En bref:
- La transition vers les véhicules électriques représente un défi majeur pour les sous-traitants de l’industrie automobile française.
- Les équipementiers mettent en place diverses stratégies pour préserver leurs savoir-faire et leurs emplois face à la transition énergétique.
- Les enjeux territoriaux et les défis de formation liés à l’électrification de la filière automobile sont également abordés dans l’article.
La transition vers les véhicules électriques représente un défi majeur pour les sous-traitants de l’industrie automobile française. Alors que les constructeurs s’engagent résolument sur la voie de l’électrification pour répondre aux réglementations environnementales, leurs fournisseurs doivent s’adapter rapidement à cette nouvelle donne sous peine de voir leurs activités traditionnelles décliner. Face à ces mutations profondes, les équipementiers mettent en place diverses stratégies pour préserver leurs savoir-faire et leurs emplois.
L’inévitable restructuration de la filière
Avec l’interdiction programmée des ventes de voitures neuves à moteur thermique dans l’Union européenne à partir de 2035, la filière automobile est entrée dans une phase de profonde transformation. Si cette perspective ouvre de nouvelles opportunités pour les équipementiers spécialisés dans les technologies de la mobilité électrique, elle sonne comme une menace existentielle pour ceux dont l’activité repose principalement sur les composants des moteurs à combustion.
Selon une étude récente menée par le cabinet de conseil AlixPartners pour la Plateforme de la filière automobile (PFA), la transition énergétique pourrait entraîner la suppression de 52 000 emplois dans l’industrie automobile française d’ici 2030, dont 20 000 chez les sous-traitants. Les métiers les plus exposés sont ceux liés à la forge, la fonderie, l’emboutissage et l’usinage de pièces destinées aux groupes motopropulseurs thermiques.
Ces chiffres alarmants illustrent l’ampleur du défi à relever pour les équipementiers historiques. Certains n’auront d’autre choix que de se réinventer en investissant massivement dans de nouvelles technologies et en se diversifiant vers d’autres secteurs d’activité. D’autres, moins résilients, seront contraints de fermer leurs portes, comme ce fut le cas récemment pour des entreprises emblématiques telles que la fonderie Sam à Viviez ou le site Benteler de Migennes.
Diversification et montée en gamme, maîtres mots de la survie
Face à cette vague de restructurations, les pouvoirs publics ont mis en place un plan d’accompagnement ambitieux visant à soutenir la filière dans sa mutation. Doté d’une enveloppe de 8 milliards d’euros, ce plan prévoit notamment un fonds de 400 millions d’euros dédié à la diversification des sous-traitants automobiles.
À ce jour, près d’une centaine d’entreprises ont été sélectionnées pour bénéficier de ces aides financières destinées à financer leurs projets de réorientation. Parmi elles, on trouve des acteurs majeurs comme Faurecia, qui investit dans la production de réservoirs à hydrogène, ou encore Plastivaloire, qui se positionne sur le marché des batteries pour véhicules électriques.
Mais au-delà de ces grands noms, ce sont surtout les PME et ETI qui sont appelées à se réinventer. Nombreuses sont celles qui misent sur une stratégie de diversification vers d’autres secteurs industriels porteurs, tels que l’aéronautique, le ferroviaire, le médical ou encore les énergies renouvelables.
C’est le cas par exemple de l’entreprise Aglaform, basée dans le Pas-de-Calais, qui a lancé un projet de création d’une ligne d’assemblage de vélos électriques. Ou encore de Favi, dans les Hauts-de-France, qui se tourne vers les marchés de l’industrie du luxe et de l’électrification des véhicules.
D’autres sous-traitants optent pour une montée en gamme en développant des produits à plus forte valeur ajoutée, comme Kartesis qui fabrique désormais des engrenages et des arbres pour moteurs électriques. Cette stratégie leur permet de conserver une partie de leurs savoir-faire tout en s’adaptant aux nouvelles technologies.
Réindustrialisation et relocalisation, un enjeu clé
Au-delà de l’accompagnement financier, le plan gouvernemental vise également à favoriser la réindustrialisation et la relocalisation d'activités stratégiques en France. L’objectif affiché est de produire 2 millions de véhicules électrifiés d’ici 2030, contre 500 000 actuellement.
Pour y parvenir, l’Etat mise sur le déploiement massif d’infrastructures de recharge, avec un objectif de 400 000 points de recharge d’ici 2030, dont 25 000 bornes rapides sur les grands axes et dans les zones urbaines d’ici 2027. Un appel d’air pour les équipementiers capables de se positionner sur ces nouveaux marchés.
Parallèlement, des efforts sont déployés pour renforcer les filières de recyclage et d'économie circulaire autour de la mobilité électrique. Le développement de solutions de réutilisation et de refabrication des batteries, mais aussi des pièces issues du démontage des véhicules hors d’usage, représente un gisement d’activités prometteuses pour les sous-traitants en quête de diversification.
Enjeux territoriaux et défis de formation
Si l’électrification de la filière automobile soulève des défis industriels et technologiques majeurs, elle pose également des questions en termes d’aménagement du territoire et de gestion des compétences. Certaines régions, historiquement très dépendantes de la sous-traitance automobile, risquent d’être durement frappées par les vagues de suppressions d’emplois à venir.
C’est le cas notamment en Bourgogne-Franche-Comté, où la filière emploie près de 40 000 personnes, ou encore dans le Grand Est, berceau de l’industrie automobile française. Pour amortir le choc social, les collectivités territoriales se mobilisent en déployant des dispositifs d’aide à la reconversion et à la formation des salariés.
Car au-delà des enjeux de diversification, la transition énergétique implique également une profonde mutation des métiers et des compétences requises. Les ouvriers spécialisés dans la mécanique devront se former aux technologies de l’électronique de puissance et des systèmes embarqués. Un défi de taille pour lequel les entreprises et les pouvoirs publics devront unir leurs efforts.
En définitive, l’électrification de l’automobile représente un tournant historique pour la filière française. Si elle ouvre de nouvelles perspectives prometteuses, elle implique également d’importants sacrifices et une remise en cause profonde des modèles industriels établis. Seules les entreprises les plus agiles et visionnaires, soutenues par des politiques publiques ambitieuses, parviendront à négocier avec succès ce virage stratégique.