La ‘Ceinture des Batteries’ américaine : un atout majeur pour la transition électrique mondiale

En bref:

  • Les États-Unis mettent en place des politiques incitatives pour stimuler la production de batteries pour véhicules électriques sur leur territoire.
  • La "Ceinture des Batteries" émerge dans le Sud et le Midwest américain, attirant de nombreux investissements des constructeurs automobiles.
  • Cette dynamique industrielle pose des défis environnementaux et sociaux, mais offre également un avantage stratégique pour la transition énergétique mondiale.

La transition énergétique vers une mobilité plus verte est désormais une priorité stratégique pour de nombreux pays. Aux États-Unis, le gouvernement fédéral a mis en place des politiques ambitieuses pour stimuler la production nationale de véhicules électriques et leurs composants clés, les batteries. Cette offensive industrielle a donné naissance à une nouvelle région manufacturière surnommée la ‘Ceinture des Batteries’, qui pourrait bien redéfinir les équilibres mondiaux dans ce secteur d’avenir.

Une stratégie volontariste pour relocaliser les chaînes d’approvisionnement

Longtemps dominé par les acteurs asiatiques, notamment chinois, le marché des batteries pour véhicules électriques connaît aujourd’hui un bouleversement majeur aux États-Unis. En cause, les importantes incitations fiscales et financières contenues dans deux lois phares adoptées sous la présidence de Joe Biden : le plan d’infrastructures bipartisan de 2021 et surtout la loi sur la réduction de l’inflation (IRA) de 2022.

Cette dernière prévoit en effet jusqu’à 20 milliards de dollars de prêts pour la construction de nouvelles usines, ainsi que 2 milliards de subventions pour moderniser les installations existantes. De quoi attirer de nombreux investissements dans un pays où la demande pour les véhicules électriques devrait exploser dans les années à venir, le président s’étant fixé l’objectif ambitieux d’atteindre 50% de ventes de véhicules "zéro émission" d’ici 2030.

L’IRA contient par ailleurs des crédits d’impôt substantiels pour l’achat de véhicules électriques, à condition toutefois que ces derniers, ainsi que leurs batteries, soient produits aux États-Unis ou dans des pays partenaires. Une manière habile de favoriser l’implantation sur le sol américain de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement du secteur.

Un déferlement d’investissements dans le Sud et le Midwest

Face à ces incitations massives, les annonces d’investissements se sont multipliées ces derniers mois. Selon les chiffres de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les constructeurs automobiles et fabricants de batteries ont dévoilé pour 52 milliards de dollars de projets dans les chaînes d’approvisionnement nord-américaines depuis l’adoption de l’IRA en août 2022, dont la moitié dédiée à la production de batteries.

Cette vague d’investissements se concentre principalement dans une vaste région s’étirant des Grands Lacs jusqu’à la Géorgie, en passant par le Tennessee. Une zone qui abrite déjà de nombreux sites industriels automobiles et qui voit aujourd’hui émerger ce que certains appellent la "Ceinture des Batteries".

La Caroline du Nord en est l’épicentre, avec l’implantation par Toyota d’une méga-usine de batteries d’un coût faramineux de 13,9 milliards de dollars, qui emploiera à terme 5.100 personnes. Le constructeur japonais n’est pas un cas isolé : Honda, Volkswagen, Hyundai, Panasonic ou encore LG ont tous annoncé de massifs investissements dans cette région.

Ford devrait lui aussi profiter de cette dynamique en rénovant deux de ses usines du Kentucky et du Missouri. Le géant américain prévoit d’y produire des batteries pour camions électriques, dans le cadre d’un projet de 3,5 milliards mené en partenariat avec le chinois Contemporary Amperex Technology (CATL), leader mondial du secteur.

Une capacité de production qui devrait dépasser les besoins

Au total, pas moins de sept États de la "Ceinture des Batteries" devraient disposer d’ici 2030 d’une capacité de production annuelle supérieure à 50 gigawattheures (GWh), soit l’équivalent de la production nécessaire pour alimenter environ 800.000 véhicules électriques par an. Un chiffre impressionnant quand on sait que la demande mondiale en 2022 n’était "que" de 550 GWh.

Selon les projections de l’AIE, la capacité de production installée aux États-Unis pourrait même dépasser 900 GWh d’ici 2030, suffisante pour répondre aux besoins du scénario "Zéro émission nette" de l’Agence, qui vise la neutralité carbone d’ici 2050. Un avantage stratégique indéniable dans la course pour la domination d’un marché appelé à connaître une croissance exponentielle.

Du côté des matériaux entrant dans la composition des batteries, l’émergence de ce nouvel eldorado industriel devrait également permettre de réduire la dépendance américaine aux importations. Le groupe Redwood Materials a ainsi annoncé un investissement de 3,5 milliards pour une usine de production de cathodes et anodes au Nevada.

Relever les défis environnementaux et sociaux

Si cette renaissance industrielle fait la fierté des autorités américaines, soucieuses de réinventer leur modèle économique, elle soulève également des interrogations d’ordre environnemental et social qu’il serait naïf d’ignorer.

Le développement rapide d’une filière batterie nationale posera en effet d’importants défis en termes d’approvisionnement durable en matières premières comme le lithium, le nickel ou le cobalt. Une partie de ces "minerais stratégiques" devra être extraite sur le territoire américain, au risque d’entrer en conflit avec les populations locales et de dégrader des écosystèmes fragiles.

Le recyclage apparaît dès lors comme une piste incontournable pour "boucler la boucle" et limiter l’impact environnemental de cette nouvelle industrie. Certaines entreprises comme Redwood Materials misent déjà sur cette activité, aidées par un prêt public de 2 milliards de dollars.

Enfin, les nombreux chantiers en cours dans la "Ceinture des Batteries" devront impérativement respecter les normes sociales les plus strictes, à commencer par la protection des droits des travailleurs. À défaut, le rêve d’une mobilité plus verte pourrait bien virer au cauchemar écologique et social.

En dépit de ces défis de taille, la dynamique enclenchée par les États-Unis dans la filière des batteries pour véhicules électriques est réjouissante. En stimulant la création d’une véritable "Ceinture des Batteries" sur son territoire, le pays se dote d’un atout industriel majeur pour peser sur les marchés de demain et accélérer la transition énergétique mondiale. Une stratégie que d’autres nations suivront sans doute à l’avenir.

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