Transition énergétique à deux vitesses : décryptage des disparités régionales dans l’adoption des voitures électriques et hybrides en France

En bref:

  • La transition vers les véhicules électriques et hybrides en France présente de fortes disparités régionales, liées aux infrastructures de recharge, au pouvoir d’achat et aux politiques locales.
  • L’adoption reste plus rapide en zones urbaines comme l’Île-de-France, où l’offre de bornes et les incitations sont plus développées, tandis que les zones rurales privilégient encore largement les motorisations thermiques.
  • Pour réussir une transition équitable, il est essentiel d’harmoniser les infrastructures, les aides financières et la sensibilisation environnementale sur l’ensemble du territoire.

La transition vers la mobilité électrique fait aujourd’hui consensus sur le plan environnemental. Pourtant, la France semble avancer à plusieurs rythmes selon les territoires. Pourquoi l’adoption des voitures électriques et hybrides varie-t-elle autant d’une région à l’autre ? Derrière la moyenne nationale se cachent en réalité de profondes inégalités, révélées par les dernières études du secteur et le vécu quotidien des automobilistes français.

Une cartographie contrastée des achats de véhicules d’occasion… et du neuf

L’étude menée par Cap Car entre juin 2024 et mai 2025 est sans appel : si la Renault Clio et les Peugeot 208 et 308 dominent presque partout le marché de l’occasion, leur popularité ou celle de leurs variantes électrifiées diffère largement selon la région. Mais cette carte des modèles n’est en réalité que la partie émergée de l’iceberg. Ce sont surtout les choix de motorisation, les technologies embarquées et le type d’usage — urbain ou rural — qui accentuent la fracture.

  • Nord/Sud, ville/campagne : la boîte automatique, symbole de l’écart d’usage

    • En Île-de-France, la boîte automatique équipe désormais plus de la moitié des véhicules vendus d’occasion (51,1 %). Elle répond à la densité urbaine et à l’intensité du trafic, limitant la fatigue pour les usagers quotidiennement confrontés à la congestion.
    • À l’inverse, le sud de la Loire, ainsi que des régions comme les Hauts-de-France ou le Grand Est, restent attachés à la boîte manuelle (près de 60 % des achats). Le geste du changement de vitesse demeure naturel sur des trajets plus longs et moins engorgés, en milieu rural notamment.
  • Diesel ou électricité : les choix d’aujourd’hui, les arbitrages de demain

    • Alors que le diesel pèse encore plus de 40 % des achats dans certaines régions rurales (Hauts-de-France, Nouvelle-Aquitaine, Grand Est), il tombe à moins de 22 % en Île-de-France, région la plus exposée aux restrictions environnementales (ZFE).
    • La motorisation électrique reste marginale à l’échelle nationale sur le marché d’occasion (4,2 % des transactions), exception faite du Pays de la Loire, où elle dépasse 9 %. Ce territoire bénéficie d’un contexte spécifique : réseau de bornes dense, pouvoir d’achat supérieur, et sensibilisation accrue aux enjeux écologiques.

📊 Tableau : Parts de marché des principales motorisations selon les régions (Occasion, 2025)

RégionDieselHybrideÉlectriqueEssence
Hauts-de-France> 40%~10%~3%~47%
Île-de-France< 22%> 20%~4%> 54%
Pays de la Loire~35%~13%9,2%~43%
Provence-Alpes-Côte d’Azur~28%> 20%~5%~47%
Bourgogne-Franche-Comté~38%~6%~2%~54%

Données Cap Car et baromètres sectoriels, 2025


Pourquoi de tels écarts ? Décryptage des leviers et des freins régionaux

Trois grands facteurs structurent cette transition énergétique inégale : les infrastructures, la réalité socio-économique des ménages et les politiques locales.

1. L’infrastructure de recharge : un accès souvent déterminant

La France comptait mi-2025 environ 156 000 bornes de recharge publiques, mais leur répartition reste très inégale.

  • Île-de-France : record national en nombre de bornes (plus de 27 000), mais avec une puissance modérée, adaptée à l’usage urbain.
  • Auvergne-Rhône-Alpes et Nouvelle-Aquitaine : bonnes densités et présence de bornes rapides, facilitant les grands trajets et favorisant l’émergence de nouveaux usages.
  • Ruralité et outre-mer : souvent désertés par les réseaux, ils peinent à installer de la recharge pertinente — une des principales causes du retard d’adoption de l’électrique.

📌 À retenir
Le quart le plus utilisé des bornes concentre plus de 55 % des recharges totales en France ! La simple densité ne suffit donc pas : le profil d’usage (autoroute, ville, zone d’habitation) reste capital.

2. Le pouvoir d’achat et la typologie des ménages : des fractures socio-économiques tenaces

Le coût d’achat demeure aujourd’hui le frein numéro un, particulièrement hors des grandes villes. En 2024, le prix moyen d’une citadine électrique dépassait 34 500€, contre 15 900€ pour une occasion thermique récente en Auvergne-Rhône-Alpes.

  • CSP+ et jeunes urbains : plus enclins à acheter neuf, et à opter pour des solutions de financement innovantes (leasing social, location longue durée).
  • Ménages des zones rurales ou à pouvoir d’achat restreint : ils restent majoritairement sur le marché thermique (diesel/essence), privilégiant la robustesse perçue et l’autonomie, encore jugée trop courte sur les électriques d’entrée de gamme.

💡 Conseil d’expert
N’oublions pas que le bonus écologique 2025 varie de 3 000 à 4 000 euros, et peut monter jusqu’à plus de 4 200 euros pour les ménages les plus modestes. Malheureusement, la lisibilité de ces aides et leur articulation avec le score environnemental complexifient leur appropriation locale.

3. L’impact des politiques publiques locales et nationales

Les Zones à Faibles Émissions (ZFE), où l’usage des véhicules thermiques anciens est restreint, poussent mécaniquement Anciens moteurs vers de nouveaux modèles électrifiés dans les grandes villes (Paris, Lyon, Marseille, etc.). Par ailleurs, certaines régions offrent des primes complémentaires, accentuant les différences.

Tableau comparatif des politiques locales incitatives (2025)

RégionAide complémentaire voiture électriquePrimes ZFEAccès facilité aux bornes
Île-de-FranceOui (variable selon département)OuiExcellente
OccitanieOui (pour certaines communes)NonMoyenne
Bourgogne-Franche-ComtéRare, peu de ZFENonFaible

Occasions électrifiées : un marché dynamique, mais toujours très régionalisé

Sur le marché de la seconde main, la dynamique est encourageante (+39 % de transactions au T1 2025 par rapport à 2024), mais inégalement répartie. Les modèles phares restent la Renault Zoé, la Peugeot e-208, la Fiat 500e et la Tesla Model 3, mais la revente reste plus aisée en région parisienne (88 jours en moyenne dans les rayons), contre 210 jours en Nouvelle-Aquitaine par exemple.

À noter :

  • Les voitures électriques d’occasion sont encore peu nombreuses, mais le délai de rotation s’améliore chaque année.
  • Les prix deviennent également plus accessibles : une voiture électrique d’occasion de moins de 3 ans se négocie en moyenne 32 223 €, soit 24 % de moins qu’un modèle neuf équivalent.

ℹ️ En résumé : les clés pour comprendre la France à plusieurs vitesses de la transition automobile

  • Réseau de recharge, pouvoir d’achat et sensibilisation environnementale tissent une carte à facettes très variables selon le territoire.
  • Les politiques incitatives (bonus, primes locales, ZFE) peuvent compenser localement, mais ne suffisent pas à gommer les disparités.
  • Ruralité, densité urbaine et accès au logement individuel (facilitant ou non la recharge à domicile) demeurent encore des facteurs structurants.

Au final, la mobilité électrique progresse, mais son adoption reste intimement liée à la réalité du quotidien et du pouvoir d’achat local. Pour atteindre les ambitions nationales, il reste donc à harmoniser les conditions de réussite sur l’ensemble du territoire, en ne perdant jamais de vue que la transition sera — et doit rester — au service de tous les Français.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *