En bref:
- Le Parlement européen a assoupli temporairement les règles sur les émissions de CO2 des véhicules neufs, autorisant une moyenne pluriannuelle pour alléger la pression sur les constructeurs automobiles européens.
- Cette mesure vise à préserver la compétitivité de l’industrie face à la concurrence chinoise, mais risque de ralentir la transition vers les véhicules électriques et la réduction des émissions en France.
- À moyen terme, elle ouvre la porte à un débat sur la révision des objectifs de 2035 pour l’interdiction des véhicules thermiques, dans un contexte où une majorité de Français y est opposée.
La décision récente du Parlement européen d’assouplir temporairement les règles concernant les émissions de CO2 des véhicules neufs suscite un débat intense. Si d’un côté l’industrie automobile salue ce bol d’air, de l’autre, les défenseurs de l’environnement craignent un ralentissement marqué de la transition vers les véhicules électriques. Quelles seront réellement les conséquences de cette mesure pour la France et sa transition énergétique ?
Contexte : ce qui change avec les nouvelles règles européennes
Voté ce jeudi 8 mai à une large majorité (458 voix pour, 101 contre), cet assouplissement fait suite à une intense campagne des constructeurs automobiles européens, confrontés à une concurrence accrue et à une transition technologique très coûteuse. Le mécanisme validé permet aux industriels d’établir désormais une moyenne pluriannuelle de leurs émissions de CO2 sur trois années (2025 à 2027), au lieu d’être sanctionnés à la fin de chaque année en cas de dépassement.
📌 À retenir : Plus précisément, les émissions de CO2 générées par les nouveaux véhicules neufs seront lissées, accordant ainsi un délai aux constructeurs en retard pour atteindre progressivement leurs objectifs de réduction de gaz à effet de serre. Cela permet notamment d’éviter d’importantes pénalités dès le 31 décembre 2025.
Pourquoi cet assouplissement maintenant ?
La mesure intervient dans le cadre d’un plan de soutien stratégique lancé par la Commission européenne pour préserver la compétitivité du secteur automobile européen. L’industrie automobile, particulièrement impactée par une concurrence féroce des marques chinoises — notamment dans l’électrique — réclamait depuis plusieurs mois une prise en compte des difficultés réelles du marché.
Selon l’Association européenne des constructeurs automobiles (ACEA), cette décision est « un pas dans la bonne direction », car elle permet aux industriels de se concentrer sur le développement technologique plutôt que de courir derrière des objectifs annuels difficiles à tenir, sans marges d’ajustement.
Les craintes d’un ralentissement de la transition énergétique
Mais si les constructeurs automobiles respirent mieux aujourd’hui, le camp écologiste exprime clairement sa déception. Saskia Bricmont, eurodéputée écologiste belge, critique vivement cette décision, qualifiant cet assouplissement d’« énième recul dans la lutte contre le dérèglement climatique ». Selon elle, la mesure risque de retarder la commercialisation de véhicules électriques plus abordables, pourtant essentiels pour accélérer la transition écologique du secteur du transport.
Par ailleurs, William Todts, directeur chez Transport & Environment, avertit que ce répit accordé pourrait conforter le retard des industriels européens par rapport à leurs concurrents chinois, déjà très avancés dans le déploiement massif de véhicules électriques.
💡 Conseil d’expert : Pour éviter un ralentissement, la France devra probablement renforcer ses politiques nationales d’incitation aux véhicules propres, notamment par des aides ciblées, du leasing social ou des bonus écologiques redéfinis pour maintenir une dynamique efficace.
Conséquences directes sur le marché automobile français
Deux grands constructeurs français, Renault et Stellantis (PSA – Fiat Chrysler), avaient explicitement appelé à cet assouplissement, affirmant être confrontés à d’importantes difficultés techniques et commerciales pour atteindre rapidement les cibles strictes initialement prévues.
À court terme, cette flexibilité pourrait tempérer la course aux baisses de prix sur les véhicules électrifiés, car les industriels n’auront plus impérativement à vendre immédiatement des modèles électriques en masse pour éviter des amendes pénalisantes. Ainsi, la transition pourrait se révéler certes plus douce économiquement parlant pour les constructeurs, mais aussi moins rapide pour les consommateurs désireux d’acquérir des véhicules électriques abordables sur le marché français.
✅ Avantages potentiels à court terme :
- Pas d’amendes lourdes qui pourraient gravement affecter les finances des constructeurs.
- Un répit pour poursuivre sereinement la recherche et le développement technologique.
⚠️ Risques à moyen terme :
- Ralentissement des investissements massifs dans l’électrique.
- Retard potentiel face à la concurrence chinoise et risque de dépendance accrue envers ces acteurs asiatiques.
Vers une révision des objectifs de 2035 ?
D’autres enjeux se profilent déjà à l’horizon. Plusieurs acteurs politiques — notamment ceux proches du Parti populaire européen (PPE) — avancent l’idée d’une future révision de l’objectif européen de 2035 qui fixe l’interdiction pure et simple de vendre des véhicules thermiques neufs. Si l’assouplissement récent constitue une première étape, cette interdiction annoncée apparaît toujours aux yeux des constructeurs comme difficile, voire impossible à respecter sans impacts économiques importants.
Pour Laurent Castillo (PPE), cet ajustement constitue ainsi une « première étape » vers une harmonisation plus réaliste entre environnement, industrie et emploi. Mais la fermeté des défenseurs d’une transition rapide devrait promettre des discussions très animées à venir sur le sujet.
📌 Bon à savoir : En France, selon une récente enquête Ipsos, 62 % des personnes interrogées se disent opposées à une interdiction complète des véhicules thermiques dès 2035. Un signal important pour les décideurs politiques français et européens.
Ce nouvel épisode dans le délicat équilibre entre transition énergétique rapide et préservation d’une industrie automobile européenne en péril promet donc d’avoir de multiples impacts sur la transition énergétique à moyen terme en France, et de relancer aussi de vifs débats sur nos futurs choix énergétiques et environnementaux.