En bref:
- La dernière F‑Pace (SVR) sortie de Solihull clôt l’ère des moteurs thermiques chez Jaguar : la marque n’assemble plus de modèles en attendant sa nouvelle génération électrique.
- Jaguar se reconcentre sur le luxe électrique (lancement attendu été 2026, livraisons 2027) avec une GT 4‑portes très haut de gamme (>1 000 ch, batterie ~120 kWh, 650–700 km WLTP, prix ~140–150 k€+), pari audacieux mais dépendant de l’exécution (timing, logiciel, recharge, supply chain).
La dernière F‑Pace vient de quitter l’usine de Solihull. Un SVR noir, destiné non pas à un client, mais au Jaguar Heritage Trust de Gaydon. Avec lui, c’est un siècle de moteurs à pistons qui s’éteint chez Jaguar. La marque n’assemble plus aucune voiture thermique… ni même aucun modèle tout court, en attendant son nouveau chapitre.
Cette « page blanche » n’a rien d’un caprice marketing. Jaguar s’est fixé une trajectoire radicale: dès 2026, une gamme entièrement électrique, ultra‑haut de gamme, conçue pour faire oublier la chasse aux volumes et la course perdue face aux marques allemandes. Audacieux. Risqué. Et passionnant à observer.
Ce que la fin de la F‑Pace change vraiment
- Le dernier exemplaire produit est une F‑Pace SVR, V8 5.0 compressé (550 ch), peinte en noir en clin d’œil à la dernière Type E de 1974. Il rejoint la collection du Jaguar Heritage Trust.
- Plus de 300 000 F‑Pace ont été vendues dans le monde depuis 2016, faisant de ce SUV l’un des piliers commerciaux de la marque.
- Surtout: Jaguar n’assemble plus aucun modèle pour aucun marché à date. Un hiatus assumé jusqu’à la présentation de la première Jaguar électrique de “l’ère Reimagine”.
📌 À retenir
- Fin officielle des modèles thermiques Jaguar (dernière F‑Pace sortie de chaîne à Solihull).
- Grand reset industriel et commercial: plus aucun modèle neuf au catalogue en cette fin 2025.
- Première Jaguar 100 % électrique de série attendue à l’été 2026, livraisons envisagées début 2027.
Reimagine: de la “premium de volume” au luxe d’exception
Jaguar a reconnu l’évidence: la stratégie des dix dernières années n’a pas fonctionné. Le constructeur quitte la sphère “premium généraliste” pour viser un luxe plus rare, plus cher, plus singulier. “Copy nothing” redevient la boussole.
- Positionnement prix: de 65 000 € en moyenne hier à ~140 000 € et plus demain (premières séries susceptibles d’approcher/ dépasser 150 000 €).
- Gamme resserrée: focalisée sur des GT/berlines très distinctives, production plus confidentielle mais à forte valeur ajoutée (toujours à Solihull).
- Objectif: provoquer le désir par l’objet et l’expérience, pas par les volumes.
💬 Esprit critique
- Choix courageux, mais contracyclique: lorsque Volvo temporise, que Land Rover (dans la même maison JLR) séquence prudemment l’électrification, Jaguar opte pour le “tout‑ou‑rien”. Le pari repose sur l’exécution produit… et sur un marché du luxe électrique suffisamment porteur en 2026-2027.
La première Jaguar électrique: ce que l’on sait déjà
La “Type 00” de 2024 n’était pas un simple coup d’éclat. Les prototypes camouflés, approchés par quelques médias, confirment une GT 4 portes spectaculaire, à grand hayon et proportions extrêmes.
- Architecture: nouvelle plateforme dédiée JEA (800 V), indépendante de Land Rover.
- Gabarit: plus de 5,2 m (jusqu’à ~5,4 m évoqués), jantes 23 pouces, empattement géant, ligne fastback, surfaces lisses et vitres latérales réduites.
- Chaîne de traction: 3 moteurs (1 avant, 2 arrière), puissance >1 000 ch, couple >1 000 Nm, répartition type 30:70, gestion de couple (torque vectoring).
- Batterie: ~120 kWh, pack fin; autonomie visée 650–700 km WLTP; recouvrement d’autonomie annoncé >300 km en ~15 min (800 V, selon communications techniques préliminaires).
- Châssis: suspension pneumatique, roues arrière directrices (jusqu’à ~6°), cible 50:50 et compromis GT (confort à haute vitesse, rigueur en appuis).
- Vie à bord (protos): assise basse, toit visuellement bas mais garde au toit jugée suffisante; filtrage et insonorisation soignés; accélérations “lissées” plus que démonstratives.
Calendrier
- Révélation du modèle de série: été 2026 visé.
- Mise sur le marché: fin 2026; premières livraisons: début 2027 (sous réserve).
- Industrialisation: Solihull; plus de 150 prototypes en tests mondiaux rapportés.
ℹ️ Bon à savoir
- Le design divise (absence de lunette arrière sur le concept, proportion “long capot/hauteur contenue”), mais Jaguar assume l’iconoclasme. Mieux vaut susciter l’émotion que l’indifférence: un parti pris cohérent avec le positionnement luxe.
Face à Tesla, Porsche et les nouveaux acteurs: plan de jeu et points durs
Rivaux naturels en 2026-2027:
- Tesla Model S Plaid
- Porsche Taycan (dont les versions très hautes performances)
- Lucid Air (Grand Touring/ Sapphire)
- Lotus Emeya, Mercedes-AMG électriques à venir; et, en toile de fond, des propositions chinoises très ambitieuses.
Les atouts de Jaguar
- Différenciation par le style et l’architecture: plateforme JEA “feuille blanche”, proportions de GT spectaculaire, intérieur annoncé très “luxe”.
- Fiche technique crédible pour le segment: 3 moteurs/ >1 000 ch, 120 kWh, 650–700 km WLTP, 800 V et charge très rapide.
- Promesse de mise au point dynamique “à l’anglaise”: confort/rigueur, vectorisation fine, grande stabilité à haute vitesse.
Les angles morts à surveiller
- Réseau de recharge et écosystème: Jaguar n’a pas l’avantage d’un réseau propriétaire; l’expérience client dépendra de l’interopérabilité HPC et des accords d’accès.
- Taille et usage: un gabarit >5,2 m assumé, pertinent pour les USA/Chine, moins pour l’Europe urbaine; cela segmente le public.
- Prix et désirabilité: à ~150 000 €, il faut un “wow effect” constant (design, matériaux, son, services) pour convertir face à des références déjà établies.
- Exécution logicielle: l’expérience HMI/infodivertissement et l’OTA seront scrutées; à ce niveau de prix, le logiciel est au moins aussi déterminant que la fiche technique.
- Timing: tout retard en 2026-2027 ouvrirait une fenêtre aux concurrents (Porsche, Tesla, Lucid, Lotus, acteurs chinois très réactifs).
Industrie, emplois, chaîne d’approvisionnement: un séisme maîtrisé?
Passer du thermique au 100 % électrique en supprimant toute production transitoire a des effets systémiques.
- Chaîne d’approvisionnement: bascule vers cellules, packs, moteurs électriques, électroniques de puissance, BMS; dépendances accrues aux matériaux critiques (Li, Ni, Co, Cu). Intérêt stratégique du “nearshoring” de packs près de l’assemblage.
- Compétences et emplois: recul mécanique des métiers liés aux moteurs/boîtes; montée des besoins en logiciel, HV safety, validation système, électronique de puissance. Requalification indispensable des équipes.
- Volatilité opérationnelle: un calendrier tendu (révélation été 2026, SOP fin 2026, livraisons 2027) exige une coordination sans faille avec les fournisseurs. Tout décalage impacte les plans sociaux et le cash‑flow.
- Marque et réseau: tenir un canal commercial “au ralenti” pendant plus d’un an est inédit; la relation client (et la valeur résiduelle des Jaguar récentes) devra être soigneusement gérée.
💡 Conseil d’expert
Pour évaluer le succès du plan Jaguar dès 2026, suivez trois indicateurs concrets:
- stabilité du calendrier (révélation/ homologation/ SOP),
- performances réelles de recharge et d’autonomie vs promesses,
- qualité perçue/logiciel à la livraison (et cadence des mises à jour).
Une bascule à haut risque… et à haut potentiel
En fermant le chapitre thermique avec la dernière F‑Pace, Jaguar choisit la voie étroite: peu de modèles, très chers, très distinctifs, tous électriques. La GT 4 portes qui ouvrira le bal a, sur le papier, la carrure technique pour entrer au panthéon des grandes routières à batterie. Reste à transformer l’essai sur route ouverte, au bon prix, au bon moment, et avec un logiciel à la hauteur. C’est là que se jouera la renaissance du félin.
