En bref:
- Les Certificats d’économie d’énergie (CEE) s’étendent au secteur automobile depuis janvier 2025, offrant des aides financières pour l’achat de véhicules électriques, principalement pour les utilitaires.
- Les CEE permettent de cumuler diverses aides, rendant l’accès à la mobilité électrique plus abordable pour les ménages modestes.
- Malgré leur apport significatif pour certains segments, les CEE présentent des limites, notamment des montants d’aide encore faibles pour les particuliers et une dépendance aux fluctuations des prix de l’énergie.
Face à la nécessaire transition énergétique du secteur des transports, la France déploie un nouvel outil pour accélérer l’adoption des véhicules électriques et hybrides. Les Certificats d’économie d’énergie (CEE) viennent désormais s’ajouter à l’arsenal des aides disponibles. Quel est l’impact réel de ce dispositif sur le marché automobile français ? Analyse d’un mécanisme encore méconnu mais potentiellement décisif pour l’avenir de la mobilité électrique.
Les CEE : un outil de la transition énergétique adapté à l’automobile
Origine et fonctionnement du dispositif
Les Certificats d'économie d'énergie ne sont pas une nouveauté en soi. Ce mécanisme existe depuis 2005 et a longtemps été cantonné au secteur de la rénovation énergétique des bâtiments. Le principe est simple : l’État impose aux fournisseurs d’énergie (électricité, gaz, fioul) de financer des actions favorisant la réduction de la consommation énergétique.
Depuis janvier 2025, le dispositif s’est étendu au secteur automobile, permettant désormais aux acheteurs de véhicules électriques de bénéficier d’aides financières directes. Un arrêté paru fin 2024 a officialisé cette extension, avec une enveloppe estimée à 300 millions d’euros par an.
📌 À retenir : Les CEE automobile sont financés par les énergéticiens et non par l’État, contrairement au bonus écologique. Il s’agit donc d’un financement privé qui vient compléter les aides publiques existantes.
Une mise en œuvre simplifiée pour le consommateur
Pour faciliter l’accès à ces aides, les constructeurs automobiles ont mis en place un système transparent pour le consommateur. Les deux principaux groupes français, Renault et Stellantis (Peugeot, Citroën, Opel…), ont été les premiers à déployer ce dispositif début mars 2025 en s’appuyant sur CertiNergy & Solutions, filiale d’Engie spécialisée dans la gestion des CEE.
Marion Humeau, directrice des opérations France Mobilize, précise : "C’est le groupe qui prend en charge l’ensemble du dossier de valorisation auprès de l’acteur obligé". Concrètement, lors de l’achat ou de la location longue durée d’un véhicule éligible, la remise est directement appliquée par le concessionnaire, sans démarche supplémentaire pour le client.
Impact différencié selon les segments de marché
Un apport symbolique pour les particuliers
Pour les voitures particulières, l’aide apportée par les CEE reste relativement modeste. Chez Renault comme chez Stellantis, un particulier achetant une voiture électrique neuve bénéficie d’une prime d’environ 310 à 353 euros selon le constructeur.
Ce montant représente à peine plus de 1% du prix d’achat d’une Renault 5 électrique (25.990 euros), même après déduction du bonus écologique. Une contribution certes appréciable, mais qui ne compense pas la baisse du bonus écologique intervenue début 2025, passé d’un minimum de 4.000 euros à 2.000 euros pour les ménages les plus aisés.
Un soutien substantiel pour les véhicules utilitaires
En revanche, l’impact des CEE est beaucoup plus significatif pour le segment des véhicules utilitaires légers. Cette catégorie avait vu le bonus écologique totalement supprimé en décembre 2024, laissant les professionnels sans aide à l’achat.
Les CEE offrent désormais :
- 2.540 euros pour un particulier achetant un utilitaire électrique
- 3.350 euros pour une société disposant de plus de 100 véhicules
- 2.250 euros pour une collectivité avec plus de 20 véhicules
- Jusqu’à 4.200 euros pour les autres personnes morales
Ces montants, bien que variables selon les constructeurs, représentent une aide substantielle qui pourrait relancer les ventes sur ce segment stratégique.
Complémentarité avec le système d’aides existant
Comparaison avec le bonus écologique
Le bonus écologique et les CEE fonctionnent selon des logiques différentes mais complémentaires :
Critère | Bonus écologique | CEE |
---|---|---|
Financement | Fonds publics | Fournisseurs d’énergie |
Conditions de revenus | Oui (3 paliers) | Non |
Montant (particuliers) | 2.000 à 4.000€ selon revenus | 310 à 350€ |
Véhicules utilitaires | Non éligibles | Jusqu’à 4.200€ |
Quadricycles | Non éligibles | 240 à 920€ |
Entreprises | Non éligibles depuis déc. 2024 | Éligibles |
Cumulabilité des dispositifs
L’un des principaux avantages des CEE réside dans leur cumulabilité avec les autres aides existantes. Un particulier peut ainsi combiner :
- Le bonus écologique (2.000 à 4.000€ selon ses revenus)
- La prime CEE (environ 310€)
- D’éventuelles aides locales proposées par les régions ou départements
Pour un ménage modeste, l’aide totale peut donc dépasser 4.300 euros, rendant l’achat d’un véhicule électrique plus accessible.
💡 Bon à savoir : Les CEE s’appliquent également aux offres de location longue durée de plus de 24 mois, une formule de plus en plus prisée des Français pour accéder à la mobilité électrique.
Perspectives et enjeux pour la transition énergétique
Dynamisation du marché électrique français
L’arrivée des CEE dans le secteur automobile intervient à un moment charnière. Après un ralentissement observé début 2025 suite à la révision à la baisse du bonus écologique, le marché des véhicules électriques cherche un second souffle.
En 2024, près de 350.000 véhicules électriques avaient été immatriculés en France, soit une hausse de plus de 25% par rapport à 2023. Les CEE pourraient contribuer à maintenir cette dynamique, en particulier sur le segment des utilitaires électriques, essentiel pour réduire les émissions en zone urbaine.
Un tremplin pour le leasing social
Le gouvernement français envisage également d’utiliser le mécanisme des CEE pour financer le retour du leasing social, ce dispositif de location à 100 euros par mois pour les ménages modestes, suspendu prématurément fin 2024 face à son succès.
Les CEE présentent l’avantage de ne pas impacter directement les finances publiques, un paramètre crucial dans le contexte budgétaire tendu que connaît la France. Le retour de cette offre est annoncé pour le second semestre 2025, avec potentiellement une enveloppe de 300 millions d’euros.
Analyse critique du dispositif
Malgré ses avantages, le système des CEE automobile présente plusieurs limites :
- Montants insuffisants pour les particuliers : Les quelques centaines d’euros offerts ne compensent pas la baisse du bonus écologique.
- Complexité du système : Bien que simplifié pour l’utilisateur final, le mécanisme des CEE reste globalement opaque pour le grand public.
- Dépendance aux cours de l’énergie : Les montants des aides sont déterminés selon les cours financiers de l’énergie et le prix du mégawattheure, introduisant une variable supplémentaire.
L’infrastructure, clé du succès de la transition
L’efficacité des CEE et autres aides à l’achat dépendra également de l’amélioration des infrastructures de recharge. Le gouvernement vise l’installation de 100.000 nouvelles bornes de recharge publiques d’ici fin 2025, portant le total à environ 200.000 points de charge sur le territoire.
Ce développement s’accompagne d’une baisse attendue des tarifs réglementés de l’électricité, rendant plus avantageux l’usage quotidien des véhicules électriques. Ces deux facteurs pourraient être tout aussi décisifs que les aides à l’achat pour convaincre les automobilistes français de franchir le pas vers l’électrique.
Si l’extension des CEE au secteur automobile ne révolutionne pas radicalement l’économie des véhicules électriques pour les particuliers, elle apporte néanmoins une solution ciblée pour certains segments, notamment les véhicules utilitaires. Ce dispositif illustre la diversification des outils de politique publique en faveur de la transition énergétique dans les transports, combinant financements publics et privés. L’avenir dira si cette approche permettra d’atteindre les objectifs ambitieux que s’est fixée la France en matière d’électrification de son parc automobile.