En bref:
- L’Union européenne impose de nouveaux droits de douane sur les véhicules électriques chinois, avec des tarifs variant de 7,8% à 35,3%, en réponse à des pratiques jugées déloyales par Pékin.
- Cette décision, qui prend effet le 31 octobre 2024, suscite des tensions entre l’Europe et la Chine et pourrait avoir des répercussions sur l’industrie automobile européenne et les consommateurs.
- Le Mondial de l’Auto 2024 à Paris sera un événement clé pour les constructeurs, tant européens que chinois, face à ces nouveaux défis tarifaires.
Le Mondial de l’Auto 2024, qui se tiendra à Paris du 14 au 20 octobre, s’annonce comme un rendez-vous crucial pour l’industrie automobile européenne et mondiale. Cette édition sera marquée par un contexte particulier : l’entrée en vigueur, quelques jours plus tôt, de nouveaux droits de douane européens sur les véhicules électriques importés de Chine. Un sujet brûlant qui cristallise les tensions entre l’Union européenne et l’Empire du Milieu, et dont les répercussions se feront sentir bien au-delà des portes du salon parisien.
Une décision lourde de conséquences
Le 4 octobre dernier, les États membres de l’Union européenne ont validé l’imposition de droits de douane supplémentaires sur les véhicules électriques en provenance de Chine. Cette décision, qui prendra effet le 31 octobre 2024, vient s’ajouter aux 10% de taxes déjà en vigueur. Concrètement, les nouveaux tarifs varieront selon les constructeurs :
- 7,8% pour Tesla (qui produit certains modèles en Chine)
- 17% pour BYD
- 18,8% pour Geely
- 35,3% pour SAIC
Les autres marques chinoises seront soumises à un taux de 20,7% si elles ont coopéré à l’enquête de la Commission européenne, ou de 35,3% dans le cas contraire.
Les raisons d’une telle mesure
Cette décision fait suite à une longue enquête menée par la Commission européenne, qui a mis en lumière des pratiques jugées déloyales de la part de Pékin. Bruxelles accuse le gouvernement chinois de subventionner massivement ses constructeurs automobiles, leur permettant ainsi de proposer des véhicules électriques à des prix défiant toute concurrence sur le marché européen.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la part de marché des véhicules électriques chinois en Europe est passée de 3,9% en 2022 à environ 7% en 2023. Une progression fulgurante qui inquiète les constructeurs européens et menace, selon la Commission, pas moins de 14,6 millions d’emplois dans l’industrie automobile du Vieux Continent.
Un vote qui divise l’Europe
La décision d’imposer ces nouveaux tarifs n’a pas fait l’unanimité parmi les États membres. Si dix pays, dont la France et l’Italie, ont voté en faveur de la mesure, cinq s’y sont opposés et douze se sont abstenus. L’Allemagne, en particulier, s’est montrée réticente, craignant les répercussions sur ses propres constructeurs fortement implantés en Chine.
Cette division reflète la complexité des enjeux économiques et diplomatiques liés à cette décision. D’un côté, la volonté de protéger l’industrie automobile européenne et ses emplois ; de l’autre, la crainte de déclencher une guerre commerciale avec la Chine, premier marché automobile mondial.
La réaction chinoise et les risques de représailles
Sans surprise, la réaction de Pékin ne s’est pas fait attendre. La Chine a vivement critiqué cette décision, la qualifiant de "protectionniste" et "injuste". Le gouvernement chinois a d’ores et déjà annoncé son intention de contester ces tarifs auprès de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).
Plus inquiétant encore, la Chine a laissé entendre qu’elle pourrait prendre des mesures de rétorsion. Des enquêtes anti-dumping ont déjà été lancées sur certains produits européens, notamment le porc, les produits laitiers et les eaux-de-vie comme le cognac. Une menace prise très au sérieux par certains secteurs économiques européens, à l’image de la filière du cognac qui s’estime "sacrifiée" dans ce bras de fer commercial.
L’impact sur le Mondial de l’Auto 2024
Dans ce contexte tendu, le Mondial de l’Auto 2024 prend une dimension particulière. Les constructeurs chinois, qui avaient prévu une présence massive sur le salon parisien, pourraient revoir leur stratégie. Certains, comme BYD ou Nio, pourraient profiter de l’événement pour annoncer l’implantation d’usines en Europe, une manière de contourner les nouveaux tarifs tout en rassurant les consommateurs européens.
Pour les constructeurs européens, ce salon sera l’occasion de démontrer leur capacité à rivaliser avec leurs homologues chinois sur le segment des véhicules électriques. Des annonces de nouveaux modèles plus abordables sont attendues, ainsi que des innovations en matière de batteries et d’autonomie.
Les conséquences pour le consommateur européen
L’une des grandes interrogations concerne l’impact de ces nouveaux tarifs sur les prix des véhicules électriques en Europe. Si l’objectif affiché est de rétablir une concurrence équitable, certains experts craignent que cette mesure ne freine l’adoption des véhicules électriques en les rendant moins accessibles aux consommateurs.
En effet, les constructeurs chinois avaient jusqu’ici contribué à démocratiser les véhicules électriques en proposant des modèles à des prix attractifs. Avec ces nouveaux tarifs, les prix pourraient augmenter de 10 à 20%, selon les estimations. Une hausse qui pourrait dissuader certains acheteurs potentiels, au risque de ralentir la transition écologique du parc automobile européen.
L’avenir de l’industrie automobile européenne en question
Au-delà des considérations immédiates, cette décision soulève des questions fondamentales sur l’avenir de l’industrie automobile européenne. Certains y voient une opportunité pour les constructeurs du Vieux Continent de rattraper leur retard dans le domaine des véhicules électriques, en les poussant à innover et à investir massivement.
D’autres, en revanche, craignent que cette protection ne se fasse au détriment de la compétitivité à long terme des constructeurs européens. En les isolant de la concurrence chinoise, ne risque-t-on pas de les priver d’une stimulation nécessaire à l’innovation ?
Vers une redéfinition des relations commerciales sino-européennes ?
Cette crise du secteur automobile s’inscrit dans un contexte plus large de tensions commerciales entre l’Europe et la Chine. Elle pourrait marquer un tournant dans les relations entre les deux puissances économiques, avec des répercussions bien au-delà du seul secteur automobile.
L’Union européenne semble déterminée à adopter une posture plus ferme face à ce qu’elle considère comme des pratiques commerciales déloyales de la part de la Chine. Cette nouvelle approche pourrait s’étendre à d’autres secteurs stratégiques, comme les énergies renouvelables ou les technologies de pointe.
Le Mondial de l’Auto 2024 s’ouvre donc dans un climat d’incertitude. Entre protection de l’industrie européenne et risque de guerre commerciale, l’avenir du marché automobile se jouera peut-être autant dans les allées du salon parisien que dans les couloirs de Bruxelles et de Pékin. Une chose est sûre : l’industrie automobile mondiale est à l’aube de profonds bouleversements, dont les contours se dessineront dans les mois à venir.