En bref:
- Mercedes repousse la fin des moteurs thermiques, misant sur une transition progressive entre thermique, hybride et électrique, face à des contraintes économiques et une demande électrique encore limitée.
- En France, le marché reste attaché aux thermiques et hybrides, freinant par le coût, l’autonomie et l’infrastructure de recharge, malgré un durcissement des Zones à Faibles Émissions (ZFE) en ville.
- Cette stratégie pragmatique reflète la complexité de la transition énergétique, conciliant pression environnementale, réalités économiques et attentes des consommateurs.
Alors que l’Europe fixe des objectifs ambitieux en matière de mobilité durable, le constructeur allemand Mercedes-Benz vient de confirmer un ajustement significatif de sa feuille de route. En choisissant de maintenir les moteurs thermiques hybrides au-delà de 2035, l’industriel adresse-t-il un signal inquiétant à la transition énergétique française et au marché local ? Analyse complète d’une stratégie plus pragmatique qu’idéologique.
Mercedes choisit la prudence : prolonger la cohabitation thermique-électrique
Le PDG de Mercedes-Benz, Ola Källenius, l’a annoncé récemment dans une interview au média allemand Auto Motor und Sport : la fin des moteurs thermiques prévue initialement vers 2030 est désormais repoussée sine die. « Les moteurs à combustion high-tech électrifiés fonctionneront plus longtemps que prévu », affirme le numéro un du constructeur.
Cette orientation stratégique s’explique par une réponse directe à la réalité économique actuelle. La demande pour les véhicules 100% électriques évolue plus lentement qu’attendue, freinée par des contraintes économiques fortes et des infrastructures encore insuffisantes. Mercedes capitule-t-il face à une réalité complexe qui dépasse les annonces ambitieuses faites précédemment ?
📌 À retenir :
- Mercedes ne fixe désormais plus de date précise pour basculer intégralement vers l’électrique.
- La future CLA et le prochain GLC incarneront parfaitement cette stratégie hybride, avec des motorisations tant thermiques qu’entièrement électriques.
Pourquoi le marché français reste-t-il fidèle à l’essence ?
La décision prise par Mercedes reflète une tendance de fond observable sur le marché français. Alors même que les pouvoirs publics encouragent fortement l’électrique grâce à des dispositifs incitatifs comme le bonus écologique récemment renforcé (dont nous parlions ici), l’attachement des Français envers la voiture thermique demeure solidement ancré.
D’après une récente enquête publiée en 2025, plusieurs blocages persistent clairement dans l’Hexagone :
- 💶 Coût élevé d'acquisition : Par rapport aux modèles thermiques, les électriques restent jusqu’à 40% plus chers, même après déduction des aides gouvernementales.
- 🛣️ Autonomie limitée : Les automobilistes cherchent des solutions adaptées aux longs déplacements. Or, la majorité des VE accessibles plafonne à une autonomie de quelques centaines de kilomètres.
- 🔌 Infrastructure de recharge insuffisante : Manque de bornes dans certains territoires ruraux, difficultés logistiques dans les habitats collectifs, temps de recharge jugé trop long.
Face à ces freins, l’essence et les hybrides restent, pour une part substantielle de la population, la réponse la plus pragmatique.
💡 Conseil d’expert : Tant que les points de blocage actuels persisteront, les automobilistes français privilégieront naturellement les thermiques ou hybrides rechargeables, permettant ainsi aux constructeurs comme Mercedes de maintenir des gammes mixtes.
Zones à Faibles Émissions (ZFE) : un facteur décisif dans le choix automobile
En France, l’expansion des ZFE (Zones à Faibles Émissions) risque pourtant de chambouler cet équilibre. À partir de 2025, Paris interdira notamment aux véhicules Crit’Air 3 (diesel et essence ancienne génération) de circuler en semaine, avant une interdiction complète des modèles thermiques dès 2030. Marseille, Lyon ou Toulouse suivent cette dynamique, renforçant les contraintes sur les modèles thermiques classiques.
Ce contexte pourrait compliquer la stratégie de Mercedes sur le marché français : comment vendre durablement des modèles hybrides "haute technologie" si ceux-ci risquent d’être exclus des grandes agglomérations à relativement court terme ?
📊 Conséquences possibles pour Mercedes sur le marché français :
Conséquences | Impacts potentiels pour Mercedes |
---|---|
Faible adaptation aux ZFE | Risque de recul des ventes en milieu urbain |
Maintien des gammes hybrides | Opportunités sur les marchés périurbains ou ruraux peu impactés par les ZFE |
Investissement électrique continu | Flexibilité face à des évolutions législatives futures |
Analyse du cycle de vie (ACV) : l’électrique est-il vraiment toujours plus vert ?
Si Mercedes opte pour cette transition progressive, c’est aussi en raison de l’ analyse détaillée du cycle de vie (ACV) publiée récemment par plusieurs études. Celles-ci rappellent notamment que la fabrication d’un véhicule électrique, en raison de la complexité et des matières premières nécessaires (particulièrement pour la production des batteries), génère initialement plus d’émissions que celle d’un véhicule thermique.
Cependant, au fil de la vie du véhicule — surtout en France, pays bénéficiant d’une électricité fortement décarbonée — l’empreinte globale carbone demeure néanmoins favorable aux véhicules électriques, à condition d’un kilométrage important permettant d’amortir ces émissions initiales.
ℹ️ À noter : Selon certains scénarios, une citadine électrique émet en moyenne 2,5 fois moins de CO₂ par kilomètre qu’une équivalente thermique sur l’intégralité de son cycle de vie.
Mercedes, un exemple révélateur de la complexité de la transition énergétique
Mercedes-Benz est loin d’être isolé dans cette démarche. Audi et Stellantis, notamment, ont eux aussi récemment revu leurs calendriers d’électrification, également par pragmatisme économique et commercial. La décision du constructeur allemand apparaît donc à la fois symptomatique des limites actuelles de la mobilité électrique et révélatrice du temps encore nécessaire à cette transition profonde.
Ce choix réaliste ne signifie pas que Mercedes abandonne l’électrification, loin de là. Le groupe prévoit toujours d’accroître sa gamme 100 % électrique et hybride rechargeable, traduisant une stratégie double : accompagner le marché tout en ménageant ses investissements électriques. Mais face aux pressions politiques et sociétales croissantes, ce virage met en lumière les tensions persistantes entre réalités commerciales, attentes du grand public et exigences environnementales. Un délicat équilibre durablement sous tension.