L’essor de Togg : l’industrie automobile turque à l’assaut du marché électrique européen

En bref:

  • Togg, le premier constructeur turc de véhicules électriques, vise à conquérir le marché européen.
  • Grâce à son expertise locale et son succès en Turquie, Togg prévoit de commencer les exportations vers l’Europe dès 2024.
  • Malgré des débuts prometteurs, Togg devra rapidement conquérir de nouvelles parts de marché pour atteindre la rentabilité.

Depuis les rives de la mer de Marmara, une usine grise et turquoise, construite à un rythme effréné, produit des centaines de voitures électriques. La Turquie espère que son premier grand constructeur de véhicules électriques lui permettra de prendre la tête de l’industrie automobile.

Une ascension fulgurante portée par une expertise locale

Togg, l’acronyme du constructeur turc de véhicules électriques, n’est pas un nouveau venu dans l’industrie automobile. La région de Bursa, où se trouve l’usine de Gemlik, est depuis un demi-siècle une plaque tournante mondiale de la construction automobile. Des géants comme Fiat, Renault, Ford, Toyota et Hyundai s’y sont implantés dès le début des années 1970, attirés par la position stratégique du pays, à la croisée de l’Europe, de l’Asie et du Moyen-Orient.

Cette expertise locale a permis le développement d’un vaste réseau de 530 sociétés sous-traitantes employant plus de 230 000 personnes, principalement dans la région de Marmara. Comme le souligne fièrement Albert Saydam, président de l’association des sous-traitants automobiles de Turquie (Taysad), "la plupart des voitures dans le monde ont une pièce qui a été produite en Turquie".

C’est sur ce terreau fertile que Togg a pu prendre racine. Créée en 2018 par quatre groupes turcs et l’Union des chambres de commerce, la société bénéficie d’un soutien étatique limité mais symbolique, avec la mise à disposition gracieuse du terrain de l’usine de Gemlik et un engagement d’achat de 500 véhicules par an.

Une montée en puissance rapide pour conquérir l’Europe

Dès son lancement en mars 2023, le premier modèle de Togg, le SUV T10X, a capté 30% des ventes de voitures électriques en Turquie. Un succès fulgurant dans un marché en plein essor, les ventes de véhicules électriques ayant été multipliées par neuf l’an dernier, faisant de la Turquie un marché plus important que l’Italie ou l’Espagne.

Mais Togg ne compte pas s’arrêter là. L’entreprise vise désormais les marchés européens, avec un objectif ambitieux : commencer les exportations vers l’Europe dès la fin 2024. Une stratégie audacieuse, mais réfléchie, comme l’explique le PDG Gurcan Karakas : "Nous entrerons probablement d’abord sur les marchés scandinaves. Ces pays sont plus ouverts aux nouvelles marques, plus ouverts aux véhicules électriques, et leur infrastructure est plus développée."

Cette approche progressive n’est pas un hasard. Les pays scandinaves, connus pour leur ouverture d’esprit et leur acceptation des technologies de pointe, sont devenus des marchés florissants pour les nouvelles marques et la mobilité électrique. De plus, Togg peut s’appuyer sur une infrastructure de recharge bien établie dans ces pays nordiques.

Une percée technologique made in Turkey

Au-delà de son succès commercial, Togg représente une étape importante pour l’industrie automobile turque. Comme le souligne Gurcan Karakas, "Togg, dont les droits de propriété intellectuelle nous appartiennent à 100%, activera de nouvelles initiatives basées sur les nouvelles technologies. Elle permettra l’émergence de nouvelles licornes. Elle développera l’écosystème des technologies de batterie et de recharge dans notre pays."

Le SUV T10X, présenté comme un véhicule intelligent, connecté et autonome, n’est que la première étape d’un projet ambitieux. Togg prévoit de produire cinq modèles différents d’ici 2030, allant du SUV à la berline en passant par les citadines, et de détenir ses propres droits de propriété intellectuelle et industrielle.

Avec deux versions proposant une autonomie de 300 et 500 kilomètres, et une puissance allant de 200 à 400 chevaux, le T10X se positionne comme un concurrent sérieux sur le marché européen des SUV électriques haut de gamme.

Un pari à relever pour assurer la pérennité

Malgré ces débuts prometteurs, Togg n’a pas encore gagné son pari, comme le souligne Levent Taylan, consultant indépendant : "Elle est considérée comme chère et s’en vend environ 25 000 par an, or une usine automobile n’a aucune chance d’être rentable en-dessous de 200 000 véhicules par an."

Pour atteindre la rentabilité, Togg devra donc rapidement conquérir de nouvelles parts de marché, tant en Turquie qu’en Europe. Un défi de taille, mais pas insurmontable pour cette entreprise portée par l’ambition et l’expertise de l’industrie automobile turque.

L’avenir nous dira si Togg réussira à s’imposer durablement sur le marché européen des véhicules électriques. Mais une chose est sûre : cette jeune pousse turque a déjà réussi à se faire une place au soleil, et compte bien poursuivre son ascension fulgurante.

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