuce pro
- Dimensionnez la batterie sur 80% des tournées, pas sur le jour “record”. Prévoyez un appoint DC de 15–20 min sur les journées longues: l’écosystème PV5 (localisation des bornes, planning) aide à verrouiller les créneaux sans impacter la productivité.
TCO: où le PV5 gagne, où il peut perdre
Hypothèses de calcul illustratives (ordre de grandeur)
- Kilométrage: 25 000 km/an
- Conso VUL électrique en charge: 22–26 kWh/100 km (nous prendrons 24)
- Électricité au dépôt: 0,15 €/kWh; recharge publique rapide: 0,45 €/kWh
- Diesel: 8,5 l/100 km; prix gazole pro: ~1,70 €/l
Coût énergie au km
- PV5 (dépôt 0,15 €/kWh): 24 kWh/100 = 3,6 €/100 km → 0,036 €/km
- PV5 (DC publique 0,45 €/kWh): 10,8 €/100 km → 0,108 €/km
- Diesel: 8,5 l × 1,70 = 14,45 €/100 km → 0,145 €/km
Lecture TCO
- Avec recharge majoritairement au dépôt, l’économie énergie vs diesel approche 0,11 €/km, soit ~2 750 €/an (25 000 km). Sur 5 ans, cela compense largement un surcoût d’achat initial.
- Si la part de DC publique rapide devient dominante, l’avantage s’évapore: l’électricité chère peut rapprocher le coût d’usage de celui du diesel.
- Maintenance: avantage structurel à l’électrique (usure frein limitée, pas d’huile/embrayage), mais attention au prix pneus (couple, masse) et à l’assurance.
- Aides et fiscalité: variables selon pays/régions; les bonus utilitaires et amortissements accélérés peuvent faire pencher la balance. En France, certaines aides privilégient les productions/localisations européennes: à vérifier selon votre version/configuration.
✅ À retenir (TCO)
- Gagnant si: recharge nocturne au dépôt négociée, mission urbaine/périurbaine, kilométrage régulier, planning maîtrisé.
- À surveiller si: usage autoroutier intensif, forte dépendance à la recharge publique, poids d’équipements spécifiques diminuant l’autonomie utile.
Menace pour les historiques: réelle, mais conditionnelle
Où Kia (et les nouveaux entrants) peuvent frapper fort
- Produit + services: offre “clé en main” avec télémétrie multi‑marques et portail unifié; c’est exactement ce qu’attendent les gestionnaires de flottes.
- Modulaire dès le lancement: partenariat actif avec des carrossiers européens = délais et conformité “métiers” raccourcis.
- Prix positionnés: un ticket d’entrée compétitif en châssis‑cabine électrique.
Ce qui peut freiner la disruption
- Préférence européenne et règles CO2 en mouvement: la France pousse des critères de valeur ajoutée locale. Selon le lieu d’assemblage et de production batterie, les incitations pourraient avantager des modèles “made in EU”.
- Réseau après‑vente et disponibilité pièces: critère majeur en B2B. Les groupes européens ont un maillage dense et des contrats service éprouvés.
- Poids réglementaire: le basculement N1→N2 (si PTAC relevé par la batterie/charge utile) expose aux contraintes “poids lourd” (tachygraphe, limiteur), un vrai repoussoir pour certains usages. Les plateformes bien calibrées sous 3,5 t gardent un avantage.
Signal faible à ne pas ignorer
- Les offres “abonnement tout‑compris” ont peiné à trouver leur marché (ex: la fin annoncée de Watèa by Michelin): preuve que le bundling financier ne suffit pas sans équation opérationnelle robuste (infra, prix de l’électricité, disponibilité véhicule).
La concurrence directe du PV5 châssis-cabine
- Renault Trafic (E‑Tech en fourgon), Stellantis (Citroën ë‑Jumpy/Peugeot e‑Expert/Opel Vivaro Electric/Fiat E‑Scudo), Ford E‑Transit Custom: écosystèmes déjà installés, multiples longueurs et carrosseries, réseaux de carrossiers matures.
- Le différenciateur du PV5 tient moins à une “fiche technique miraculeuse” qu’à l’assemblage produit‑prix‑services‑modularité.
Et le rétrofit dans tout ça?
- Une alternative crédible pour les flottes: 22 000–27 000 € HT la conversion vs 40 000–50 000 € pour un VU neuf équivalent, délais courts (≈25 h de transformation), conservation des aménagements.
- TCO compétitif (≈0,21 €/km estimé sur 10 ans, hors cas particuliers) et prime rétrofit dédiée pour les VUL.
- Enjeux: standardisation, réseau service, homologations et disponibilité des kits. Mais pour une partie du parc, le rétrofit est une voie rapide vers la ZFE à moindre coût… et un concurrent indirect des VUL neufs.
Ce qui fera basculer le segment d’ici 24 mois
- Décisions UE sur les cibles CO2 VUL et le lissage 2028–2032.
- Accélération concrète des bornes rapides/ultra‑rapides sur axes logistiques et zones d’activités (AFIR).
- Contrats d’électricité “flotte” à prix/plage garantis et pilotage smart charging au dépôt.
- Garanties batteries, valeurs résiduelles encadrées et marché VO VUL électrique qui s’étoffe (confiance financière).
- Éligibilité aux aides selon le contenu/localisation européens des véhicules et batteries.
📢 Check‑list rapide pour une flotte
- Profil de mission: urbain/périurbain avec retour dépôt quotidien? Oui → match naturel.
- Part de recharge au dépôt ≥ 70%? Oui → TCO favorable.
- Carrosserie et masse: rester sous 3,5 t une fois équipé? Indispensable.
- Contrat énergie + smart charging signés avant livraison? Sine qua non.
- Service: maillage, prêt de véhicule de remplacement, SLA clairs? À verrouiller au contrat.
En filigrane, le Kia PV5 châssis‑cabine n’est pas un “coup” marketing: c’est une offre correctement dimensionnée aux usages, posée sur un écosystème qui parle aux pros. De quoi inquiéter les historiques? Oui, s’ils laissent filer la bataille du TCO réel, du service et de la simplicité opérationnelle. Mais avec une préférence européenne qui se précise et des réseaux après‑vente très ancrés, les champions locaux ont encore de solides cartes en main.
