En bref:
- Verkor, jeune entreprise grenobloise, ambitionne de construire une gigafactory de batteries électriques à Dunkerque, avec un financement record de plus de 2 milliards d’euros.
- L’usine vise à répondre à la demande croissante du marché européen en batteries à faible empreinte carbone.
- Ce projet stratégique pour la France s’inscrit dans une volonté de relocaliser la production de batteries en Europe et de renforcer l’indépendance industrielle du continent.
La transition énergétique et la mobilité durable sont au cœur des priorités de l’industrie automobile. Dans cette course effrénée vers l’électrification des transports, la France a décidé de jouer un rôle de premier plan en misant sur le développement d’une filière nationale de production de batteries électriques. Et c’est la jeune entreprise grenobloise Verkor qui incarne cette ambition hexagonale avec son projet de gigantesque usine de batteries à Dunkerque.
Une levée de fonds record pour un projet d’envergure
En septembre 2023, Verkor a réussi l’exploit de boucler un tour de table de plus de 2 milliards d’euros, un montant record pour une start-up industrielle française. Cette opération financière d’envergure, qualifiée d’"historique" par le président Emmanuel Macron, valorise désormais l’entreprise à plus d’un milliard d’euros.
Cette manne financière se décompose en une augmentation de capital de 850 millions d’euros auprès d’investisseurs privés, une subvention publique d’environ 650 millions d’euros (en attente de validation par la Commission européenne) et un prêt de la Banque européenne d’investissement. Un soutien massif qui témoigne de l’importance stratégique accordée à ce projet industriel.
"La France attire, se réindustrialise, décarbone son économie, crée des emplois !", s’est félicité le chef de l’État sur le réseau social X, mettant en avant les retombées économiques et environnementales attendues.
Une gigafactory bas-carbone pour répondre aux besoins européens
Fondée en 2020 dans l’optique de relocaliser la production de batteries en Europe, Verkor a pour ambition de construire la première gigafactory française de cellules de batteries lithium-ion à haute performance et à faible empreinte carbone.
Implantée à Dunkerque, cette méga-usine de 10 hectares devrait voir le jour en 2025 après une phase de construction débutant dès l’été 2024. Avec une capacité de production initiale de 16 gigawattheures par an, soit l’équivalent de batteries pour 300 000 véhicules électriques, elle vise à répondre à la demande croissante du marché européen.
"L’électrification de l’industrie automobile européenne d’ici à 2035 nécessite des investissements considérables dans les chaînes d’approvisionnement pour la fabrication de batteries", souligne Chris Archer, co-directeur EMEA pour Macquarie Asset Management Green Investments, l’un des investisseurs de Verkor.
Un atout de taille : l’électricité décarbonée française
L’un des principaux atouts de l’implantation française de Verkor réside dans la nature décarbonée du mix électrique hexagonal, largement dominé par le nucléaire. Cet avantage permettra à l’entreprise d’obtenir des batteries à l’empreinte carbone nettement inférieure à celles produites en Chine, en Pologne ou en Allemagne, où l’électricité est plus fortement carbonée.
"Relocaliser la production de batteries en Europe présente de nombreux avantages, explique Gilles Moreau, responsable de l’industrialisation chez Verkor. Cela permet de limiter les risques liés au transport des matériaux dangereux, et donc les contraintes et les coûts, mais aussi de limiter l’empreinte carbone en réduisant l’impact logistique."
Une réponse aux enjeux de souveraineté industrielle européenne
Au-delà de l’aspect environnemental, le projet Verkor revêt une dimension stratégique majeure pour l’indépendance industrielle de l’Europe face à la domination asiatique, notamment chinoise, sur le marché des batteries.
"Setting up the battery industry on French soil is a hugely strategic move to end dependence on Asian players — particularly those in China. Other than the sovereignty aspect, France needs its own battery industry if it is to achieve the government’s energy transition goals", souligne un responsable de Verkor.
La France mise ainsi sur cette nouvelle filière pour rattraper son retard dans la course à l’électrification des transports et éviter de reproduire les erreurs du passé, marqué par de nombreuses délocalisations industrielles.
Un partenariat stratégique avec Renault pour les véhicules haut de gamme
Parmi les premiers clients de Verkor figurera Renault, et plus particulièrement sa filiale dédiée aux véhicules électriques haut de gamme, Ampère. 75% de la capacité initiale de la gigafactory est d’ores et déjà réservée pour équiper les futurs modèles de la marque au losange, tels que la gamme Alpine.
Ce partenariat stratégique, conclu dès juillet 2021 lorsque Renault a pris 20% du capital de Verkor, illustre la volonté du constructeur automobile français de s’appuyer sur un acteur national pour sécuriser son approvisionnement en batteries. Un enjeu crucial pour atteindre l’objectif ambitieux de 2 millions de véhicules électriques produits en France d’ici 2030.
Cependant, Verkor n’a pas vocation à rester un fournisseur exclusif de Renault. "C’est un outil industriel qui va durer des dizaines d’années", prévient Benoit Lemaignan, co-fondateur et président de l’entreprise grenobloise, laissant entrevoir de futures collaborations avec d’autres acteurs du secteur automobile.
Un pari sur l’innovation et la formation des talents
Pour mener à bien son projet industriel d’envergure, Verkor mise sur l’innovation en s’appuyant sur son centre de R&D baptisé "Verkor Innovation Center" (VIC) à Grenoble. Véritable plaque tournante du développement des batteries de demain, ce pôle high-tech accueillera les premiers prototypes et lignes pilotes dès 2022.
Parallèlement, l’entreprise investit massivement dans la formation des futurs talents de la filière. En partenariat avec une quarantaine d’acteurs régionaux dont Renault, elle a lancé en 2023 l’"École de la Batterie" destinée à former chaque année des milliers de techniciens, ingénieurs et opérateurs aux métiers de la batterie électrique.
"C’est un métier qui n’existe pas encore en France, il faut créer ces compétences", explique Serena Vaillendet, responsable des ressources humaines de Verkor, qui prévoit de recruter 80% de ses futurs 1200 employés au niveau local et régional.
Une étape cruciale pour l’avenir de la mobilité durable
En sécurisant un financement record de plus de 2 milliards d’euros pour son usine de Dunkerque, Verkor franchit une étape décisive dans le développement d’une filière française des batteries électriques. Si elle relève avec succès les défis techniques, industriels et humains qui l’attendent, la jeune pousse grenobloise pourrait bien devenir l’un des fers de lance de la réindustrialisation hexagonale et de la transition énergétique dans les transports.