Volvo, Mercedes, Jaguar : pourquoi la marche arrière sur le tout-électrique bouleverse la transition automobile européenne

En bref:

  • Volvo, Mercedes, et Jaguar revoient à la baisse leurs ambitions tout-électrique, privilégiant désormais des stratégies hybrides mixtes face aux réalités économiques, d’infrastructures et de marché.
  • Cette inflexion remet en cause l’accélération du virage électrique en Europe, fragilisant les objectifs 2030-2035 et soulignant la nécessité d’une transition plus pragmatique.
  • Les constructeurs français restent actifs, mais doivent équilibrer innovation batterie et diversité technique pour conserver leur compétitivité face aux acteurs chinois et aux incertitudes du marché.

En annonçant l’abandon de son ambition de devenir une marque 100 % électrique d’ici 2030, Volvo crée un véritable séisme dans l’industrie automobile européenne. À sa suite, Mercedes, puis Jaguar, revoient également à la baisse leurs objectifs de transition vers l’électrique. À l’heure où les acteurs français comme Renault ou Stellantis continuent d’investir massivement dans la voiture à batteries, cette cascade de retours en arrière met en lumière les limites et les paradoxes du virage énergétique du secteur. Derrière les slogans, que révèle vraiment cette remise en cause stratégique des pionniers ? Analyse.

🚦 Un virage à 180° pour Volvo : retour au thermique, mais façon hybride

Il y a encore quelques mois, Volvo faisait figure de chef de file parmi les constructeurs engagés dans la transition énergétique, annonçant bruyamment une gamme exclusivement électrique à l’horizon 2030. Pourtant, le vent a tourné. Sous l’impulsion de son ex-CEO Jim Rowan et aujourd’hui de Håkan Samuelsson, la marque suédoise acte l’abandon du “zéro thermique” et prévoit le lancement d’une nouvelle génération de XC90 à moteur hybride. Le développement de versions 100 % thermiques purs n’est pas officiellement relancé, mais les véhicules hybrides rechargeables vont rester bien présents — et gagner en autonomie.

📌 À retenir
• 23 % des ventes Volvo dans le monde étaient déjà électriques en 2024, mais cela ne suffisait pas à valider une éradication du thermique.
• Volvo prévoit pour l’Europe une version inédite du XC90, alliant hybride rechargeable et prolongateur d’autonomie.
• En Chine, la marque lance un XC70 électrique à prolongateur, affichant jusqu’à 200 km d’autonomie (cycle CLTC), répondant à une demande locale spécifique, illustrant la fragmentation des marchés mondiaux.

Ce retour à une stratégie “mixte” acte la difficulté d’un tout-électrique immédiat, confronté à la réalité climatique, aux attentes des consommateurs… et à la logique économique.


Le constat pour Volvo : ambitions revues face aux réalités du terrain

Dans la droite ligne de sa maison mère Geely, Volvo pariait sur une montée rapide de l’électrification, avec un objectif de 50 % de véhicules entièrement électriques dès 2025. Mais la marque doit aujourd’hui faire face à plusieurs défis :

⚡ Éléments clésSituation en 2025Incidence pour Volvo
Part des voitures électriques26 % des ventes (Q2 2024)Objectif 2030 repoussé, stratégie assouplie
Infrastructures de rechargeDéploiement inégal en EuropeFrein dans l’adoption massive du VE
Marché chinoisForte demande pour hybrides prolongésSpécification locale différenciée
Pressions économiquesChute de 11 % des ventes mondiales, plan de réduction de coûts de 1,9 Mds$3 000 suppressions d’emplois et investissements modulés, notamment report d’usine de batteries en Suède

Volvo n’est ni la première ni la seule à lever le pied. L’évolution du marché, l’incertitude politique sur la norme Euro 7, les droits de douane sur les batteries, et la résistance des consommateurs à l’électrique hors subventions, pèsent lourd dans la balance.


Jaguar, Mercedes, Audi… L’heure du doute collectif

Jaguar vient elle aussi d’annoncer le report de la sortie de ses modèles 100 % électriques, initialement prévus dès 2025. La mythique marque britannique, qui avait pourtant décidé de tirer un trait radical sur le thermique pour se relancer, repoussera sa “renaissance électrique” : la première berline zéro émission n’arrivera qu’en août 2026, et toute la gamme sera retardée d’autant.

Mercedes et Audi ont également récemment ajusté leur feuille de route :

  • Mercedes ramène l’objectif de 100 % électriques (BEV) à environ 80 % des ventes en 2030, misant sur une offre mixte.
  • Audi, Stellantis et BMW ralentissent ou tempèrent leurs annonces initiales, misant plus fortement sur l’hybride rechargeables (PHEV).

💡 Conseil d’expert
“Le choix du mix énergétique n’est pas un aveu d’échec technologique. Il reflète une adaptation pragmatique, aussi bien à la réalité des infrastructures qu’à la demande réelle. Vouloir forcer tous les clients européens dans la même temporalité aurait été plus risqué encore.”


⚡ Comparatif – Où en sont les grands constructeurs européens ?

ConstructeurObjectif électrification 2030 (% BEV)Stratégie dominanteNote globale
Volvo90-100% (BEV + PHEV)Flexibilité, priorité premiumPlus ambitieux mais pragmatique
Mercedes-Benz~80 % (BEV)Premium, supply chain européenneStratégie mixte, solide
BMW~45 % (BEV)Hybrides toujours centrauxTransition prudente
Stellantis~58 % (BEV, Europe)Mass-market, batterie EUAggressif en Europe, prudent global
Jaguar Land Rover100 % (BEV, reporté à 2026+)Transition radicale mais différéeVision ambitieuse, exécution délicate

Quelles conséquences pour les constructeurs français ?

La remise en cause des leaders du premium européen n’est pas sans conséquences pour Renault, Stellantis ou Renault Trucks. L’offensive du “tout-électrique” se heurte à un consommateur européen encore frileux, à la pression de la concurrence chinoise en entrée de gamme, et à la volatilité des aides publiques.

  • Renault conserve une avance industrielle avec la Mégane E-Tech, la R5 et la R4 à venir, mais a lui aussi revu ses ambitions à la baisse : l’électrique sera prioritaire, sans exclure les déclinaisons hybrides.
  • Stellantis affiche un volontarisme européen, mais opère différemment selon les marchés.
  • La stratégie gagnante à court terme pourrait bien être l’hybride rechargeable à grande autonomie, en attendant l’arrivée d’une génération de batteries plus efficientes et l’amélioration du réseau de recharge.

📢 Ce qu’il faut vraiment comprendre

  • Le quasi-consensus sur “l’électrification totale rapide” se fissure.
  • Les constructeurs pionniers s’alignent sur une approche flexible, le tout-électrique étant remisé au profit de gammes hybrides évolutives.
  • L’écosystème européen ne s’est pas encore structuré assez vite (recharger facilement, produire local, garantir l’accès aux matières premières).
  • Les objectifs bruxellois de 2035 (fin du thermique neuf) deviennent fragiles sans dynamique politique et économique renouvelée.

À retenir

  • L’époque de l’optimisme à toute épreuve pour les ambitions électriques européennes cède la place à une gestion plus nuancée et pragmatique.
  • Ce “coup de frein” pourrait permettre une adoption plus naturelle du véhicule électrique… ou bien ouvrir un boulevard aux constructeurs chinois, maîtres dans l’art du VE à prolongateur et de l’hybride performant.
  • L’industrie automobile française a encore les cartes en main, à condition de rester agile, de poursuivre ses investissements dans la recherche batterie et surtout de ne pas sacrifier la diversité technique sur l’autel d’une transition trop dogmatique.

Les années à venir s’annoncent donc comme une période de clarification stratégique décisive pour les acteurs du secteur… et de vigilance pour les consommateurs.

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