Stellantis repousse son virage 100% électrique : quelles conséquences pour la transition énergétique française ?

En bref:

  • Stellantis reporte son passage au tout électrique, décalant notamment la nouvelle Fiat 500 électrique à 2030, en raison de ventes décevantes, de prix élevés et d’infrastructures de recharge insuffisantes.
  • Ce recul fragilise les objectifs français et européens de réduction des émissions, tout en incitant à une stratégie plus pragmatique mêlant hybride et électrique.
  • Le groupe reste engagé dans l’innovation (batteries à semi-conducteurs) et explore des partenariats internationaux pour assurer sa compétitivité.

Alors que la France cherche activement à atteindre ses objectifs ambitieux de transition énergétique, le report récent de Stellantis du passage intégral au tout électrique relance le débat sur l’avenir de l’industrie automobile hexagonale. Quels sont les impacts concrets de cette décision ? Qu’en est-il des objectifs des constructeurs et des pouvoirs publics français ?

Stellantis face aux réalités du marché : un pragmatisme contraint

Le groupe Stellantis, qui rassemble sous sa bannière des marques emblématiques telles que Peugeot, Citroën, Fiat et DS Automobiles, vient d’annoncer un ralentissement significatif dans sa stratégie du "tout électrique." Ce choix intervient dans un contexte marqué par des difficultés commerciales croissantes pour certains modèles électriques du groupe, comme en témoigne notamment la chute brutale des ventes de la Fiat 500e, désormais concurrencée directement par une nouvelle version hybride, baptisée Fiat 500 Torino.

En effet, malgré un accueil initial prometteur, les performances commerciales de la petite italienne électrique se révèlent insuffisantes face aux attentes initiales : à peine 6 874 unités vendues au premier trimestre 2024, loin des ambitions affichées. Ce résultat clairement décevant contraint Stellantis à revoir sa copie et à insuffler la prudence dans une stratégie qui reposait jusqu’ici très fortement sur l’électrification totale de ses gammes d’ici 2028.

📌 Bon à savoir : initialement prévue en 2028, la nouvelle génération exclusivement électrique de la Fiat 500 est désormais décalée jusqu’en 2030.

Pourquoi ce changement de cap prématuré ?

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce revirement soudain chez Stellantis :

  • Des prix encore trop élevés sur le véhicule électrique : la Fiat 500e, pourtant séduisante, peine à trouver son public en raison d’un prix positionné sur un segment premium, loin de sa clientèle historique. Ce problème n’est pas exclusif à Fiat ; il témoigne d’une problématique généralisée au sein des véhicules électriques proposés par Stellantis.
  • Une infrastructure de recharge encore insuffisante : l’angoisse liée à l’autonomie reste bien présente en France, particulièrement hors des grands centres urbains. Cette perception ralentit incontestablement l’adoption des véhicules électriques purs.
  • Un contexte économique défavorable : inflation persistante, hausse des taux d’intérêt, et perturbations des aides à l’achat créent chez les consommateurs français une hésitation marquée face aux investissements importants requis par l’acquisition d’une voiture électrique.

Face à ces réalités, le groupe a choisi une solution plus pragmatique : désormais, l'hybride cohabitera avec l’électrique dans un mix énergétique visant à préserver rentabilité industrielle et volumes de production.

Quelles conséquences pour les objectifs nationaux français ?

Depuis plusieurs années, la France s’est engagée fermement à diminuer drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre liées au transport. Stellantis, acteur clé de l’industrie automobile hexagonale, joue un rôle majeur dans l’atteinte de ces objectifs avec une ambition claire de réduire de moitié ses émissions de CO² d’ici 2030, notamment via une électrification accrue de ses gammes de véhicules.

Mais avec un retard désormais assumé dans son calendrier électrique, les effets prévisibles comprennent notamment :

  • Des difficultés à respecter les calendriers européens de réduction des émissions : Stellantis pourrait ainsi continuer à avoir recours à l’achat coûteux de crédits carbone pour respecter les normes européennes, fragilisant ses marges financières.
  • Un risque sur l’emploi : la transition vers le tout électrique nécessitant des adaptations industrielles fortes, son ralentissement pourrait tempérer des pertes d’emplois immédiates dans la fabrication traditionnelle, mais compromettre en contrepartie l’investissement dans des emplois d’avenir, notamment ceux liés aux nouvelles technologies de batteries.
  • Un signal d’incertitude envoyé aux autres constructeurs : Renault, principal rival français de Stellantis sur le marché électrique, observe probablement avec attention ce recul. Les stratégies concurrentes vont-elles à leur tour évoluer ?

Stellantis ne baisse cependant pas totalement les bras

Il faut toutefois souligner que ce retard ne signe ni un abandon ni une renonciation totale à l’électrification chez Stellantis. Preuve de cet engagement, le groupe continue activement à investir dans des technologies prometteuses, notamment les batteries à semi-conducteurs ("solid state"), dont les premiers essais routiers se sont révélés concluants, permettant une autonomie et une sécurité améliorées à des coûts potentiellement réduits.

💡 Conseil d’expert : garder également à l’œil les partenariats stratégiques internationaux comme celui récemment noué avec Leapmotor, une dynamique marque chinoise spécialisée dans la mobilité électrique accessible, qui pourrait constituer une alternative crédible à court terme pour Stellantis afin de rester compétitif sur le marché hexagonal.

Quelle stratégie envisager pour l’industrie automobile française ?

La récente prise de position des dirigeants de Renault et Stellantis, John Elkann et Luca de Meo, alerte clairement les pouvoirs publics européens sur l’incompatibilité entre certaines exigences réglementaires contraignantes et la réalité économique vécue par les constructeurs et les consommateurs. La demande est claire : une régulation différenciée plus réaliste, une meilleure cohérence entre objectifs écologiques et industriels, et un marché protégé des concurrences déloyales.

Par ailleurs, à court terme, il semble raisonnable pour Stellantis et le reste de l’industrie automobile française de privilégier une transition engageant plusieurs options technologiques complémentaires (hybridation, carburants alternatifs, électrification progressive), plutôt que de tout miser sur l’électrique pur comme unique solution miracle.

Si la décision prise par Stellantis sonne comme un rappel des défis très concrets auxquels fait face la transition automobile en France, elle peut aussi représenter une opportunité : celle d’adapter une stratégie réaliste et durable, reconstruire une stratégie cohérente et tirer les enseignements nécessaires pour une transition mieux maîtrisée, socialement et économiquement viable. Une évolution qui semble aujourd’hui incontournable pour la pérennité des acteurs français du secteur automobile.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *