Le maire de Reims, Arnaud Robinet, a annoncé récemment un moratoire de cinq ans sur l’extension de la Zone à Faibles Émissions (ZFE) aux véhicules Crit’Air 3. Une décision qui suscite des réactions mitigées et relance le débat sur l’équilibre entre la protection de l’environnement et la nécessité de prendre en compte les contraintes sociales et économiques des citoyens.
Le contexte des ZFE en France
Les Zones à Faibles Émissions (ZFE) ont été instaurées par la loi Climat et Résilience du 24 août 2021 et devaient être mises en place dans 43 agglomérations françaises d’ici 2025. Ces zones visent à réduire la pollution en interdisant la circulation des véhicules les plus polluants dans les centres-villes. Plus de 40 000 décès en France en 2021 sont attribuables aux problématiques liées à la pollution, selon une étude de Santé publique France.
Cependant, plusieurs villes ont déjà manifesté des réticences face à la mise en place de ces zones. Après un assouplissement annoncé par la municipalité écologiste de Lyon, c’est au tour de Reims de marquer un recul sur le sujet.
Les raisons de ce moratoire à Reims
Le maire de Reims, Arnaud Robinet, justifie ce moratoire par l’amélioration de la qualité de l’air dans la ville. Selon Atmo Grand Est, la qualité de l’air à Reims s’est nettement améliorée, avec une moyenne annuelle de 31 µg/m3 de dioxyde d’azote, un polluant principalement généré par la circulation automobile. De plus, pour les autres polluants surveillés (dioxyde de soufre et particules fines PM10 et PM2,5), la tendance est également à la baisse.
Arnaud Robinet souligne également l’aspect social de cette mesure, considérant que la mise en place d’une ZFE pourrait pénaliser les personnes les moins aisées qui possèdent des véhicules anciens et polluants. Il estime qu’il faut améliorer les transports en commun et accompagner le changement de véhicule avant de mettre en place des restrictions supplémentaires.
Les mesures alternatives
Le maire de Reims, Arnaud Robinet, a souligné l’importance de l’amélioration des transports en commun et de l’accompagnement au changement de véhicule pour résoudre ces problèmes.
Dans cette optique, la ville et l’agglomération ont décidé d’élargir l’aide à la conversion pour l’achat de véhicules moins polluants, en augmentant le seuil de revenus à 21.000 euros par part fiscale, pour y être éligible et en étendant cette aide aux habitants du Grand Reims qui travaillent dans la ZFE.
Les mesures prises par Reims pour favoriser les transports propres incluent également la mise en place d’un « pass ZFE 24h » permettant aux automobilistes de circuler dans la zone à faibles émissions avec un véhicule Crit’air 5 ou 4, ou non-classé, jusqu’à 52 fois par an. Par ailleurs, le Grand Reims prévoit d’améliorer l’offre de transport public et de diversifier les modes de déplacement, en combinant tramways, bus à haut niveau de service, lignes de car et covoiturage.
En ce qui concerne la problématique des livraisons dans le centre-ville, le maire de Reims envisage le déploiement de véhicules électriques légers et l’utilisation du canal pour réduire la présence des poids lourds. Cette approche pourrait contribuer à la diminution des émissions polluantes et à la préservation de la qualité de l’air.
Les critiques
Plusieurs voix se sont élevées contre ce moratoire, voici quelques-uns de leurs principaux arguments.
- Négliger les problèmes de santé publique : Les défenseurs de la santé publique soulignent que la pollution de l’air a été responsable de plus de 40 000 décès en France en 2021. Retarder l’interdiction des véhicules plus polluants, même si les niveaux de pollution actuels sont en dessous des seuils réglementaires, pourrait avoir des conséquences néfastes sur la santé des habitants de Reims.
- Manque de cohérence avec les objectifs climatiques nationaux et internationaux : Les critiques soulignent que cette décision va à l’encontre des objectifs de la loi Climat et Résilience, qui prévoit la mise en place de ZFE dans 43 agglomérations d’ici 2025. Ils estiment également que cela va à l’encontre des engagements pris par la France lors de l’Accord de Paris sur le climat.
- Risque de favoriser l’inaction d’autres villes : Les opposants au moratoire craignent que cette décision puisse inciter d’autres municipalités à suivre l’exemple de Reims et à repousser ou annuler leurs projets de ZFE. Cela pourrait alors ralentir considérablement les efforts nationaux pour réduire la pollution de l’air et les émissions de gaz à effet de serre.
- Manque d’efforts pour développer des alternatives aux véhicules polluants : Les critiques estiment que ce moratoire met en évidence l’absence de stratégies efficaces pour encourager les habitants de Reims à opter pour des modes de transport plus durables. Ils suggèrent que les investissements de la municipalité sont insuffisants.
- Une décision potentiellement anti-sociale : Bien que le maire Robinet ait déclaré que l’extension de la ZFE serait « un peu anti-sociale », certains critiques soutiennent que la pollution de l’air affecte de manière disproportionnée les populations les plus vulnérables, notamment les personnes à faible revenu et les personnes âgées.
En conclusion, la décision de Reims de ne pas étendre sa ZFE et d’instaurer un moratoire de cinq ans met en lumière les défis auxquels sont confrontées les villes françaises pour concilier les impératifs environnementaux et les préoccupations sociales. Si les zones à faibles émissions peuvent contribuer à la lutte contre la pollution de l’air, elles doivent être accompagnées de mesures adaptées pour ne pas pénaliser les populations les plus vulnérables. Les efforts de Reims pour soutenir la transition vers des véhicules moins polluants et pour améliorer les transports en commun pourraient servir d’exemple pour d’autres agglomérations confrontées à des enjeux similaires. Cependant, ces efforts doivent être bien plus que de la communication, et nous ne devons en aucun cas faire marche arrière sur la transition énergétique.