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Maroc, l’atelier européen de Renault et Stellantis: menace pour la France ou pivot pour des voitures (électrifiées) abordables ?

En bref:

  • Le Maroc est devenu un hub near‑shore majeur pour Renault et Stellantis (>1 M de capacités, intégration locale ~65–69%, coûts bas, port Tanger Med), facilitant la production de VE/hybrides abordables pour l’UE.
  • Plutôt qu’une simple menace, c’est une opportunité: garder la R&D, l’électronique et la valeur ajoutée en Europe tout en coordonnant énergie, règles d’origine et formation pour préserver emplois et accélérer la décarbonation.

L’alerte sur la filière automobile française s’est durcie en 2025, jusqu’à évoquer un possible “crash”. Dans le même temps, le Maroc a franchi un cap: hub industrialo‑logistique majeur de Renault et Stellantis, il dépasse désormais le million d’unités de capacité et vise deux millions à l’horizon 2030. Délocalisation de plus ou réorganisation lucide face à la pression asiatique et au défi des voitures électriques abordables ?

Au-delà des slogans, voici les faits, les rouages et les conséquences concrètes pour la transition et l’emploi de part et d’autre de la Méditerranée.

À retenir (chiffres-clés)

  • Capacité auto au Maroc: >1 million de véhicules, cap sur 1,45 puis 2 millions d’unités
  • 270 fournisseurs, intégration locale 65–69% aujourd’hui, visée: ~80% à 2030
  • 2023: 14,1 Md$ d’exportations automobiles, 1er secteur exportateur du pays
  • Renault Maroc: ~400 000 véhicules visés fin 2025 (≈18% de la prod. mondiale du groupe)
  • Stellantis Kénitra: montée à ≈530–535 000 véhicules/an
  • Coût de main-d’œuvre ultra-compétitif: ≈106 $ par véhicule (benchmark 2025)
  • Logistique premium: port Tanger Med, “Europe à un jour” par route

Pourquoi le Maroc est devenu un “near-shore” stratégique

  • Compétitivité-coût et productivité: coûts salariaux bas mais process aux standards IATF/VDA, diffusion du Lean/TPS. Selon une étude 2025, le Maroc devance même la Chine en efficacité sur certains segments.
  • Connexions et fiabilité: Tanger Med comme hub de classe mondiale, accords de libre‑échange donnant accès à 2,5 Md de consommateurs, proximité Espagne/France/Italie.
  • Talents et formation: IFMIA (Casablanca, Kénitra, Tanger), plus de 50 000 professionnels formés, montée des compétences d’ingénierie (19 000 ingénieurs diplômés/an, 42% de femmes).
  • Énergie plus décarbonée et coût compétitif: atout clé pour des usines orientées VE/hybrides.
  • Politique industrielle cohérente: écosystèmes câblage, intérieurs, moteurs, batteries; foncier industrialo‑portuaire; incitations ciblées.

Ce que font Renault et Stellantis au Maroc

Renault: de l’usine à l’écosystème techno-industriel

  • Production: Tanger + Somaca Casablanca, Dacia Sandero/Jogger, Renault Express, Mobilize Duo/Bento; objectif 400 000 unités en 2025.
  • Localisation: 87 fournisseurs de rang 1; 2,5 Md€ d’achats locaux déjà atteints (objectif 2030 anticipé); 66% de localisation hors mécanique, trajectoire vers ~80–91% selon périmètre.
  • R&D et digital: création de Renault Technologie Maroc (RTMA, Tétouan/Tanger) pour piloter développements/adaptations/homologations locales; nouveau pilier Renault Digital à Casablanca (troisième hub mondial).
  • Montée technologique: installation d’un procédé de pressage à chaud inédit en Afrique (pièces plus légères/rigides); montée des compétences batteries, électronique embarquée, IA, recyclage.
  • Produits: électrification progressive Dacia; Sandero Stepway hybride en Europe au T4 2026; nouvelle plateforme Dacia électrifiée d’ici 2030.
  • Emploi et formation: avenant 2025–2030 pour créer 7 500 emplois; >3 M d’heures de formation depuis 2011; master ingénierie auto 4.0.

Côté batteries, Renault multiplie les sources (NMC et LFP “cell-to-pack”) (NMC et LFP “cell-to-pack”) et a intégré Gotion à son panel en lien avec un projet industriel au Maroc – logique prudente d’achats multi-technologies pour réduire les coûts dès 2026.

Stellantis: Kénitra change d’échelle

  • Capacité: extension à ≈530–535 000 véhicules/an.
  • Mix produits: véhicules urbains électriques (Citroën Ami, Fiat Topolino, Opel Rocks), nouvelle génération “Smart Car” (dont déclinaisons électrifiées) et objectif d’environ 70 000 VE/an.
  • Écosystème: Africa Technical Center à Casablanca (≈1 000 ingénieurs/techniciens), investissements fournisseurs, montée d’intégration locale.
  • Emploi: +3 000 recrutements prévus avec l’extension; standardisation qualité et montée en complexité produits.

Menace pour la filière française ou réorganisation nécessaire ?

  • Oui, il y a un risque de délocalisation d’assemblage et de fournisseurs “prix-dépendants” si la France ne bouge pas. Le Sénat a pointé en octobre 2025 un risque de “disparition” si coûts/énergie/réglementations restent défavorables.
  • Mais il existe une complémentarité puissante: un “Europe élargie” qui combine R&D, software, batterie/électronique et industrialisation avancée en France/UE avec un near‑shore compétitif au Maroc au Maroc pour les segments à forte sensibilité prix (citadines, B‑SUV, utilitaires légers, micro‑VE).
  • La véritable menace, ce n’est pas le Maroc: c’est l’écart de compétitivité face à la Chine et aux États‑Unis sur les VE abordables. Sans base de coûts optimisée, l’Europe laissera filer le marché des petites voitures électrifiées… et l’emploi amont qui va avec.

📌 À ce jour, environ 90% des volumes marocains partent vers l’UE: toute contraction européenne ou surenchère réglementaire rejaillit immédiatement sur Tanger/Kénitra. Les destins sont liés.

Travail “subalterne” au Maroc ? Les faits, sans posture

  • Il existe bel et bien des centres d’ingénierie et de développement: RTMA chez Renault; Africa Technical Center (Stellantis) à Casablanca; coentreprises d’ingénierie (ex. MG2 Magna–Altran).
  • Les sites marocains intègrent des procédés de pointe (pressage à chaud), une digitalisation accélérée (jumeaux numériques) et une robotisation sélective.
  • Nuance indispensable: l’essentiel de l’ingénierie amont, des plateformes et des systèmes critiques reste encore conçu en Europe. La montée en gamme marocaine est réelle mais progressive, tirée par l’industrialisation, l’adaptation produit et la validation.

Autrement dit: le Maroc n’est plus un simple “atelier CKD”, mais pas encore un moteur global de conception. C’est une marche nécessaire pour fiabiliser des chaînes euro‑méditerranéennes résilientes.

Transition énergétique: l’équation coût–CO2 des VE accessibles

  • Énergie: l’électricité marocaine, de plus en plus renouvelable, réduit l’empreinte de fabrication des modèles électrifiés/hybrides.
  • Logistique courte: à un jour de route des hubs UE, avec un maillon maritime court; l’empreinte transport reste contenue.
  • Effet prix: des coûts usines plus bas rendent possible des VE/hybrides sous contrainte budgétaire, clé pour décarboner un marché européen qui ne s’est pas remis des hausses de prix post‑Covid.
  • Pragmatisme: l’hybride reste, à court terme, un levier massif de CO2 évité par euro dépensé. Generaliser l’électrique sans accessibilité revient à ralentir la décarbonation réelle du parc.

Que faire côté France/UE pour que tout le monde gagne ?

  • Miser sur la valeur: électronique de puissance, logiciels embarqués, architectures E/E, packs batteries et recyclage en France/UE.
  • Relancer la petite voiture: standards industriels frugaux, plateformes dédiées <4,20 m, et incitations ciblées pour l’acheteur final.
  • Baisser le coût de l’énergie: contrats de long terme, accès prioritaire à l’électricité décarbonée pour les sites auto.
  • Automatiser intelligemment: lignes flexibles, changement de dérivé en quelques semaines; “digital twin” systématique.
  • Faire alliance avec le Maroc: règles d’origine favorables euro‑méditerranéennes, filière batteries conjointe, mobilité des talents (formations, visas pro).
  • Réguler avec réalisme: calendrier VE/Euro 7/CAFE aligné sur l’accessibilité; soutien transitoire à l’hybride là où l’infra VE est insuffisante.

2026–2030: ce qui arrive concrètement

  • T4 2026: Dacia Sandero Stepway hybride pour l’Europe, montée en cadence des dérivés électrifiés.
  • 2026–2028: extension Kénitra Stellantis (≈530k), industrialisation Smart Car, objectifs VE ~70k/an.
  • 2025–2030: déploiement RTMA, hub digital Renault à Casablanca, intégration locale vers ~80%.
  • Cap Maroc: 1,45 million d’unités visées puis 2 millions; dépendance au cycle européen toujours forte.
  • Europe: si les mesures pro‑compétitivité tardent, la pression chinoise sur les VE low‑cost s’accentuera.

En filigrane, le Maroc illustre une stratégie “fabriquer proche, fabriquer juste” qui peut sauver les volumes européens… si les centres de gravité technologiques et décisionnels restent en Europe et travaillent en miroir avec la rive sud.

Au fond, le Maroc n’est ni un danger ni une panacée: c’est le miroir industriel d’un choix européen. Savoir articuler R&D et haute valeur en France avec un near‑shore compétitif au Maroc conditionnera notre capacité à proposer des voitures électrifiées abordables sans vider l’industrie de son cœur.

Poissy en sursis, le Maroc en hub: l’électrique redistribue la donne

En bref:

  • Poissy voit son avenir industriel incertain (fin prochaine des modèles DS3/Mokka, reconversion possible) pendant que le Maroc (Tanger/Kénitra) s’impose comme hub low‑cost et proche de l’Europe pour l’assemblage EV, avec capacité, fournisseurs et montée en compétence.
  • La pression prix de l’électrique favorise le nearshoring; la France doit se recentrer sur les « briques critiques » (batteries, moteurs, électronique, logiciel), conditionner les aides et accompagner la reconversion des emplois pour préserver sa souveraineté industrielle.

La juxtaposition est cruelle. En Île-de-France, Poissy attend une annonce sur son avenir industriel, entre rumeurs de reclassement et fin de production automobile. À 1 800 km au sud, Tanger et Kénitra tournent à plein régime, et le Maroc s’affirme comme base d’exportation à bas coûts pour l’Europe. Au cœur de cette bascule: la pression prix de la voiture électrique, les arbitrages de Stellantis et Renault, et une question très française de souveraineté industrielle.

Sans caricature, ni catastrophisme, décryptage d’un «nearshoring» qui rebat les cartes.

Poissy, la fabrique du doute

  • Aujourd’hui, Poissy n’assemble plus que deux modèles, DS 3 et Opel Mokka, en fin de cycle dans moins de deux ans. Rien n’est annoncé pour la suite, d’où l’angoisse des quelque 2 000 salariés.
  • La CGT affirme que la fin de la production de voitures a été actée; Stellantis dément formellement et parle d’«activités annexes» à l’étude: emboutissage, logistique, reconditionnement, voire préparation de batteries.
  • Antonio Filosa, directeur général de Stellantis, a assuré début novembre que «la France reste le cœur» des activités européennes du groupe et annoncé des recrutements d’ingénieurs en 2026. Mais le sort de Poissy demeure suspendu à une décision attendue d’ici la fin de l’année.

📢 Citation
« Jamais l’arrêt de la production à Poissy n’a été annoncé lors de cette réunion. » Porte-parole de Stellantis
« Il est à peu près sûr que Poissy ne produira plus jamais 100 000 voitures/an. » Bernard Jullien, économiste de l’automobile

Pendant ce temps au Maroc, l’ascension s’accélère

Le royaume a méthodiquement bâti un écosystème compétitif:

  • Près d’1 million de véhicules de capacité installée (Tanger, Kénitra, Casablanca), 270 fournisseurs de rang 1 et 2, 69% d’intégration locale.
  • 14,1 Md$ d’exportations auto en 2023; le pays est devenu le 2e exportateur de voitures vers l’UE en 2021 (OCDE).
  • Coût de main-d’œuvre moyen: 106 $ par véhicule (Oliver Wyman 2025), l’un des plus bas au monde, combiné à la proximité Europe (Tanger Med, «accès en un jour» vers l’Espagne/France/Italie).
  • Feuille de route 2025-2030 avec Renault pour produire des hybrides/électriques d’ici 2030, créer 7 500 emplois et développer un centre d’ingénierie; montée en cadence visée à 1,45 million puis 2 millions d’unités.

ℹ️ À noter
Selon l’agence marocaine de promotion des investissements (AMDIE), plus de la moitié de la production automobile française réalisée hors de France l’est désormais… au Maroc.

Pourquoi ce «nearshoring» séduit les constructeurs

  • L’électrique impose un «prix plancher» nouveau: pour vendre des BEV à 20–30 000 €, il faut compresser chaque poste de coût. La main-d’œuvre marocaine, combinée à une logistique courte, agit comme un amortisseur sans les risques de très longue chaîne Asie-Europe.
  • La standardisation des plateformes et l’automatisation réduisent l’avantage historique des grands clusters européens; l’assemblage final peut être déplacé sans perte majeure de qualité, tant que la supply chain suit.
  • Les incitations publiques et la formation (IFMIA, 50 000 professionnels formés, taux d’emploi de 98% annoncés) permettent de sécuriser la montée en compétence locale.

📌 À retenir

  • Ce n’est pas un «grand départ» lointain, mais un recentrage à la porte de l’Europe.
  • Le Maroc joue pour la France le rôle qu’a longtemps joué la Roumanie: un socle de coûts bas, mais proche et interopérable avec les normes européennes.

L’envers français: emplois, sous-traitance, souveraineté

  • La production auto en France a déjà fortement reculé depuis le pic de 2004 (3,66 M de véhicules). En deux décennies, environ 100 000 emplois de la filière ont disparu; un rapport sénatorial (octobre 2025) alerte sur un nouveau risque de 100 000 destructions d’ici 2035 sans virage stratégique.
  • Poissy, comme Flins hier, illustre une reconversion complexe: économie circulaire, reconditionnement, emboutissage… utiles, mais moins intensifs en main-d’œuvre que l’assemblage.
  • La souveraineté ne se résume pas à «faire la voiture entière chez nous». Elle repose sur la maîtrise des briques critiques (cellules et modules de batterie, moteurs électriques, électronique de puissance, logiciel), des normes et de l’ingénierie.

📊 Chiffres clés

  • Poissy: ~2 000 salariés; DS 3 et Opel Mokka en fin de cycle < 2 ans
  • Maroc: 960 000 véhicules/an de capacité; 69% d’intégration locale; 270 fournisseurs; 14,1 Md$ d’export 2023; 106 $/véhicule de coût de main-d’œuvre; objectif 1,45–2 M unités

Exploitation ou ascenseur social? Débat et réalités

Le reproche d’«exploitation» existe: salaires bas, profits captés par des groupes étrangers, dépendance aux donneurs d’ordre. À l’inverse, des témoignages soulignent des emplois formalisés, le respect des normes (IATF, VDA, Lean), des carrières techniques et des effets d’entraînement (logistique, ingénierie, maintenance).

  • Les deux lectures coexistent. La clé est la trajectoire: si le Maroc intensifie R&D, ingénierie produit/process et contenu local à forte valeur, le pays sort du seul rôle d’atelier d’assemblage. Les récents accords Renault (HEV/EV, centre d’ingénierie) vont dans ce sens, mais devront se mesurer en brevets, compétences et salaires dans la durée.

🧭 Conseil d’expert
Ne jugez pas un écosystème à un instant T. Suivez trois indicateurs sur 5 ans: part de R&D localisée, poids des fournisseurs locaux dans les pièces complexes (e-moteurs, power electronics, BMS), progression salariale des métiers techniques.

Que peut faire la France, concrètement?

  • Cibler les «briques critiques» de l’électrique: packs batteries, moteurs, électronique de puissance, logiciels embarqués. Conditionner les aides (bonus, achats publics) au contenu européen de ces briques, pas seulement à l’assemblage final.
  • Réindustrialiser là où l’avantage existe encore: utilitaires électriques, micro-voitures urbaines, séries courtes à forte automatisation, véhicules pro et fleets (TCO décisif, proximité client).
  • Sécuriser les emplois de transition: plans de reconversion qualifiante vers rétrofit, reconditionnement, seconde vie des batteries, maintenance des lignes électrifiées.
  • Structurer la chaîne d’approvisionnement: mutualiser achats d’énergie pour l’industrie, accélérer l’accès aux gigafactories et aux fonderies électroniques européennes, aligner les calendriers des donneurs d’ordre et des ETI.
  • Politique d’achats publics exemplaire (État, collectivités, grands opérateurs): contrats pluriannuels fléchés vers des sites français/européens avec critères CO2 et contenu technologique.

🚦 Carte des risques à surveiller

  • Effet domino sur les sous-traitants d’Île-de-France si Poissy change de nature industrielle
  • Dépendance aux flux transfrontaliers (goulets logistiques, aléas politiques)
  • Érosion des compétences d’assemblage si les reconversions tardent
  • Concurrence Chine/Europe de l’Est sur les prochains modèles d’entrée de gamme

Ce que révèle la bascule vers le Maroc

La transition vers l’électrique récompense les chaînes sobres en coûts et rapides en exécution. Le Maroc coche ces cases et capte une partie croissante de la valeur d’assemblage pour l’Europe, pendant que la France doit se battre pour retenir les couches «nobles» de l’EV. Ce n’est ni un désastre inéluctable, ni une success story simple: c’est la géographie industrielle d’une décennie de rupture.

En clair: si Poissy symbolise une ère qui se ferme, la partie décisive se jouera sur les batteries, l’électronique et le logiciel — là où la France peut encore écrire la sienne.

Garages en alerte: l’électrique grève les recettes… et peut fragiliser l’occasion

En bref:

  • L’arrivée massive des VE réduit les prestations récurrentes et compresse les marges des garages indépendants (moins d’heures facturables, CAPEX HV élevés, accès aux diagnostics et pièces souvent verrouillé).
  • Ce manque de capacité locale fragilise le marché du VO électrique (SoH batterie opaque, délais de reconditionnement, risque de décote et de sinistres coûteux).
  • Solutions prioritaires : ouvrir l’accès aux données et fonctions de réparation, industrialiser la réparation de batteries, financer la transition ateliers et accélérer la formation.

La bascule vers l’électrique ne bouleverse pas que les usines. Elle met aussi sous pression la dernière maille de la chaîne: les ateliers. Aux États‑Unis, de nombreux garages indépendants voient leurs recettes EV fondre. En France, la montée en compétences et l’accès aux outils restent inégaux. Si rien ne change, le maillon maintenance pourrait devenir le talon d’Achille du marché de l’occasion électrique européen.

Ce que l’électrique change vraiment dans un atelier

  • Moins d’entretien récurrent: pas de vidange, ni bougies, ni courroies. La régénération use moins les freins. Résultat: moins de passages atelier et de prestations “faciles” à forte marge.
  • Plus de logiciel, moins de mécanique: des mises à jour OTA, des correctifs à distance… qui court‑circuitent les ateliers indépendants.
  • Garantie batterie “captives”: la plupart des batteries sont couvertes 8 ans/160 000 km. Les gros travaux restent en concession.
  • Outillage et data propriétaires: diagnostics verrouillés, procédures HV, agréments. Sans abonnement ou habilitation, l’indépendant est écarté de nombreuses opérations.
  • Coûts fixes à la hausse: EPI isolants, outillage 1 000 V, marquage de zones HV, formation et assurance plus chères.
  • Pièces et délais: références spécifiques, chaînes d’approvisionnement jeunes, délais qui dégradent la productivité des ponts.

📌 À retenir

  • Aux États‑Unis, une synthèse récente rappelle des marges qui se compriment: moins d’heures facturables, plus d’investissements, et un accès limité aux outils et pièces hors réseau constructeur. En parallèle, PartsTech (2025) indique qu’environ 25% des ateliers US ne prennent toujours pas les VE et 70% disent que les VE pèsent 10% ou moins de leur trafic.
  • En Europe, Reuters (2023) alertait déjà sur la pénurie de techniciens habilités VE, allongeant les délais et les coûts.

France: une montée en compétences encore trop lente

L’Onisep souligne une filière en mutation rapide et la nécessité de compétences en électrotechnique, électronique de puissance et systèmes embarqués. Dans les faits, beaucoup de TPE n’ont ni le temps ni la trésorerie pour former un ou deux collaborateurs plusieurs jours et immobiliser un pont pour les VE.

  • Habilitations et modules HV: plusieurs milliers d’euros par technicien sur un cycle complet (sécurité HT, diagnostic, thermique batterie).
  • Assurance: surprime liée au risque HV et aux protocoles de sécurité.
  • Outillage: de 10 000 à 40 000 € pour équiper correctement un poste HV (EPI, outillage isolé, consignation, levage batterie, borne AC, valises diag).

ℹ️ Bon à savoir

  • Des financements existent (OPCO Mobilités, CPF, France Travail, aides régionales). Ils réduisent la facture, mais n’annulent pas l’impact d’exploitation (immobilisation, temps non facturé, organisation).
  • Les schémas d’accès sécurisé à l’info technique (SERMI) progressent en Europe, mais l’accès aux données temps réel et aux fonctions logicielles reste un point de friction avec plusieurs constructeurs.

L’effet ciseau sur la rentabilité: un exemple chiffré

Imaginons un atelier de 4 ponts, 2 000 interventions/an, panier moyen 280 € TTC, marge brute main‑d’œuvre/pièces 60%.

  • Passage du parc client à 20% VE en 2 ans.
  • Baisse moyenne des visites par véhicule: de ~1,1/an (thermique) à ~0,6/an (VE).
  • Perte de prestations récurrentes (vidanges, filtres, bougies, embrayages): −25 à −35% du chiffre sur la clientèle VE.

Ordres de grandeur annuels:

  • Recettes “perdues” liées au mix VE: −70 à −100 k€ de CA, soit −40 à −60 k€ de marge brute.
  • Investissements et coûts spécifiques: 20 à 50 k€ (équipements HV), +10 à +20% sur la prime d’assurance, 5 à 10 k€ de formation la première année.
  • Gains potentiels si repositionnement: pneus (usure plus forte sur VE), géométrie, freins, refroidissement batterie, ADAS/calibrations, clim: +30 à +60 k€ récupérables si l’atelier capte ces lignes à forte valeur.

Conclusion opérationnelle: sans pivot de l’offre, le point mort remonte. Avec un repositionnement intelligent, l’atelier peut compenser une partie du manque à gagner, mais la phase de transition érode les marges.

Pourquoi c’est un risque systémique pour l’occasion électrique

  • Valeur résiduelle dépendante de la batterie: sans mesure standardisée d’état de santé (SoH) et sans filière locale de réparation de modules, les coûts de remise en état restent opaques, donc décotés.
  • Reconditionnement plus long: si l’indépendant n’est pas formé outillé, le VO attend… et perd de la valeur.
  • Assurance et sinistres: le moindre choc sur un pack peut entraîner une immobilisation longue, voire une épave économique si la pièce est rare/cher. Effet direct sur primes et valeurs de rachat.
  • Confiance des acheteurs: un réseau indépendant fiable et compétitif est un carburant psychologique du VO. S’il manque, l’acheteur reporte son choix ou exige une décote.

📊 Point d’étape France (2025)

  • Plus de 2 millions de VE circulent, la part de marché des électriques à batterie tourne autour de 17% du neuf. Le potentiel après‑vente progresse, mais reste encore concentré en garantie constructeur.
  • Les garages qui basculent vers des services à forte valeur (diag, HV, ADAS, pneus, suspensions) retrouvent des marges, au prix d’une gestion fine des investissements.

Des modèles qui marchent déjà: l’économie circulaire et la spécialisation

Des ateliers français 100% VE misent sur:

  • Réparation et reconditionnement de modules batterie plutôt que remplacement complet.
  • Pièces d’occasion ou reconditionnées quand c’est techniquement et légalement pertinent.
  • Ciblage des véhicules hors garantie, segment peu couvert par les réseaux.
  • Partenariats flottes/leasers pour sécuriser un volume et lisser la saisonnalité.

Exemple inspirant: des garages dédiés à l’électrique apparus dès 2020 ont bâti leur modèle sur la prolongation de vie des véhicules et la baisse du coût moyen de réparation grâce au reconditionné. Quand un pack complet neuf dépasse 10 000 €, une intervention au module peut diviser la note par plusieurs. Ce modèle ne convient pas à tous les cas, mais il change l’équation économique du VO.

Cinq leviers pour éviter le “trou de maintenance” en Europe

  1. Accès aux données et aux fonctions de réparation
  • Étendre et faire respecter l’accès aux données véhicule (diag, télémétrie utile, réinitialisations) pour les indépendants habilités, à tarifs et interfaces raisonnables.
  • Harmoniser les procédures de consignation HV et les référentiels de sécurité.
  1. Industrialiser la réparation batterie
  • Réseaux régionaux de centres de réparation modules/cooling, logistique ADR, protocoles qualité, traçabilité.
  • Accélérer le passeport batterie européen et un standard de mesure SoH opposable pour la vente VO.
  1. Financer la transition atelier
  • Aides ciblées sur les CAPEX HV (40–50% d’abondement), bonus assurance pour ateliers certifiés, amortissements accélérés.
  • Programmes “prêt de compétences” avec constructeurs/équipementiers pour des immersions techniques courtes.
  1. Sécuriser la demande
  • Contrats d’entretien forfaitaires VE adaptés aux indépendants via leasers et grands comptes.
  • Intégrer un contrôle HV (visuel/isolement/cooling) dans certains jalons réglementaires pour créer un flux d’atelier utile, sans alourdir excessivement la charge.
  1. Former massivement, rapidement
  • Habilitations HT modulaires et hybrides (e‑learning + présentiel), calendriers courts, prises en charge OPCO/CPF/France Travail simplifiées.
  • Valoriser des spécialisations rémunératrices: ADAS/calibrations, pneumatiques VE, clim/thermique batterie, châssis.

💡 Conseil d’expert

  • Ne vous “équipez” pas avant de “vendre”: commencez par des offres VE monétisables sans lourds CAPEX (pneus, géométrie, clim, diagnostics de premier niveau, contrôles HV), puis faites monter votre mix et vos prix. Les gros investissements viennent avec des volumes sécurisés (flottes, contrats d’entretien).

🛠️ Check‑list express pour un atelier en 2025

  • Habilitations B0L/H0V pour tous, B2VL/BCL pour référents HV.
  • Procédures et EPI HV en place, traçabilité des interventions.
  • Partenariats pièces VE (réseau équipementiers + reconditionné qualifié).
  • Offre VO: diagnostic SoH batterie avec rapport client clair.
  • Calibrations ADAS et géométrie compatibles VE.
  • Une borne AC interne pour tests et services clients.

Au‑delà des slogans, l’électrique impose un nouveau modèle économique de l’après‑vente. La transition sera rude si l’on laisse seuls les indépendants, mais elle peut devenir un accélérateur de qualité sur le VO si l’on investit dans la formation, l’accès aux données et la réparation batterie: c’est là que se jouera une grande partie de la confiance des acheteurs.

Électriques à 24 % en octobre: miracle ou mirage du « leasing social » ?

En bref:

  • En octobre, les BEV ont atteint un record à ~24 % des immats (+63 % sur un an) mais le marché VP reste en recul YTD (-5,4 %) et l’essor du mois repose largement sur le leasing social (≈7–8k immats) — sans lui, octobre repasserait dans le rouge.
  • Le leasing social démocratise l’accès (0 apport, <200 €/mois) et soutient l’industrie européenne, mais il crée un risque de « falaise » en 2026, des distorsions sur l’occasion et met en lumière les limites techniques de certaines offres (batterie, recharge).

C’est un record: en octobre, près d’une voiture sur quatre immatriculées en France était 100 % électrique. Un bond de +63 % pour les BEV sur un an. De quoi parler de décollage durable ? Pas si vite. Derrière l’euphorie, le marché reste contracté sur l’année et la dynamique repose largement sur un stimulant puissant mais temporaire: le leasing social.

Voici ce que disent vraiment les chiffres… et ce qu’ils ne disent pas.

Chiffres clés d’octobre 2025

  • Marché VP total: entre 135 529 et 139 514 immatriculations, soit environ +2,9 % vs octobre 2024.
  • Électriques (BEV): ~34 000 unités, +63 % sur un an, pour 24–24,5 % de part de marché (record).
  • Mix de clients: particuliers en hausse (+6 à +6,1 %), flottes en retrait (~-9 à -10 %), loueurs courte durée très dynamiques (+53 %).
  • Leasing social: 41 500 bénéficiaires au 30/10 (sur 50 000 possibles). Estimation d’immats liées au dispositif en octobre: 7 000 à 8 000. Sans ce levier, le marché du mois retomberait autour de 132 000 unités (≈ -2,6 % vs 2024).
  • Depuis janvier: 1,326 million de VP immatriculés (-5,4 %). VUL: -7 %.

📌 Le point méthode
Les écarts entre 135 529 et 139 514 unités proviennent de sources et périmètres différents (PFA, AAA Data, segments de clients, corrections de jour ouvré). La tendance, elle, est claire: légère reprise en octobre, année toujours en recul.

Qui gagne, qui perd

  • Renault en patron: la R5 E-Tech écrase le mois avec 4 551 immats. Le Scénic E-Tech (≈ 1 670) confirme sans le leasing social; la R4 (≈ 1 201) progresse en douceur; Mégane E-Tech (≈ 1 166) profite du contexte.
  • Stellantis se redresse sur l’électrique: e-208 (2 436) second du mois, e-2008 (1 630) remonte. Citroën ë-C3 déçoit au regard de son prix (1 391).
  • Tesla résiste: Model Y à 1 660 dans un mois défavorable (hors fin de trimestre), solide n°2 en cumul annuel.
  • Groupe Volkswagen en embuscade: Skoda Elroq (891) s’installe, ID.3/ID.4 et Cupra Born tirent parti du dispositif.

À l’échelle de l’année (janvier–octobre, AAA Data):

  • Renault 5: 26 285
  • Tesla Model Y: 17 326
  • Citroën ë-C3: 12 956
  • Renault Scenic: 12 520
  • Peugeot e-208: 10 319

😊 Bon à savoir
Les particuliers ont enfin tiré le marché de l’électrique en octobre, inversant la logique « flottes d’abord » des trimestres précédents. Signal encourageant… mais largement subventionné.

Le leasing social, formidable accélérateur… et angle mort stratégique

Le dispositif 2025, relancé le 30 septembre et financé via les certificats d’économies d’énergie (CEE), plafonne à 50 000 contrats. Il a deux mérites indéniables:

  • Abaisser la barrière d’entrée (0 apport, <200 €/mois) et démocratiser l’électrique auprès des ménages modestes.
  • Réorienter la demande vers des modèles éligibles, souvent produits en Europe, avec un effet d’entraînement sur les volumes.

Mais trois limites demeurent:

  1. Effet cliquet et « falaise »
    La hausse d’octobre est directement corrélée aux aides. Si le robinet se resserre en 2026, un trou d’air est probable, sauf baisse durable des prix catalogue.
  2. Distorsions de marché
    Dans certaines configurations, des VO récents se retrouvent plus chers que les neufs aidés. Un paradoxe qui brouille les repères de valeur résiduelle et pénalise la fluidité de l’occasion.
  3. Qualité de l’offre réelle à 150–200 €/mois
    Toutes les versions éligibles ne se valent pas en polyvalence: capacité utile de batterie, puissance de recharge DC et chargeur AC 11 kW font souvent la différence à l’usage.

💡 Conseil d’expert

  • Renault 5: évitez les versions d’entrée de gamme sans charge DC rapide (95 ch). Préférez la 52 kWh/150 ch (100 kW DC), mieux armée pour les trajets variés.
  • Sur citadines low-cost (Fiat Grande Panda, ë-C3, Hyundai Inster): autonomie et recharge autoroutière restent le principal compromis.
  • En compactes/SUV: un Skoda Elroq 59 kWh (DC 165 kW) ou un e-2008 54 kWh offrent un meilleur « rayon d’action » familial que des petites batteries.

Le paradoxe 2025: l’électrique progresse, le marché recule

  • Conjoncture: pouvoir d’achat sous tension, taux de financement, attentisme des ménages et flottes — le cœur du marché peine.
  • Thermique en reflux structurel: l’essence décroche, le diesel touche un plus bas historique. Les hybrides non rechargeables tiennent le haut du pavé, avec une montée des technologies type générateur embarqué (Nissan e‑Power).
  • Industriel: les aides et critères d’éligibilité favorisant l’assemblage en Europe soutiennent les acteurs locaux, mais la rentabilité des BEV reste tendue à ces niveaux de prix.

📊 À retenir

  • Record pour les électriques en octobre, mais année VP toujours à -5,4 %.
  • Sans leasing social, octobre repasserait dans le rouge.
  • Le test sera 2026–2027: prix hors subventions, densité de recharge, coût total d’usage.

3 questions décisives pour 2026

  1. Les prix « catalogue » peuvent-ils baisser assez vite ?
    La bataille se joue autant dans l’ingénierie frugale (plateformes simplifiées, LFP/LMFP, contenu réduit) que dans l’échelle industrielle européenne.
  2. L’infrastructure suivra-t-elle la demande ?
    La capillarité hors grands axes reste le point faible. Sans recharge AC 11 kW à domicile/pro et HPC fiables partout, l’adoption de masse ralentit.
  3. Le marché de l’occasion s’équilibrera-t-il ?
    La normalisation des décotes BEV est enclenchée, mais il faut résorber les incohérences entre prix neufs aidés et VO récents pour donner confiance aux seconds acheteurs.

Pour les ménages éligibles: bien choisir son leasing social

  • Vérifiez la puissance de charge:
    • DC: minimum 100 kW conseillé pour l’autoroute.
    • AC: 11 kW utile si vous avez un accès triphasé (temps de charge divisé par deux vs 7,4 kW).
  • Anticipez l’usage:
    • Moins de 12 000 km/an principalement urbains: petite batterie OK.
    • Voyages réguliers: visez >50 kWh utiles et DC ≥100 kW.
  • Lisez la LOA en détail:
    • Kilométrage inclus, pénalités, entretien, pneus, restitution.
    • Option d’achat en fin de contrat: cohérente avec la valeur de marché ?
  • Délais/stock: les modèles les plus demandés partent vite; soyez flexible sur la finition/couleur pour accélérer la livraison.

📢 À surveiller d’ici fin d’année

  • Effet « fin de trimestre » chez certains constructeurs (livraisons groupées), possible rebrassage des classements mensuels.
  • Dernière vague de livraisons leasing social avant d’atteindre le plafond des 50 000 contrats.
  • Niveaux de remises hors dispositifs publics: signe avancé d’un rééquilibrage prix/volume.

En octobre, l’électrique n’a pas seulement sauvé les apparences: il a montré son potentiel quand les conditions d’accès sont réunies. Mais tant que l’équation prix–recharge–valeur résiduelle ne sera pas solide sans perfusion, la dynamique restera fragile. Le vrai match se jouera en 2026, sur la capacité de l’offre à tenir la promesse du « juste prix »… sans filet.

Électriques en plein vol, marché en panne: la France auto à deux vitesses

En bref:

  • Les VE explosent en octobre (24–24,4 % de Pdm, +~63 % an/an) grâce aux aides renforcées (leasing social, bonus, prime européenne) et au retour massif des particuliers.
  • Le marché global reste en retrait (-5,4 % YTD) et dépend fortement des subventions : sans baisse des prix catalogue et maillage de recharge, risque d’atterrissage brutal en 2026–2027.

L’actualité d’octobre 2025 offre un paradoxe saisissant. Les voitures électriques signent un record historique en France, portées par des aides publiques renforcées, tandis que le marché global de l’auto reste orienté à la baisse depuis le début de l’année. Fracture conjoncturelle ou mutation structurelle? Décryptage, chiffres à l’appui.

À retenir (en 30 secondes)

  • 24 à 24,4 % de parts de marché pour l’électrique en octobre, un record, avec des immatriculations en envol (+63 % environ sur un an).
  • Le marché global reste en retrait: -5,4 % sur les dix premiers mois de 2025 malgré un mois d’octobre légèrement positif.
  • Accélération due aux aides (leasing social, bonus, prime européenne), retour massif des particuliers et repositionnement des constructeurs.
  • Thermique en reflux: essence en fort recul, diesel à un plus bas historique (<9 %).
  • Une dynamique puissante mais sous perfusion: sans soutien public durable, le risque d’atterrissage brutal existe à l’horizon 2026-2027.

Les chiffres clés d’octobre 2025

  • Immatriculations totales VP:
    • 139 513 véhicules selon AAA Data (+2,9 % vs octobre 2024)
    • 135 529 selon la PFA (+2,9 % également)
  • Voitures 100 % électriques:
    • 24 à 24,4 % de part de marché (record)
    • +63 % à +65 % sur un an (source: AAA Data/échos sectoriels)
    • Environ 34 000 immatriculations sur le mois (AAA Data)
  • Depuis janvier: marché global -5,4 % (≈1,33 million de VP), avec deux jours ouvrés de moins qu’en 2024
  • Bénéficiaires du leasing social relancé: 41 500 annoncés au 29/10 (objectif 50 000)

📌 Bon à savoir
Les écarts de volumes d’octobre entre AAA Data et la PFA tiennent à des périmètres et méthodes de collecte différents. La tendance, elle, est identique: petit rebond mensuel, année toujours négative.


Pourquoi l’électrique explose maintenant

Trois leviers se combinent et changent l’équation:

  1. Aides publiques plus puissantes
  • Leasing social réactivé avec des loyers de 100–200 €/mois selon profils, ciblant 50 000 ménages.
  • Bonus écologique recentré et « prime européenne » de 1 000 € depuis octobre pour les VE assemblés en Europe: signal prix favorable aux modèles locaux.
  • « Coup de pouce » estival et dispositifs CEE qui irriguent le financement.
  1. Retour des particuliers
  • Les particuliers progressent nettement (+75 % d’EV vs octobre 2024 dans certaines estimations), comblant le retard sur les flottes.
  • Message clé: l’électrique n’est plus une niche de B2B; l’usage perso décolle.
  1. Offre et production « made in Europe »
  • Renault tire le marché (R5, Scénic, Mégane E-Tech), Stellantis aligne e-208/e-2008 et la nouvelle ë‑C3 à prix d’appel.
  • Tesla reste « dans le match » (Model Y podium), mais sa domination se normalise face à une concurrence européenne armée et éligible aux nouveaux critères d’aides.

Qui gagne, qui décroche?

  • Renault et Stellantis se partagent près de la moitié du marché en octobre (≈24,5 % vs 25,4 %), avec une meilleure dynamique chez Renault sur les 10 mois.
  • Hybrides non rechargeables stables autour de 28 %; PHEV en soutien; prolongateurs d’autonomie en hausse marginale.
  • L’essence dévisse, le diesel tombe sous 9 %: un point bas historique.
  • Top EV janvier–octobre (volumes cumulés): Renault 5 en tête, suivie de Tesla Model Y et Citroën ë‑C3; Scénic E‑Tech et Mégane E‑Tech bien placés.

📊 Encadré – Le trio qui fait la course en tête (Jan–Oct 2025)

  • Renault 5: ≈26 300 unités
  • Tesla Model Y: ≈17 300
  • Citroën ë‑C3: ≈13 000
    Signal fort: l’ancrage des modèles compacts et des B‑SUV dans le cœur de marché.

Une croissance sous perfusion publique

Soyons lucides: sans aides, la pente serait beaucoup moins raide. Les signaux de dépendance sont clairs:

  • Distorsions prix entre neuf subventionné et occasion récente (certaines R5/ë‑C3 d’occasion plus chères que des neuves éligibles): effet d’aubaine.
  • Taux d’équipement inégal en bornes de recharge, notamment hors grands axes; l’infrastructure demeure le talon d’Achille.
  • Pouvoir d’achat contraint: le soutien public compense partiellement, mais ne règle pas tout (assurance, coût de l’électricité, recharge à domicile).

💡 Conseil d’expert
Si vous achetez un VE, sécurisez l’équation « usage-recharge » AVANT la commande: possibilité de prise domestique dédiée, coût du kWh (heures creuses), accès à la recharge au travail, et solutions en itinérance fiables. C’est la clé d’un TCO maîtrisé.


Flottes, particuliers: la France roule-t-elle à deux rythmes?

  • Les flottes ont accéléré l’électrification depuis début 2025 (plus de 20 % de BEV, et 70 %+ de motorisations électrifiées au sens large); elles structurent l’offre et alimentent le futur marché de l’occasion.
  • En octobre, la vague des particuliers a enfin rattrapé son retard grâce aux aides ciblées: bon pour la diffusion sociale du VE, déterminant pour atteindre l’échelle.

Côté utilitaires, le diesel reste ultra-majoritaire (≈74 % sur 9 mois): la transition est plus lente là où les contraintes d’usage sont plus dures (autonomie, charge utile, disponibilité de la recharge pro).


Politique européenne: cap 2035 et « made in Europe » assumé

  • L’UE maintient l’arrêt des ventes thermiques neufs en 2035, tout en aménageant la trajectoire CO₂ à court terme pour éviter les chocs.
  • Soutiens à la chaîne batteries et aux infrastructures; incitations à la production européenne.
  • La prime française de 1 000 € pour les VE assemblés en Europe (depuis octobre) renforce le signal-prix domestique face à la concurrence mondiale.

🎯 Ce que cela implique

  • Avantage compétitif aux modèles produits/localisés en Europe.
  • Pression sur les prix catalogue à la baisse en 2026–2027, sous l’effet cumulé de volumes, de coûts batteries et de concurrence.

Bulle subventionnée ou transition réussie?

  • Thèse « bulle »: la demande serait artificielle, gonflée par des aides et fragile dès qu’on baisse le curseur. Indices: distorsions VO/neuf, dépendance forte aux dispositifs, marché global toujours mou.
  • Thèse « transition »: l’électrique entre dans la norme prix/usage; l’occasion s’étoffe; la concurrence tire les coûts; les particuliers basculent enfin.

La vérité est entre les deux: la marche est engagée, mais l’allure reste conditionnée par l’État et l’Europe: la marche est engagée, mais l’allure reste conditionnée par l’État et l’Europe. Sans baisse nette des prix catalogue et sans maillage de recharge plus homogène, un trou d’air en 2026 n’est pas à exclure.


Ce qu’il faut surveiller d’ici 12 à 18 mois

  • Évolution des aides 2026–2027 et critères d’éligibilité
  • Baisse effective des prix catalogue (hors subventions)
  • Déploiement des bornes rapides hors corridors (zones rurales/périurbaines)
  • Marché de l’occasion EV: volumes, décotes, garanties batterie
  • Part des particuliers sans leasing social et fidélisation à la deuxième voiture
  • Localisation industrielle: montée en cadence des sites européens et sécurisation des chaînes batteries

Pour les acheteurs: quelques repères pratiques

  • Profils urbains/périurbains: VE pertinent dès 8 000–12 000 km/an si recharge à domicile/au travail; viser 350–450 km WLTP réels selon usages.
  • Gros rouleurs: comparer TCO sur 4–5 ans (prix d’achat, conso, pneus, assurance, recharge) avec un hybride sobre; tester l’itinérance sur vos trajets types.
  • Occasion EV: viser modèles <3 ans, vérifier SOH batterie, historique de recharge, et privilégier garanties constructeur.
  • Attention aux signaux prix: certains modèles neufs éligibles peuvent rendre les VO récents moins intéressants à court terme.

En octobre, la France confirme sa bascule électrique… mais sous contrainte. La transition avance, les chiffres sont là, et l’offre se densifie. Pour tenir la durée, il faudra désormais transformer l’essai: des prix catalogues plus bas, des bornes partout, et une demande capable de vivre avec moins d’aides. C’est à cette condition que la « France auto à deux vitesses » pourra enfin rouler au même rythme.

Hybrides rechargeables: recharge obligatoire ? Le coup de poker allemand face au tout-électrique

En bref:

  • La VDA propose d’obliger la recharge des PHEV (bridage progressif du thermique si non‑recharge), pour garantir une utilisation électrique réelle face au durcissement des règles UE.
  • Faisable techniquement mais source de risques (sécurité, RGPD, accès aux bornes) — mieux vaut agir sur les incitations, exigences techniques (chargeur 11 kW/DC, démarrage EV par défaut) et la fiscalité liée à l’usage réel.

L’idée a de quoi faire lever plus d’un sourcil. Pour sauver les hybrides rechargeables (PHEV) bousculés par Bruxelles et la montée du 100 % électrique, l’industrie automobile allemande propose de… rendre la recharge obligatoire. À la clé, un bridage du moteur thermique si l’utilisateur ne branche pas son véhicule à intervalles réguliers.

Manœuvre désespérée ou redressement utile d’une technologie mal utilisée ? Décryptage, sans œillères.

Ce que propose vraiment la VDA

  • La fédération allemande de l’automobile (VDA), présidée par Hildegard Müller, suggère que les futurs PHEV intègrent une contrainte d’usage:
    • obligation de recharger au moins une fois sur une distance à définir,
    • à défaut, réduction automatique des performances du moteur thermique (bridage).
  • Objectif affiché: “motiver” une conduite réellement électrique au quotidien pour réduire les émissions réelles de CO2 et rassurer Bruxelles.

Important: ce n’est, à ce stade, qu’une proposition industrielle. Ni texte de loi, ni projet réglementaire européen. Et de nombreuses inconnues techniques et juridiques demeurent.

Pourquoi maintenant ? Parce que les chiffres réels rattrapent le discours

  • Les PHEV donnent le meilleur d’eux-mêmes… lorsqu’ils sont rechargés. Or, en flotte d’entreprise notamment, ils le sont trop peu.
  • Les données d’usage collectées en Europe (OBFCM) et les analyses d’ONG comme Transport & Environment (T&E) convergent:
    • part de roulage réellement électrique très inférieure aux suppositions d’homologation,
    • émissions en conditions réelles très supérieures aux valeurs WLTP, parfois “jusqu’à cinq fois plus” selon T&E.
  • L’Agence européenne pour l’environnement a publié des écarts marqués (par exemple autour de 139 g/km observés pour des PHEV récents quand le WLTP en annonce en moyenne quelques dizaines de g/km).
  • L’UE a déjà commencé à corriger le tir:
    • renforcement des essais pour PHEV (Euro 6e-bis depuis 2025),
    • baisse programmée des “facteurs d’utilité” (la part de roulage supposée en électrique) d’ici 2027/2028 afin d’aligner les chiffres officiels sur la réalité.

En langage politique: l’échappatoire PHEV se referme. D’où l’offensive allemande pour prouver la “bonne utilisation” de ces modèles.

📌 À retenir

  • Les PHEV ne posent pas problème… s’ils sont rechargés.
  • Bruxelles intègre désormais les usages réels; les avantages CO2 des PHEV se réduisent quand ils ne sont pas branchés.
  • La proposition allemande cherche à préserver la viabilité réglementaire et commerciale du PHEV après 2027… et jusqu’à l’échéance 2035.

Techniquement faisable… mais à quel prix (et quels risques) ?

  • Mise en œuvre probable via logiciel et télématique (calcul de kilomètres depuis la dernière recharge, historique de sessions, etc.).
  • Type d’action: plutôt limiter les modes “puissants” (boost, sport), réduire la puissance de crête, voire la vitesse max, que “couper” brutalement — pour des raisons évidentes de sécurité.
  • Points sensibles:
    • sécurité routière: toute réduction doit être progressive, prévisible, abondamment signalée; pas de “coupure” en dépassement,
    • contournements: “fausses” recharges très brèves pour lever la contrainte, charge minimale à définir,
    • compatibilité usage: longs trajets consécutifs sans accès facile à une borne,
    • homologation et responsabilité: qu’implique une limitation de performance “à l’usage” dans le dossier de type-approval ?
    • cybersécurité: intégration d’une logique critique pilotée par logiciel et données connectées.

Comparaison utile: l’AdBlue sur diesel. Quand le réservoir est vide, le véhicule peut refuser de démarrer. L’esprit est similaire (forcer un comportement vertueux), mais la transposition au PHEV est plus complexe: une “recharge suffisante” n’est pas aussi binaire qu’un plein d’additif.

Données, vie privée, RGPD: la face cachée

Obliger la recharge suppose de tracer:

  • kilomètres parcourus entre deux recharges,
  • occurrences et durées de charge, éventuellement lieux.

Sous RGPD, c’est un traitement de données potentiellement sensibles (profil d’usage, habitudes de déplacement). Il faudra:

  • un fondement légal clair,
  • minimiser les données collectées,
  • garantir le consentement et la transparence,
  • protéger ces données (cybersécurité, durées de conservation, accès).

Qui soutient ? Qui tique ?

  • En Allemagne, l’écosystème VDA pousse: les PHEV restent un pilier industriel et commercial. Le pays a vu les ventes grimper fortement en 2025, avec environ 12 % de part de marché en septembre (près de 27 700 immats), alors que la France a reculé sur la période.
  • Ailleurs en Europe, les positions divergent:
    • constructeurs et pays pro-BEV (100 % électrique) jugent la “recharge obligatoire” artificielle et préfèrent accélérer l’électrique,
    • certains industriels italiens restent ouverts aux solutions hybrides, mais sans afficher (pour l’instant) un soutien explicite au bridage,
    • côté nordique, l’engagement vers le tout-électrique rend la proposition largement inaudible.

En clair: l’idée fédère chez ceux qui ont beaucoup investi dans le PHEV; ailleurs, elle est vue comme une rustine.

Impact client et marché: zones grises à clarifier

  • Flotte d’entreprise: cœur du sujet. Tant que l’essence est prise en charge et que la recharge ne l’est pas toujours, l’incitation est mauvaise. Le bridage peut créer des frictions sociales et opérationnelles.
  • Particuliers: acceptabilité incertaine pour une voiture neuve qui “punit” si l’on n’a pas pu recharger.
  • Infrastructures: imposer la recharge sans garantir l’accès (domicile, travail, voirie) serait perçu comme inéquitable.
  • Technique produit: nombre de PHEV restent lents à charger (3,7–7,4 kW AC), peu compatibles charge DC. Difficile de “sanctionner” si recharger est lent ou peu pratique.

🛠️ Bon à savoir

  • Plusieurs marques affichent déjà des alertes de non-recharge récurrente. La VDA franchit un cap avec une contrainte matérielle sur la performance.
  • Des zones à faibles émissions (ZFE) testent ailleurs en Europe des géorepérages “EV only” sur PHEV. Une autre voie, plus ciblée territorialement.

Y a-t-il mieux que le bâton ? Les leviers qui fonctionnent

  • Fiscalité entreprise: rembourser l’électricité au même titre que le carburant, obliger la preuve de recharge (borne pro ou domestique certifiée), conditionner les avantages fiscaux à un taux minimal de roulage électrique vérifiable.
  • Produit:
    • imposer un chargeur embarqué AC de 11 kW minimum et, au-delà d’un certain gabarit, une capacité de batterie plus élevée,
    • généraliser la compatibilité DC sur PHEV destinés aux flottes,
    • forcer le démarrage par défaut en mode EV, verrouiller certains modes thermiques en ville.
  • Réglementation CO2:
    • continuer l’alignement sur les données d’usage réelles (OBFCM),
    • restreindre les crédits/bonus PHEV si la part électrique constatée reste faible,
    • réserver les aides publiques aux PHEV atteignant une part mesurée d’usage EV (au lieu d’un simple “potentiel”).

✅ Alternatives plus efficaces que le bridage

  • Incitations financières à la recharge vérifiée
  • Conditions d’avantages fiscaux indexées sur l’usage EV réel
  • Matériel adapté: OBC 11 kW, compatibilité DC, e-range crédible
  • Démarrage EV par défaut, géorepérage en zones sensibles
  • Ajustement réglementaire continu via données OBFCM

Que peut faire Bruxelles maintenant ?

  • Continuer la baisse des “facteurs d’utilité” PHEV et la prise en compte des données d’usage,
  • Conditionner plus strictement les avantages (homologation, fiscalité, écobonus) à des critères d’usage réel,
  • Exiger des minimums techniques (capacité batterie, puissance de charge) pour l’éligibilité aux aides,
  • Clarifier le statut post‑2035 des PHEV (qui, en l’état, ne sont pas autorisés à la vente neuve) afin d’éviter des investissements “piégés”.

Et si vous roulez en PHEV aujourd’hui ?

  • Branchez dès que possible: chaque nuit à domicile ou chaque jour au travail change tout (coût et CO2).
  • Paramétrez l’EV par défaut, réservez l’hybride/sport aux grands axes.
  • Sur long trajet, anticipez une courte recharge intermédiaire si votre modèle accepte au moins 7–11 kW AC.
  • Si vous ne pouvez pas recharger régulièrement, un hybride simple efficient ou un diesel récent peut, paradoxalement, consommer moins sur autoroute. Et si l’infrastructure vous le permet, un BEV devient souvent plus pertinent en coût total de possession.

Au fond, l’idée allemande a le mérite de poser la vraie question: un PHEV vaut la peine à condition d’être rechargé. Mais transformer une bonne pratique en obligation punitive risque d’additionner complexité, contentieux et rejet. Mieux vaut corriger les incitations et l’outil industriel pour que la recharge devienne naturelle… et rentable, pour tous.

Reprise auto: l’Europe sacrifie-t-elle 90 hybrides pour 1 électrique ? Le calcul qui dérange

En bref:

  • Le ratio 1:6:90 (une BEV 60 kWh = 6 PHEV 10 kWh = ≈90 HEV ≈0,6–0,7 kWh) montre qu’en termes de CO₂ évité par kWh de batterie, les hybrides simples dominent à court terme (avec ≈225–450 tCO₂ évitées si on alloue 60 kWh à des HEV vs ≈10–16 t pour 1 BEV).
  • Conclusion politique : arbitrer 2025–2030 avec pragmatisme — favoriser les BEV là où ils sont optimaux (urbain, forts kilométrages), encadrer les PHEV pour garantir leur efficacité réelle, et massifier les HEV pour des gains immédiats tout en accélérant décarbonation du mix, recharge et recyclage pour la transition durable.

L’embellie du marché européen se confirme, portée par les hybrides et les électriques. Mais une équation anglo-saxonne fait grincer des dents: avec la même quantité de batteries, construire une seule voiture 100% électrique ou… 6 hybrides rechargeables ou… 90 hybrides simples. Derrière ce 1:6:90 popularisé par Toyota, une vraie question d’efficacité carbone à court terme se pose.

Et si, obsédée par le “tout électrique”, l’Europe passait à côté du meilleur rendement climatique immédiat de ses matières premières critiques ? Plutôt que des slogans, voici les chiffres, les limites et les implications stratégiques.

Où en est vraiment le marché européen

  • Sur janvier–septembre 2025, l’UE repasse dans le vert: +0,9% vs 2024 (≈8,06 M de VP). Septembre seul: +10% (≈889 000 immats), selon l’ACEA.
  • Les hybrides non rechargeables dominent: 34,7% de parts, ≈2,8 M d’unités (+16,4%).
  • Les hybrides rechargeables remontent: 9% de parts (≈+31%).
  • Les 100% électriques progressent à 16,1% (≈1,3 M, +24%). L’Allemagne tire la croissance, la France repart en septembre.

Message clé: l’appétit européen est très réel pour les motorisations électrifiées, mais il n’est pas monolithique. Les hybrides “classiques” tiennent aujourd’hui le haut du pavé.

D’où vient le ratio 1:6:90, et que vaut-il ?

Ce ratio vient d’une logique simple: une batterie de 60 kWh (typique d’une compacte électrique) peut, en ordre de grandeur:

  • faire 1 BEV de 60 kWh,
  • ou 6 PHEV de 10 kWh,
  • ou ≈90 hybrides légers avec ≈0,6–0,7 kWh.

C’est un raisonnement d’allocation de ressources: à quantité donnée de lithium, nickel/graphite, cuivre… combien de véhicules électrifiés peut-on mettre sur la route ? Et quel impact carbone total obtient-on, à conduite et durée de vie égales ?

⚠️ Ce n’est pas un verdict pro/anti BEV: c’est une boussole “rendement par kWh de batterie” utile dans une phase temporaire de contraintes d’approvisionnement. Elle ne traite ni la pollution urbaine, ni le verrouillage fossile, ni le potentiel long terme du 100% électrique.

CO₂: combien “rapporte” 1 kWh de batterie selon la techno ?

Pour comparer proprement, on regarde l’économie de CO₂ sur l’usage, rapportée à la capacité batterie mobilisée.

📌 Hypothèses de calcul (prudentes et transparentes)

  • Cycle de vie d’usage: 150 000 km (moyenne européenne).
  • Référence thermique essence “réaliste”: 170–190 gCO₂/km (route + ville).
  • Consommation BEV: 16–18 kWh/100 km. Électricité UE en baisse tendancielle (mix ≈ bas carbone croissant). Intensité moyenne retenue: 200–300 gCO₂/kWh selon pays/période.
  • Surplus d’émissions à la fabrication d’un BEV vs thermique: +3,5 à +6 tCO₂ (batterie incluse), en baisse avec la décarbonation des usines.
  • PHEV en usage réel: très sensible à la recharge. Scénario médian: gain 30–60 gCO₂/km vs thermique. Hybride non rechargeable (HEV/MHEV): gain 10–20%.

✅ Résultats ordre de grandeur

  • 1 BEV 60 kWh:
    • économie à l’échappement vs thermique: 100–130 g/km ⇒ 15–20 tCO₂ sur 150 000 km
    • moins le surcroît de fabrication: net ≈ 10–16 tCO₂ évitées
    • “rendement” par kWh de batterie: ≈ 170–270 kgCO₂ évités/kWh
  • 1 PHEV 10 kWh (usage moyen réellement branché):
    • 30–60 g/km ⇒ 4,5–9 tCO₂ évitées
    • rendement ≈ 450–900 kgCO₂/kWh
  • 1 hybride simple ≈0,6–0,7 kWh:
    • 10–20% de gain ⇒ 2,5–5 tCO₂ évitées
    • rendement ≈ 3 500–7 500 kgCO₂/kWh

En clair: par kWh de batterie “consommé”, l’hybride simple est imbattable à court terme, le PHEV suit, le BEV ferme la marche. Mais attention: ce métrique favorise mécaniquement les très petites batteries… et il ignore d’autres dimensions clés.

🔎 Calcul express “60 kWh disponibles”

  • Option A — 1 BEV 60 kWh: ≈ 10–16 tCO₂ évitées sur vie.
  • Option B — 6 PHEV (6×10 kWh): ≈ 27–54 tCO₂.
  • Option C — 90 hybrides simples (90×0,67 kWh): ≈ 225–450 tCO₂.

Si le but est de maximiser la baisse de CO₂ 2025–2030 avec des matériaux limités, la massification des hybrides “rend” objectivement plus de tonnes évitées. C’est le cœur du paradoxe 1:6:90.

Les grands “mais” que le ratio ne voit pas

  • Qualité de l’air en ville: les BEV ont zéro émission au pot d’échappement (NOx/PM), les hybrides restent des fossiles en usage urbain.
  • Verrouillage fossile: multiplier les hybrides prolonge l’usage d’essence jusqu’aux années 2040. Risque d’actifs échoués et d’inertie industrielle contraire au cap 2035 (fin des ventes thermiques neuves dans l’UE, hors carburants synthétiques très spécifiques).
  • Réalité PHEV: sans recharge systématique (flottes, particuliers sans prise), l’économie réelle s’effondre; certains roulent proche d’un thermique.
  • Décarbonation de l’électricité: plus le mix baisse en CO₂, plus le BEV “gagne” chaque année en émissions évitées, sans modifier le véhicule.
  • Chimies de batteries: la bascule vers le LFP (peu/nickel, zéro cobalt) et la baisse de l’intensité carbone des gigafactories diminuent l’empreinte amont des BEV.
  • Ressources et éthique: hybrides et BEV utilisent lithium/graphite/cuivre (moins en HEV), avec des enjeux sociaux et environnementaux similaires; le recyclage change l’équation après 2030.

📌 Bon à savoir

  • Le règlement batteries de l’UE impose des taux de collecte, d’efficacité de recyclage et des teneurs minimales en contenu recyclé, accélérant un “bouclage” des matériaux.
  • Les capacités de recyclage (Europe/États-Unis/Asie) montent en puissance; elles réduiront la pression minière et l’empreinte amont des BEV et PHEV au fil de la décennie.

Europe: se tromperait-on d’arbitrage ?

L’Europe n’a pas rejeté les hybrides: le marché en raffole en 2025, et les objectifs CO₂ des flottes 2025–2030 ont laissé une place aux PHEV/HEV. Mais l’architecture réglementaire (cap 2035, normes de pollution urbaines, fiscalité) vise clairement la destination BEV.

La vraie question est séquentielle: comment orchestrer 2025–2030 pour maximiser les tonnes de CO₂ évitées tout en préparant un parc largement électrique durablement ?

Une stratégie de transition “mixte” et testable

  • Cibler les BEV là où ils sont déjà optimaux
    • Urbain/périurbain avec recharge domestique/pro: bénéfice air local + TCO compétitif.
    • Forts kilométrages (VTC, livraisons, taxis): effet volume d’usage, amortit la fabrication.
  • Encadrer les PHEV pour délivrer leurs promesses
    • Bonus/malus et avantages fiscaux conditionnés à des kilomètres électriques réels (télémétrie anonymisée), géorepérage “zéro émission” en zones à faibles émissions, révision des Utility Factors.
  • Massifier l’hybride non rechargeable sur les remplacements à court terme
    • Remise à niveau rapide du parc ancien, surtout là où la prise est absente. Gains sûrs de 10–20% sans contrainte d’usage.
  • Piloter la “matière” comme une ressource stratégique
    • Indicateur officiel d’abattement CO₂ par kWh batterie allouée dans les politiques publiques 2025–2030, pour arbitrer finement les soutiens.
  • Accélérer les facteurs systémiques
    • Recharge publique fiable et dense, surtout AC au travail et en copropriété.
    • Décarbonation du mix électrique (plus elle s’accélère, plus les BEV surperforment).
    • Recyclage/traçabilité: exigences et soutien industriel pour sécuriser l’offre et l’éthique.

💡 Astuce de lecture des annonces constructeurs

  • Regardez la chimie (LFP vs NMC), la taille de batterie, et la consommation homologuée/réelle: trois leviers qui changent l’empreinte sans changer la carrosserie.

Risques à surveiller

  • Verdissement de façade: PHEV mal utilisés dans les flottes, hybrides puissants à gains faibles.
  • Effets prix: si l’aide publique se concentre trop sur BEV haut de gamme, le renouvellement du parc ralentit, dégradant le bilan court terme.
  • Goulots d’électrons: la stagnation du réseau ou des raccordements peut freiner l’usage BEV et dégrader le bilan si la recharge reste carbonée localement.

À retenir

  • Par “kWh de batterie”, les hybrides simples offrent aujourd’hui le meilleur rendement CO₂; les PHEV suivent; les BEV ferment la marche dans ce métrique précis.
  • En “tonnes absolues” par véhicule et en qualité de l’air, le BEV est devant, et son avantage croît avec la décarbonation du mix et la baisse de l’empreinte de fabrication.
  • La bonne réponse européenne n’est pas binaire: un pilotage fin 2025–2030 peut concilier efficience immédiate (hybrides) et trajectoire structurelle (BEV), sans perdre de vue le verrouillage fossile et la santé publique.

En somme, le 1:6:90 est un rappel utile: la batterie est une ressource stratégique. À l’Europe de la répartir intelligemment, sans confondre rendement à court terme et destination finale.

1 VE ou 90 hybrides ? L’équation qui bouscule le “tout-électrique” européen

En bref:

  • L’équation 1:6:90 (1 VE = ~6 PHEV = ~90 HEV en kWh batterie) illustre qu’en situation de contrainte matière, multiplier les HEV maximise à court terme les tonnes de CO2 évitées par kWh.
  • Les chiffres montrent qu’un kWh investi dans une HEV évite plus de CO2 annuellement que dans un VE ou PHEV aujourd’hui, mais les HEV verrouillent des émissions et bénéficient moins du déploiement d’électricité bas‑carbone.
  • Conclusion pratique : utiliser les HEV comme solution‑pont (2025‑2030) là où le VE n’est pas compétitif, tout en priorisant VE efficients, recyclage, chimies moins critiques et mesures pour atteindre l’objectif zéro émission 2035.

L’affirmation fait mouche: avec les mêmes matériaux de batterie, on pourrait fabriquer “1 voiture électrique = 6 hybrides rechargeables = 90 hybrides”. Popularisée par Toyota, l’équation 1:6:90 remet en question notre manière d’allouer des ressources critiques à l’heure où les chaînes d’approvisionnement en batteries et en semi‑conducteurs se tendent. Faut-il, en Europe, réorienter une partie des cellules lithium vers les hybrides pour réduire plus vite le CO2, sans renoncer à l’objectif 2035?

Derrière le slogan se cache un vrai débat: comment maximiser, en 2025‑2035, les tonnes de CO2 évitées par kWh de batterie, tout en sécurisant l’industrie et l’acceptabilité des clients? Décryptage, chiffres à l’appui.

D’où vient le “1:6:90”, et que dit vraiment cette équation?

  • À l’origine: un ratio interne chez Toyota, repris publiquement par des dirigeants (ex. l’usine Kentucky), qui illustre un ordre de grandeur matériel: la capacité d’une batterie de VE (typiquement ~60 kWh) peut, à production égale de cellules, équiper environ 6 PHEV (10 kWh) ou ~90 hybrides (HEV ~0,6–1 kWh).
  • Le message implicite: si les matériaux de batterie sont la contrainte, mieux vaudrait équiper plus d’HEV pour “électrifier” massivement le parc et réduire plus vite la consommation de carburant.

C’est un raisonnement de pénurie. Mais une pénurie qui, en 2025, est plus nuancée qu’en 2020: montée en puissance des gigafactories européennes, bascule vers des chimies moins critiques (LFP, cobalt‑free) (LFP, cobalt‑free), progrès du recyclage, et baisse des prix de métaux (le lithium s’est détendu en 2024 avant de se rééquilibrer en 2025). Reste que la dépendance asiatique, en particulier vis‑à‑vis de la Chine (graphite, cathodes, technologies d’assemblage), demeure un risque stratégique et que des tensions commerciales existent (droits compensateurs européens sur les VE chinois depuis fin 2024; nouvelles restrictions chinoises sur certaines techno batteries évoquées en 2025).

Hybrides vs électriques: que dit le carbone, vraiment?

  • Hybrides (HEV): réduction typique de 20 à 30% de carburant versus essence équivalente. Elles épargnent du CO2 à chaque plein, mais continuent d’émettre sur toute leur durée de vie.
  • Hybrides rechargeables (PHEV): très dépendantes de l’usage. Les études ICCT/Fraunhofer montrent des émissions réelles souvent 2 à 4 fois supérieures à l’homologation si on recharge peu; en moyenne, les particuliers circulent ~37% du temps en électrique, les véhicules de flotte ~20%. Sans discipline de recharge, le gain CO2 fond.
  • 100% électriques (VE): empreinte de fabrication plus élevée (batterie), mais avantage massif à l’usage si l’électricité est peu carbonée. En Europe, les analyses ACV convergent: le VE émet sensiblement moins que le thermique sur le cycle de vie, surtout dans les pays à électricité décarbonée (France, Suède, Espagne). À l’échelle UE, l’intensité carbone du kWh tourne autour de 170–200 gCO2/kWh (ordre de grandeur), avec des écarts majeurs (France ~30–40 g/kWh sur 2024; Pays‑Bas ~300 g/kWh selon périodes).

📌 À retenir

  • En France, un VE alimenté par un mix très bas carbone abat des tonnes de CO2 très rapidement.
  • En UE moyenne, le bilan reste largement favorable au VE, mais les gains dépendent du mix électrique, de la consommation du véhicule et du kilométrage.
  • Les PHEV n’apportent un bénéfice climatique significatif que s’ils roulent majoritairement en électrique et qu’ils sont effectivement rechargés.

Calcul express: CO2 évité “par kWh de batterie”

Objectif: comparer l’efficacité carbone d’allocation des cellules quand elles sont rares. Hypothèses simples (illustratives, mêmes km annuels: 12 000 km)

  • Référence thermique: 170 gCO2/km (ordre de grandeur réel)
  • VE: 17 kWh/100 km, mix UE 190 g/kWh → ~32 gCO2/km
  • HEV: −25% vs thermique → ~128 gCO2/km
  • PHEV: 20 kWh/100 km en électrique. Part de roulage électrique 37% (moyenne particuliers). Le reste comme thermique.

Résultats indicatifs d’abattement annuel:

  • VE (batterie 60 kWh): (170−32)=138 g/km → 1,66 t CO2/an → ≈27,6 kg CO2 évités par kWh de batterie et par an
  • HEV (batterie 1 kWh): (170−128)=42 g/km → 0,50 t/an → ≈504 kg CO2/kWh/an
  • PHEV (batterie 10 kWh): émissions pondérées ≈145 g/km → gain ~25 g/km → 0,30 t/an → ≈30 kg CO2/kWh/an

Ce que montre ce “ratio de pénurie”: par kWh de batterie “investi”, l’HEV est imbattable à court terme. C’est l’argument choc derrière le 1:6:90.

Mais attention aux angles morts:

  • On compare “par kWh de batterie”, pas “par véhicule” ni “sur trajectoire zéro émission”. Les HEV gardent un moteur thermique et verrouillent des émissions pour 10–15 ans.
  • L’empreinte fabrication (moteur thermique supplémentaire, complexité) n’est pas prise en compte.
  • Le mix électrique se décarbone: le rendement climatique du VE s’améliore dans le temps, celui de l’HEV plafonne.
  • En France et dans plusieurs pays UE bas carbone, le VE délivre des gains massifs immédiats “par véhicule” et “par euro dépensé” en exploitation (énergie et maintenance).

💡 Conseil d’expert
Si votre priorité est d’optimiser le CO2 “dès 2025 avec un stock de cellules limité”, maximiser les HEV est rationnel. Si l’objectif est “sortie des émissions à 2035‑2040”, accélérer les VE légers et efficients reste incontournable.

Le marché européen: l’hybride progresse, l’électrique tient

  • 2024: repli ponctuel de la part de marché des VE à ~13–14% en UE; forte poussée des hybrides.
  • 2025: rebond des VE (~16% sur 8 mois) et envol des HEV, au point que les motorisations “électrifiées” (VE+HEV+PHEV) pèsent désormais plus de 60% des ventes dans l’UE.
  • France: réseau de recharge public à plus de 150 000 points fin 2024; les TCO sur 10 ans sont souvent favorables au VE (énergie/entretien), surtout avec recharge à domicile. À l’inverse, les PHEV peuvent coûter plus cher que prévu si l’on ne recharge pas régulièrement (surcoût annuel constaté par plusieurs analyses).

2035: que dit la règle européenne?

  • La norme est claire: fin des ventes neuves de voitures émettant du CO2 à l’échappement en 2035. Cela exclut thermiques et hybrides. Une fenêtre étroite est prévue pour des véhicules dédiés aux e‑carburants “neutres”, sous conditions techniques strictes.
  • Traduction industrielle: les HEV et PHEV ont un horizon réglementaire borné pour la première mise en circulation. Ils restent pertinents comme solution-pont (2025‑2030), mais ne peuvent être l’axe central au‑delà.

Ressources, procédés et recyclage: le tableau bouge

  • Chimies et matériaux: montée du LFP (sans cobalt/ni nickel), densités en progrès, stratégies de “right‑sizing” (batteries plus petites sur véhicules plus efficients), et percées annoncées (solide à moyen terme).
  • Recyclage: l’UE impose dès 2025–2031 des taux d’extraction élevés (jusqu’à 95% pour cobalt/nickel, 80% pour le lithium en 2031). Des procédés émergents (lixiviation “neutre”) promettent des rendements quasi totaux sans acides forts.
  • Effet macro: plus de contenu recyclé et des batteries moins “métal‑intensives” réduiront la tension matières premières, donc la pertinence d’un raisonnement de pénurie à long terme.

📌 Bon à savoir
La fabrication d’un VE émet plus qu’un thermique, essentiellement à cause de la batterie. Mais rechargé avec un mix UE moyen, l’avantage à l’usage compense en quelques dizaines de milliers de km; en France, bien plus vite grâce au mix bas carbone.

Semi‑conducteurs et géopolitique: un risque transversal

Batteries, mais aussi puces, composants de puissance, aimants: la chaîne EV est mondialisée et exposée. Entre enquêtes anti‑subventions, droits compensateurs, rumeurs de restrictions à l’export, et arbitrages industriels, l’Europe doit sécuriser ses approvisionnements (gigafactories locales, alliances matières, filières de recyclage) pour que le “tout‑électrique 2035” soit tenable.

L’Europe “gaspille‑t‑elle” ses batteries?

Réponse courte: non, si elle les met au bon endroit.

  • Là où l’électricité est bas carbone et l’usage intensif (flottes, gros kilométrages, particuliers avec recharge à domicile), un VE bien conçu “valorise” au mieux chaque kWh de batterie en tonnes de CO2 évitées et en coûts d’usage.
  • À court terme (2025‑2030), dans des segments lourds/sensibles au prix ou des pays au mix plus carboné, des HEV sobres peuvent maximiser le CO2 évité par kWh de cellules si l’offre VE n’est pas encore compétitive.
  • Les PHEV ne sont pertinents que strictement encadrés: grande part de trajet en électrique, incitations et contraintes d’usage (recharge obligatoire en flotte, géorepérage urbain, facturation carburant à l’utilisateur, bornes au travail).

Trois leviers pour “ne pas gaspiller” nos batteries en Europe

  1. Faire des VE plus efficients plutôt que plus gros:
    • Favoriser les segments compacts, l’aérodynamique, les pneus sobres.
    • Calibrer des batteries plus petites, adaptées aux usages réels (350–450 km WLTP suffisent à 80% des trajets) pour multiplier le nombre de VE à ressources constantes.
  2. Encadrer les PHEV et stimuler les HEV intelligemment:
    • Bonus/malus conditionnés au taux de roulage électrique réel (télémétrie en flotte), obligations de recharge, géorepérage zéro‑émission en ville.
    • HEV comme “pare‑feu CO2” transitoire dans les pays/segments où le VE n’est pas encore compétitif.
  3. Fermer la boucle matière:
    • Accélérer le déploiement des filières de collecte et recyclage (objectifs UE 2027/2031), encourager les chimies moins critiques (LFP), et sécuriser l’amont (accords matières, production locale d’éléments actifs).

📢 Citation à méditer
“L’équation 1:6:90 est éclairante pour gérer une pénurie; elle ne fait pas une politique industrielle de long terme.”

En somme, la bonne question n’est pas “hybrides ou électriques”, mais “où chaque kWh de batterie évite‑t‑il le plus de CO2 aujourd’hui, sans compromettre l’objectif zéro émission de 2035?”. C’est à cette aune qu’il faut juger l’allocation européenne des ressources, au‑delà des slogans.

BYD vise les kei cars au Japon : répétition générale avant d’attaquer nos petites électriques ?

En bref:

  • BYD dévoile une mini‑EV au format kei car pour le Japon (≈3,4 m, ~20 kWh LFP, ~180 km WLTC, commercialisation visée 2026, prix ~2,5 M¥) pour prouver sa capacité à concevoir sur‑mesure et tester une micro‑plateforme.
  • Impact européen indirect : menace limitée pour Renault 5/ë‑C3 à court terme (homologation, sécurité, attentes d’usage), mais BYD pourrait bouleverser l’entrée de gamme si elle produit localement ou si une catégorie allégée émerge.

L’offensive est symbolique et stratégique. À deux jours de l’ouverture du Japan Mobility Show, BYD confirme l’arrivée d’une mini-électrique au format kei car, ce “Saint des saints” du marché nippon. Derrière ce move très ciblé, une question agite déjà l’Europe: et si BYD se servait de ce laboratoire japonais pour casser les codes du segment des petites citadines chez nous, face aux Renault 5, Citroën ë-C3 et à la future Twingo ?

Ce que BYD prépare au Japon, très concrètement

  • Format kei car (réglementation japonaise): longueur < 3,40 m, largeur < 1,48 m, puissance limitée à 64 ch.
  • Architecture et design: silhouette cubique optimisée pour l’habitabilité, portes arrière coulissantes, « double » montant A pour améliorer la visibilité en ville, combiné d’instruments flottant et écran central.
  • Batterie et recharge attendues: LFP Blade ~20 kWh, autonomie annoncée/pressentie ~180 km (WLTC), recharge DC pouvant aller jusqu’à 100 kW.
  • Calendrier et prix: première publique à Tokyo (29-30/10 pour la presse), commercialisation visée en 2026 au Japon; cible tarifaire évoquée autour de 2,5 M¥ (ordre de grandeur ~15-17 000 € selon le change), au niveau d’une Nissan Sakura.
  • Plateforme: développement annoncé ad hoc pour un gabarit « light EV » (et non simple réduction d’une BYD Seagull).

📌 À ce stade, BYD ne confirme pas toute la fiche technique. Plusieurs éléments (capacité batterie, puissance de charge, équipements d’ADAS) restent à officialiser.

Pourquoi les kei cars, et pourquoi maintenant ?

  • Poids du segment: environ 38-40% du neuf au Japon, soit ~1,5 million d’unités/an; la Honda N-Box truste les tops ventes.
  • Portes d’entrée: fiscalité, assurance et stationnement avantageux, usage urbain intense, compacité plébiscitée.
  • Contexte marché: les marques étrangères peinent au Japon, et l’électrique pure progresse lentement; BYD n’y vend que quelques milliers d’unités à ce jour.
  • Message stratégique: prouver sa capacité à concevoir « sur mesure » pour un marché aux normes ultra-spécifiques, là où les constructeurs japonais restent prudents sur le 100% électrique.

✅ À retenir

  • Si BYD réussit sur le terrain le plus « domestique » du Japon, l’argument technologique et industriel gagnera en crédibilité à l’international.
  • Le positionnement prix sera décisif: atteindre le ticket d’entrée des Sakura/eK X EV avec une batterie LFP robuste et une charge rapide inhabituelle dans ce gabarit serait un atout concurrentiel.

Menace (ou pas) pour Renault 5, ë-C3 et future Twingo en Europe ?

Disons-le clairement: une kei car « japonaise » n’est pas une européenne. Trois verrous à considérer.

  1. Homologation et sécurité (GSR2, ADAS, crash-tests)
  • Les exigences européennes tirent les coûts vers le haut et rendent difficile l’import « as is » d’une kei car.
  • Pour l’Europe, il faudrait élargir/renforcer, voire repartir d’une base adaptée (à l’image de la BYD Seagull/Dolphin Surf, 3,78 m).
  1. Économie produit
  • Aujourd’hui, nos petites électriques « mainstream » (R5, ë-C3) se positionnent plutôt entre ~20 000 et 30 000 € selon versions et batteries (WLTP 250-400+ km).
  • Une kei car à batterie 20 kWh, 180 km WLTP et équipement simplifié pourrait viser <15 000 €, mais seulement avec:
    • production locale (BYD bâtit des capacités en Hongrie et Turquie, et projette en Espagne),
    • ou une nouvelle catégorie réglementaire allégée (des discussions existent en Europe sur des “micro-citadines” électriques plus simples, mais rien d’acté à ce jour).
  1. Usage et attentes clients
  • Une R5/ë-C3 promet polyvalence péri-urbaine et autoroutière minimale; une “kei européenne” viserait plutôt le pur urbain.
  • Si une catégorie dédiée émerge (vitesses plafonnées, équipement de sécurité adapté, autonomie réduite), alors l’option « kei à l’européenne » pourrait bouleverser l’entrée de gamme.

💡 Conseil d’expert
Pour Renault (Twingo 2026 annoncée sous 20 000 €) et Stellantis (projets citadins chez Citroën), la réponse se joue moins sur la “spécification ultime” que sur le coût complet d’usage: sobriété énergétique, batterie raisonnable, logiciel efficace, ADAS « justes » mais conformes, et un réseau après-vente rassurant. C’est là que BYD est attendu: une petite EV crédible à coût imbattable, fabriquée en Europe.

Ce que cette kei-car BYD dit de l’offensive chinoise

  • Cycle de développement court, industrialisation agile, batteries maison: BYD continue d’aligner le triptyque vitesse/coût/intégration verticale.
  • Le Japon sert de test grandeur nature pour une ultra-compacité électrique, potentiellement « transposable »:
    • Royaume-Uni et Asie du Sud-Est (volants à droite, villes denses),
    • Europe si les verrous réglementaires et tarifaires s’assouplissent (ou via production locale BYD).
  • Les rivaux japonais réagissent: Nissan, Mitsubishi, Honda, puis Toyota/Suzuki préparent ou déploient leurs petites EV. La pression sur les prix va monter.

📊 Le contexte en 5 points

  • Part des kei cars au Japon: ~40% du marché.
  • Cible BYD: batterie ~20 kWh, ~180 km WLTC, DC jusqu’à 100 kW.
  • Prix visé: autour de 2,5 M¥ (~15-17 k€ estimés).
  • Lancement Japon: 2026 (après révélation à Tokyo 2025).
  • Export: possible en conduite à droite; pour l’Europe, à suivre (homologation et production locales clés).

Scénarios sur 12-24 mois

  • Japon

    • Si l’accueil client dépasse la méfiance initiale (prix, usage urbain, charge rapide), l’effet d’entraînement pourrait pousser les marques locales à accélérer leurs kei EV.
    • Si la demande reste timide, BYD aura malgré tout validé une base technique exploitable ailleurs.
  • Europe

    • Scénario 1 (le plus probable à court terme): BYD privilégie une petite citadine au format « A/B » européen (type Seagull/Dolphin Surf), industrialisée localement pour rester sous le seuil psychologique des 20 000 €.
    • Scénario 2 (plus disruptif, moyen terme): si l’UE ouvre une catégorie allégée pour mini EV urbaines, BYD pourrait dégainer un « esprit kei » en dessous de 15 000 € – et là, Renault 5/ë-C3 ne seraient pas directement visées, mais la future Twingo et les entrées de gamme oui.

🔎 Points de vigilance pour les acheteurs européens

  • Autonomie réelle en hiver sur petites batteries: la présence d’une pompe à chaleur peut faire la différence.
  • Normes de sécurité/ADAS: elles décideront du coût final et de l’agrément au quotidien (ISA, AEB, maintien de voie, etc.).
  • Valeur de revente: l’image de marque et le maillage après-vente comptent autant que le prix d’achat.

En filigrane, la kei-car de BYD n’annonce pas un choc frontal avec Renault 5/ë-C3, mais elle ouvre une brèche: celle d’une micro-électrique très optimisée et agressive en prix. Si l’Europe lui fait de la place, la bataille des “vraies petites” électriques ne fait que commencer.

Ariya stoppée, mini‑BYD en embuscade : la double alerte que l’Europe ne peut plus balayer

En bref:

  • Le retrait de l’Ariya aux États‑Unis et l’entrée de BYD dans les kei montrent que les EV « globales » chères et standardisées perdent face à des modèles hyper‑adaptés, locaux et à moindre coût.
  • Pour l’Europe, la solution passe par des citadines « light EV » : batteries right‑sized (LFP), production locale, design et logiciel frugaux, vise 16–22 k€ pour rendre la transition crédible.

L’actualité en dit parfois plus que les rapports. En quelques jours, deux signaux forts ont clignoté à l’international: Nissan retire l’Ariya du marché américain dès 2026, tandis que BYD s’apprête à dévoiler sa première « light EV » taillée pour le format kei au Japan Mobility Show (29‑30 octobre). Deux mouvements opposés, une même leçon: l’ère des « blockbusters » électriques standardisés s’essouffle face à l’hyper‑adaptation, agile, locale et frugale.

Dans une Europe où la citadine demeure le poumon du marché et de la transition (coût d’usage, encombrement, CO₂), ce duel à distance mérite un examen lucide.

Deux actus, un même message

  • Nissan Ariya retirée des États‑Unis pour le millésime 2026: une combinaison de droits de douane additionnels sur les EV japonaises, d’éligibilité plus complexe aux aides, de positionnement prix et d’un produit correct… mais peu différenciant face à un Tesla Model Y agressif en tarifs. Le modèle poursuit sa route au Japon avec un restylage.
  • BYD montre sa première kei 100% électrique: architecture dédiée, batterie LFP autour de 20 kWh, environ 180 km d’autonomie WLTC, recharge DC annoncée jusqu’à 100 kW, et un ticket autour de 2,5 M¥ qui la place au niveau d’une Nissan Sakura. Signe fort: un outsider étranger ose la catégorie la plus codifiée du marché japonais.

📌 À retenir

  • L’Ariya illustre les limites d’un SUV « global » arrivant tard, cher et sans avantage net perçu.
  • BYD s’insère là où la demande est structurelle (kei = ~40% des ventes au Japon) avec un produit minimaliste, optimisé et fiscalement pertinent.

Ariya, l’anti‑leçon du « blockbuster EV »

L’Ariya n’est pas une mauvaise voiture. Sur la route, elle est décente, confortable, plutôt efficiente. Mais voilà le vrai problème: elle est décente. Sur son segment, le « milieu de tableau » n’est plus viable quand la marque en face fait mieux au même prix, ou légèrement moins bien pour beaucoup moins cher.

  • Différenciation: faible sur le logiciel, l’écosystème et les usages (CarPlay/Android Auto ne suffisent plus).
  • Expérience: ergonomie discutable (surface haptique), conduite « neutre »; le client ne trouve pas son « aha moment ».
  • Économie: importée, donc fragile face aux droits de douane et aux primes conditionnées; leasing agressif pour écouler, mais valeur résiduelle sous pression.

Leçon: un EV « universel », coûteux et standard, ne résiste pas longtemps à un environnement mouvant (tarifs, aides, concurrence chinoise et Tesla) sans proposition de valeur claire – ou sans production locale pour sécuriser sa compétitivité.

BYD, l’hyper‑adaptation par la petite porte

À l’inverse, BYD applique sa méthode éprouvée: partir des contraintes locales, concevoir une plateforme spécifique, et optimiser coût/fonction plutôt que sur‑spécifier.

  • Produit « juste ce qu’il faut »: pack ~20 kWh, autonomie urbaine réaliste, recharge soutenue pour compenser la petite batterie, gabarit milimétré pour avantages fiscaux et d’assurance.
  • Coûts: LFP « Blade » maison, intégration verticale batteries/électronique, industrialisation serrée.
  • Go‑to‑market: prix aligné sur la Sakura, design et usage kei (portes coulissantes attendues, visibilité, rayon de braquage), RHD prévu.

💬 Citation à méditer
« Gagner le Japon n’est pas le point; y laisser une trace l’est. » L’entrée de BYD dans le temple des kei n’est pas une quête de volumes, mais de crédibilité industrielle et qualité perçue. Un signal envoyé à l’Occident.

Pourquoi l’Europe est directement visée: la citadine

L’UE a laissé s’éroder le cœur de marché A/B en thermique, faute de marges. En électrique, l’équation est encore plus dure: poids et batterie font la note. Résultat: emballement des prix, et un trou béant sous 20 000 € que seules quelques offres comblent partiellement (Dacia Spring, futures ë‑C3/Twingo e‑Tech/ID.2).

Or la demande réelle de transition se trouve là: petites autos frugales, réparables, assurables, faciles à recharger en ville.

  • Si des « light EV » asiatiques optimisées (LFP 25–35 kWh, 250–350 km WLTP, DC 75–100 kW, 900–1 050 kg) arrivent en Europe via production locale ou partenaires, elles établiront le standard du « suffisant désirable ».
  • Les droits additionnels ralentissent, mais n’annulent pas la force d’un concept produit solide, industrialisé à coût plancher.

Feuille de route très concrète pour l’Europe

  1. Recentrer le cahier des charges
  • Batterie « right‑sized » (25–35 kWh), 800–1 000 kg visés, Cx/A maîtrisés. Pas besoin de 500 km WLTP en ville.
  • DC 75–100 kW, AC 11 kW: regagner vite 100–150 km en 10–15 min.
  1. Adopter les chimies frugales
  1. Design pour coût total de possession
  • Pièces extérieures non peintes remplaçables, selleries recyclées faciles à nettoyer, jantes 14–15". Assurance/VO favorisés.
  1. Logiciel utile, pas gadget
  • OTA robustes, applis locales (parkings/borne/transport), modes urbains (éco‑chauffage, pré‑conditionnement intelligents). Interface simple, latence faible.
  1. Standards partagés
  • Plateforme A/B commune (multi‑marques) en Europe: économies d’échelle, modules unifiés (moteur, onduleur, BMS).
  1. Sourcing et usine
  • Cellules LFP/sodium locales (ou JV proches), usinage carrosserie simple, lignes courtes. Objectif prix public: 16–22 k€ hors bonus.
  1. Sécurité pragmatique
  • 5 étoiles ciblées via structures intelligentes et aides ADAS pertinentes (AEB urbain, angles morts), pas de surenchère coûteuse d’options.
  1. Contrats d’énergie et recharge
  • Packs d’électricité urbaine avec opérateurs, tarifs nuit, bornes de quartier. V2L de série pour cas d’usage domestiques.
  1. Financement rassurant
  • LOA/LDD avec garantie batterie 8 ans et valeur résiduelle encadrée. Abonnement batterie possible en entrée de gamme.
  1. Calendrier et communication
  • Lancer en 18–24 mois une « triade »: 3,65 m (2+2), 3,95 m (5 places), dérivé utilitaire léger. Storytelling frugalité/plaisir urbain, pas « tech porn ».

📊 Chiffres clés

  • Japon 2024: ~1,55 million de kei (≈40% du marché).
  • BYD kei attendue: ~20 kWh, ~180 km WLTC, DC jusqu’à 100 kW, ~2,5 M¥.
  • Ariya US: fin de partie dès MY2026, sur fond de droits additionnels et d’arbitrages internes.

💡 Conseil d’expert
Avant de promettre « la citadine européenne à 20 000 € », verrouillez trois postes: batterie (chimie/volume), carrosserie (pièces simples, non peintes), chaîne logicielle (OTA fiables). C’est 70% de la bataille.

Le vrai enjeu

Derrière Ariya et le kei BYD, c’est une bataille de méthode. D’un côté, un SUV « global » pris en tenaille par les tarifs et la concurrence prix/produit. De l’autre, une micro‑électrique chirurgiquement ajustée à un marché, à sa fiscalité, à ses rues. L’Europe n’a pas besoin de copier les kei, mais d’appliquer cette logique d’ultra‑pertinence à ses citadines: utiles, légères, sobres, abordables – et produites au bon endroit. C’est là que se jouera la crédibilité de la transition auprès du grand public.

GM coupe CarPlay pour l’IA de Google: l’Europe regarde la crise des puces, la vraie bataille est ailleurs

En bref:

  • GM supprime progressivement Apple CarPlay/Android Auto pour passer à Android Automotive embarqué, Gemini et une architecture logicielle centralisée afin de contrôler l’UX, les données et la monétisation par abonnements et services.
  • La vraie bataille pour l’avenir automobile n’est plus que matérielle : l’Europe doit sécuriser l’accès aux données, l’interopérabilité et une souveraineté logicielle (OS, assistants, OTA, carto) pour éviter d’être cantonnée au rôle de fournisseur de hardware.

General Motors ne veut plus d’Apple CarPlay ni d’Android Auto à bord. Après ses électriques, le groupe américain confirme qu’il supprimera progressivement les systèmes de “projection smartphone” sur l’ensemble de sa gamme, thermiques compris. Dans le même temps, GM accélère un pivot logiciel majeur: Android Automotive embarqué, assistant IA Gemini de Google, architecture centralisée, services connectés monétisables.

Au moment où l’Europe focalise ses débats sur la souveraineté des semi‑conducteurs (affaire Nexperia, Chips Act), c’est peut‑être la guerre d’après – celle des plateformes logicielles et de l’IA embarquée – qui décidera du partage de la valeur automobile. Et elle ne se joue pas dans les fonderies, mais dans l’interface homme‑machine, les données et l’écosystème de services.

Ce que GM fait concrètement (et pourquoi c’est structurant)

  • Fin programmée d’Apple CarPlay et d’Android Auto sur tous les nouveaux modèles GM au fil des renouvellements. La bascule démarre côté Cadillac avec l’Escalade IQ à l’horizon 2028.
  • Adoption généralisée d’Android Automotive OS embarqué (sans téléphone), avec les Google Automotive Services (Maps, Assistant, Play) et un store d’applications dédié.
  • Nouvelle architecture électrique/électronique à calculateur central, mises à jour OTA à grande échelle, orchestration logicielle maison (ex‑Ultifi).
  • Intégration d’un assistant conversationnel basé sur Gemini (Google) dès 2026, puis assistant propriétaire GM à terme.
  • Objectif “eyes‑off” (conduite autonome conditionnelle) annoncé pour l’Escalade IQ vers 2028, dans la continuité de Super Cruise (plus d’1,1 milliard de km roulés “mains libres” selon GM).

En clair: reprendre la main sur l’UX, les données, l’IA et l’après‑vente numérique. Et capter les revenus récurrents (abonnements, options logicielles, assurances basées sur l’usage, contenus, e‑commerce).

📌 À noter: GM n’abandonne pas “Android”, il abandonne Android Auto (projection du smartphone) mais parie sur Android Automotive (OS embarqué). Nuance cruciale.

CarPlay/Android Auto vs Android Automotive: ce que ça change au volant

  • CarPlay/Android Auto: l’écran de la voiture projette une interface du smartphone. Avantages: familiarité, continuité des apps (carto, musique, messages). Limites: intégration partielle au véhicule (énergie, ADAS, commandes), handover d’interface parfois heurté.
  • Android Automotive embarqué: pas besoin de téléphone; l’OS tourne nativement dans la voiture, avec applications “véhicule‑aware” (préconditionnement batterie, planification de charge, ADAS). Contrepartie: il faut se reconnecter app par app, et l’offre d’apps Apple (Apple Music, Messages…) est absente tant qu’un accord n’existe pas.

“C’est une approche très job­sienne”, assume GM: décider contre l’habitude du marché pour pousser une architecture jugée d’avenir. L’analogie a ses limites, mais la logique est claire: unifier l’expérience et éviter qu’Apple/Google monopolisent la couche “client”.

La double menace pour l’Europe: matériel vs logiciel

  • Menace 1 – Matériel (puces): la dépendance aux semi‑conducteurs reste stratégique. L’UE investit (Chips Act) et surveille les risques (Nexperia, Newport, supply chain). Indispensable… mais défensif.
  • Menace 2 – Logiciel/IA: c’est ici que se crée la marge. Qui contrôle l’OS embarqué, l’assistant vocal, la carte, la place d’apps, le paiement de la recharge, la télématique et l’OTA contrôle l’expérience client, la donnée et la monétisation. Tesla l’a démontré. GM veut suivre. Les champions chinois (BYD/Huawei, Xiaomi) convergent vers des stacks fermés et très intégrés.

Ignorer cette bataille revient à accepter une “désintermédiation” progressive des constructeurs européens au profit de plateformes US/Chine, reléguant les marques au rôle de fournisseurs de hardware homologué.

Où en sont les constructeurs européens (forces et fragilités)

  • Volkswagen Group: CARIAD réécrit sa base logicielle (E3), retards en cascade, mais ambition intacte sur les architectures zonales et l’OTA. En transition délicate.
  • Stellantis: stratégie STLA Brain/SmartCockpit, OTA massives, Android Automotive OS sans Google Automotive Services (GAS), avec Alexa/TomTom. Volonté d’éviter la dépendance à Google.
  • Mercedes‑Benz: MB.OS propriétaire, intégration profonde, forte maîtrise de l’UX premium; CarPlay reste proposé pour la partie média/navigation si souhaitée.
  • BMW: OS maison basé sur AOSP (Android open source), CarPlay maintenu. Approche pragmatique et premium‑centrée.
  • Renault Group: partenariat Google (AAOS + GAS) mais CarPlay et Android Auto restent disponibles; montée en puissance logicielle via Ampere.

Tous investissent. Mais la fragmentation des approches, les retards d’intégration et des arbitrages complexes (ouvrir vs fermer, Google vs maison) créent une fenêtre d’opportunité pour des plateformes extra‑européennes.

Pourquoi GM peut s’en sortir là où d’autres peinent

  • Intégration verticalisée: calculateur central, pipeline OTA, app store, ADAS, IA conversationnelle, tout est pensé pour fonctionner ensemble.
  • Monétisation dès la conception: packages logiciels, options à l’usage, services connectés pilotés par la donnée.
  • Parc et marques US puissants (Chevrolet, GMC, Cadillac), clientèle habituée aux services à abonnement.
  • Storyline “sécurité/ergonomie”: une UX unifiée et nativement véhicule peut réduire les frictions au volant, notamment dans l’électrique (routage de charge, préconditionnement, tarification).

Reste un talon d’Achille: la qualité perçue de l’UX face à CarPlay. Si l’expérience n’est pas franchement meilleure, la frustration client peut se payer en parts de marché, surtout en Europe.

Règlement et souveraineté numérique: quels leviers en Europe

  • Accès aux données du véhicule: accélérer un “Vehicle Data Act” européen garantissant un accès équitable aux données et ressources embarquées (interfaces HMI, capteurs, paiement, ADAS) pour des tiers agréés, sous contrôle du client, dans le respect du RGPD.
  • Interopérabilité: exiger des interfaces ouvertes minimales pour éviter des jardins clos irréversibles. L’UE l’a fait sur smartphone (DMA); l’automobile mérite un cadre spécifique.
  • Cybersécurité et OTA: UE/UNECE R155 et R156 offrent un socle. À renforcer avec des exigences de portabilité des services et de logging interopérable.
  • Cloud/edge et IA: soutenir des chaînes de confiance européennes (hébergement, MLOps, modèles spécialisés) compatibles avec les contraintes temps réel du véhicule.

L’objectif n’est pas d’interdire les écosystèmes, mais d’empêcher qu’ils capturent unilatéralement la relation client et les rentes de données.

Pour l’automobiliste électrique: conséquences très concrètes

  • Expérience: plus d’apps natives optimisées pour l’énergie (pré‑conditionnement, planification multi‑bornes, paiement, tarification dynamique). Moins de continuité directe iPhone (Apple Music, messages) tant qu’aucun accord n’existe.
  • Abonnements: la valeur se déplace de l’option matérielle vers la licence logicielle (ADAS, confort, connectivité). Attention au TCO et aux coûts récurrents.
  • Confidentialité: la voiture devient un capteur massif. Bien lire les consentements et les paramètres de partage de données.
  • Revente/flottes: un véhicule “lié” à un écosystème donné peut voir sa valeur résiduelle varier selon l’appétence marché pour cet écosystème et la politique d’abonnements.

Plan d’action: éviter le piège du cheval de Troie logiciel

Pour les constructeurs européens:

  1. Prioriser un OS embarqué robuste et voiture‑centré, mais garder des “ponts” vers CarPlay/Android Auto tant que l’UX maison n’apporte pas un gain évident.
  2. Maîtriser l’assistant vocal de bord (NLP, multimodal) et sa gouvernance des données. Les partenariats IA doivent être réversibles.
  3. Industrialiser l’OTA end‑to‑end (sécurité, qualité, cadence), avec une usine logicielle capable de livrer des features trimestrielles.
  4. Orchestrer un app store contrôlé, adossé à des API ouvertes documentées, avec business model clair pour les développeurs.
  5. Éviter la “captivité cartographique”: co‑développer carto HD et routage énergie avec plusieurs partenaires (TomTom, Here, Google…) pour rester multi‑sourcing.
  6. Conduire la transformation E/E (zonal + calculateur central) en alignant software, achat, après‑vente et finance sur un P&L logiciel pluriannuel.

Pour les régulateurs:

  • Encadrer l’accès aux données et ressources embarquées, imposer la portabilité des services et la transparence des abonnements.
  • Harmoniser rapidement les règles d’interopérabilité HMI/infotainment sans freiner l’innovation (balisage plutôt qu’injonctions techniques).

💡 Astuce d’expert

  • La “killer feature” EV n’est pas l’écran géant, c’est la chaîne logicielle énergie (planification, pré‑cond, paiement, V2X) qui supprime les frictions de la recharge. C’est là que doit se mesurer l’avantage d’un OS embarqué face à CarPlay/Android Auto.

📢 À retenir

  • GM tourne le dos à CarPlay/Android Auto pour verrouiller un écosystème IA‑logiciel monétisable avec Google et sa propre stack.
  • L’Europe ne peut pas gagner la prochaine décennie auto uniquement avec des usines de puces: l’OS du véhicule, l’assistant, la carto, l’OTA et la donnée sont la nouvelle chaîne de valeur.
  • Sans interopérabilité et maîtrise logicielle, le risque est de devenir fournisseur de carosserie haut de gamme pour plateformes américaines ou chinoises.

En bref, l’abandon de CarPlay n’est pas une querelle d’icônes sur un tableau de bord: c’est le signal d’une bataille stratégique pour la relation client et la rente logicielle de la voiture électrique. À l’Europe de s’y engager pleinement, et vite.

Pénurie de puces et course à l’IA: l’Europe auto prise en étau entre Nexperia et l’offensive GM–Google

En bref:

  • Blocus autour de Nexperia crée un risque immédiat de pénurie de composants « commodité » (quelques semaines de stocks) pouvant immobiliser des lignes: priorité aux substitutions pin‑to‑pin, war rooms filière et partage de stocks pour sécuriser la production à court terme.
  • Parallèlement, l’alliance GM–Google accélère la bascule vers des voitures définies par logiciel (Gemini 2026, conduite « eyes‑off » 2028) ; l’Europe doit combiner résilience matérielle (multi‑sourcing, ESMC) et industrialisation logicielle (compute central, OTA, partenariats IA et conformité AI Act).

L’automobile européenne se retrouve à nouveau au pied du mur. À très court terme, le blocus chinois visant les exportations liées à Nexperia fait ressurgir le spectre d’une pénurie de semi-conducteurs, avec des chaînes prêtes à caler en quelques semaines. Dans le même temps, General Motors scelle une alliance stratégique avec Google pour embarquer l’IA Gemini dès 2026 et promettre une conduite « eyes-off » en 2028 sur Cadillac. Deux fronts, un même enjeu: la souveraineté industrielle et logicielle du Vieux Continent.

Entre crise d’approvisionnement et bascule vers la voiture définie par logiciel, l’Europe peut-elle tenir la ligne de crête sans perdre du terrain à la fois sur le matériel d’aujourd’hui et le logiciel de demain ?

Nexperia: le retour du risque « stop & go » en usine

Le 13–14 octobre, La Haye a pris le contrôle de Nexperia (filiale de Wingtech) au nom de la sécurité nationale. Pékin a riposté par des contrôles d’exportation visant des composants fabriqués en Chine et nécessaires à Nexperia. Conséquence immédiate: le fournisseur a prévenu la chaîne auto qu’il ne pouvait plus garantir ses livraisons.

  • ACEA (constructeurs européens): « situation alarmante » si le bras de fer se prolonge.
  • VDA (Allemagne) et plusieurs groupes (Volkswagen, BMW, Mercedes-Benz, Stellantis) évaluent d’urgence l’exposition et activent des plans d’atténuation.
  • Volkswagen a prévenu d’un risque de perturbations à brève échéance; d’autres constructeurs évoquent des stocks de quelques semaines.

Ces puces – diodes, transistors, microcontrôleurs modestes en valeur unitaire mais omniprésents – irriguent faisceaux, calculateurs, système de gestion de batterie (BMS), chargeurs, capteurs, actionneurs… Les remplacer n’est pas trivial: qualification technique, validation CEM/sécurité, et montée en cadence se comptent en mois. En 2021–2022, l’industrie a appris à diversifier, mais le « risque zéro » n’existe pas sur ces références de base, souvent standardisées sur un seul second source.

📌 À retenir

  • Effet domino: un composant « commodité » peut immobiliser un ensemble complet (ex.: un chargeur embarqué de voiture électrique, un module ABS).
  • Fenêtre critique: quelques semaines de stocks chez plusieurs équipementiers; le risque d’unités « incomplètes » réapparaît.
  • Le juste-à-temps reste vulnérable quand la qualification alternative dépasse 8–12 semaines.

💡 Conseil d’expert

  • Prioriser des « drop-in replacements » pin-compatibles et qualifiés en amont (conception multi-sources), même au prix d’un léger surcoût BOM. Cette assurance technique vaut davantage que le gain centimes par pièce en période de stress.

Pendant ce temps aux États-Unis: GM accélère l’IA embarquée avec Google

Le 22 octobre, à New York, GM a dévoilé une feuille de route très offensive:

  • Intégration de l’assistant IA Gemini de Google à partir de 2026, pour des interactions en langage naturel (aide à l’usage, diagnostic, itinéraires, pédagogie de fonctions comme l’utilisation de l'énergie en mode « one pedal driving »).
  • Nouvelle plateforme informatique centralisée (un « ordinateur central » unique pour propulsion, ADAS, infotainment, sécurité) déployée sur EV et thermiques.
  • Objectif 2028: première Cadillac Escalade IQ « eyes-off » (fusion des capteurs pour la conduite autonome sans supervision visuelle), sous réserve des cadres réglementaires et de la maturité opérationnelle.

Au-delà du marketing, le signal est clair: convergence IA + robotique + compute central. La future différenciation se jouera sur le logiciel systémique, la mise à jour agile (OTA), la sûreté de fonctionnement multi-domaines et la qualité de l’interface conversationnelle.

ℹ️ Bon à savoir

  • L’Europe n’est pas absente: Mercedes-Benz dispose déjà d’un niveau 3 homologué en Allemagne (Drive Pilot jusqu’à 95 km/h), et expérimente des assistants vocaux enrichis par IA. BMW collabore avec Amazon (Alexa) pour son prochain assistant.
  • À l’inverse, certains programmes européens très ambitieux de « smart cockpit » ont été remaniés ou ralentis en 2025, signe d’un environnement plus incertain côté stratégie logicielle.

Double tenaille: hardware sous tension, software en recomposition

  • Chaîne matérielle: l’Europe a lancé des chantiers de souveraineté (TSMC/ESMC à Dresde, mise en production visée en 2027, aux côtés d’acteurs européens comme Infineon, NXP, STMicroelectronics). C’est stratégique pour l’auto… mais trop tard pour amortir le choc Nexperia à court terme.
  • Chaîne logicielle: les plateformes de calcul central, l’IA conversationnelle et l’autonomie conditionnelle deviennent des différenciateurs majeurs. Les alliances américaines (constructeurs–Big Tech) avancent vite, avec un écosystème cloud/IA intégré. L’Europe aligne des réussites (Mercedes L3) mais reste fragmentée côté stacks logiciels et assistants génériques.

📊 Où se situe l’Europe aujourd’hui ?

  • Court terme (2025): forte exposition aux commodités électroniques, dépendance à des flux Asie–Europe; amortisseurs limités.
  • Moyen terme (2027+): capacité locale accrue (ESMC) pour des nœuds adaptés à l’automobile; montée en puissance des compute centraux européens sous contraintes réglementaires (sécurité, cybersécurité, IA Act).
  • Logiciel: atouts en sécurité fonctionnelle, architecture E/E, homologation; retard relatif sur l’IA grand public embarquée, les plateformes conversationnelles et l’industrialisation OTA « cloud-native ».

Que faire maintenant? Feuille de route pragmatique pour l’écosystème européen

  1. 0–12 semaines: sécuriser la production
  • Cartographier finement l’exposition Nexperia par référence et par usine; remonter jusqu’au niveau sous-traitants (tier-2/3).
  • Lancer en parallèle: substitutions pin-to-pin déjà qualifiées; lots pilotes pour requalification accélérée; arbitrer des plans industriels (prioriser modèles à fort mix).
  • Activer des « war rooms » multi-fournisseurs, partager des stocks critiques au niveau filière sous égide des États si nécessaire.
  • Transparence client/concession: options temporairement indisponibles, délais réalistes, choix d’équipements alternatifs.
  1. 3–18 mois: concevoir pour la résilience
  • Introduire systématiquement des seconds et troisièmes sourcings dès la phase schématique (footprints compatibles, tolérances harmonisées).
  • Cadres d’accord à long terme avec plusieurs fondeurs/IDM sur les commodités (diodes, transistors, MCU auto-grade).
  • Mutualiser au niveau européen des « kits de validation » pour composants standards afin de réduire le temps d’homologation inter-marques.
  • Accélérer l’accès à ESMC (Dresde, 2027) et renforcer les capacités locales d’assemblage/test pour les références spécifiques auto.
  1. Logiciel et IA: rattrapage ciblé, souveraineté raisonnée
  • Standardiser les architectures de calcul central (séparation des domaines sûreté/infotainment), avec pipeline OTA robuste et une certification de la sécurité des réseaux véhiculaires.
  • Nouer des partenariats IA pragmatiques (moteurs LLM multicloud, incluant des alternatives européennes) tout en investissant dans les couches d’orchestration, l’expérience conversationnelle embarquée et la confidentialité des données.
  • Anticiper les exigences de l’AI Act: explicabilité, sécurité, données embarquées traitées en local « on-device » quand c’est pertinent.
  • Accélérer l’harmonisation réglementaire UE pour le niveau 3/4 (extension des cas d’usage, corridors d’essais transfrontaliers).
  1. Politique industrielle et énergie
  • Conditionner les aides à des engagements de multi-sourcing et de « design-for-substitution ».
  • Lier l’analyse du cycle de vie des batteries (matières critiques, chimies alternatives comme LMR/Mn) à la disponibilité électronique pour sécuriser la montée en volume des électriques et hybrides rechargeables.

🧭 À retenir (stratégique)

  • Le risque Nexperia est immédiat; les réponses sont techniques et logistiques, pas seulement diplomatiques.
  • La bataille logicielle se gagnera sur la discipline d’ingénierie (compute central, sûreté, OTA) autant que sur la « brillance » d’un assistant IA.
  • 2025–2027 est une fenêtre de vulnérabilité: combler l’écart matériel par la résilience et l’écart logiciel par l’industrialisation rapide des plateformes.

Impact transition: ne pas casser l’élan de l’électrification

Un « trou d’air » sur des composants à faible valeur unitaire peut retarder des milliers de VE et hybrides, renchérir les coûts et brouiller la lisibilité des délais. La réponse la plus efficace pour les objectifs climatiques européens reste d’éviter les arrêts de chaîne par une ingénierie de substitution agile et des stocks tampons intelligents, sans renoncer à la montée en puissance du logiciel embarqué, indispensable pour l’efficacité énergétique, la sécurité et l’usage.

En clair: sécuriser les puces d’aujourd’hui pour livrer les voitures de demain, tout en construisant les briques logicielles qui feront la différence dans cinq ans. L’Europe n’a pas perdu la partie, mais elle n’a plus le droit à l’erreur sur l’exécution.

Voiture “Made in Europe” à 80 % : sauvetage de la filière ou mirage industriel ?

En bref:

  • Proposition: conditionner les aides publiques à un seuil de contenu local de 80 % (≈65 % pour la batterie) pour relocaliser la chaîne de valeur, sécuriser l’emploi et capter la valeur ajoutée en Europe.
  • Contraintes: risque de hausse de prix à court terme et d’obstacles juridiques UE/OMC — solution probable : phasage des seuils, cadre européen et critères neutres (empreinte carbone, traçabilité) + soutiens ciblés (batteries, petits modèles).

La proposition est aussi simple que radicale : conditionner les aides publiques (bonus, leasing social, subventions d’implantation) à un seuil de 80 % de contenu local pour définir une “voiture européenne”. Portée par la FIEV, la fédération des équipementiers, elle vise à enrayer un décrochage devenu structurel. Mais une telle clause est-elle réaliste, juridiquement tenable et économiquement soutenable, notamment pour l’électrique ?

Pourquoi cette idée surgit maintenant

  • Marché en berne: près de 3 millions d’immatriculations de moins en Europe depuis 2019. Surcapacité dans les usines d’assemblage estimée à 20–30 %.
  • Choc social: 40 000 emplois détruits en cinq ans chez les équipementiers en France, et 20 000 supplémentaires menacés à court terme, selon la FIEV.
  • Dépendance: 25 à 30 % des composants d’un véhicule assemblé en Europe proviennent déjà d’Asie, davantage pour l’électrique (batterie, électroniques de puissance, aimants).
  • Concurrence mondiale: offensive chinoise sur l’électrique, barrières américaines, marges sous tension en Europe.

Dans ce contexte, la FIEV plaide pour une définition stricte de la “voiture européenne” à 80 % de contenu local (hors batterie), avec un seuil spécifique pour les batteries autour de 65 %. Objectif affiché: faire des aides publiques un levier de souveraineté industrielle plutôt qu’un accélérateur d’importations.

Ce que changerait une clause à 80 %

  • Aides publiques fléchées: pas d’interdiction d’importer, mais un accès aux aides réservé aux voitures respectant le seuil. Cela rebat les cartes dans les segments subventionnés (citadines, compactes électriques).
  • Relocalisation incitée: pression pour sourcer davantage en Europe les pièces plastique, mécaniques, électroniques, logiciels, ensembles e-axle/inverseurs, et pour ancrer les batteries.
  • Effet d’entraînement: des donneurs d’ordres incités à remailler les rangs 2–3 (chimie cathodique/anodique, aimants, packaging électronique, connectique), aujourd’hui massivement asiatiques.

📌 À retenir

  • Seuil visé: 80 % de contenu local véhicule hors batterie; ~65 % pour la batterie.
  • Périmètre: condition d’éligibilité aux aides (bonus, leasing social, subventions).
  • But: sécuriser l’emploi, capter la valeur ajoutée, réduire la vulnérabilité d’approvisionnement.

Impact pour le consommateur: les prix vont-ils grimper ?

À court terme, oui, probablement. L’Europe paie encore plus cher certains intrants clés (cellules de batterie, cathodes, composants électroniques) que l’Asie.

Scénario indicatif sur une compacte électrique:

  • Batterie 60 kWh: écart de coût “UE vs Chine” de l’ordre de 20–40 €/kWh en 2025 selon contrats et volumes, soit +1 200 à +2 400 €.
  • Autres composants localisés: surcoût possible de 3–5 % du prix sortie usine selon l’effort de re-sourcing, soit +600 à +1 000 € sur une voiture à 30–35 000 €.
  • Total plausible: +1 800 à +3 400 € (4–10 %), avant gains d’échelle et d’apprentissage.

Effets en chaîne:

  • Si le véhicule respecte 80 %, il conserve le bonus/leasing social et le surcoût peut être partiellement absorbé.
  • S’il ne respecte pas 80 %, il perd l’aide et devient moins compétitif, ce qui peut réduire l’offre “bon marché” importée à court terme.
  • Risque social: sans calibrage fin, l’accès à l’EV pour les ménages modestes peut se tendre. Il faut donc coupler la mesure à des aides renforcées sur les petits modèles légers européens.

💡 Conseil d’expert

  • Pour éviter une hausse ressentie des prix, la mesure doit être accompagnée de bonus majorés pour les véhicules légers, sobres et réparables produits localement, et d’un leasing social pérenne ciblé.

Juridique: est-ce compatible avec l’UE et l’OMC ?

Point sensible. Les règles européennes et de l’OMC sont rétives aux clauses explicites de contenu local liées aux aides:

  • Droit de l’UE: les aides d’État ne peuvent pas discriminer l’origine intra-UE. À l’échelle européenne, conditionner une aide à un “contenu européen” discrimine les pays tiers; c’est politiquement faisable seulement si c’est décidé au niveau de l’UE et juridiquement justifié.
  • OMC (Accord sur les subventions): les subventions conditionnées à l’usage de produits domestiques sont prohibées. Le risque de contentieux est réel.

Comment contourner légalement ?

  • Utiliser des critères “neutres” d’accès aux aides: score environnemental, empreinte carbone du cycle de vie, traçabilité, devoir de diligence, recyclabilité, circularité, sécurité d’approvisionnement. Ce type de critère, déjà mobilisé en France pour le bonus écologique, favorise de facto les chaînes courtes européennes, tout en restant plus défendable juridiquement.
  • Agir au niveau européen: un cadre UE (plutôt que national) réduit le risque de fragmentation du marché et permet d’articuler la mesure avec le Net-Zero Industry Act et le règlement batteries (empreinte carbone, contenu recyclé, due diligence).

⚖️ Bon à savoir

  • Le “bonus écologique” français version 2024–2025 a déjà basculé vers un score environnemental (transport, mix énergétique, etc.) qui a écarté certains modèles importés sans énoncer de « contenu local ». C’est le précédent le plus robuste à ce jour en Europe.

Faisabilité industrielle: peut-on atteindre 80 % vite ?

  • Capacités en montée, mais pas homogènes: l’Europe accélère sur les cellules (ACC, Northvolt, Verkor), les packs, l’électronique de puissance (Si/SiC), l’assemblage e-axle. Les maillons encore faibles: cathodes/anodes, graphite, aimants permanents (NdFeB), une partie de la microélectronique et du packaging, chimie des précurseurs.
  • Utilisation des usines: la demande chahutée de 2024–2025 pèse sur les plans de charge; sécuriser des volumes stables via la politique d’aides est clé pour baisser les coûts.
  • Règles de calcul: définir le “contenu local” (valeur ajoutée ex-works, nomenclature douanière, règles d’origine) est techniquement complexe et mobilise des données fournisseurs rangs 2–3 rarement transparentes.

Approche réaliste:

  • Phasage des seuils (ex. 50 % en 2026, 60 % en 2028, 70 % en 2030, 80 % en 2032), avec trajectoire spécifique pour les batteries (ex. 65 % en 2030).
  • Couplage avec des outils pro-industriels: contrats pour différence sur la batterie, soutien aux cathodes/anodes/aimants, achats publics “verts”, et un cadre de long terme pour la demande (bonus/feebate pondérés par le poids et l’efficacité).

Effets sur l’électrique: frein ou accélérateur ?

  • Probable recentrage vers des véhicules plus compacts, légers et sobres, plus faciles à “européaniser” à coût contenu.
  • Incitation à développer des chimies de batteries industrialisables en Europe (LFP/LFP-Mn), du remanufacturing et du recyclage (boucle fermée).
  • Risque à court terme sur l’accessibilité prix si la contrainte n’est pas phasée et si les volumes subventionnés diminuent. Le calibrage des aides devient déterminant.

Les chances politiques de la mesure

  • Momentum: la filière équipementière pousse fort; plusieurs rapports en France plaident pour des clauses de contenu local élevées et un recentrage sur les petites voitures abordables.
  • Bruxelles prudente: la Commission privilégie des critères de durabilité/empreinte carbone et des instruments commerciaux (enquêtes anti-subventions sur les EV chinois) plutôt qu’une clause frontale “80 % local”.
  • Issue la plus probable à court terme: un renforcement des critères environnementaux pan-européens, combiné à des soutiens ciblés à la chaîne batterie et à des instruments commerciaux. Une “clause 80 %” explicite a des chances limitées, sauf si portée au niveau de l’UE, phasée et juridiquement blindée.

✅ En synthèse

  • L’ambition industrielle fait sens et répond à une urgence sociale et stratégique.
  • Économiquement, un surcoût transitoire est probable mais compressible si les volumes et la visibilité sont au rendez-vous.
  • Juridiquement, l’option la plus robuste passe par des critères d’empreinte/durabilité et une mise en musique européenne, plutôt qu’un local content “nu”.
  • Pour l’électrique, la clé sera de marier souveraineté, prix d’accès et sobriété: bonus orienté sur les petits modèles légers, et accélération des maillons critiques (batteries, aimants, électroniques).

En clair, la “voiture européenne à 80 %” peut devenir une politique industrielle crédible… à condition d’être phasée, européanisée, et ancrée dans des critères environnementaux solides qui sécurisent l’emploi sans casser l’ascenseur social de l’électrique.

Hybrides qui déçoivent, Norvège qui coupe: la fin de la transition « facile » pour l’automobile européenne

En bref:

  • Analyse OBFCM/T&E : les PHEV émettent en réalité ~5× les valeurs WLTP (≈135–139 g CO2/km) avec ~27 % de kilomètres électriques — ils ne décarbonent que si rechargés quasi-quotidiennement ; l’UE va durcir les facteurs d’utilisation.
  • La Norvège supprime progressivement l’exonération de TVA (2026–2027), faisant monter le prix des VE et mettant fin aux aides permanentes — message pour la France : cibler les aides sur BEV abordables et la recharge, et conditionner tout soutien aux PHEV à la preuve d’un usage branché.

L’automobile européenne vient de recevoir un double électrochoc. D’un côté, une vaste analyse européenne remet sévèrement en cause l’efficacité réelle des hybrides rechargeables. De l’autre, la Norvège — marché pionnier et laboratoire du 100 % électrique — programme la fin de son exemption de TVA sur les VE. Deux signaux convergents qui marquent la fin des « béquilles » technologiques et fiscales de la transition.

Que reste-t-il quand la pédagogie des données se heurte aux habitudes de conduite, et quand les subventions s’effacent sur un marché jugé mature ? Décryptage et conséquences concrètes pour la France.

Le premier signal: les hybrides rechargeables, une promesse qui se fissure

Selon Transport & Environment (T&E), sur la base de données officielles collectées par l’Agence européenne de l’environnement (compteurs OBFCM, plus de 800 000 PHEV immatriculés 2021–2023), l’écart entre laboratoire et route s’est transformé en gouffre.

  • Emissions réelles ≈ 5 fois supérieures aux valeurs WLTP en 2023
  • Emissions moyennes en usage réel ≈ 135–139 g CO2/km (vs ~28 g/km en fiche WLTP)
  • Avantage CO2 réel vs thermique: seulement ~19 % (vs ~75 % promis)
  • Consommation réelle moyenne: ~5,9 L/100 km (vs ~1,5 L/100 km annoncés)
  • Surcoût d’usage: ≈ +500 € par an de carburant, en moyenne

Pourquoi un tel écart ? Deux raisons structurantes ressortent des données:

  • Un usage électrique largement surestimé dans la méthode WLTP. Le « facteur d’utilisation » (part des kilomètres effectués en électrique) tourne autour de 27 % en pratique, contre ~80 % postulés à l’homologation.
  • Une architecture et des calibrations qui sollicitent souvent le thermique. Même en « mode électrique », le moteur essence s’enclenche environ un tiers des distances (côtes, relances, vitesses soutenues), d’où ~3 L/100 et ≈ 68 g CO2/km… en théorie zéro-émission.

📌 À retenir

  • Le PHEV n’est pas une solution climatique par défaut: il le devient uniquement si l’on recharge très régulièrement et que la majorité des trajets quotidiens reste courte et urbaine.
  • Plus les batteries grossissent sans recharge fréquente, plus l’effet poids pénalise en thermique.
  • La Commission européenne abaissera le « facteur d’utilisation » en 2025 puis 2027/28: les CO2 officiels des PHEV remonteront et leurs avantages réglementaires diminueront.

Le second signal: la Norvège éteint (progressivement) la pompe à aides

Championne mondiale du VE, la Norvège enclenche la sortie des exonérations majeures:

  • 2026: seuil d’exemption de TVA ramené de 500 000 à 300 000 NOK (~42 500 € → ~25 500 €)
  • 2027: suppression totale de l’exemption de TVA (25 %) sur le prix d’achat des VE neufs
  • Hausse parallèle de la taxe d’immatriculation des thermiques (+20 000 à +30 000 NOK) pour maintenir un différentiel en faveur des zéro-émission
  • Contexte: 95 % de parts de marché VE sur 2025 (98,3 % en septembre), « objectif 2025 pratiquement atteint » selon le ministre des Finances

Effet attendu: une hausse sensible des prix des VE (jusqu’à +25 % sur le ticket TTC en 2027), critiquée par l’Association norvégienne des VE, mais justifiée budgétairement (coût annuel de l’exonération: ~17,5 Md NOK, ≈ 1,5 Md €) et politiquement au nom d’un marché désormais mûr.

ℹ️ Info Box — Ce que change la fin de l’exemption de TVA en Norvège

  • 2026: de nombreux modèles « cœur de marché » basculent partiellement à 25 % de TVA
  • 2027: 25 % de TVA appliqués à tous les VE neufs
  • Les thermiques restent plus taxés à l’achat, maintenant l’avantage comparatif du VE — mais la « fête » fiscale est bel et bien terminée

Un même message, deux faces: la transition n’avance plus « à crédit »

  • Côté produit, l’hybride rechargeable perd sa rente « statistique ». Mesuré par l’usage réel (OBFCM), il n’est un levier climat que sous conditions strictes d’exploitation.
  • Côté politique publique, le marché VE le plus avancé d’Europe s’affranchit de l’hyper-incitation. La subvention permanente cède la place à une fiscalité plus neutre, une fois la bascule acquise.

Cette double alerte clôt l’ère de la transition « facile »: celle où l’on cumulait promesses WLTP optimistes, bonus généreux et objectifs reportés. À l’avenir, l’Europe arbitrera plus sur la réalité d’usage que sur l’intention, et sur des incitations mieux ciblées que « massives ».

Conséquences pour la France: cap sur le réel, pas sur l’alibi

La France n’est pas la Norvège. Son marché VE est moins avancé, son réseau de recharge progresse mais n’est pas encore homogène, et ses ménages sont plus sensibles au prix d’achat. Pour autant, les signaux norvégiens et les données OBFCM appellent des inflexions claires.

  • Règlementaire

    • Révision des facteurs d’utilisation WLTP: les CO2 officiels des PHEV remonteront mécaniquement en 2025 puis 2027/28.
    • Flottes: ne plus « compter » les PHEV par défaut dans les cibles de verdissement, sauf usage tracé et rechargé (télémétrie à l’appui).
    • Zones à faibles émissions (ZFE): clarifier le statut des PHEV à horizon 2030 si l’objectif est la conduite réellement zéro-émission en ville.
  • Fiscalité et aides

    • Cibler les incitations sur l’accès au VE abordable (segments B/C), la recharge à domicile et au travail, et le réseau rapide interurbain.
    • Conditionner toute éventuelle incitation PHEV à la preuve d’un usage branché (par ex. taux de kilomètres en électrique via OBFCM), sinon s’abstenir.
  • Industriel et social

    • Anticiper la dépréciation des PHEV en occasion si leur statut réglementaire se durcit: risque de valeurs résiduelles en baisse pour les loueurs et flottes.
    • Accélérer la montée en cadence des BEV compacts fabriqués en Europe, en coûts et en prix cibles réalistes, pour sécuriser l’emploi et l’acceptabilité.

📌 À retenir (France)

  • PHEV: part de marché ~6 % en 2025, essentiellement flottes. Leur TCO se dégrade si l’usage électrique n’est pas au rendez-vous.
  • BEV: l’enjeu n’est plus de « subventionner tout », mais de rendre accessible le bon produit, bien rechargé, au bon prix — et partout.

PHEV: quelle place utile… et à quelles conditions ?

  • Pertinence ciblée

    • Conducteurs rechargeant tous les jours (maison/entreprise)
    • Trajets majoritairement < 40–60 km en ville/périurbain
    • Besoins occasionnels de longue distance, remorquage ou zones blanches de recharge
  • Conditions minimales de réussite

    • Recharge quotidienne planifiée, contrat d’énergie adapté
    • Mode « Éco » par défaut, anticipation des relances (réduire les appels de puissance du thermique)
    • Choix de modèles où le moteur électrique tient la charge en côte/voie rapide, et pas seulement « sur le papier »

💡 Conseil d’expert
Avant d’opter pour un PHEV, observez vos 90 derniers jours de trajets (téléphone/boîte télématique): si >70 % de vos parcours quotidiens excèdent l’autonomie électrique, ou si vous ne pouvez pas brancher quasi-quotidiennement, un hybride simple efficient ou un bon diesel moderne peut — oui — émettre moins en pratique. À l’inverse, si vous rechargez chaque soir et roulez surtout court, un BEV compact sera plus cohérent… et plus économique.

Ce que les constructeurs vont devoir corriger

  • Allègement et efficience réelle plutôt que « grosses batteries » peu utilisées
  • Chaînes de traction où l’électrique assure seul des phases soutenues (côtes, 110–120 km/h stabilisés)
  • Transparence d’usage: afficher dans l’ordinateur de bord la part électrique réelle, les litres économisés et un coach de recharge

L’Europe en toile de fond: après l’ère des « bonus », l’ère des preuves

  • L’Allemagne et la Suède ont déjà testé l’arrêt brutal des aides: ventes VE en chute à court terme, puis stabilisation.
  • La Norvège, elle, coupe parce que la bascule est faite (95–98 % de parts VE). Le message pour l’UE: soutenir l’accès et l’infrastructure tant que nécessaire, mais ancrer l’évaluation sur les kilomètres vraiment zéro-émission.

Au bout du compte, la transition avance quand les chiffres réels remplacent les promesses et que la fiscalité s’aligne sur l’impact. Les hybrides rechargeables n’en sortent pas disqualifiés par principe, mais sommés de prouver — véhicule par véhicule, usage par usage — qu’ils décarbonent vraiment. Quant aux aides, la Norvège rappelle qu’elles ne sont pas un viager: elles s’éteignent quand l’objectif est atteint.

Sénat et “crash” annoncé: et si l’avenir de l’auto française se jouait surtout… dans les garages ?

En bref:

  • Le Sénat sonne l’alarme sur une "crise profonde" de l’industrie automobile française (ventes en recul, délocalisations, risque de disparition d’usines) si rien n’est fait.
  • En contrepoint, l’entretien-réparation (130 000 entreprises, 400 000 emplois) croît et représente une valeur locale et non délocalisable : compétences HV/ADAS, pièces reconditionnées, services et data.
  • Priorités proposées : droit effectif à la réparation et passeport batterie, montée en compétences/ outillage des ateliers, filières de remanufacturing et politiques pour VE petits et abordables.

Le constat est brutal: un rapport du Sénat alerte sur le risque de disparition de l’industrie automobile française si rien ne change rapidement. Ventes en retrait, délocalisations, concurrence chinoise, transition bousculée… Pendant que l’Hexagone doute de ses usines, un autre pan de la filière progresse dans l’ombre: l’entretien, la réparation et la pièce.

Et si, à court terme, la valeur et les emplois les plus défendables ne se trouvaient pas dans l’assemblage des voitures neuves, mais sous les ponts élévateurs des ateliers ? Radiographie d’un basculement déjà à l’œuvre, avec ses promesses… et ses limites.

Ce que dit le Sénat: une “crise profonde et durable”

  • Ventes de voitures neuves toujours -20% par rapport à l’avant-Covid, part de production nationale en chute (une voiture sur cinq vendue en France est fabriquée en France, contre une sur deux au début des années 2000), nombre d’usines divisé par deux en trente ans.
  • 800 000 emplois en jeu (350 000 chez les constructeurs, 450 000 chez les équipementiers et sous-traitants).

“On va vers un crash si rien n’est fait.”
“Interdire la vente des thermiques en 2035 fragilise des acteurs déjà pris en étau.”
— Extraits des sénateurs coauteurs du rapport

Parmi les 18 mesures d’urgence recommandées: relever les droits de douane sur les VE chinois, réexaminer la date 2035, imposer un contenu local élevé (80% hors batterie, objectif 40% de batteries produites localement en 2035), créer un “Airbus du logiciel embarqué”, et surtout relancer des petits véhicules électriques abordables, type kei cars.

Pendant ce temps, les ateliers tournent: la mécanique devient un service

Le quotidien des automobilistes a changé, et vite.

  • 86% des Français estiment ne pas pouvoir réparer eux-mêmes leur voiture; 73% s’en remettent au garage au premier pépin (étude Meyle–OpinionWay, 14 octobre 2025).
  • Le diagnostic électronique pèse désormais plus de 40% du temps d’intervention (contre <20% il y a dix ans).
  • Marché de l’entretien-réparation: plus de 37 Md€ en 2024; chiffre d’affaires des ateliers en hausse (+4,3% sur un an selon la FNA).
  • Un tissu dense: 130 000 entreprises, plus de 400 000 emplois dans la maintenance automobile.
  • Coût d’entretien annuel moyen: 650 € (contre 580 € en 2020).
  • Les réseaux investissent massivement dans la compétence électrique/hybride; les indépendants misent sur la proximité et le conseil.
  • Pièces en ligne: 2,6 Md€ en 2025; 43% des automobilistes ont déjà commandé des pièces sur Internet.

📌 À retenir

  • Le parc vieillit (âge moyen au-delà de 11 ans): plus d’interventions, plus de pièces.: plus d’interventions, plus de pièces.
  • Les voitures deviennent des objets numériques: la compétence bascule de la clé plate vers le logiciel.
  • La confiance dans le garagiste reste élevée (60% le voient comme un “spécialiste de confiance”).

Une opportunité nationale: la valeur locale, non délocalisable

L’entretien est par nature territorial, ancré dans les bassins de vie. Sa croissance offre une respiration à la filière:

  • Valeur ajoutée locale, difficile à délocaliser.
  • Montée en gamme technique (haute tension, ADAS, calibrations, mises à jour logicielles).
  • Économie circulaire: pièces remanufacturées, gammes “haute durabilité”, réemploi, recyclage, diagnostic batterie certifié pour l’occasion (recommandé par les sénateurs).
  • E-commerce et “do it yourself” encadré: tutoriels, kits, diagnostics interactifs; un vivier pour les indépendants.

Mais cette dynamique a ses angles morts: pression haussière sur les factures, risque de verrouillage logiciel par les constructeurs, dépendance persistante à des composants électroniques importés, et difficulté pour les plus petites structures à investir dans l’outillage et la formation.

Usines vs garages: le match réel n’oppose pas, il complète

EnjeuFabrication de véhicules neufsEntretien et réparation
Souveraineté/commerceExposé à la concurrence et aux coûts hors d’EuropeValeur locale, maillage national
TechnologieBatteries, électronique de puissance, logiciel embarquéHV, ADAS, cybersécurité atelier, data véhicule
EmploiConcentré, cyclique, capitalistiqueDiffus, résilient, orienté services
ClimatCritique pour décarboner le parc à la sourceProlonge la vie utile; clé pour l’économie circulaire
RisquesDélocalisations, délais d’industrialisation, normesAccès aux données, inflation des coûts, pénurie de compétences

Miser sur l’entretien ne décarbone pas tout seul

Allonger la durée de vie d’un véhicule réduit l’empreinte de fabrication, mais prolonge aussi l’usage de modèles anciens plus émetteurs. Le bon compromis est double:

  • Remplacer en priorité les véhicules les plus polluants par des modèles sobres/électriques abordables.
  • Optimiser l’entretien du parc restant (thermique et électrique) pour en réduire l’empreinte et garantir la sécurité.

Dit autrement: l’avenir ne se joue pas “contre” les usines, mais “avec” des garages plus puissants et mieux outillés, pendant qu’on relocalise ce qui peut l’être et qu’on réoriente l’offre vers des voitures plus légères et plus accessibles.

Pistes concrètes: faire des garages un pilier de souveraineté

  • Droit effectif à la réparation auto: accès standardisé aux données et fonctions des véhicules (ODX/OTA/ADAS) pour les acteurs indépendants, à des conditions équitables.
  • Passeport batterie obligatoire et lisible (SoH certifié) sur le marché de l’occasion, interopérable pour tous les ateliers habilités.
  • Accélérer le remanufacturing et le réemploi: labels de durabilité, traçabilité, filières locales de pièces “HD” et reconditionnées.
  • Plan compétences haute tension/ADAS à grande échelle (ANFA, réseaux, indépendants): habilitations, outillage subventionné, plateformes régionales de formation.
  • Soutenir les solutions de transition: rétrofit électrique ciblé, conversion E85 quand pertinent, packs “sobriété” (pneus basse résistance, géo-réglage, etc.).
  • Normaliser la réparabilité: modules remplaçables, documentation technique, lutte contre l’obsolescence logicielle.
  • Commander local: marchés publics couplant achat responsable et contrats d’entretien avec PME territoriales.
  • Économie numérique de l’atelier: cybersécurité, sauvegarde et traçabilité des opérations, télémétrie utile au diagnostic prédictif., sauvegarde et traçabilité des opérations, télémétrie utile au diagnostic prédictif.

💡 Conseil d’expert (pour les ateliers)

  • Investir en priorité dans: certification HV, calibration ADAS, outils de diagnostic multi-marques dernière génération, EPI et procédures HV, gestion des données.
  • Nouer des partenariats avec les vendeurs de pièces et plateformes e-commerce pour capter la demande “hybride” (client + pro).
  • Développer l’offre VE: check-up batterie, maintenance freinage/thermique, mise à jour logicielle accompagnée.

Et la production de VE neufs dans tout ça ?

Le rapport vise juste en rappelant l’urgence des petits VE accessibles. Sans véhicules sobres et abordables, la transition cale. Trois leviers à articuler:

  • Un “socle” industriel européen: petites plateformes électrifiées, composants clés relocalisés où c’est réaliste, coopération sur le logiciel embarqué.
  • Une politique de demande cohérente: bonus ciblés classes moyennes, LLD sociales, normes de poids, et calendrier UE pragmatique mais crédible.
  • Un après-vente prêt pour l’électrique: diagnostics batterie, sécurité HV, pièces de rechange disponibles et raisonnablement tarifées.

📢 À méditer

  • L’objectif n’est pas de substituer les garages aux usines, mais de reconnaître que, d’ici 2030, l’essentiel de la valeur défendable est diffus: entretien, services, data, circularité. C’est là que la France peut gagner vite, pendant qu’elle reconstruit des atouts industriels durables.

En creux, le “vrai” pari est double et réaliste: rebasculer l’offre neuve vers des modèles plus légers et abordables tout en professionnalisant l’entretien du parc — thermique comme électrique. Les usines mettront du temps à reprendre l’avantage; les garages, eux, sont déjà en première ligne.

Crash industriel vs. pays accro à la voiture: comment la France s’est enfermée dans un piège (et les sorties possibles)

En bref:

  • La filière auto française est en risque de « crash » (800 000 emplois menacés) alors que 75 % des actifs continuent d’utiliser la voiture pour le travail ; la contraction de la demande et la concurrence chinoise sur les VE accentuent le danger.
  • Sortie possible : industrialiser des petits VE abordables et locaux, sécuriser batteries/logiciels et offrir des aides stables et ciblées (occasion électrique, gigafactories, flottes) pour éviter une dépendance accrue aux importations.

L’industrie automobile française serait au bord du « crash » selon un rapport sénatorial publié le 16 octobre. Dans le même temps, 75% des actifs continuent d’utiliser une voiture pour aller travailler, révèlent IFOP et Alphabet France. Comment un pays aussi dépendant de l’auto peut-il laisser dépérir sa filière, au moment même où la bascule vers l’électrique redessine les chaînes de valeur mondiales ?

Décryptage, chiffres à l’appui, et pistes concrètes pour éviter de passer d’une dépendance à la voiture… à une dépendance aux voitures des autres.

À retenir

  • 800 000 emplois de la filière auto en France sont jugés « en grand danger » par le Sénat, qui alerte sur un risque de « crash » si rien n’est fait.
  • 75% des actifs français utilisent une voiture pour se rendre au travail (IFOP, juin 2025). La dépendance à l’auto reste structurelle.
  • Double étau pour la filière: contraction de la demande en Europe et concurrence chinoise très agressive sur l’électrique.
  • Le Sénat propose 18 mesures, dont: contenu local à 80% sur les véhicules vendus en Europe, 40% de batteries produites localement en 2035, droits de douane temporaires, développement de petits VE abordables, diagnostic batterie obligatoire pour l’occasion, et report de l’échéance 2035 pour les thermiques.
  • En toile de fond: une équation sociale (accès à une mobilité abordable) et une équation climatique (décarbonation rapide) qu’il faut résoudre simultanément.

Ce que dit le Sénat: un « péril industriel » chiffré

  • Chute d’environ 20% des ventes de VP en France depuis le Covid, part de la France dans la production auto européenne en recul de 12 points entre 2000 et 2020.
  • Signaux industriels inquiétants: arrêts temporaires de sites Stellantis (Poissy, Sochaux, Mulhouse) pour ajuster la production à une demande atone; réflexion stratégique chez Renault sur l’emploi. Parallèlement, Stellantis annonce 13 Md$ d’investissements… aux États‑Unis.
  • Concurrence extra‑européenne: la Chine exporte massivement des VE aux prix en moyenne plus bas, portée par des coûts optimisés, un écosystème batterie intégré et une cadence d’innovation logicielle élevée.
  • 18 leviers proposés:
    • Protection commerciale ciblée et temporaire, localisation accrue (80% de contenu européen, 40% de batteries locales d’ici 2035).
    • Réorientation des aides vers des petites voitures abordables; diagnostic batterie certifié pour structurer l’occasion électrique.
    • Soutien massif à la R&D, aux gigafactories, et au logiciel embarqué (idée d’un « Airbus du logiciel »).
    • Clause de revoyure sur 2035 et neutralité technologique pour gérer la transition sans casse.

📌 À noter: des acteurs de l’écosystème électrique (bornes, batteries, ONG climat) contestent l’idée d’un report de 2035, craignant un signal contre-productif pour la décarbonation et l’investissement.

Ce que disent les Français: l’auto reste la reine des trajets domicile‑travail

Baromètre IFOP pour Alphabet France (enquête en ligne, 16–23 juin 2025, 1 002 actifs):

  • 75% des actifs utilisent une voiture pour aller travailler; 24% empruntent les transports collectifs; 26% optent pour des modes « doux »; 32% combinent plusieurs moyens.
  • 14% roulent déjà en véhicule électrifié (11% en 2024); 52% envisagent un prochain achat électrifié (électrique ou hybride).
  • La mobilité pèse sur l’emploi: 74% affirment que la pénibilité des trajets influence leurs choix professionnels.

En clair: la voiture reste un outil de vie et d’emploi, spécialement hors hypercentres urbains. Ce « besoin » de voiture ne disparaîtra pas à court terme: il faut l’accommoder avec des offres sobres, abordables, et fabriquées au plus près.

Le paradoxe n’est qu’apparent

  • Côté usage, la voiture est structurelle (maillage territorial, horaires décalés, activités diffusées, intermodalité incomplète).
  • Côté industrie, la demande neuve est sous pression (inflation, crédit plus cher, recentrage post‑Covid sur le haut de gamme), pendant que la transition électrique exige des investissements massifs.
  • Sur l’électrique, le différentiel de coût reste un frein à l’achat initial pour une partie des ménages, malgré des TCO souvent compétitifs. La stabilité et la lisibilité des aides publiques sont déterminantes; leur variabilité récente a refroidi certains acheteurs.
  • Résultat: on roule beaucoup en voiture, mais on achète moins de voitures neuves produites en France. Le gap s’élargit avec des concurrents asiatiques très réactifs sur les petits VE à bas coût.

Le vrai risque: une dépendance étrangère accélérée à l’ère électrique

  • Batteries: aujourd’hui, la majorité des cellules utilisées en Europe vient d’Asie. Les projets européens (ACC, Verkor, Northvolt…) montent en cadence, mais l’écart reste réel.
  • Logiciel/électronique: la voiture devient un « device » connecté. L’intégration logiciel‑matériel sera un différenciateur majeur.
  • Matières critiques: tensions géopolitiques possibles (terres rares, graphite, nickel, etc.), qui exigent sécurisation d’approvisionnement et recyclage industriel de haut niveau de haut niveau.

💬 Citation clé: « On va vers un crash si rien n’est fait » (rapport sénatorial). L’inaction ferait glisser la France d’une dépendance à l’usage de l’auto à une dépendance aux importations pour l’auto elle‑même.

Comment éviter l’étau: 6 leviers concrets et mesurables

  1. Offres plus abordables, fabriquées localement
  • Réorienter la conception vers des véhicules compacts, allégés, à contenu fonctionnel optimisé.
  • Standardiser, rationaliser les plateformes, et viser des packs batterie plus petits (donc moins chers), adaptés à l’usage quotidien.
  • Encadrer et stabiliser un cadre d’aides ciblées sur ces segments.
  1. Marché de l’occasion électrique crédible
  • Rendre obligatoire un diagnostic batterie certifié (état de santé/SoH), traçable et opposable, pour rassurer acheteurs et financeurs.
  • Soutenir les filières du reconditionnement et de la seconde vie des batteries.
  1. Demande solvabilisée et lisible
  • Visibilité pluriannuelle des dispositifs (bonus, leasing social, fiscalité entreprises).
  • Harmonisation européenne des soutiens à la demande pour éviter la « loterie réglementaire » entre pays.
  1. Compétitivité‑coût et énergie
  • Électricité compétitive et décarbonée pour l’industrie.
  • Réformes ciblées sur le coût du travail pour les segments à forte intensité de main‑d’œuvre (montage, reconditionnement).
  1. Souveraineté technologique
  • Accélérer les gigafactories et les cathodes/anodes en Europe; sécuriser matières critiques; amplifier le recyclage (boucles locales).
  • Miser sur le logiciel embarqué, l’architecture E/E, la cybersécurité automobile, l’IA embarquée, via un écosystème européen coordonné.
  1. Flottes et territoires
  • Activer le levier des flottes (entreprises, administrations) via des critères TCO et contenu local, pour amorcer des volumes.
  • Déployer une recharge « utile » (domicile, travail, axes, quartiers denses) en priorité sur les bassins d’emploi.

💡 Conseil d’expert

  • Aux pouvoirs publics: évitez les stop‑and‑go. La filière investit sur 5 à 10 ans; donnez une trajectoire stable d’aides, de fiscalité et de normes.
  • Aux industriels: « faire simple et robuste ». Le meilleur anti‑dumping, c’est un petit VE européen bien conçu, à prix plancher, livré à l’heure.

Trois trajectoires possibles à l’horizon 2030

  • Sursaut coordonné: compétitivité, petits VE locaux, marché de l’occasion structuré, investissements batterie/logiciel sécurisés. Résultat: part locale remonte, émissions baissent au rythme prévu.
  • Status quo: aides erratiques, offres trop chères, infrastructures incomplètes. Résultat: importations en hausse, volumes locaux stagnants, retard technologique.
  • Protectionnisme sans compétitivité: droits de douane mais peu d’offres attractives et de coûts maîtrisés. Résultat: voitures plus chères, demande bridée, industrie locale pas vraiment relancée.

Repères chiffrés

  • 800 000: emplois de la filière auto en France (constructeurs, équipementiers, aval).
  • −20%: ventes de VP en France après Covid vs. période antérieure.
  • −12 pts: part de la France dans la production auto européenne (2000–2020).
  • 75%: part des actifs qui utilisent une voiture pour aller travailler (IFOP 2025).
  • 14%: conducteurs déjà en VE/HEV parmi les répondants; 52% envisagent une motorisation électrifiée pour le prochain achat.

En bref, il n’y a pas de contradiction entre un pays très dépendant de l’auto et une filière en danger: c’est précisément parce que nous aurons longtemps besoin de voitures qu’il faut, d’urgence, pouvoir les concevoir, les produire et les entretenir ici, à des prix accessibles et avec une empreinte carbone en chute rapide.

Alerte au “crash” et promos à 95 €/mois : l’auto française prise en étau

En bref:

  • Le Sénat alerte sur le risque de désindustrialisation et propose protections commerciales, aides ciblées sur des petites BEV abordables et accélération des batteries en Europe.
  • Les constructeurs répondent par des remises massives (leasing à ~95 €/mois, rabais en concession) sous la pression des acteurs chinois, ce qui relance la demande mais érode les marges.
  • L’enjeu : concilier prix bas et production locale (gigafactories, contenu européen) et stabiliser les règles d’ici 2026 pour éviter un choc durable.

Face à un rapport sénatorial qui évoque un risque de “disparition” de la filière et un déficit commercial sans précédent, les constructeurs multiplient remises et loyers canon sur l’électrique. Paradoxe apparent ou virage stratégique assumé pour survivre à la transition et à la concurrence asiatique ?

Dans ce grand écart entre panique industrielle et prix cassés en concession, se joue plus qu’une opération déstockage : l’avenir d’un pilier industriel français, sa capacité à fabriquer des véhicules utiles, abordables… et désirables.

Un diagnostic brutal du Sénat

Le rapport sénatorial rendu mi-octobre dresse un état des lieux sans fard :

  • Chute durable du marché depuis le Covid et sous-capacité de demande en Europe par rapport à l’avant-crise.
  • Désindustrialisation rampante et perte de poids de la France dans la production européenne.
  • Un déficit extérieur automobile cumulé qui atteint des records depuis 2019.
  • 800 000 emplois potentiellement exposés au choc de transition si rien n’est fait.

Les pistes avancées sont offensives :

  • Rehausser les protections commerciales et exiger un haut niveau de contenu local pour les véhicules vendus en Europe.
  • Réorienter les soutiens publics vers de petites voitures électriques réellement abordables.
  • Revoir le calendrier et la trajectoire réglementaire pour éviter une “double peine” coûts de transition + contraction de marché.
  • Accélérer la base industrielle des batteries en Europe.

📌 À retenir : le Sénat n’appelle pas à freiner la décarbonation, mais à sécuriser l’atterrissage industriel et social, en ciblant l’accessibilité des véhicules et la souveraineté sur les composants clés.

Sur le terrain, une guerre des prix qui s’intensifie

Pendant que les alertes s’empilent, les étiquettes dégringolent, surtout sur l’électrique :

  • Leasing social relancé avec des offres vitrines : citadines électriques autour de 95 €/mois sur 36 mois, premier loyer ramené à 0 grâce aux aides publiques. La nouvelle citadine de Renault débute à 120 €/mois dans certaines configurations.
  • Remises immédiates en ligne et en show-room sur une large palette de citadines et compacts, thermiques, hybrides et électriques confondus, avec des “décotes” affichées de plusieurs milliers d’euros dès le configurateur.
  • Pression concurrentielle chinoise accrue : BYD et consorts imposent des tarifs et des remises agressifs, tirant les prix européens vers le bas. Dans plusieurs pays, le niveau moyen de remise sur les VE a désormais rattrapé, voire dépassé, celui des thermiques.

L’Europe tente de répliquer avec des droits additionnels sur les VE importés de Chine (jusqu’à près de 50% selon les modèles et situations), mais à court terme, l’effet dominant reste celui d’une compétition prix qui s’internationalise, de Pékin à Détroit en passant par Wolfsburg.

Pourquoi ces baisses maintenant ?

  • Stocks et surcapacités : après les pénuries, l’industrie a relancé trop fort face à une demande atone. La facture se paie en remises et en chômage partiel.
  • Fin du “pricing power” post-Covid : la montée en gamme et les hausses tarifaires ne passent plus. Le client arbitre son budget, surtout dans un contexte de pouvoir d’achat contraint.
  • Contrainte CO2 flottes : pousser les volumes électriques, même peu marginaux, reste un levier pour respecter les cibles d’émissions et éviter des pénalités.
  • Offensive asiatique intégrée verticalement : maîtrise batteries (LFP notamment), effets d’échelle et coûts plus bas permettent d’attaquer les segments cœur de marché.
  • Aides publiques réorientées : bonus conditionné à un score environnemental, leasing social ciblé, incitations locales… les dispositifs poussent les petites BEV fabriquées (ou assemblées) en Europe.

Dernier soubresaut ou stratégie durable ?

  • Hypothèse “soubresaut” : une déflation des prix accélère la destruction de valeur, abîme les résiduels et fragilise le réseau. À terme, elle pourrait amputer les capacités d’investissement dont l’Europe a besoin pour les batteries, l’électronique de puissance et les logiciels.
  • Hypothèse “stratégie” : un repositionnement agressif prix/produit, recentré sur des petites BEV sobres et accessibles, peut rouvrir le marché de masse. Couplé à des règles de contenu local et à la montée en cadence des gigafactories, il recrée un cercle vertueux demande-industrie.

La vérité est sans doute entre les deux : oui, la guerre des prix érode les marges à court terme. Mais non, on ne relancera pas la filière sans véhicules abordables et produits près des clients. L’enjeu est d’aligner calendrier industriel, capteurs de demande et cap réglementaire.

Le point réglementaire (2025–2026)

  • Fin des ventes thermiques neuves en 2035 au niveau UE, avec clause de revoyure en 2026.
  • Droits additionnels européens sur les VE chinois, pendant que plusieurs marques chinoises explorent assemblage local pour contourner tout ou partie de la barrière tarifaire.
  • En France, bonus écologique conditionné à un score environnemental (batterie, chaîne logistique), ciblage sur les modèles légers et accessibles, et leasing social relancé avec des volumes accrus.

💡 Astuce politique industrielle : flécher les aides vers des BEV de segment A/B, <1,6 t, fabriqués en Europe, est le moyen le plus efficace de “tenir” à la fois le pouvoir d’achat, la décarbonation réelle et l’ancrage industriel.

Ce que ça change pour l’acheteur

  • Des loyers et remises inédits sur les petites électriques : fenêtre d’opportunité pour qui roule surtout au quotidien et recharge à domicile.
  • Vérifier les conditions exactes des offres : kilométrage, premier loyer, entretien, disponibilité réelle (stock vs commande).
  • Surveiller la chimie de batterie : LFP = coût moindre et longévité, NMC = densité énergétique supérieure. Le choix dépend des usages.
  • Attention à la valeur résiduelle : dans un contexte de baisse des prix neufs, les décotes à 3–4 ans peuvent surprendre. Un loyer bien calibré “assure” ce risque.
  • Penser TCO plutôt que prix d’achat : électricité vs carburant, entretien réduit, fiscalité douce, péages et stationnement parfois avantageux.

Scénarios 12–24 mois

  • Atterrissage contrôlé
    • Remises encore élevées sur 2026, puis normalisation progressive si la demande repart sur les segments A/B électriques.
    • Industrialisation accélérée des petites plateformes BEV en Europe, montée en cadence batteries locales.
  • Choc de marge
    • Guerre des prix généralisée, consolidation accélérée chez certains équipementiers, retards d’investissement.
    • Plus de pression pour ajuster le calendrier 2030–2035 au niveau européen.
  • “Europe qui gagne”
    • Tarification plus lisible, offre frugale et désirable, appuyée par des règles de contenu local efficaces.
    • Réouverture de la demande de masse et réduction du déficit commercial automobile.

Repères chiffrés

  • En France, le marché reste en retrait par rapport à l’avant-Covid, avec environ 5 millions d’immatriculations annuelles manquantes au niveau UE.
  • Déficit extérieur auto cumulé depuis 2019 : niveau record, poids lourd de la balance commerciale nationale.
  • Emploi direct + indirect de la filière : de l’ordre de plusieurs centaines de milliers de postes en France, très exposés à la trajectoire de transition.
  • Remises moyennes sur VE supérieures ou comparables à celles des thermiques dans plusieurs pays européens, signe d’une pression concurrentielle installée.

“Le match” des stratégies, en clair

  • Constructeurs européens
      • Atouts : marque, réseau, sécurité, ancrage local, raffinage produit.
    • – Faiblesses : coûts, dépendance batteries/logiciels, délais d’industrialisation.
  • Nouveaux acteurs chinois
      • Atouts : coûts, intégration batteries, rapidité d’exécution.
    • – Faiblesses : réputation, barrières tarifaires, adaptation aux normes locales.
  • Pouvoirs publics
    • Rôle pivot : calibrer aides et règles de contenu, sécuriser l’investissement dans batteries et électronique de puissance, accélérer la recharge.

✅ À retenir

  • La “panique” industrielle et la “promo” commerciale ne se contredisent pas : elles sont deux faces d’un même ajustement douloureux.
  • Sans petites électriques européennes bon marché, pas de relance de la demande ni de souveraineté industrielle.
  • Le cap 2035 restera tenable si l’on stabilise les règles en 2026, que l’on protège sans s’enfermer, et que l’on fabrique enfin là où l’on vend.

En clair, la filière n’est pas condamnée : elle joue simplement à quitte ou double. Le prix peut faire revenir le client, à condition que l’industrie sache, vite, produire local, sobre et intelligemment.

2035 en sursis ? Berlin défie Bruxelles pour sauver son auto

En bref:

  • Berlin pousse pour des assouplissements de l’interdiction des moteurs thermiques en 2035 (PHEV, EREV, e‑fuels, crédits CO₂) pour protéger emplois et industriels face à la concurrence chinoise, ouvrant un bras de fer à Bruxelles.
  • L’UE peut concéder des "soupapes" techniques mais tout recul large fragiliserait la crédibilité climatique et les investissements VE — pour la France, un maintien lisible de 2035 avec ajustements ciblés reste préférable.

Le ton est monté à Berlin. En pleine tourmente industrielle, le chancelier Friedrich Merz a réuni en urgence l’écosystème automobile allemand pour arracher un assouplissement — voire une remise à plat — de l’l’interdiction des moteurs thermiques neufs en 2035. En toile de fond, une angoisse: l’l’offensive des marques chinoises sur l’électrique et un modèle industriel germanique bousculé.

Derrière la posture politique, un bras de fer très concret s’ouvre à Bruxelles. Que veut vraiment l’Allemagne, quelles marges de manœuvre l’UE a-t‑elle, et qu’est-ce que cela change pour la transition européenne… et pour les constructeurs français ?

Ce qui s’est passé à Berlin

  • Réunion de crise le 9 octobre autour de Friedrich Merz avec constructeurs (VW, BMW, Mercedes), équipementiers (Bosch, ZF), syndicats et régions autos.
  • Message du chancelier: « pas de coupure brutale en 2035 » et volonté de « faire tout » pour lever l’interdiction en l’état, tout en réaffirmant que l’électrique reste « la voie principale ».
  • Coalition allemande divisée: des sociaux‑démocrates (SPD) favorables au maintien de 2035, des conservateurs plaidant l’assouplissement; les Verts dénoncent un « pas en arrière ».
  • L’UE a promis de « se prononcer prochainement »; un Conseil européen est programmé le 23 octobre.

📌 À Berlin, la ligne s’éclaircit: obtenir des flexibilités (PHEV, EREV, e‑fuels) pour desserrer l’étau de 2035, plus que renverser la table.

Pourquoi maintenant: une industrie en zone de turbulences

  • Choc de compétitivité: qualité/prix des VE chinois, cadence industrielle et avance batteries.
  • Demande plus molle que prévu en Europe: reports de lancements (Porsche), volumes VE en deçà des projections.
  • Coûts énergétiques élevés depuis 2022, demande mondiale en baisse, droits de douane américains de 15% sur les voitures européennes.
  • Hémorragie sociale: plus de 50 000 emplois perdus en un an sur environ 800 000 (données EY). Des plans de réduction d’effectifs chez ZF, Bosch, etc.
  • Pourtant, le différentiel de prix VE/thermique n’a « jamais été aussi faible » selon le CAR de Bochum — ce qui alimente la riposte des ONG contre tout relâchement.

Ce que Berlin demande vraiment

  • Prolonger après 2035 certaines motorisations non zéro-émission:
    • Hybrides rechargeables (PHEV) et électriques à prolongateur d’autonomie (EREV).
    • Comptabilisation de carburants alternatifs (e‑fuels, biocarburants) dans les objectifs CO₂.
  • Garder une porte entrouverte au diesel dans le transport lourd (sujet distinct mais agité politiquement).
  • Soutiens domestiques: enveloppe de 3 Md€ annoncée pour « la mobilité neutre » et prolongation d’avantages fiscaux VE au-delà de 2026.

Côté lobbying, l’ACEA pousse des « échappatoires » réglementaires qui, selon Transport & Environment (T&E), pourraient diviser par deux les ventes de VE en 2035 si elles étaient toutes retenues.

Ce que Bruxelles peut (vraiment) changer

  • Le cadre 2035 découle des normes CO₂, avec une clause de révision prévue initialement en 2026. La Commission a promis de « réexaminer au plus tôt ».
  • Toute inflexion suppose une proposition de la Commission puis un accord des États (Conseil) et du Parlement. L’Allemagne ne peut pas décider seule mais peut bâtir une coalition (Italie déjà sur ligne proche).
  • Compromis sur la table selon la presse allemande: assouplir sans supprimer — tolérances pour PHEV/EREV au‑delà de 2035, comptage de carburants alternatifs, crédits spécifiques pour petits VE.

⚠️ Risque clé: la crédibilité du cadre. Plus les règles bougent, plus les investissements (usines de batteries, bornes, gigafactories) se renchérissent par la prime à l’incertitude.

Impact climatique et industriel: les deux faces du dilemme

  • Climat: toute dérogation aux 100% zéro émission en 2035 pèse sur les budgets CO₂ du transport. Les EREV consomment en pratique ~6,7 l/100 km batterie vide (T&E), et les PHEV émettent plus en usage réel que sur banc.
  • Industrie: gagner du temps peut préserver des emplois à court terme et étaler l’amortissement des outils thermiques; mais prolonger le thermique retarde l’alignement sur la courbe d’apprentissage VE/batteries, au bénéfice… des concurrents chinois.
  • Marché: le resserrement prix VE/thermique (étude CAR) laisse penser que le virage devient économiquement moins douloureux — un argument contre l’assouplissement.

Et pour les constructeurs français ?

  • Renault/Nissan/Ampere:
    • Pari BEV assumé (Scenic, Mégane, R5, R4 à venir), logiciels et efficacité énergétique en vitrine.
    • Un relâchement de 2035 pourrait diluer la demande VE et pénaliser un alignement industriel centré sur l’électrique. En revanche, la montée de Dacia hybride/thermique y trouverait un sas.
  • Stellantis:
    • Forces en PHEV multi‑marques (Peugeot, DS, Jeep) et plan BEV modulaire (STLA Small/Medium/Large).
    • Des tolérances PHEV/EREV au‑delà de 2035 offriraient un répit et des marges immédiates, mais risquent d’étirer la bascule BEV et de fragmenter les gammes entre normes.
  • Écosystème français:
    • Batteries et matériaux: projets ACC (Stellantis‑TotalEnergies‑Mercedes), Verkor, écosystème recyclage. Ils ont besoin d’un cap stable et de volumes VE garantis.
    • Infrastructures: un signal flou à 2035 pourrait ralentir les investissements de recharge, alors que la densité de bornes reste un irritant de la demande.

💬 En bref, Paris a plus à perdre qu’à gagner à un détricotage large: la chaîne de valeur VE française est engagée; des « flexibilités ciblées » (utilitaires, niches e‑fuels) sont politiquement plus tenables qu’un recul généralisé.

Trois scénarios à court terme

  1. Maintien de 2035, assoupli à la marge
  • Petites fenêtres pour PHEV/EREV sur segments ou usages précis, prise en compte limitée des e‑fuels.
  • Effet: signal stratégique global intact, apaisement politique minimal.
  • Gagnants probables: acteurs déjà avancés en BEV; perdants: industriels très exposés au thermique.
  1. Compromis large « à l’allemande »
  • Prolongation plus généreuse des PHEV/EREV, crédits CO₂ supplémentaires, phase‑in des pénalités.
  • Effet: soulagement court terme des marges, mais EV share 2035 sous pression (risque de 50–60% au lieu de 100% selon ONG).
  • Gagnants: groupes multi‑technos avec portefeuille PHEV solide; risque systémique pour la filière batteries européenne.
  1. Recalage du calendrier (report partiel)
  • Décalage de 2035 ou exceptions nationales plus faciles.
  • Effet: forte incertitude, renchérissement du coût du capital pour les projets VE, délégitimation des objectifs climats.
  • Peu probable politiquement à court terme, mais Berlin teste les lignes.

Chiffres-clés

  • −50 000 emplois auto en Allemagne en un an (sur ~800 000), selon EY.
  • Droits de douane américains: 15% sur voitures européennes.
  • Prix: l’écart VE/thermique « au plus bas » (CAR Bochum).
  • T&E: plan de l’ACEA pourrait diviser par deux les ventes VE en 2035; EREV ≈6,7 l/100 batterie vide.

À surveiller dans les jours à venir

  • Le Conseil européen du 23 octobre: mandat politique à la Commission pour un assouplissement? et son périmètre.
  • La position finale de la coalition allemande (SPD/Verts vs CDU/CSU).
  • La réponse de la Commission: « micro‑assouplissements » techniques ou réécriture plus large.
  • Les réactions des capitales clés (Paris, Rome, Madrid) et du Parlement européen post‑élections.
  • Les annonces d’investissements ou de reports dans les gigafactories et réseaux de recharge en fonction du signal politique.


Au‑delà du coup de chaud berlinois, l’enjeu est simple: de préserver l’emploi et la compétitivité sans diluer la clarté du cap. L’Europe peut admettre quelques soupapes; elle ne peut pas se payer l’incertitude stratégique. Pour les Français, garder 2035 lisible — avec des ajustements précis — reste la meilleure garantie d’aligner industrie, climat et pouvoir d’achat.

2035 vacille et la “jetabilité” inquiète: l’Europe face au vrai risque de la voiture électrique

En bref:

  • Berlin cherche à assouplir l’interdiction de vente de thermiques dès 2035, mais cela masque une crise industrielle : un délai politique n’efface pas le déficit de compétitivité face aux VE chinois.
  • La "jetabilité" vise la chute des valeurs résiduelles et des cycles de remplacement (pas la panne rapide des batteries) ; si elle se généralise, elle alourdit l’empreinte climatique, fragilise le leasing et l’emploi en Europe.
  • Pour éviter cela, il faut éco‑conception et réparabilité, passeport/garanties batterie, support logiciel long, remanufacturing et production locale de cellules ; les e‑fuels restent une solution de niche.

La remise en cause de l’échéance 2035 par Berlin s’entrechoque avec une autre inquiétude: la crainte d’un modèle de voiture électrique à durée de vie écourtée, “à la smartphone”. Derrière l’agitation politique, la question déterminante est moins 2035 en soi que la capacité de l’Europe à bâtir une filière durable — techniquement, économiquement et écologiquement.

Voici ce que change (vraiment) la pression allemande, et ce qu’impliquerait l’émergence d’une voiture électrique “jetable” pour l’industrie européenne.

2035 sous pression: symptôme d’une crise industrielle, pas son remède

  • Le chancelier allemand Friedrich Merz a demandé début octobre de lever l’interdiction européenne de vendre des voitures thermiques neuves à partir de 2035. Un “sommet de crise” avec les acteurs du secteur a suivi le 9 octobre.
  • Les raisons invoquées: compétitivité amoindrie face aux modèles chinois, demande plus faible que prévu, coûts énergétiques élevés, et pertes d’emplois dans une filière clef.
  • Bruxelles devait de toute façon réexaminer le dispositif en 2026; Berlin pousse à accélérer et à assouplir (prolongation de certains hybrides rechargeables, prise en compte de prolongateurs d’autonomie, etc.). Les Verts et une partie du SPD restent opposés.
  • L’exception e‑fuels, déjà arrachée en 2023 pour des niches (véhicules fonctionnant exclusivement aux carburants synthétiques), ne constitue pas une solution de masse à court terme: coûts élevés, rendements énergétiques faibles, priorisation probable pour l’aviation et le maritime.

📌 À retenir

  • Un assouplissement de 2035 peut offrir un répit politique, pas une stratégie industrielle. Sans gains rapides sur le coût, la qualité, le logiciel et l’écosystème après‑vente des VE, l’écart avec la Chine ne se comble pas.

La voiture électrique “jetable”: un risque réel… mais surtout de marché

La thèse de la “jetabilité” ne signifie pas que les VE meurent vite; elle pointe un raccourcissement des cycles de possession, sous l’effet d’une innovation très rapide et d’une crainte sur la valeur résiduelle.

  • Cycle de possession: des analyses récentes indiquent que les VE restent en moyenne 3 à 4 ans chez leur premier propriétaire, bien moins que les thermiques (plus de 13 ans en moyenne aux États‑Unis). Effet “early adopters”, nouveautés fréquentes et autonomies en hausse expliquent une partie du phénomène.
  • Valeur résiduelle volatile: les baisses de prix de certains constructeurs, l’arrivée de nouvelles chimies (LFP, LMFP) et d’architectures de batteries, ou encore des logiciels en progression rapide, bousculent les marchés de l’occasion.
  • Perception vs physique: la plupart des batteries actuelles (Li‑ion) tiennent 8 à 15 ans, avec 300 000 à 450 000 km possibles en usage standard; garanties constructeur souvent 8 ans/160 000 km. La dégradation annuelle typique tourne autour de 2 à 3 %. On est loin d’un produit “jetable”… si le marché accepte de faire durer.

✅ Faits techniques clefs sur la longévité des VE

  • Durée de vie batterie: 8–15 ans typiques; cas réels au‑delà selon usage et gestion thermique.
  • Dégradation: ~2–3 %/an en moyenne; pertes de 10–20 % après 8 ans considérées normales.
  • Progrès attendus: meilleure gestion thermique, chimies LFP/LMFP robustes, BMS plus fins, recyclage et seconde vie.

Pourquoi la “jetabilité” deviendrait un problème systémique pour l’Europe

Si les cycles de remplacement s’accélèrent et si la valeur d’occasion s’érode, la filière européenne encaisse double peine.

  • Empreinte industrielle et climat: produire plus souvent des voitures “obsolètes” alourdit l’empreinte amont, met sous tension les matières critiques et complique l’atteinte des objectifs climatiques.
  • Modèle économique: des valeurs résiduelles instables renchérissent les loyers de leasing, clés pour l’adoption. Les acteurs européens, déjà sous pression coûts, perdent en compétitivité.
  • Service et emplois: une économie de reconditionnement et de réparation mal structurée prive le continent d’un levier industriel (réemploi, remanufacturing, pièces reconditionnées).
  • Acceptabilité sociale: si les ménages estiment “qu’un VE ne dure pas”, ils se replient sur le thermique ou retardent l’achat — alimentant la crise des volumes.

Deux trajectoires possibles

  • Trajectoire “jetable”

    • Mise à jour rapide des modèles sans politique d’upgrade.
    • Packs structurels peu réparables, batteries scellées.
    • Opacité sur l’état de santé (SoH), anxiété sur l’occasion.
    • Leasing cher, adoption qui plafonne, dépendance accrue aux importations.
  • Trajectoire “durable”

    • Éco‑conception pour démontage/repair, modules échangeables.
    • Transparence SoH via passeport batterie, marché de l’occasion fluidifié.
    • Réseaux de reconditionnement paneuropéens, pièces remanufacturées.
    • Valeurs résiduelles stabilisées, TCO en baisse, adoption de masse.

2035 assoupli: ce que cela changerait… et ce que cela ne règle pas

ℹ️ Ce que pourrait apporter un assouplissement

  • Une marge de manœuvre politique dans certains pays et segments professionnels.
  • Un maintien temporaire d’emplois sur la chaîne thermique/hybride.
  • Un lissage de l’investissement pour certains constructeurs.

🚫 Ce que cela ne règle pas

  • La compétitivité face aux VE chinois sur prix/qualité/logiciel.
  • La dépendance aux chaînes d’approvisionnement asiatiques.
  • La “jetabilité” perçue des VE, qui relève de la conception produit, du service et du marché de l’occasion — pas du calendrier réglementaire.
  • L’efficacité climatique: prolonger des PHEV mal utilisés n’apporte pas les réductions attendues en usage réel.

Levier par levier: comment éviter une voiture électrique “jetable”

  1. Éco‑conception et réparabilité
  • Standardiser modules, connecteurs et interfaces HV; proscrire les packs irréparables.
  • Rendre obligatoires les procédures d’extraction/remplacement de modules par des réseaux indépendants certifiés.
  1. Transparence et confiance
  • Généraliser le passeport batterie avec SoH certifié, accessible à la revente.
  • Afficher des garanties étendues sur batterie et logiciel (10–12 ans), avec seuils de capacité contractuels.
  1. Software et “droit à durer”
  • Imposer un minimum de support logiciel et sécurité de 12–15 ans, mise à disposition des pièces électroniques clés.
  • Encadrer les fonctionnalités sous abonnement pour éviter la dévalorisation artificielle des véhicules d’occasion.
  1. Économie circulaire industrialisée
  • Soutenir des centres de reconditionnement batterie/power electronics dans chaque grand bassin automobile.
  • TVA réduite sur packs remanufacturés et pièces reconditionnées; bonus‑malus intégrant la réparabilité.
  1. Marché de l’occasion robuste
  1. Coûts et compétitivité
  • Accélérer la baisse du coût pack via LFP/LMFP locales, cathodes moins critiques, intégration verticale cell‑to‑pack.
  • Énergie industrielle compétitive et décarbonée pour la production européenne.
  1. Infrastructures et usages

📊 Chiffres clés à surveiller (baromètre “durabilité VE”)

  • Taux moyen de dégradation batterie à 5 et 8 ans (SoH).
  • Valeur résiduelle VE à 36/48/60 mois vs thermique équivalent.
  • Part de packs remanufacturés dans les réparations HV.
  • Durée moyenne de possession 1er/2e propriétaire.
  • Part des VE d’occasion avec passeport batterie consulté.

Et les e‑fuels dans tout ça ?

  • Utile pour des niches (collection, luxe, certains usages professionnels) et des secteurs difficiles à électrifier (aviation, maritime).
  • Peu crédible en volume pour le parc auto de masse à horizon 2035–2040, pour des raisons de coût et d’efficacité énergétique.
  • Ne répond pas au cœur du sujet: faire durer les VE produits, stabiliser leur valeur, structurer l’après‑vente.

Bon à savoir

  • La plupart des VE ne seront pas “à jeter” au bout de 8 ans: le plus souvent, on roule simplement avec 10–20 % d’autonomie en moins.
  • Une seconde vie stationnaire des batteries, puis le recyclage avec objectifs de récupération de métaux critiques, font partie du cadre européen déjà en place.

Conseils d’expert: comment “faire durer” son VE (et sa valeur)

  • Privilégier les chimies LFP si vos usages le permettent (robustes, tolérantes aux charges hautes).
  • Charger majoritairement en AC, garder une plage 20–80 % au quotidien; réserver la charge 100 % aux longs trajets.
  • Mettre à jour le BMS, pré‑conditionner la batterie avant recharge rapide, éviter les stationnements prolongés à forte chaleur.
  • Exiger et conserver l’historique SoH et les rapports de diagnostic à chaque entretien.
  • À l’achat d’occasion: demander le passeport batterie, vérifier la garantie restante et la réparabilité du pack.

En filigrane de la bataille de 2035 se joue donc l’essentiel: prouver que l’Europe sait produire des voitures électriques qui durent, se réparent, se revalorisent — bref, tout sauf “jetables”. Sans cela, l’assouplissement du calendrier ne ferait que retarder le problème, pas le résoudre.

Ferrari Elettrica face au coup de froid BMW: le grand écart du luxe européen peut-il durer ?

En bref:

  • Ferrari a dévoilé l’âme technologique de la Elettrica : architecture 800–880 V, batterie 122 kWh, 4 moteurs >1 000 ch, focalisation sur l’ingénierie et le positionnement ultra‑luxe à faible volume.
  • BMW abaisse ses objectifs 2025 à cause d’un recul en Chine et de tensions de trésorerie; la « Neue Klasse » 2026 doit industrialiser l’électrique/logiciel pour rétablir marges et volumes — deux stratégies européennes divergentes face à la transition.

L’Europe de l’auto de luxe vit un moment de vérité. D’un côté, BMW abaisse ses prévisions et subit la pression d’un marché chinois devenu brutal. De l’autre, Ferrari dévoile, à Maranello, le cœur technologique de sa première voiture 100% électrique, un manifeste d’ingénierie à quatre moteurs et 122 kWh. Deux actualités, deux philosophies. Et une même question: la fuite vers l’ultra-luxe et la très haute performance est-elle la voie de survie d’une automobile européenne d’exception en pleine transition ?

Ce que Ferrari a vraiment dévoilé à Maranello

Ferrari n’a pas montré la carrosserie. Mais l’essentiel y était: châssis, architecture, moteurs, onduleurs, batteries et logistique industrielle. La Elettrica (nom provisoire) sera un modèle à quatre portes et quatre places, « de grande série » à l’échelle de Ferrari. Le design final et les prix arriveront en 2026, via un dévoilement en trois temps. Le PDG Benedetto Vigna, physicien de formation, assume une stratégie: posséder la technologie clé, de la batterie aux moteurs, pour imprimer la signature Ferrari à l’ère électrique.

📌 À retenir – Ferrari Elettrica (premiers éléments officiels)

  • Plateforme 800–880 V, batterie NMC en pochettes (fournisseur SK), 122 kWh brut
  • Autonomie annoncée: >530 km
  • 4 moteurs (deux par essieu), puissance cumulée >1 000 ch en mode boost
  • 0 à 100 km/h: 2,5 s; Vmax: 310 km/h
  • Masse cible: ~2 300 kg; répartition 47/53
  • Recharge DC: jusqu’à 350 kW
  • Direction arrière indépendante (jusqu’à 2,15°) et suspensions actives de 3e génération
  • Essieu avant débrayable: bascule RWD/AWD en 0,5 s

L’ingénierie, pas le simple assemblage

  • Batterie et pack: cellules NMC SK achetées, modules et pack conçus et industrialisés en interne. Packaging pensé pour la sécurité et l’inertie (85% du poids des modules sous plancher, le reste sous la banquette), modules remplaçables pour prolonger la durée de vie du véhicule — une approche de « VE pour longtemps ».
  • Machines électriques: rotors à aimants permanents en configuration type Halbach (héritage compétition) pour maximiser la densité de couple; stators en tôles 0,2 mm et bobinages Litz pour réduire les pertes à haute fréquence. Vitesse de rotation jusqu’à 30 000 tr/min à l’avant et 25 500 tr/min à l’arrière.
  • Inverseurs SiC maison: 93% d’efficacité à charge max, 9 kg seulement, fréquence de découpage pilotée (10 à 42 kHz) pour concilier rendement, acoustique et thermique.
  • Châssis et liaisons: suspensions actives (capteurs à 1 ms, action à 5 ms), sous-châssis arrière isolé pour filtrer vibrations, direction arrière indépendante. Un cerveau central orchestre couple, direction et amortissement roue par roue.

💡 Astuce d’ingénierie
Entre des moteurs indépendants, une direction aux quatre roues et une suspension pilotée, Ferrari se donne les moyens d’un contrôle « 6D » de la dynamique: propulsion/freinage, braquage et débattement, à chaque roue. Si l’intégration logicielle est au niveau, l’expérience de conduite pourrait être une référence, électrique ou pas.

Côté expérience, Ferrari préserve des codes maison: manettino évolué, modes de conduite du feutré au radical, et un travail assumé sur le son et le « rétrogradage » simulé, ici utilisés comme retours d’information au conducteur plus que comme gadget nostalgique.

🛠️ Industriellement, la Elettrica sortira du nouvel « E-Building » de Maranello. Le design a été mené avec LoveFrom (Marc Newson et Jony Ive). Un pari esthétique audacieux, attendu en 2026.

Pendant ce temps, BMW sonne l’alarme

Mercredi 8 octobre, BMW a abaissé ses objectifs 2025:

  • Marge opérationnelle automobile révisée à 5–6% (contre 5–7%)
  • ROCE groupe ramené à 8–10% (9–13% auparavant)
  • Résultat opérationnel attendu en légère baisse (vs stabilité visée)
  • Cash-flow libre annuel divisé par deux: 2,5 Md€ (décalage des remboursements de surtaxes douanières et dégradation opérationnelle >1,5 Md€ pointée par des analystes)

Deux causes majeures:

  • Volumes inférieurs aux attentes en Chine; concurrence locale féroce sur l’électrique, marché immobilier en difficulté et pression sur le financement. BMW prévoit d’achever le redimensionnement de son réseau de concessionnaires locaux d’ici fin S1 2026.
  • Hypothèses douanières non concrétisées, repoussant à 2026 des remboursements attendus en 2025.

Réaction de marché: l’action a cédé ~7% à Francfort, entrainant les pairs. Les analystes restent partagés: prudents à court terme (Chine), mais confiants sur l’enjeu stratégique de la « Neue Klasse », nouvelle architecture logicielle et électrique dont les premières livraisons (iX3 nouvelle génération notamment) sont attendues au T1 2026.

📢 Ce qu’en disent les brokers

  • Oddo BHF: message prudent déjà perceptible à l’IAA; surprise sur l’ampleur du trou de cash, au-delà du seul timing douanier.
  • UBS: point noir durable, la Chine; stabilisation via réseau attendue d’ici mi-2026, mais volumes sous pression.
  • Bernstein: l’implémentation douanière échappe à BMW; « Neue Klasse » jugée clé pour briser la pression sur les valorisations des constructeurs traditionnels.

Deux Europe du luxe auto, deux tempos de l’électrique

  • Ferrari choisit la rareté maîtrisée et la haute technicité. La marque vise un mix 2030 équilibré (thermique/hybride/100% électrique) et positionne sa première EV comme un objet d’ingénierie total, au prix de « plusieurs centaines de milliers d’euros ». Son modèle économique — faible volume, forte marge, carnet rempli — la met à l’abri des guerres de prix et des cycles régionaux.
  • BMW incarne le « premium de volume » global confronté à la normalisation des marges, au prix de l’électrification de masse, à la compétition chinoise sur le VE connecté et à la contrainte logicielle. Sa réponse est systémique: plateforme, logiciel, batteries de nouvelle génération, industrialisation à coûts cibles. Le passage 2025–2026 sera la zone de turbulence.

📊 Éclairage express

SujetFerrari ElettricaBMW 2025
Cœur de newsTech reveal châssis/groupe motopropulseurAvertissement sur résultats
Capex/TechMoteurs et inverseurs maison, pack batterie interne, 800–880 VPlateforme Neue Klasse SDV/BEV (lancement 2026)
MarchéUltra-luxe, faible volume, pricing powerPremium global, volumes en Chine sous pression
RisquesPoids/complexité, design à confirmer, fenêtre 2026Transition 2025–2026, exécution Chine/logiciel, cash-flow

La fuite vers l’ultra-luxe: plan de survie ou impasse polie ?

  • Atouts

    • Pricing power et files d’attente soutiennent les marges malgré la hausse des coûts des packs hautes capacités.
    • Vitrine technologique: contrôle logiciel fin (couple/roue, 4WS, suspension active) et 800+ V deviennent des standards du haut de gamme, avec retombées potentielles sur des VE plus accessibles.
    • Image: le fait que Ferrari assume une EV halo crédibilise l’électrique jusque chez les passionnés.
  • Limites

    • Non-scalable par définition: l’ultra-luxe ne résout pas l’équation de l’électrification de masse ni la bataille des coûts.
    • Empreinte matérielle: 122 kWh et quatre moteurs, c’est performant mais matériellement intensif; le « mieux avec moins » restera le juge de paix environnemental.
    • Risque d’exécution: intégration logicielle multi-axes, gestion thermique et répétabilité des performances sont des défis de production, pas seulement de R&D.

Pour les « premiums » allemands, la vraie alternative durable passe par:

  • Des plateformes BEV efficientes et mutualisées (dense en logiciel, sobres en coûts)
  • Une localisation/coopération renforcée en Chine (logiciel et UX au niveau des attentes locales)
  • Une discipline prix/valeur pour éviter la spirale des remises sur VE
  • Des revenus logiciels/services crédibles, pas accessoires

Contexte: une crise qui ne touche pas tout le monde pareil

  • 2024–2025: fortes baisses de bénéfices chez Mercedes et Porsche, volumes et marges sous pression, notamment en Chine; recul du marché BEV européen en 2025 (-11%) et environnement réglementaire incertain.
  • Ferrari fait figure d’exception résiliente, avec un mix produit/marge qui amortit les chocs conjoncturels.

🎯 À retenir

  • Ferrari montre une EV d’ingénieurs: 4 moteurs, SiC, pack maison, contrôle dynamique total — une proposition de conduite qui peut marquer l’ère électrique.
  • BMW paie la note de 2025 avant son reboot « Neue Klasse » en 2026; la Chine reste la variable critique.
  • L’ultra-luxe n’est pas une stratégie de secteur, mais une niche à très forte valeur qui peut tracter l’image du VE sans résoudre l’équation de coûts du marché de masse.

En creux, cette double actualité dit la même chose: l’électrique n’est plus un label, c’est une architecture industrielle et logicielle. Ferrari la pousse au sommet pour séduire, BMW doit l’industrialiser pour survivre. La décennie décidera lesquels y parviennent vraiment.

Ferrari Elettrica: techno flamboyante, bourse glaciale. Décryptage d’un grand écart

En bref:

  • Ferrari présente l’Elettrica : pack 122 kWh (880 V, recharge 350 kW), 4 moteurs >1 000 ch, intégration verticale (batterie/moteurs/onduleurs) pour préserver l’ADN dynamique malgré ~2,3 t.
  • La Bourse punit la prudence stratégique : mix VE limité à 20% en 2030, prix/volumes et endurance inconnus — message d’exclusivité et CAPEX élevé pèse sur les perspectives financières.

Ferrari a levé le voile sur les entrailles de sa première 100% électrique, l’Elettrica. Un concentré d’ingénierie maison qui veut traduire l’ADN de Maranello à l’ère des électrons. Et pourtant, l’action RACE a décroché. Pourquoi les marchés ont-ils sanctionné ce qui ressemble, sur le papier, à une démonstration technologique ?

Plongeons dans la technique, puis dans la finance. Car c’est bien l’écart entre les deux qui raconte l’instant Ferrari.

Ce que Ferrari a réellement montré

Pas de carrosserie, pas de prix. Ferrari a choisi une « présentation en 3 temps »: le cœur techno aujourd’hui, davantage de détails et la grille tarifaire en 2026, le dévoilement complet juste avant les premières livraisons (attendues en 2026). En revanche, le fond est là.

📌 À retenir (spécifications-clés communiquées)

  • Batterie: 122 kWh, architecture 880 V, recharge DC jusqu’à 350 kW
  • Autonomie visée: > 530 km
  • Chaîne de traction: 4 moteurs (un par roue), > 1 000 ch en mode boost
  • 0 à 100 km/h: 2,5 s • Vitesse max: 310 km/h
  • Masse: ~2 300 kg • Répartition: 47/53
  • Transmission: désaccouplement de l’essieu avant pour passer AWD → RWD en 0,5 s
  • Dimensions: empattement 2 960 mm • 4 portes (Ferrari confirme: ce n’est pas une supercar)

Une électrification « made in Maranello »

Ferrari internalise l’essentiel:

  • Pack et modules batterie conçus et assemblés en interne (cellules NMC SK fournies par un partenaire). Modules pensés pour être remplaçables et réparables: l’idée d’un « EV pour durer ».
  • E-axles compacts et très denses, avec rotors à aimants permanents en configuration Halbach (gain de densité de couple, masse réduite), tôles de stator ultra-minces et bobinages Litz pour limiter les pertes à haute fréquence.
  • Onduleurs en carbure de silicium (SiC), rendement annoncé jusqu’à 93% à pleine charge, fréquence de découpage pilotée (10 à 42 kHz) pour arbitrer rendement, acoustique et thermique.
  • Contrôle-commande centralisé: gestion synchronisée du couple (4 moteurs), de la suspension active et des roues arrière directrices (jusqu’à 2,15°).

🔧 Suspension: troisième génération d’amortissement actif (vue sur Purosangue et F80), capteurs à 1 ms de latence et action en 5 ms. Sous-cadre arrière séparé pour filtrer vibrations et bruits non masqués par un moteur thermique.

💡 Conseil d’expert
À ce niveau de performance, la clé ne tient pas au « chiffre de puissance » mais à la capacité à la répéter, gérer la chaleur et maintenir la précision du châssis. L’intégration verticale (moteurs/ondulateurs/gestion thermique) est plus déterminante que la course aux chevaux.

Batterie: pack, packaging et promesse dynamique

  • 210 cellules (15 modules de 14), densité pack annoncée à 195 Wh/kg (cellule à 305 Wh/kg).
  • Placement des masses optimisé: 85% du poids des modules sous le plancher, le reste à l’arrière afin de raccourcir l’empattement et réduire l’inertie de lacet.
  • Objectif déclaré: maximiser l’agilité et la « sensation Ferrari » malgré plus de 2,3 t.

✅ En bref

  • Architecture 880 V et 350 kW: compatible avec des courbes de charge rapides, sous réserve du maintien de la puissance sur la durée (refroidissement pack/prises/inverters).
  • Quadri-moteur + roues arrière directrices + suspension active: potentiel de vectorisation « total » (longitudinal, latéral, vertical) pour une finesse de contrôle rarement vue en grande série.

Ce qui manque encore (et ce qui inquiète)

  • Design et aérodynamique: invisibles à ce stade. On sait que l’auto aura 4 portes et sera « produite en volume… à l’échelle Ferrari ».
  • Prix: absent. Étant donné le positionnement, on peut raisonnablement viser très au-delà de 300 000 €, mais rien d’officiel.
  • Données d’endurance et de piste: maintien des performances après plusieurs tours, gestion thermique, « repeatability » des launches… tout reste à vérifier.
  • Sonorité: Ferrari travaille un « langage sonore » spécifique à l’EV. Prometteur pour l’émotion, mais non détaillé.

ℹ️ Bon à savoir
Ferrari a inauguré son « e-building » à Maranello: batteries HV, e-axles et onduleurs y sont produits. L’industriel investit aussi pour réduire ses émissions directes (solaire, fermeture d’une centrale gaz), ce qui compte dans la trajectoire climat sans tout miser sur la part de VE.

Pourquoi l’action a décroché malgré la vitrine techno

La sanction boursière ne vise pas la techno en tant que telle, mais le plan 2030 et la trajectoire produits/finances.

📉 Ce que disent les marchés

  • Objectifs 2030 jugés timides: 9 Md€ de revenus (sous le consensus), révision de la part de VE à 20% en 2030 (contre 40% visés en 2022), le reste se partageant entre thermiques (40%) et hybrides (40%).
  • Réaction: jusqu’à -16/-17% en séance à Milan; autour de -10% côté US en pré-marché selon les premières cotations.
  • Message de la direction: privilégier l’exécution et l’exclusivité plutôt que courir après le volume. « Nous ne pouvons pas nous engager sur quelque chose que nous ne pouvons pas atteindre », a rappelé Benedetto Vigna.

En clair, Ferrari rassure le puriste (ADN, rareté, hybrides performants) mais refroidit l’investisseur qui espérait une accélération électrique génératrice de nouveaux relais de croissance. La très probable addition CAPEX + R&D EV, face à des volumes volontairement contraints, comprime l’upside à court/moyen terme, surtout si le deuxième EV n’arrive pas avant 2028.

🧭 À lire entre les lignes

  • Ferrari protège sa marge via les séries limitées et la personnalisation; la montée en VE sera mesurée pour ne pas diluer l’exclusivité.
  • L’Elettrica est un « statement » technologique plus qu’un pivot de mix à court terme.
  • Le marché doute de la profondeur de la demande pour des EV ultra-haut de gamme, là où d’autres (Porsche, Lamborghini) ont déjà ajusté le tempo.

Elettrica face au segment: prouesse technique, pari émotionnel

  • Performance: les chiffres sont dans la cible des GT électriques extrêmes, mais Ferrari met l’accent sur l’agilité et la sensation de conduite plutôt que sur la seule cavalerie.
  • Intégration verticale: le choix de tout faire ou presque en interne (moteurs, onduleurs, pack) est cohérent avec l’obsession de la réponse châssis et de l’agrément. C’est coûteux, mais différenciant.
  • Expérience: vectorisation fine, roues AR directrices et suspensions actives augurent d’une signature dynamique très lisible… si la calibration est au niveau.
  • Image/ADN: le son, la direction, la pédale de frein, la progressivité du couple seront déterminants pour convaincre la base historique.

📢 Citation
« Je pense que les gens attendaient un chiffre d’affaires plus élevé — mais il est important d’exécuter ce que nous disons; nous ne pouvons pas nous engager sur quelque chose que nous ne pouvons pas atteindre », a insisté Benedetto Vigna durant la présentation à Maranello.

Les zones de risque à surveiller d’ici 2026

  • Courbe de charge réelle et préconditionnement: les 350 kW annoncés seront-ils maintenus sur une large plage de SOC et par température élevée ?
  • Gestion thermique piste: puissance répétable, fade des freins, stabilité du pack après plusieurs cycles intenses.
  • Calibration du « torque vectoring »: promesse de précision vs ressenti naturel au volant.
  • Masse et pneus: usure, coût d’usage, compromis confort/bruit, en particulier avec 4 moteurs.
  • Prix et allocations: positionnement tarifaire et rareté réelle, qui conditionneront l’élasticité de la demande.
  • Mix produit Ferrari: l’effet d’éviction potentiel sur des V12/V8 emblématiques et sur la marge unitaire.

Bilan provisoire

  • Techniquement, l’Elettrica coche les cases d’un EV d’exception et assume des choix coûteux mais cohérents avec l’ADN Ferrari: contrôle fin des mouvements, vectorisation exhaustive, composants maison, pack réparable.
  • Stratégiquement, Ferrari temporise: 20% d’EV en 2030, priorité aux hybrides et à l’exclusivité. Le message plaît aux clients historiques, moins aux analystes en quête d’un catalyseur de croissance plus visible.
  • Marché du luxe électrique: validation que même une icône avance « à pas comptés ». Le signal envoyé à la concurrence est clair: l’innovation doit coexister avec l’expérience traditionnelle — quitte à décevoir la Bourse à court terme.

Au fond, Ferrari n’a pas raté sa copie technique; elle a simplement choisi de ne pas promettre un futur qu’elle ne contrôle pas. Les investisseurs ont entendu la prudence plus que la performance. Reste à voir si, volant en mains en 2026, l’Elettrica saura faire taire le marché par ce que Ferrari sait encore le mieux faire: l’émotion.

Bolt à 30 000 $ : la vraie menace pour Tesla… et pour la Renault 5 ?

En bref:

  • Chevrolet relance la Bolt 2027 à ~29 000 $ avec batterie LFP ~65 kWh, 255 miles EPA, 150 kW et port NACS — une vraie offre <30 000 $ qui met la pression sur l’entrée de gamme Tesla (Model 3/Y « Standard » plus spartiales mais plus chères).
  • En Europe, le signal redéfinit l’« abordable » : la Renault 5 et l’ë‑C3 jouent la carte 20–33 k€ avec LFP/LMFP et charge modérée ; la victoire se jouera sur fiche technique réelle, disponibilité et coût total d’usage.

La guerre des prix des voitures électriques s’intensifie aux États‑Unis. D’un côté, Tesla dégraisse ses Model 3 et Model Y pour afficher de nouveaux prix d’appel. De l’autre, Chevrolet relance sa Bolt en 2027 à moins de 30 000 $, avec une fiche technique enfin à la hauteur des usages réels. Au-delà du duel américain, c’est le baromètre de ce que “abordable” veut dire en électrique — et ce signal va forcément résonner en Europe, où arrivent Renault 5 et ë‑C3.

Ce que change la nouvelle Chevrolet Bolt (2027)

Chevrolet a levé le voile, lors d’un événement propriétaire, sur une Bolt profondément mise à jour, positionnée agressivement.

  • Prix annoncé: 28 995 $ (LT), 29 990 $ pour la Launch Edition (frais inclus selon les participants)
  • Batterie et chimie: pack LFP d’environ 65 kWh (longévité, coût maîtrisé)
  • Autonomie: 255 miles (estimation GM)
  • Recharge DC: 150 kW (10 à 80 % en 26 min, environ 3× plus rapide que l’ancienne)
  • Port de charge: NACS (compatibilité native avec le réseau Supercharger)
  • Groupe motopropulseur: 210 ch (moteur issu de l’Equinox EV), traction
  • Équipement: combiné 11", écran central 11,3", Super Cruise en option
  • Industrialisation: fabrication à Fairfax (Kansas) dès le début de l’année prochaine
  • Détails stratégiques: cellules LFP importées de Chine au lancement, bascule prévue vers un sourcing domestique

Points faibles assumés: style très évolutif (pas de rupture), ergonomie Chevrolet (sans Apple CarPlay/Android Auto sur les derniers modèles GM), et incertitude initiale sur l’éligibilité au crédit d’impôt fédéral (batteries LFP importées).

Tesla “abordable” : des Model 3/Y Standard plus spartiales mais toujours efficaces

Tesla a dégainé des versions “Standard” de la Model 3 et du Model Y qui jouent la carte du coût de production minimal, sans changer d’architecture.

  • Model 3 Standard: à partir de 36 990 $ (hors frais), 321 miles EPA, 0‑60 mph en 5,8 s, batterie ~69 kWh, recharge jusqu’à 225 kW
  • Model Y Standard: à partir de 39 990 $ (hors frais), 321 miles EPA, 0‑60 mph en 6,8 s, 225 kW
  • Décontenting: sièges, volant et rétros à réglages majoritairement manuels, pas de sièges arrière chauffants, moins de coloris, retrait de l’écran arrière et d’Autosteer en série, équipements simplifiés
  • Logiciel et réseau: expérience Tesla et Superchargeur préservées, FSD (Supervised) en option
  • Disponibilités: premières livraisons annoncées fin 2025–début 2026 aux États‑Unis

La proposition de valeur reste solide côté efficacité/logiciel/réseau, mais l’effort prix ne gomme pas l’écart face à la Bolt annoncée.

Deux philosophies de “bas coût” diamétralement opposées

  • Chevrolet compacte ses coûts “hard” (chimie LFP, plateforme connue, cockpit rationalisé), sécurise l’usage (150 kW, NACS), et cible un ticket d’entrée visible “< 30 000 $”.
  • Tesla taille dans les équipements “soft” (finition, fonctions, confort), mais garde la promesse cœur de marque: efficience, charge rapide, écosystème logiciel.

Sur le papier, Chevrolet gagne la bataille du ticket d’entrée. Tesla garde l’avantage perçu sur l’expérience globale et la valeur de revente. Reste l’arbitrage final des ménages: prix facial vs. agrément et écosystème.

📌 À retenir

  • Bolt 2027: la seule “vraie” nouveauté sous 30 000 $ avec 150 kW et NACS.
  • Tesla: baisse l’accès, pas la plateforme — bien plus cher, mais réseau et software en prime.
  • Crédit d’impôt US: volatil selon l’origine des cellules et composants. À surveiller pour le prix “réel”.

Et l’Europe dans tout ça ? Le miroir déformant

La référence américaine bouscule l’idée d’“abordable”, mais les marchés diffèrent: TVA, coûts logistiques, normes, et incitations varient. La Bolt n’est pas annoncée en Europe. En revanche, le signal prix/produit impacte directement la façon dont on jugera les citadines électriques du Vieux Continent.

  • Renault 5 E‑Tech
    • À partir de 24 990 € prix catalogue (finition Five, 40 kWh, 95 ch), hors bonus
    • Versions 52 kWh dès 33 490 € (410 km WLTP annoncés selon versions)
  • Citroën ë‑C3
    • Lancement autour de 23 300 € selon versions, avec une déclinaison annoncée “sous 20 000 €” à l’horizon 2025
  • Dacia Spring et MG4 maintiennent une pression prix constante sous les 25–30 k€

En clair, l’“abordable” s’ancre désormais sous 25 000 € en segment B européen (bonus non déduit), et sous 30 000 € en segment C simplifié. C’est précisément l’espace que Chevrolet vise aux États‑Unis, mais transposé une taille au-dessus.

📢 Esprit critique

  • Comparer “30 000 $ US” et “25 000 € EU” demande prudence: taxes, livraisons, équipements et standards de sécurité ne sont pas identiques.
  • L’atout NACS qui change la donne en Amérique n’existe pas en Europe (CCS2 reste la norme).
  • LFP séduit par le coût et la durabilité, mais impose des packs plus lourds et de moindres performances à froid: calibrage-climat à surveiller pour nos latitudes.

Où se joue la menace pour Tesla… et pour Renault 5 ?

  • Pour Tesla: la Bolt 2027 exerce une vraie pression dans l’entrée de gamme américaine. Si Chevrolet réussit son ramp-up industriel et décroche une éligibilité au crédit d’impôt, elle peut ramener l’EV “utile” à un prix psychologique clé, au risque d’éroder le réservoir de primo‑accédants Tesla. En Europe, l’enjeu est plutôt la concurrence sino‑européenne sous les 30 000 € qu’une hypothétique Bolt.
  • Pour Renault 5 (et ë‑C3): la bataille se jouera sur le “prix total d’usage” et la cohérence produit.
    • Un prix d’attaque clair, un réseau de recharge simple et dense (partenariats), et des autonomies réelles en usage mixte seront décisifs.
    • Le recentrage sur LFP/LMFP pour les petites batteries, des intérieurs malins mais pas cheap, et une offre logicielle sans surpromesses forgeront l’adhésion.

💡 Conseil d’expert

  • Le “prix affiché” n’est qu’un début. Calculez le coût total: financement, conso réelle (kWh/100 km), entretien, pneu, assurance, et surtout la valeur de revente. À équipements équivalents, la décote peut faire varier le coût mensuel de 50 à 100 €.

Comparatif express: le point sur les fondamentaux prix/produit

Modèle (US/EU)Prix d’accès indicatifBatterie (chimie)Autonomie annoncéeDC maxRéseau/port
Chevrolet Bolt 2027 (US)28 995–29 990 $~65 kWh (LFP)255 miles (GM est.)150 kWNACS
Tesla Model 3 Standard (US)36 990 $ (hors frais)~69 kWh321 miles (EPA)225 kWNACS
Tesla Model Y Standard (US)39 990 $ (hors frais)~69 kWh321 miles (EPA)225 kWNACS
Renault 5 Five (EU)24 990 € (hors bonus)40 kWh (LFP)jusqu’à ~300 km WLTP80–100 kW env. (selon version)CCS2
Renault 5 52 kWh (EU)33 490 € (hors bonus)52 kWhjusqu’à ~410 km WLTP100–150 kW env. (selon version)CCS2
Citroën ë‑C3 (EU)~23 300 € (selon marchés)~44 kWh (LFP)~320 km WLTP~100 kWCCS2

Note: autonomies et puissances de charge varient selon versions/équipements et cycles (EPA vs WLTP).

Ce que cela redéfinit: “abordable” en 2026–2027

  • États‑Unis: la vraie barre psychologique pour massifier, c’est “< 30 000 $” avant incitations, 150 kW de charge mini et 230–260 miles réels sur autoroute modérée. La Bolt 2027 coche (presque) tout.
  • Europe: pour une citadine polyvalente, “abordable” vise 20–25 000 € hors bonus, 300–350 km WLTP, 80–100 kW DC, et une UX simple. Renault 5 et ë‑C3 sont dans la cible — à condition de livrer en volumes et de maintenir les loyers LLD attractifs.

En filigrane, c’est la maturité industrielle de l’électrique qui s’exprime: chimies LFP/LMFP, plateformes optimisées, décontenting raisonné, et un recentrage sur l’essentiel. Le marché ne veut plus de promesses, mais des EV “justes” et accessibles.

Au final, la Bolt à 30 000 $ n’enterre ni Tesla ni la Renault 5, mais elle remet l’aiguille à l’heure: l’abordable ne se décrète pas, il se prouve par la fiche technique, la disponibilité et le coût d’usage réel. C’est exactement sur ce triptyque que se gagnera la prochaine manche, des États‑Unis à l’Europe.

Tesla d’occasion privée de Superchargeurs: le signal d’alarme pour l’Europe

En bref:

  • Aux États‑Unis, des Tesla d’occasion, malgré un dossier administratif “propre”, se voient privées de Superchargeurs (voire de recharge DC) si le constructeur les flagge “salvage”, obligeant inspections/réparations payantes — un risque qui peut se reproduire en Europe.
  • Il faut des garde‑fous (transparence des statuts numériques, procédure contradictoire, plafonnement des coûts, accès pour réparateurs indépendants) et des vérifications systématiques à l’achat pour protéger les acheteurs.

L’affaire peut sembler anecdotique, elle ne l’est pas. Aux États‑Unis, un acheteur découvre après coup que sa Model 3 d’occasion est bannie des Superchargeurs Tesla. Motif: le véhicule est considéré “salvage” dans les systèmes de la marque, donc “non supporté” pour la recharge rapide. Au‑delà du cas individuel, c’est une alerte pour le jeune marché européen de l’électrique d’occasion: la possibilité d’une “décertification” logicielle, qui transforme une bonne affaire en piège coûteux.

Dans un univers de voitures de plus en plus pilotées par le logiciel, qui décide de ce qui reste actif ou non après revente? Et selon quelles garanties pour l’acheteur?

Ce qui s’est passé aux États‑Unis

  • Un Américain, ravi de sa Model 3 2022 achetée en seconde main, se retrouve incapable de recharger sur plusieurs Superchargeurs.
  • Tesla lui confirme que l’auto est “unsupported for supercharging” et que les garanties sont annulées car le véhicule est considéré “salvage” (véhicule ayant connu des dommages importants). Le titre administratif était pourtant “clean” selon le vendeur.
  • Des cas similaires existent: un véhicule peut être “propre” administrativement mais classé “salvaged” dans la base Tesla après un choc mal réparé ou une intervention hors réseau.
  • Pour réactiver la recharge rapide, Tesla propose une inspection sécurité haute tension et fast‑charge, payante (environ 2 000 $ signalés par la presse spécialisée), puis d’éventuelles réparations, elles aussi à la charge du propriétaire.

Point important: chez Tesla, le blocage peut viser le Supercharger, mais aussi, selon le statut interne du véhicule, la recharge rapide DC en général. Dans ce cas, même un chargeur tiers (Ionity, etc.) ne fonctionne plus: seule la recharge AC reste possible.

📌 Autre élément rapporté outre‑Atlantique: des constructeurs et réseaux concurrents disent ne pas pratiquer ce type de bannissement post‑accident, ce qui singularise la politique Tesla.

Pourquoi c’est un vrai sujet pour l’Europe

  • Le marché européen de l’électrique d’occasion accélère, avec l’arrivée massive d’ex‑véhicules de flotte et de premières générations de BEV. La valeur de ces autos tient autant à l’état batterie qu’à l’accès à la recharge rapide.
  • En Europe, il n’existe pas de “salvage title” à l’américaine. Les régimes d’accident/réparation et d’immobilisation (ex: VEI/VGE en France) varient, les historiques sont fragmentés. Or Tesla n’a pas besoin d’un titre “salvage” officiel pour restreindre la fast‑charge: un simple flag logiciel interne peut suffire.
  • Le risque pour le consommateur: acheter une Tesla administrativement “propre”, mais “décertifiée” pour la fast‑charge. Résultat: voyages compliqués, décote immédiate, facture de remise en conformité potentiellement lourde (inspection + pièces HV).

Au passage, paradoxe européen: alors que Tesla ouvre progressivement ses Superchargeurs à d’autres marques (via CCS), certains propriétaires de Tesla peuvent, eux, s’en voir exclus si leur véhicule est “flaggué” en interne.

Le fond du sujet: sécurité vs. pouvoir logiciel

  • L’argument de Tesla: un pack batterie ou un circuit HV mal réparé peut rendre la charge à très haute puissance dangereuse. Les inspections et réparations visent à écarter tout risque incendie/électrique.
  • Le contre‑argument: l’opacité. Ni la cause exacte du blocage, ni la preuve technique, ni le coût de remise en conformité ne sont toujours transparents pour l’acheteur. Et la décision d’interdiction émane d’un acteur privé qui opère aussi le plus grand réseau de charge rapide.

En clair, la sécurité est une exigence, mais elle doit s’exercer avec des garde‑fous: traçabilité, procédure d’appel, coûts raisonnables et interopérables.

À retenir

  • Une Tesla peut être privée de fast‑charge (Supercharger et parfois DC tiers) même avec un dossier administratif “propre”, si Tesla la considère “salvage” ou non conforme HV.
  • Le retour à la normale passe par une inspection constructeur payante et, au besoin, des réparations coûteuses.
  • Sans transparence et garanties, l’occasion électrique peut perdre en confiance… et la transition en pâtir.

Comment acheter une Tesla d’occasion sans mauvaise surprise

Avant l’achat (chez un pro ou un particulier):

  • Exiger une démonstration de fast‑charge: 15–20 minutes sur un Superchargeur ET/OU un HPC tiers (Ionity, Fastned…), avec capture d’écran de la puissance (kW), VIN visible sur l’écran/compte et facture de session.
  • Obtenir une attestation écrite du vendeur sur:
    • l’accès actif à la recharge rapide (Supercharger et DC tiers, le cas échéant),
    • l’absence de blocage logiciel connu,
    • l’absence d’accident majeur structurel ou, le cas échéant, le détail des réparations et des pièces HV remplacées.
  • Vérifier la connectivité et les services: application Tesla appairée, OTA fonctionnelles, localisation, mises à jour.
  • Demander les factures d’entretien/réparation, idéalement réalisées dans le réseau Tesla ou par un réparateur indépendant certifié HV, avec pièces d’origine.
  • En France: consulter HistoVec, le certificat de situation administrative, les procès‑verbaux de CT, et, si possible, un rapport d’expertise post‑sinistre.
  • Faire réaliser un contrôle HV par un spécialiste VE (outillage isolé, mesure d’isolement, inspection pack/refroidissement). Des indépendants accèdent légalement aux données techniques via SERMI et abonnements officiels.

Clauses contractuelles utiles:

  • Condition suspensive “accès fast‑charge”: possibilité d’annuler ou de renégocier si la voiture est désactivée dans les 30–90 jours.
  • Garantie de conformité étendue aux “éléments numériques”: mentionner explicitement la recharge rapide dans la description du bien.
  • Prise en charge partielle des inspections/réparations si un flag logiciel survient post‑vente sans faute de l’acheteur.

💡 Conseil d’expert
Privilégiez une Tesla d’occasion certifiée par Tesla (programme officiel) ou, à défaut, un vendeur pro acceptant de passer une inspection HV préalable chez Tesla. Le surcoût est souvent inférieur à la décote d’une auto “bloquée” en fast‑charge.

Ce que l’Europe doit encadrer dès maintenant

Pour éviter qu’un simple flag logiciel ne fasse basculer l’occasion électrique dans la défiance, plusieurs garde‑fous sont souhaitables:

  1. Transparence et traçabilité
  • Certificat européen des fonctions numériques critiques à la revente (accès fast‑charge, connectivité, ADAS actifs), fourni par le constructeur sur VIN.
  • Historique de statut fast‑charge consultable par le propriétaire et transmissible au futur acheteur (alignement avec le Data Act sur l’accès aux données des objets connectés).
  1. Procédure contradictoire et plafonnement des coûts
  • Obligation d’une procédure d’inspection standardisée, avec devis détaillé et justification technique du blocage.
  • Plafond réglementaire des frais d’inspection “sécurité HV” pour éviter les abus, et possibilité d’inspection par un tiers agréé indépendant.
  1. Interopérabilité et droit à la réparation
  • Interdiction de désactiver la charge DC au‑delà du strict nécessaire de sécurité, obligation de proposer une voie de remise en conformité raisonnable et documentée.
  • Accès garanti des réparateurs indépendants aux procédures et outillages HV (déjà amorcé via SERMI), y compris pour lever un blocage après réparation validée.
  1. Passeport batterie et santé du pack
  • Intégrer au futur passeport batterie européen des indicateurs de sécurité/étanchéité HV et des interventions lourdes, pour éclairer la revente.
  • Standardiser un “état de santé” (SoH) minimum à afficher, avec méthode de mesure harmonisée.

📢 À méditer
Sans règles claires, la “voiture définie par logiciel” peut devenir une “occasion définie par le constructeur”. La confiance du marché dépendra d’un équilibre net entre sécurité, transparence et droits de l’acheteur.

Et si votre Tesla est déjà “bloquée” en fast‑charge

  • Contacter le support Tesla pour connaître précisément le statut et l’éligibilité aux inspections HV/fast‑charge.
  • Demander un devis écrit, pièces et opérations listées.
  • En parallèle, faire établir un second avis chez un spécialiste HV indépendant.
  • Si l’auto a été vendue récemment par un professionnel, activer la garantie légale de conformité (en France, 24 mois minimum) et, le cas échéant, invoquer la pratique commerciale trompeuse si l’accès à la fast‑charge a été présenté comme acquis.
  • Conserver toutes les preuves de sessions de charge avortées et des échanges avec le constructeur.

En définitive, l’incident américain n’est pas un épiphénomène: il révèle un angle mort de l’écosystème électrique d’occasion. Pour que la transition reste désirable et équitable, la sécurité doit s’accompagner d’obligations de transparence, de voies de recours et de coûts maîtrisés — faute de quoi, la “bombe à retardement” sera celle de la défiance des acheteurs.

Bannie des Superchargeurs après l’achat: l’alerte qui guette l’occasion en Europe

En bref:

  • Un acheteur américain de Tesla d’occasion s’est vu refuser l’accès aux Superchargeurs après achat car le VIN était marqué "salvage" ; Tesla peut à distance désactiver des fonctions et propose une inspection payante pour réactiver la charge rapide.
  • Risque européen réel : un véhicule importé ou réparé peut garder un flag logiciel, dégrader la valeur et poser un problème juridique — vérifiez l’historique du VIN, testez la charge DC et faites transcrire par écrit le transfert des options.

L’affaire paraît anecdotique, elle ne l’est pas. Aux États‑Unis, un acheteur de Tesla d’occasion a découvert, une fois la voiture payée, que son accès au réseau de Superchargeurs était… bloqué. Au‑delà du cas individuel, ce scénario dit beaucoup de la “voiture-logiciel” et des zones grises qu’elle introduit sur le marché de l’occasion, y compris en Europe.

En jeu, des fonctions qui peuvent disparaître après la revente, un contrôle quasi total du constructeur et une dévalorisation à la clé. Avec une question lourde: que possède‑t‑on vraiment quand on achète une voiture définie par logiciel?

Le cas américain qui fait réfléchir

Selon une enquête de CBS Chicago publiée début octobre, Daniel Boycott, nouveau propriétaire d’une Model 3 2022 achetée chez un revendeur, a découvert au premier long trajet que sa voiture refusait de charger sur un Superchargeur. Le service client de Tesla lui a confirmé que le véhicule était “non pris en charge pour la Supercharge” car identifié comme “salvage” (véhicule déclaré économiquement irréparable/gravement accidenté dans le jargon américain), invoquant un risque sécurité côté batterie et haute tension.

  • Le vendeur et un rapport d’historique affichaient un titre “propre”, mais une analyse plus poussée a révélé un accident antérieur et des réparations jugées médiocres par un technicien Tesla.
  • Tesla propose désormais une inspection pour rétablir l’accès à la charge rapide, facturée autour de 2 000 dollars aux États‑Unis, hors éventuelles remises à niveau.
  • CBS affirme avoir contacté d’autres constructeurs et réseaux de charge: ceux qui ont répondu indiquent ne pas pratiquer ce type de bannissement lié à l’historique d’accident.

Au‑delà de l’énervement bien compréhensible de l’acheteur, ce cas illustre la particularité de Tesla: un constructeur qui contrôle aussi une large partie de l’infrastructure de charge et peut, à distance, autoriser ou interdire des fonctions clés.

📌 À noter

  • Tesla a, par le passé, bloqué la charge rapide sur des véhicules “salvage”, parfois y compris sur des bornes tierces, avant d’introduire une procédure d’inspection pour un rétablissement conditionnel. Les modalités exactes évoluent et varient selon les marchés.

Pourquoi l’Europe est directement concernée

Même si le vocabulaire administratif diffère (VEI/VGA en France, Cat S/N au Royaume‑Uni…), les ingrédients sont là pour reproduire ce scénario de ce côté‑ci de l’Atlantique.

  • Une base mondiale: l’éligibilité d’un VIN à la Supercharge relève d’un statut logiciel côté Tesla. Une voiture importée et précédemment “salvage” aux USA peut rester flaguée en Europe.
  • Un contrôle vertical unique: contrairement aux marques qui s’appuient sur des réseaux tiers (Ionity, Fastned, TotalEnergies…), Tesla opère son propre réseau. En pratique, cela lui permet de filtrer l’accès – y compris pour ses propres véhicules.
  • Des options “à la carte”: Acceleration Boost, Autopilot/FSD, sièges chauffants, connectivité premium… Autant de fonctions activables/désactivables à distance. Des cas documentés montrent que des options visibles lors de la vente ont parfois été retirées ultérieurement après audit côté constructeur.

💡 Bon à savoir (Europe)

  • Les autres réseaux CCS en Europe ne consultent pas de “statut de titre” : ils parlent au BMS via le protocole, point. En revanche, si un constructeur désactive la charge rapide DC dans le logiciel du véhicule, la limitation s’applique partout.

La voiture-logiciel, ou l’ambiguïté de la propriété

La montée en puissance des fonctions logicielles a des vertus (sécurité, mises à jour OTA, nouvelles features), mais elle bouscule la notion de propriété.

  • Ce que vous payez n’est pas toujours “ancré” dans le bien: certaines fonctionnalités clés ne sont qu’une licence attachée au VIN et, parfois, révocable.
  • La valeur résiduelle devient volatile: un véhicule privé de charge rapide ou d’options payées se déprécie fortement. L’impact sur la revente et les conditions d’assurance/crédit est réel.
  • Un débat juridique naissant: en Europe, la vente de biens comportant des éléments numériques est encadrée par les directives 2019/770 et 2019/771 (transposées en droit national). Elles imposent une obligation de conformité et d’info sur les mises à jour. Mais l’applicabilité précise aux options logicielles post‑vente ou au blocage d’accès réseau reste un terrain encore peu balisé.

🧭 Cadre réglementaire à garder en tête

  • UE/ONU: obligations de cybersécurité et de gestion des mises à jour (R155/R156) pour l’homologation, focalisées sur la sûreté et la traçabilité, pas sur la portabilité des options.
  • Droit de la consommation (UE): devoir d’information du vendeur, garantie de conformité, vices cachés. Un blocage post‑achat d’une fonction “essentielle” pourrait, selon les cas, relever d’un défaut de conformité.
  • “Right to repair” et accès aux données: débats en cours à Bruxelles sur l’accès standardisé aux données et aux fonctions des véhicules connectés. Les arbitrages attendus pèseront lourd sur l’après‑vente.

Comparaison rapide: Tesla vs “le reste du marché”

  • Réseau propriétaire: Tesla est quasiment le seul constructeur à pouvoir couper l’accès à “son” réseau à une voiture particulière. Les autres marques n’ont pas ce levier, s’appuyant sur des opérateurs indépendants.
  • Filtrage logiciel: n’importe quel constructeur peut limiter la charge rapide via logiciel s’il estime la sécurité compromise. Mais Tesla a historiquement le plus de précédents médiatisés et une procédure de réactivation à sa main.
  • Transfert d’options: chez Tesla, la règle générale veut que les options restent liées au véhicule, mais des retraits après revente ont déjà été constatés. Ailleurs, le risque existe aussi (monétisation de fonctions, abonnements), mais reste moins visible car la charge rapide n’est pas “maison”.

Acheter une Tesla d’occasion en France/Europe: le check complet

Avant de signer, jouez la transparence technique et logicielle. Idéalement, testez l’usage réel.

  • Historique et statut

    • Demandez un historique complet (France: HistoVec, rapports d’expertise, factures de carrosserie/haute tension). Si import, contrôlez l’historique US/UK (Carfax/Experian) et la présence d’une mention salvage/VEI/VGA/Cat S/N.
    • Identité du pack batterie et interventions HV (rapports d’atelier Tesla si disponibles).
  • Fonctions et options

    • Vérifiez dans l’interface les options actives (EAP/FSD, Acceleration Boost, sièges chauffants, connectivité premium) et obtenez une attestation écrite du vendeur listant les features “livrées”.
    • Clarifiez leur transférabilité: abonnement vs licence liée au VIN, durée, éventuels frais de réactivation.
  • Recharge, sans hypothèse

    • Faites un test de charge rapide DC avant achat: idéalement un branchement sur Superchargeur avec le vendeur (compte du vendeur) et un test sur une borne CCS tierce. Relevez la puissance atteinte et la stabilité.
    • Si un doute subsiste, sollicitez une inspection HV/”fast‑charge safety” auprès d’un Service Center. Le tarif européen n’est pas public; aux USA, on parle d’environ 2 000 $ hors réparations.
  • Compte et transfert

    • Assurez‑vous que le transfert de propriété dans l’app Tesla est possible et qu’aucune restriction ne bloque l’activation de services (appli, paiement Superchargeur).
    • Exigez que tout blocage connu (Superchargeur, DC rapide) soit divulgué. Faites‑le stipuler au contrat.
  • Contrats et recours

    • Achetez auprès d’un professionnel lorsque c’est possible: vous bénéficiez de la garantie légale de conformité. Faites préciser par écrit qu’aucun flag “salvage/équivalent” n’est actif dans les systèmes du constructeur.
    • Conservez des preuves du fonctionnement des fonctions essentielles le jour de la vente (captures, vidéos du test de charge).

🛠️ Conseil d’expert
Si la voiture a subi une réparation structurelle ou HV, un contrôle indépendant par un spécialiste VE (contrôle du pack, isolation, connectique HV, refroidissement) est un excellent investissement, même si le Service Center propose sa propre inspection.

Ce que l’affaire révèle, sans passion ni procès d’intention

  • Oui, il est légitime pour un constructeur de prévenir un risque sécurité sur la haute tension. Un pack endommagé et mal réparé peut être dangereux, pour l’utilisateur comme pour l’infrastructure.
  • Non, il n’est pas satisfaisant pour le client que des fonctions décisives (charge rapide, options payées) puissent disparaître sans procédure claire, transparente et proportionnée – a fortiori après revente.
  • Pour Tesla, l’ouverture progressive des Superchargeurs aux autres marques en Europe rend ces blocages encore plus sensibles: voir un Tesla‑owner refoulé là où des concurrents chargent via l’app est une dissonance d’image.
  • Pour le marché, l’incertitude logicielle est un facteur de décote. La filière VO a besoin de règles lisibles, d’outils de vérification et, côté législateur, de garde‑fous sur la portabilité fonctionnelle et la réparabilité.

En filigrane, la voiture-logiciel appelle un contrat‑client plus explicite: ce qui est vendu, ce qui est loué, ce qui peut être restreint, par qui, comment et sous quelles garanties. Tant que ces réponses resteront floues, chaque bannissement médiatisé pèsera sur la confiance — et sur la valeur — de l’occasion électrique.

Tesla d’occasion bannie des Superchargeurs : la “brique numérique” qui menace le marché européen

En bref:

  • Tesla peut bloquer l’accès aux Superchargeurs d’une voiture d’occasion via un flag "salvage"/sécurité, sans empêcher la charge AC ni l’usage des réseaux CCS2 tiers ; cela réduit fortement l’attractivité et la valeur du véhicule.
  • Avant d’acheter, vérifier le VIN auprès de Tesla (preuve écrite), demander l’historique HV et inclure une clause contractuelle/inspection pour couvrir une éventuelle réactivation ou remise en état.

L’achat d’une voiture électrique d’occasion ne se résume plus à l’état de la batterie ou à l’historique d’entretien. Un risque plus discret émerge: le bannissement logiciel. Aux États‑Unis, un propriétaire a découvert après coup que sa Tesla de seconde main était “débranchée” du réseau Supercharger. Au-delà de l’anecdote, le cas interroge: que se passe‑t‑il si, en Europe, vous héritez d’un véhicule parfaitement roulant… mais numériquement bridé par le constructeur?

Ce qui s’est passé aux États‑Unis, et pourquoi cela nous concerne

Un acheteur américain a pris possession d’une Model 3 d’occasion, avant d’apprendre au pied d’un Superchargeur que la voiture était “non prise en charge” pour la charge rapide. En cause, selon Tesla: un statut de véhicule endommagé (salvage) et des réparations jugées inadéquates. Le constructeur avance un motif de sécurité: connecter au courant continu haute puissance un véhicule dont l’intégrité du pack batterie ou du système HV n’est pas garantie représenterait un risque.

  • Plusieurs témoignages outre‑Atlantique relatent des cas similaires: voiture affichée “propre” chez le vendeur, mais “salvage” dans les systèmes de Tesla.
  • Depuis fin 2022, Tesla a mis en place un processus d’inspection payante permettant, si la voiture est jugée sûre, de réactiver l’accès aux Superchargeurs. Le tarif évoqué se situe autour de 2 000 dollars, auxquels peuvent s’ajouter des réparations.

Pourquoi c’est pertinent pour l’Europe? Parce que la politique ne dépend pas du type de prise, mais du numéro de série (VIN) et des flags internes de sécurité. Autrement dit, même en Europe où les Tesla utilisent le standard CCS2 et où les Superchargeurs s’ouvrent progressivement à d’autres marques, Tesla peut techniquement autoriser ou non l’accès de ses propres véhicules à son réseau, voiture par voiture.

À retenir

  • La charge AC (domicile, bornes publiques en 22 kW) n’est pas concernée.
  • La charge rapide sur réseaux tiers (Ionity, Fastned, TotalEnergies, Allego, etc.) reste en principe accessible aux Tesla européennes via CCS2. Le bannissement évoqué concerne l’accès au réseau Supercharger de Tesla.

Banni pour “salvage” : comment Tesla justifie et encadre la pratique

  • Origine de la politique: des incidents et des craintes liés à l’intégrité HV après accident. Tesla a d’abord désactivé l’accès pour les véhicules à titre “salvage”, avant d’introduire une procédure de réintégration conditionnée à une inspection.
  • Inspection/re-certification: contrôle approfondi du pack, des organes de charge et de sécurité. En cas de succès, la charge rapide peut être réactivée; sinon des réparations (chez Tesla) sont proposées, aux frais du propriétaire.
  • Controverse: coût élevé, manque de transparence perçu par certains acheteurs d’occasion, et cas rapportés de divergences entre l’historique administratif (titre “propre”) et l’état interne du dossier Tesla.

Important: d’autres constructeurs et opérateurs de recharge ne rapportent pas de politique comparable de bannissement réseau basée sur un historique “salvage”. C’est un enjeu d’écosystème propriétaire: Tesla maîtrise à la fois le véhicule, le logiciel et le réseau.

Spécificités européennes: ce que dit le cadre, ce que peut faire Tesla

  • Pas de “salvage title” au sens américain. En France et dans plusieurs pays européens, on parle de “véhicule endommagé” (expertises type VEI/VGA, immobilisation administrative, levée après réparation conforme). Les points de contrôle et les circuits d’expertise existent mais diffèrent des titres US.
  • Tesla conserve néanmoins la main sur l’accès à son réseau: un flag interne de sécurité peut suffire à bloquer un VIN, indépendamment du statut administratif national, tant que cela s’appuie sur des motifs de sûreté.
  • Droits des consommateurs: si un vendeur professionnel promet (ou laisse entendre) l’accès Supercharger et que la voiture est en fait “bannie”, on peut tomber dans le “défaut de conformité” au sens du droit européen, avec recours possibles. À l’inverse, si l’accès n’est pas contractuellement garanti et que Tesla justifie un blocage pour raison de sécurité, la marge de manœuvre dépendra des preuves et des informations fournies avant la vente.
  • “Droit à la réparation” et services numériques: l’UE avance sur la réparabilité et la transparence logicielle. Mais l’accès à un réseau privé reste un service distinct. L’exigence, à minima, portera sur une information claire et préalable à l’achat.

Conséquences très concrètes sur le marché de l’occasion

  • Valeur résiduelle: une Tesla privée d’accès Supercharger perd une part de son attrait, surtout pour les gros rouleurs. La décote peut être significative.
  • Adhésion à l’électrique: ce type d’incident nuit à la confiance, alors que l’EV d’occasion est le principal vecteur de massification est le principal vecteur de massification.
  • Ressort concurrentiel: l’avantage compétitif du réseau Tesla peut se muer en levier de suspicion si l’acheteur craint un “verrou logiciel” post-achat.

📌 Bon à savoir

  • Des précédents existent aussi sur des options logicielles (ex.: Autopilot/FSD, connectivité premium) retirées après revente si l’activation n’était pas conforme aux conditions de Tesla. L’accès Supercharger s’ajoute à cette zone grise des “droits numériques” attachés au véhicule.

Comment se prémunir en Europe avant d’acheter une Tesla d’occasion

Checklist express à exiger du vendeur (pro ou particulier) :

  • Identité du véhicule
    • VIN complet et historique d’accidents/assurances (HistoVec en France, rapports d’historique tiers).
    • Factures et photos de réparations éventuelles, avec détail des pièces HV si impactées.
  • Statut d’accès Supercharger
    • Demander une attestation écrite du vendeur stipulant l’éligibilité au réseau Supercharger à la date de vente.
    • Contacter un service Tesla avec le VIN pour vérifier l’absence de “restriction” connue. Exiger une trace écrite (e‑mail, ticket).
  • État HV et batterie
    • Rapport d’état de santé (SOH) batterie issu d’un outil de diagnostic crédible.
    • Inspection indépendante orientée HV si le véhicule a subi un choc (connecteurs, pack, structure).
  • Contrat de vente
    • Clause spécifique: “accès Supercharger garanti” ou, à défaut, prise en charge contractuelle de l’inspection/réactivation si blocage découvert après la vente.
    • Mention des options logicielles présentes (Autopilot, connectivité, chauffage arrière, etc.) avec engagement de maintien post‑transfert.

💡 Astuce d’expert

  • Si l’historique révèle un accident, budgétez d’emblée le coût potentiel d’une inspection/re-certification chez Tesla. Négociez le prix en conséquence ou conditionnez la vente au résultat de l’inspection.

Et si votre Tesla est déjà “bannie” ?

  • En Europe, vous pouvez continuer à rouler, charger à domicile et sur la majorité des bornes publiques AC.
  • Pour la charge rapide, les réseaux tiers en CCS2 (Ionity, Fastned, TotalEnergies, Allego, Engie Vianeo, etc.) restent accessibles. La contrainte principale est le maillage et le coût, variables selon corridors et opérateurs.
  • Option de réactivation: sollicitez l’inspection Tesla. Le coût évoqué outre‑Atlantique (~2 000 $) donne un ordre d’idée; renseignez-vous localement sur le tarif et l’étendue des contrôles/réparations possibles.

📊 Comparatif rapide (indicatif)

  • Supercharger Tesla: densité élevée, intégration native, tarification dynamique avantageuse pour les propriétaires éligibles.
  • Réseaux tiers CCS2: maillage désormais conséquent sur autoroutes européennes, prix et fiabilité variables selon opérateurs et stations; expérience parfois moins plug‑and‑play qu’un Superchargeur, mais progrès constants.

Quel rôle pour les autorités et la filière?

  • Transparence minimale: imposer l’affichage clair de l’éligibilité au réseau propriétaire lors de la vente d’une EV, au même titre que l’autonomie WLTP ou l’état de santé batterie, serait un progrès simple et mesurable.
  • Normalisation des rapports HV: un standard européen d’inspection post‑accident des systèmes HV, reconnu par les constructeurs, permettrait d’éviter les divergences entre dossiers internes et administratifs.
  • Veille concurrentielle: à mesure que les réseaux se multiplient et s’ouvrent, verrouiller l’accès post‑achat pour motifs non transparents pourrait attirer l’attention des régulateurs.

✅ À retenir, en trois lignes

  • Le risque de “brique numérique” existe: une Tesla d’occasion peut être privée de Superchargeur pour raisons de sécurité liées à son historique.
  • En Europe, cela ne bloque pas la charge sur réseaux tiers CCS2, mais l’attractivité et la valeur du véhicule en pâtissent.
  • La parade, c’est l’anticipation: vérifications documentées, clause contractuelle, et, en cas de doute, inspection avant achat.

En somme, la maturité du marché passe par plus de clarté. Aux acheteurs de réclamer des preuves, aux vendeurs d’apporter des garanties, et aux constructeurs d’expliquer leurs décisions quand elles débranchent, sans prévenir, une partie de l’expérience promise.

Mort dans un Cybertruck: quand les portes électroniques deviennent un piège — alerte pour l’Europe

En bref:

  • Une plainte en Californie affirme qu’une passagère est morte piégée dans un Cybertruck dont les portes 100% électroniques n’ont pas fonctionné après un choc — le secours mécanique existait mais était dissimulé; la NHTSA et d’autres autorités enquêtent sur des cas similaires.
  • Au‑delà de Tesla, le dossier met en lumière le risque des poignées affleurantes et appelle à des règles européennes et industrielles pour des commandes mécaniques d’évacuation visibles, standardisées et faciles d’accès; en attendant, repérez les issues manuelles et gardez un brise‑vitre à portée.

Une plainte déposée en Californie accuse Tesla d’un défaut de défaut de conception sur le Cybertruck: des portes 100% électroniques qui auraient piégé une passagère dans un véhicule en feu. Au-delà de ce drame, c’est toute une tendance de design — poignées affleurantes et ouvertures électriques — qui se retrouve sous les projecteurs. Avec, en filigrane, une question simple pour l’Europe: jusqu’où peut-on “électrifier” une porte sans compromettre l’évacuation d’urgence?

Ce que l’on sait du dossier américain

  • Jeudi, les parents de Krysta Tsukahara, 19 ans, ont poursuivi Tesla en justice en Alameda County (Californie). Ils affirment que leur fille, assise à l’arrière d’un Cybertruck en novembre 2024, a survécu au choc mais est morte de brûlures et d’inhalation de fumées faute d’avoir pu sortir.
  • Les portes extérieures du Cybertruck s’ouvrent via des boutons électriques sur les montants; à l’intérieur, un secours mécanique existe, mais l’actionneur arrière est dissimulé sous un tapis de poche de porte. Des témoins disent avoir tenté les boutons sans succès, puis brisé une vitre pour extraire le passager avant; la passagère arrière n’a pas pu être sortie.
  • Les circonstances du crash sont graves: vitesse élevée et conducteur sous l’emprise d’alcool et de stupéfiants, selon les rapports cités par la presse locale et l’AP. Les familles estiment cependant qu’un “accident survivable” est devenu fatal par impossibilité d’évacuation.
  • Contexte réglementaire: la NHTSA enquête depuis septembre sur des portes Tesla (notamment Model Y 2021) devenues inopérantes, avec plus de 140 plaintes de consommateurs recensées par Bloomberg depuis 2018 sur des portes bloquées ou inactives. L’agence cible d’abord l’impossibilité d’ouverture de l’extérieur lorsqu’il n’existe pas de commande manuelle.
  • Réponse du constructeur: Tesla n’a pas commenté ces plaintes précises au moment d’écrire ces lignes. Son designer en chef, Franz von Holzhausen, a toutefois indiqué mi-septembre sur un podcast travailler à une commande “plus intuitive en situation de panique”, combinant électronique et secours mécanique. Un procès dans l’affaire Tsukahara est d’ores et déjà programmé pour février 2027, selon Bloomberg.

📌 À retenir

  • Les griefs visent moins l’électronique en soi que l’accessibilité du secours mécanique, jugé trop caché pour un usage en urgence, surtout aux places arrière.
  • Le sujet dépasse Tesla: l’industrie entière pousse des poignées affleurantes et des ouvertures à bouton, au nom de l’aérodynamique et du style.

Portes électroniques, poignées affleurantes: comment ça marche (et où ça peut coincer)

  • Extérieur: plus de poignée saillante, mais un bouton tactile/électrique (Cybertruck) ou une poignée affleurante motorisée (autres marques). Sans alimentation 12 V, ces dispositifs peuvent rester inertes.
  • Intérieur: la réglementation impose une ouverture depuis l’habitacle. Les constructeurs ajoutent donc un câble mécanique. Problème: la facilité d’identification et d’accès varie beaucoup.
    • Sur Cybertruck: à l’avant, une tirette proche des commandes de vitre; à l’arrière, une languette/câble derrière un revêtement de poche de porte (il faut ôter un insert).
  • Post‑choc: un crash peut sectionner ou isoler l’alimentation 12 V; la haute tension est coupée par pyrofusibles. Si le 12 V chute, les commandes électriques peuvent cesser de répondre. La seule issue devient le secours mécanique, qui doit être évident à trouver… et c’est précisément là que le bât blesse.

💡 Bon à savoir

  • Les portes “dures” (acier/inox) et vitrages renforcés améliorent la sécurité… mais compliquent l’accès des secours quand les ouvrants ne répondent plus. Le compromis doit être anticipé dès la conception.

Que disent les régulateurs — et où se situe l’Europe ?

  • États‑Unis: la NHTSA a lancé une évaluation préliminaire sur l’opérabilité des ouvertures électroniques, notamment depuis l’extérieur. C’est la première marche vers une éventuelle action corrective.
  • Canada: Transport Canada a ouvert sa propre collecte d’informations en 2025 sur l’évacuation quand le système 12 V est compromis.
  • Chine: des autorités ont évoqué un encadrement renforcé des poignées affleurantes après des données inquiétantes de “pop‑out” en choc latéral, selon la presse spécialisée.
  • Europe: les règles de type‑approbation (règlement UNECE R11 sur loquets/charnières) exigent une ouverture depuis l’intérieur sans outil ni connaissance spéciale. Beaucoup de véhicules à poignées affleurantes sont conformes… mais la norme ne détaille pas toujours l’ergonomie, la signalétique et l’accessibilité “en panique”, notamment pour les places arrière. Euro NCAP évalue déjà l’“aide au sauvetage”, mais pourrait durcir ses protocoles sur l’identification des sorties d’urgence.

📊 Le point réglementaire (propositions qui montent)

  • Rendre obligatoire un dispositif mécanique visible, unique et clairement signalé à chaque place, y compris à l’arrière.
  • Standardiser le pictogramme et l’emplacement (ex. proximité poignée/accoudoir).
  • Exiger un accès de secours extérieur mécanique simple pour intervenants (cache‑rupture sur montant).
  • Éclairage/photoluminescence des commandes d’évacuation.
  • Fiches de secours ISO 17840 enrichies (localisation exacte des trappes/cordons).

Le débat de fond: style vs. sécurité d’évacuation

Pourquoi ces poignées affleurantes? Pour l’aérodynamique (moins de traînée), la propreté de ligne et, parfois, la gestuelle “tech”. Elles ne sont pas intrinsèquement dangereuses. Mais un design “tout‑électronique” qui relègue l’issue mécanique à une languette dissimulée est problématique:

  • En stress aigu, la mémoire procédurale domine: on cherche un levier, pas une astuce sous un tapis.
  • Les passagers arrière connaissent rarement les spécificités du véhicule.
  • Les secours extérieurs perdent des secondes précieuses quand il n’existe pas de voie mécanique d’ouverture facilement repérable.

Comme le résume l’un des avocats de familles plaignantes: on peut être responsable du crash et reprocher au constructeur d’avoir rendu l’évacuation trop difficile. Les deux réalités coexistent.

Fréquence et risque: garder la mesure, agir vite

  • Les incendies post‑crash sur VE demeurent rares à l’échelle du parc, et l’immense majorité des accidents n’implique pas d’embrasement. Mais lorsque survient une perte d’alimentation et/ou un départ de feu, toute seconde compte.
  • L’“entrapment” post‑choc n’est pas propre aux VE: des systèmes électriques abondent désormais sur toutes motorisations. L’exigence doit donc être universelle: un secours mécanique simple, évident et standardisé.

Implications pour les constructeurs européens

  • Raccourcir la “chaîne cognitive” en urgence: un seul geste, un seul endroit, un marquage clair.
  • Revoir les ouvrants arrière: bannir les cordons cachés, généraliser une tirette dédiée, visible et rétro‑éclairée.
  • Prévoir une ouverture mécanique externe normalisée (cache à arracher/poussoir) pour premiers intervenants.
  • Logiciel: préserver une réserve 12 V sur les circuits d’ouverture en cas de choc, avec temporisation d’alimentation, tout en respectant l’isolement HV.
  • Communication: pictos sur portes, chapitre “issue de secours” simplifié dans l’appli/écran, tutoriels à la livraison.

✅ Conseils pratiques pour les automobilistes (VE et thermiques)

  • Repérez à froid les commandes d’ouverture manuelle à toutes les places, surtout à l’arrière.
  • Conservez la fiche de secours (ISO 17840) du véhicule, accessible aux secours (porte‑soleil, QR code).
  • En cas de choc avec portes inertes: tentez les manuels intérieurs; à l’extérieur, viser les vitres latérales trempées (pas le pare‑brise feuilleté) en frappant près des bords.
  • Équipez‑vous d’un petit brise‑vitre homologué, rangé à portée immédiate.
  • Parents: testez la réouverture des portes arrière depuis l’extérieur véhicule coupé, pour identifier les limites de votre modèle.

Et maintenant ?

Le dossier californien ne préjuge pas du jugement final. Mais il révèle une faiblesse évitable: des issues de secours trop peu accessibles. Entre enquêtes des régulateurs et promesses d’évolution de design, l’industrie a l’occasion de corriger le tir rapidement. En attendant, mieux vaut connaître — et savoir montrer — par où sortir.

Assurance auto 2026 et parc vieillissant: le «double ciseau» qui peut freiner l’électrique

En bref:

  • En 2026 les primes repartent à la hausse (auto +4–6%, MRH +7–8%) et les sinistres/complexité (batteries, ADAS) maintiennent un surcoût d’assurance pour les VE ≈+15%, tandis qu’un parc vieillissant pousse les ménages à différer le neuf et à réduire les garanties.
  • Risque de frein à l’adoption électrique («double ciseau»), mais des leviers existent : leasing social, offres assureurs ciblées, réparabilité et montée en compétences des ateliers pour contenir les coûts.

La facture d’assurance auto repart à la hausse en 2026, alors que le parc automobile français vieillit. Pour les ménages, l’étau se resserre: des primes plus chères, des véhicules conservés plus longtemps, et un un coût de réparation qui demeure supérieur pour les électriques pour les électriques. Un cocktail qui peut ralentir l’adoption du VE, malgré des coûts d’usage toujours plus compétitifs.

Décryptage chiffré, impacts possibles sur la transition, et leviers concrets pour ne pas subir la hausse.

Ce que l’on sait des hausses 2026

  • Assurance auto: +4 à +6% selon Facts & Figures, +5 à +5,5% selon Addactis.
  • Montant moyen estimé: 563 € HT/an en auto (Addactis).
  • Habitation (MRH): +7,5 à +8% (Addactis), largement au‑dessus de l’inflation (0,9% en août, Insee).
  • Causes principales: multiplication des sinistres climatiques (grêle, inondations, orages), hausse des coûts de réparation, sophistication croissante des véhicules (ADAS, batteries, électronique de puissance).

📌 À retenir

  • La hausse 2026 est un cran en dessous de 2025, mais reste significative et structurelle (climat + coût des réparations).
  • Les assureurs développent des offres «low cost» avec garanties réduites et franchises plus élevées: attention aux angles morts de couverture.

Pourquoi les primes VE restent plus élevées que les thermiques

Les données de sinistres confirment un différentiel de coût de réparation pour les électriques:

  • France 2024: +14 à +15% en moyenne vs thermique à gravité d’accident équivalente.
  • Europe: +15 à +25% selon marchés et modèles.

Les postes qui renchérissent la remise en état:

  • Batterie et sécurité haute tension: procédures de mise en sécurité, contrôles, dépose éventuelle; risque d’«épave économique» en cas d’atteinte.
  • ADAS et électronique: recalibrations (caméras, radars, lidars), logiciels, outillage spécifique.
  • Matériaux/structures: aluminium, composites, gigacasting → méthodes et certifications spécifiques.
  • Protocoles HV: temps opératoires additionnels et personnels formés.

Chiffres récents côté assurance:

  • Au 02/10/2025, Selectra mesure un surcoût d’assurance pour un VE vs essence de +12,7% (tiers) à +22,1% (tous risques). Exemple tous risques: 55,76 €/mois (essence) vs 67,69 € (électrique).

✅ Bonne nouvelle malgré tout: la «gravité moyenne» des sinistres VE baisse lentement avec la montée en compétence des ateliers et l’amélioration de l’accès aux pièces. L’écart persiste, mais se stabilise autour de ~15%.

Parc vieillissant: quelles conséquences assurantielles?

Le maintien en circulation de voitures plus anciennes traduit la tension budgétaire des ménages. Effets possibles:

  • Plus de «tiers simple» et franchises relevées pour contenir la prime, au risque d’un reste à charge important en cas d’accident.
  • Sur les thermiques âgés, la valeur vénale basse accélère le basculement en épave économique; sur les VE, un choc touchant batterie/structures peut aussi faire grimper la facture.
  • Allongement des délais et inflation des pièces entretiennent la hausse générale de la sinistralité indemnisée.

En clair, l’âge du parc et la complexité technique co‑alimentent la hausse des coûts… que la prime répercute mécaniquement.

L’effet «double ciseau» sur l’électrique

  • Lame 1: primes en hausse (conjoncture 2026) + surcoût structurel VE à l’indemnisation.
  • Lame 2: budgets contraints → ménages repoussent l’achat neuf, gardent leur thermique plus longtemps, basculent vers garanties minimales.

Risque: retarder l’adoption du VE chez les foyers les plus sensibles au coût total de possession… alors même que l’électrique reste gagnante à l’usage:

  • Selectra calcule un coût énergie ≈ 3,29 €/100 km en VE (mix 83% domicile, 17% rapide) vs ≈ 10,20 €/100 km en essence.
  • Plus on roule, plus l’avantage VE se creuse, assurance incluse.

🔎 Leasing social: un contre‑poids utile

  • De retour depuis le 30/09/2025 pour les ménages modestes (<200 €/mois sans apport, sous conditions). Volume limité, non cumulable avec le bonus écologique 2025, mais effet d’accessibilité réel pour entrer dans l’électrique malgré l’assurance plus chère.

Trois scénarios crédibles pour 2026

  1. Ralentissement de l’adoption VE «budget serré»
  • Hausse de prime + parc vieillissant + franchises relevées → arbitrages défavorables aux VE chez les ménages contraints.
  1. Stabilisation grâce aux contre‑feux
  • Leasing social, offres assureurs mieux ciblées VE (garanties batterie, ADAS mutualisés), montée en compétence ateliers → écart de prime contenu.
  1. Accélération de la réparabilité
  • Procédures batterie modulaires, pièces de réemploi/remanufacturées, centres de calibration partagés → baisse progressive du coût de sinistre VE à partir de 2026/2027.

Comment payer moins cher son assurance VE en 2026 (sans se découvrir)

  • Comparer systématiquement, à garanties équivalentes (écarts jusqu’à ~470 €/an en tous risques observés sur certains profils).
  • Ajuster intelligemment la franchise: la relever modérément peut baisser nettement la prime; éviter les franchises «pièges» sur bris de glace/ADAS.
  • Exiger une garantie batterie claire (dommages, vol, incendie) et la couverture des équipements de recharge (câbles, borne).
  • Vérifier l’assistance 0 km (panne d’énergie incluse) et le remorquage vers réparateur certifié haute tension.
  • Choisir un assureur qui privilégie pièces de réemploi/échange standard et réseaux agréés formés HV/ADAS.
  • Déclarer la borne à l’assurance habitation (couverture incendie/surtension).
  • Téléma­tique/usage-based: si vous roulez peu et propre, les offres au kilomètre peuvent être gagnantes.
  • Sécuriser son VE: stationnement, antivols, mises à jour logicielles → réduction du risque et parfois de la prime.
  • Côté véhicule, privilégier des modèles au design «réparable» (pack batterie modulaire, pièces de carrosserie dissociées des capteurs).
  • Conduite préventive: ménager pneus et trains roulants (poids/couple) réduit la fréquence sinistre.

💡 Conseil d’expert
Demandez le détail du «panier ADAS» dans votre contrat: un pare‑brise ou un bouclier avec capteurs peut embarquer recalibrations et immobilisation. Une option spécifique bien négociée coûte souvent moins cher que des actes hors garantie.

Les leviers collectifs pour ne pas casser la trajectoire VE

  • Constructeurs: packs batterie modulaires et réparables, documentation de réparation validée, pièces disponibles hors réseau captif.
  • Filière réparation: montée en compétences HV/ADAS, mutualisation des bancs de calibration, filières de pièces remanufacturées.
  • Assureurs: incitations aux réparations certifiées, barèmes distincts pour calibrations, prise en charge du véhicule de remplacement pour limiter la casse sociale.
  • Pouvoirs publics: soutien à la formation carrossiers-électriciens, facilitation de l’accès aux pièces, cadrage du réemploi, amplification des dispositifs ciblés (CEE, leasing social) pour mitiger la hausse des primes sur les publics modestes.


Au moment où les primes 2026 repartent à la hausse, la bataille se jouera dans le détail: garanties bien calibrées, réparabilité pensée en amont et outils publics finement ciblés. Sans cela, le «double ciseau» assurantiel et du parc vieillissant risque de couper l’élan de l’électrique là où elle est la plus utile: chez ceux qui comptent chaque euro.

TT à 5 000 €: l’électrique mexicaine qui bouscule l’Europe

En bref:

  • La TT est une micro‑voiture électrique mexicaine annoncée à ~100 000 pesos (~5 000 €) pour ~50 km d’autonomie, rendue possible par une batterie minuscule, 80 % de pièces locales et une industrialisation frugale (lancement 12/2025, 20 unités/semaine).
  • Impossible en l’état en Europe pour une voiture M1 (normes de sécurité/homologation, coûts batteries/main‑d’œuvre) — l’équivalent réaliste serait un quadricycle L7e très dépouillé (≈ 7–12 k€) ou des politiques ciblées pour faire baisser les prix.

Le Mexique présentera en décembre une petite voiture électrique à… environ 5 000 €. La “Totalmente Tlaxcalteca” (TT), dévoilée au Forum Automobile de Tlaxcala 2025, promet une mobilité urbaine basique, locale et ultra-abordable. Derrière le coup d’éclat, une question qui pique: pourquoi un tel prix paraît impossible en Europe, alors que Renault 5 E-Tech et Volkswagen ID.2 visent toujours le plancher des 25 000 €?

Ce que l’on sait, et ce que l’on ne sait pas encore

  • Prix annoncé: 100 000 pesos (≈ 5 000–5 450 € selon le taux de change du moment)
  • Lancement: décembre 2025 (production initiale: 20 unités/semaine)
  • Fabrication: 80 % de composants produits au Mexique (État de Tlaxcala)
  • Positionnement: “dernière/avant-dernière mile” en ville, pas de concurrence frontale avec les grandes marques
  • Capacité: 5 places annoncées
  • Autonomie: env. 50 km par charge
  • Projet: privé (porté par un entrepreneur local), avec accompagnement institutionnel
  • Ambition: alternative économique aux motos et micro-voitures thermiques dans les agglomérations denses

Points en attente/zone grise:

  • Protocoles de sécurité et crash-tests: pas de détails publics à ce stade; les autorités locales évoquent des essais “pas à pas”
  • Homologation nationale et export: inconnue; la TT vise clairement un usage urbain local
  • Distribution, garantie, après-vente: non détaillés

📌 À retenir

  • La TT n’est pas une “rivale” de la Renault 5 ni de la future VW ID.2: c’est un engin urbain à très faible autonomie, pensé pour des trajets courts et un pouvoir d’achat limité.

Comment arrive-t-on à 5 000 €?

Un tel prix ne tombe pas du ciel. Il résulte d’un cumul de leviers industriels, techniques et réglementaires spécifiques au contexte mexicain.

  1. Une batterie minuscule
  • 50 km d’autonomie urbaine suggèrent un pack de l’ordre de 4 à 6 kWh. À prix cellule actuel, cela pèse quelques centaines d’euros, loin des 4 000–6 000 € d’un pack “européen” de 40–50 kWh.
  1. Un véhicule volontairement simple
  • Puissance modeste, vitesse urbaine, équipement réduit, peu d’électronique embarquée, pas d’ADAS sophistiqués: autant d’économies en matériel et en validation.
  1. Intégration locale de la chaîne d’approvisionnement
  • 80 % de pièces locales: moins de logistique longue distance, plus de flexibilité. Tlaxcala dispose d’un écosystème de sous-traitants auto, mobilisé pour ce projet.
  1. Une industrialisation “frugale”
  • Démarrage à faible cadence (≈ 1 000 unités/an) avec des moyens limités. CAPEX contenu, assemblage potentiellement plus manuel: coûts fixes bas, mais marges probablement serrées.
  1. L’environnement politique et concurrentiel
  • Soutien institutionnel non financier (mise en relation, réseaux de fournisseurs).
  • Contexte mexicain: discussions sur des droits de douane élevés (jusqu’à 50 %) sur les voitures/motos chinoises, ce qui protège temporairement des offres importées extrêmement agressives.

🎯 Chiffres clés

  • 100 000 pesos ≈ 5 000–5 450 €
  • 80 % de contenu local
  • 50 km d’autonomie annoncée
  • 20 véhicules/semaine au lancement

Pourquoi l’Europe ne peut pas (encore) suivre sur ce terrain

La “barrière du low-cost” en Europe est d’abord réglementaire et sociétale, avant d’être industrielle.

  1. Le mur réglementaire (et pour de bonnes raisons)
  • Homologation M1 “véritable voiture”: crash-tests complets, structure absorbante, airbags, ESC/ABS, eCall, protection piétons, etc.
  • Nouvelles obligations GSR2 (AEB, ISA, assistance intelligente, enregistreur de données…), cybersécurité (R155), mises à jour logicielles (R156), conformité batterie (R100/R10) et “battery passport” européen: tout cela ajoute des milliers d’euros et des mois d’essais/validation.
  1. Le mur industriel
  • Batterie et énergie: coûts de l’énergie plus élevés en Europe, gigafactories encore en montée en cadence, coût pack supérieur à l’Asie.
  • Main d’œuvre, garantie, réseau: standards de service et d’assurance qualité élevés, distribution structurée, protections juridiques clients: des coûts réels que le client européen attend… et paie.
  1. Le mur des attentes des usagers
  • En Europe, même “entrée de gamme” rime avec 4/5 places exploitables, 250–350 km WLTP, clim, connectivité, charge AC rapide, sécurité active: on est à des années-lumière d’un engin à 50 km d’autonomie.

📌 Comparatif express

CritèreTT (Mexique)Renault 5 E-Tech / VW ID.2 (Europe)
Prix cible≈ 5 000 €“< 25 000 €” annoncé
Autonomie≈ 50 km (urbain)300 km WLTP et +
Équipements sécuritéBasique (détails non publics)Équipements GSR2 complets
UsageTrajets urbains courts, “dernière mile”Voiture polyvalente, y compris voies rapides
HomologationLocale (à préciser)M1 UE, exigences élevées

Note: la Dacia Spring (fabriquée en Chine) illustre ce plancher européen actuel: ≈ 19 000–22 000 € hors bonus pour une petite citadine autour de 230–250 km WLTP. Côté “ultra-urbain”, l’équivalent le plus proche en Europe reste la catégorie L6e/L7e (type Citroën Ami): prix bas, mais prestations et sécurité limités, et pas une “voiture” M1.

TT, Olinia et la stratégie mexicaine: un laboratoire du “juste assez”

Le TT s’inscrit dans une dynamique locale qui mise sur la mobilité “suffisante”:

  • Olinia (projet fédéral à Puebla): mini-VE urbains entre 90 000 et 150 000 pesos, production distribuée, partenariats académiques (IPN, TecNM). Objectif: répondre à des besoins quotidiens concrets, à bas coût, avec des composants locaux.
  • Positionnement assumé: ne pas “battre Tesla”, mais offrir une alternative crédible à la moto ou à la micro-voiture essence dans la trame urbaine mexicaine.

💡 Conseil d’expert

  • Le “low-cost utile” n’est pas le “low-cost européen”: la TT démontre que l’abordabilité extrême suppose d’accepter une autonomie très faible, un périmètre d’usage restreint et des standards de sécurité beaucoup plus limités.

Ce que ce cas révèle des impasses (et des options) en Europe

Obstacles:

  • Réglementation: difficilement compressible sans renoncer à des avancées de sécurité routière majeures (Vision Zero).
  • Industrialisation: même avec des plateformes simplifiées, l’addition homologation + tests + fournisseurs UE + garanties ne descendra pas vers 5 000 € pour une M1.
  • Acceptabilité sociale et politique: difficile d’assumer publiquement un “retour en arrière” sur la sécurité ou de promouvoir des véhicules incapables de sortir d’un périmètre urbain.

Pistes crédibles:

  • Accélérer la catégorie L7e “électrique de proximité” (quadricycles lourds) pour des usages ciblés urbains et intermodaux, avec un cadre clair de sécurité minimale et d’infrastructures dédiées.
  • Mutualiser plateformes et composants entre constructeurs sur l’entrée de gamme, et cibler un vrai palier “sous 20 000 € TTC” (le programme Twingo électrique annoncé pour 2026 et les futurs “ID.1/ID.2” montrent la direction).
  • Achats groupés publics (collectivités, opérateurs de services) pour créer des volumes initiaux sur des micro-VE normalisés et tirer les coûts vers le bas.
  • Politique batterie: sécuriser des kWh LFP “européens” à bas coût pour les petites citadines, et simplifier la validation quand c’est techniquement justifié.
  • Maintenir des bonus ciblés sur les petites batteries, plutôt que des aides uniformes qui favorisent les gros packs.

📢 Bon à savoir

  • Le TT n’existerait pas à ce prix en Europe en catégorie M1. En revanche, un équivalent “quadricycle” L7e électrique, très dépouillé, est réaliste entre 7 000 et 12 000 € TTC… pour des usages et des performances très proches.

Les angles morts et les risques du modèle TT

  • Sécurité: en l’absence de données d’essai, il faut rester prudent. Même en ville, la collision avec des véhicules lourds (SUV, utilitaires) met à l’épreuve les structures légères.
  • Viabilité économique: à 20 véhicules/semaine, la structure de coûts dépend d’une extrême frugalité et de marges minimes. La montée en cadence sera déterminante.
  • Service et garantie: le coût total de possession (durabilité batterie, pièces, réseau d’entretien) reste une inconnue clé pour le client final.
  • Socle réglementaire: si le cadre mexicain se durcit (sécurité, environnement), le prix pourrait remonter.

En filigrane: une leçon de segmentation

La TT ne “bat” pas la R5 ou l’ID.2: elle joue une autre partition. Elle rappelle plutôt ceci:

  • L’électrique n’est pas un bloc monolithique. Entre la citadine polyvalente européenne et l’ultra-urbaine mexicaine, il existe des marchés, des contraintes et des attentes radicalement différentes.
  • Vouloir le “vrai low-cost” en Europe suppose d’assumer des véhicules de catégorie différente (L7e) et de mieux articuler leur place dans l’écosystème (vitesse, voies d’accès, assurance, stationnement, recharge).

Au fond, la TT pose une question simple: préférons-nous des voitures électriques “pour tout faire” à 25 000 €… ou des engins très ciblés à 5 000–10 000 € pour 80 % des trajets urbains? La réponse est politique autant qu’industrielle, et elle dessinera la mobilité d’entrée de gamme de la décennie.

Californie: fin du “passe-droit” HOV pour les électriques — le signal que l’Europe doit entendre

En bref:

  • La Californie supprime l’accès solo des véhicules électriques aux voies HOV (fin du programme CAV dès le 1er oct. 2025), ce qui fluidifiera les voies réservées, augmentera la pression sur les voies générales et risque de freiner légèrement l’achat de VE chez les navetteurs.
  • Le signal pour l’Europe : privilégier l’occupation plutôt que la motorisation, rendre les avantages temporels conditionnels et réversibles, et coupler voies réservées et mesures ciblées (tarification dynamique, incitations vérifiées, plateformes de covoiturage).

L’un des symboles de l’essor des voitures électriques aux États‑Unis vit ses dernières heures. À partir du 1er octobre, la Californie met fin à l’accès des véhicules à faibles émissions aux voies réservées au covoiturage (HOV) lorsqu’ils roulent seuls. Un détail de signalisation? Pas vraiment. C’est un marqueur de maturité du marché, avec des effets tangibles sur le trafic, l’attractivité des VE et, surtout, un avertissement utile pour les métropoles européennes qui déploient leurs propres voies réservées.

Ce qui change en Californie

  • Fin du programme Clean Air Vehicle (CAV) le 1er octobre 2025, faute de réautorisation fédérale.
  • Environ 500 000 conducteurs dotés d’un autocollant actif perdent l’accès solo aux HOV; plus d’un million de vignettes ont été délivrées depuis 2000.
  • Période de tolérance de 60 jours: avertissements jusqu’au 1er décembre; ensuite, amende à partir de 490 dollars.
  • Fin des remises sur certains péages et voies express pour les véhicules portant l’autocollant.
  • 13 États au total seront concernés par la fin du dispositif fédéral.

📌 À retenir

  • Le programme avait été prolongé jusqu’en 2027 côté californien, mais sans base fédérale il s’éteint.
  • L’objectif initial — accélérer l’adoption des VE — se heurte désormais à leur massification: plus d’un véhicule sur quatre vendu en Californie était zéro émission en 2024/2025.

Un tournant révélateur d’un marché devenu adulte

La “fast lane” gratuite a longtemps été un puissant levier d’adoption: des travaux académiques ont montré que l’accès HOV a pesé lourdement dans les achats de PHEV/BEV en Californie au début des années 2010, précisément parce qu’il apporte un gain de temps quotidien, donc un bénéfice perçu immédiat. Mais à mesure que le parc électrique a explosé, le paradoxe est apparu: la voie conçue pour regrouper des passagers s’est remplie de conducteurs seuls… en VE.

Ce retrait acte trois réalités:

  1. L’incitation a atteint sa limite d’efficacité: la rareté (et donc le gain de temps) a disparu quand trop de véhicules y accèdent.
  2. Le maintien d’un privilège “solo” pour une motorisation brouille la finalité des HOV: réduire le nombre de véhicules, pas seulement leurs émissions.
  3. La politique d’incitations doit évoluer avec la maturité du marché: de l’amorçage (perks visibles) vers des mécanismes plus fins et ciblés.

Trafic: à quoi s’attendre à court terme?

  • HOV plus fluides: le retour aux critères d’occupation (2+ ou 3+ selon les tronçons) devrait restaurer la vitesse commerciale des voies réservées.
  • Lignes générales plus denses: l’intégration de centaines de milliers de solos-VE dans le flux ordinaire ajoutera de la pression aux heures de pointe, surtout dans la Bay Area, LA et Silicon Valley.
  • Effet carpool: une part des ex-bénéficiaires cherchera à conserver l’accès via le covoiturage réel. Dans les corridors où l’offre (aires de rabattement, applis, “casual carpool”) est mature, le report peut être significatif.

ℹ️ Bon à savoir
Le CHP appliquera une période pédagogique de 60 jours. Les tags de type FasTrak CAV basculent en mode standard: plus de rabais de péage sans respecter l’occupation.

Adoption des VE: risque de coup de froid?

L’accès HOV a historiquement compté parmi les incitations non financières les plus efficaces, précisément parce qu’il transforme un achat vert en gain quotidien. Sa suppression n’effondrera pas le marché — dont les ressorts sont aujourd’hui plus divers (autonomie, réseau de recharge, TCO, offres d’occasions) —, mais elle enlève un argument décisif pour une frange d’acheteurs pendulaires.

Ce risque est d’autant plus sensible que:

  • certains crédits ou rabais évoluent ailleurs dans l’écosystème;
  • le marché de l’occasion se structure, où un “perks gap” se ressent plus fortement;
  • l’infrastructure de recharge reste inégale selon les bassins d’emploi.

Dans ce contexte, on peut s’attendre à un léger tassement de la demande “utilitaire” (navetteurs) si aucune incitation de substitution n’émerge (ex. réductions ciblées de péage conditionnées à l’occupation, stationnement préférentiel covoituré + VE, etc.).

Le précédent norvégien: quand les privilèges saturent

La Norvège a, elle aussi, offert l’accès aux voies de bus aux VE… avant de restreindre localement lorsque la part de VE a commencé à dégrader la vitesse des bus, parfois en conditionnant l’accès au nombre d’occupants ou à des créneaux horaires. Le message est clair: quand la transition réussit, l’incitation “voie dédiée” doit être recalibrée pour préserver la performance du réseau et l’équité d’usage.

L’Europe est prévenue: calibrer sans sur-promettre

En France et en Europe, les voies réservées (VR2+, losange) se déploient progressivement sur des axes congestionnés (Grenoble A48, entrées de Lyon sur A6/A7, Rennes, Strasbourg, Île‑de‑France, etc.). Le cadre de la LOM permet de réserver des voies aux covoitureurs, transports collectifs, taxis, et potentiellement aux véhicules à très faibles émissions — mais la pratique, à juste titre, privilégie l’occupation plutôt que la motorisation.

Le cas californien suggère trois règles d’or:

  • Priorité à l’occupation, pas à la motorisation: l’objectif d’une HOV est de transporter plus de personnes par véhicule.
  • Dynamique avant tout: activation aux heures de pointe, seuils d’occupation ajustés par corridor, supervision par “radars de covoiturage”.
  • Équité et lisibilité: pas de privilège solo durable pour une technologie, au risque d’une révolte des usagers et d’une performance en chute.

💡 Conseil d’expert

  • Évitez la promesse d’un accès “VE solo” aux VR2+. Si incitation il y a, qu’elle soit conditionnée au covoiturage (VE + 2/3 personnes) ou à des fenêtres horaires très limitées, et réversible.
  • Couplez VR2+ et tarification intelligente: bonus de péage pour véhicules réellement covoiturés (capteurs/OD pass), indépendamment de la motorisation.
  • Soutenez l’offre: aires de covoiturage bien placées, voies d’entrecroisement dédiées, applications temps réel et intégration MaaS pour créer un “covoiturage de transit” crédible.

Quelles alternatives d’incitation quand le marché mûrit?

  • Incitations financières mieux ciblées: bonus à l’achat modulé par revenus, soutien aux flottes et à l’utilitaire léger, aides à l’occasion et au retrofit.
  • Coûts d’usage optimisés: tarifs nocturnes attractifs, abonnements workplace charging, facilités de stationnement résidentiel pour VE partagés.
  • Avantages “temps” conditionnels: réduction de péage pour covoiturage vérifié, voies express à tarification dynamique, mais sans passe‑droit de motorisation.
  • Politiques de demande: zones à faibles émissions cohérentes, management du stationnement en centre, information voyageur intégrée avec l’offre ferroviaire/RER métropolitain.

✅ À surveiller en Europe

  • Déploiement des radars de covoiturage (Rennes, Strasbourg, Paris) et leur acceptabilité.
  • Les seuils d’occupation adoptés sur les grands corridors (2+ vs 3+ en très forte charge).
  • La tentation d’“acheter” de l’adoption VE via un accès solo: le cas californien montre que le retour en arrière est coûteux politiquement et techniquement.

En refermant le chapitre HOV pour les VE solos, la Californie rappelle une évidence parfois oubliée: une incitation qui marche finit par devoir s’effacer. Aux métropoles européennes d’anticiper cet “après”, en gardant le cap sur l’efficacité des voies réservées — le covoiturage réel — tout en réinventant des incitations adaptées à un marché électrique devenu majoritaire.

Offensive de charme ou cheval de Troie ? Pourquoi le centre R&D de Xiaomi à Munich bouscule l’automobile européenne

En bref:

  • Xiaomi inaugure à Munich un centre R&D/ design auto clé pour préparer son entrée en Europe (objectif 2027) en misant sur le logiciel, l’UX et l’écosystème "Human x Car x Home".
  • Cette stratégie menace les constructeurs européens sur le terrain techno/prix/UX, mais se heurte à des garde‑fous réglementaires (batterie, cybersécurité, data) et à des défis après‑vente/valeur résiduelle.
  • Réponse attendue des Européens : accélérer le "software‑defined vehicle", simplifier les gammes et capitaliser sur la sécurité, la qualité perçue et le réseau.

Xiaomi a inauguré à Munich son premier centre de R&D et de design automobile hors de Chine. Un symbole fort, au cœur de l’écosystème BMW, mais surtout une pièce maîtresse d’une stratégie à horizon 2027: faire entrer l’automobile européenne dans l’ère “Human x Car x Home”, où la voiture n’est plus un objet isolé mais un nœud d’un écosystème logiciel.

Au-delà du vernis marketing, cette implantation est un mouvement offensif, calculé et potentiellement déstabilisant pour les constructeurs traditionnels. Décryptage, enjeux et lignes de faille.

Pourquoi Munich, et pourquoi maintenant

  • Un hub d’ingénierie unique en Europe: fournisseurs, laboratoires, compétences châssis/logiciel, essais et homologation. Nio, Xpeng et Li Auto y ont déjà des équipes; Xiaomi s’inscrit dans cette concentration de talents.
  • Un signal aux clients et aux régulateurs européens: adapter en amont produits et process aux standards UE (sécurité, qualité, cybersécurité, mises à jour OTA).
  • Une rampe de lancement 2027: Xiaomi a confirmé son ambition de commercialiser ses EV en Europe à partir de 2027. Le centre munichois prépare les produits, les usages et le go-to-market.

📌 À ce stade, l’entité démarre autour d’une cinquantaine de collaborateurs, avec recrutements en cours (ingénierie, design, fonctions marché). Plusieurs profils-clés issus de BMW ont rejoint l’équipe, dont des responsables design. Des sources de place citent également une direction locale confiée à un ex-cadre de BMW Motorrad.

Ce que Xiaomi vient vraiment chercher: déplacement de la bataille vers le logiciel

Xiaomi transpose dans l’auto la recette qui a fait son succès dans l’électronique grand public:

  • Intégration écosystémique “Human x Car x Home”: continuité smartphone/maison connectée/voiture, services et mises à jour rapides, expérience utilisateur homogène.
  • R&D focalisée sur l’intelligence embarquée: conduite assistée/automatisée, dynamique véhicule, plateformes électriques de nouvelle génération, UX et services connectés.
  • Itération produit accélérée: cycles courts hérités du monde tech, avec des releases logicielles fréquentes et des roadmaps publiques.

Bon à savoir

  • Xiaomi a rejoint l’“Industriepool” du Nürburgring et est partenaire de la piste. La SU7 Ultra y a signé un “temps de référence” médiatisé. Comme toujours sur la Nordschleife, la définition exacte d’un “record” dépend des catégories et conditions: prudence sur les comparaisons brutes.

La pression sur les constructeurs européens: trois fronts à défendre

  1. Logiciel et expérience
  • Force de Xiaomi: OS maison, interface fluide, services intégrés, time-to-market. L’auto devient terminal connecté.
  • Risque pour les européens: dette technique, hétérogénéité des stacks, promesses ADAS/OTA parfois décalées. Le marché ne pardonne plus les UX datées.
  1. Coûts et cadence
  • En Chine, la SU7 a atteint 200 000 livraisons en 119 jours selon la marque. Effet d’échelle, maîtrise batterie/électronique et structure de coûts compétitive.
  • En Europe, tarifs et logistique renchériront l’équation. Mais une stratégie d’import au lancement, puis d’assemblage local ou de partenariats industriels, pourrait lisser l’atterrissage.
  1. Image et confiance
  • Les marques premium allemandes gardent un capital perçu unique: qualité perçue, dynamique, réseau, valeur résiduelle.
  • Xiaomi travaille son identité (recrues design, finitions), mais devra convaincre sur la sécurité des réseaux de communication véhiculaire, la protection des données et l’après-vente.

Vers une guerre des prix ? Les garde-fous européens

  • Tarifs anti-subventions, exigences d’origine et audits de chaîne de valeur batterie limitent l’arbitrage pur par le prix.
  • Batterie: le “passeport batterie” de l’UE devient obligatoire dès 2027, avec transparence CO2 et matières premières.
  • Cybersécurité: conformité UN R155/R156 (gestion cyber/OTA), homologation UE, exigences de data governance (RGPD, Data Act) et potentielles contraintes de localisation des données.
  • Marché atone: la demande EV européenne est plus heurtée qu’en 2021-2022, ce qui rend une guerre des prix à grande échelle risquée pour tous.

En clair: Xiaomi peut frapper sur le rapport techno/prix, mais devra composer avec une ceinture réglementaire serrée et un marché exigeant. La “guerre des prix” existe déjà en Chine; en Europe, elle sera plus encadrée.

Ce que révèle le centre de Munich sur la stratégie 2027

  • Produit: finaliser l’adaptation aux normes UE des SU7/YU7 et possibles variantes, affiner châssis/ADAS pour les routes européennes, travailler l’acoustique et la qualité perçue.
  • Go-to-market: indices d’un modèle “agency” (pilotage central de la distribution), avec recrutement retail/logistique/after-sales pour bâtir un réseau agile et numérique.
  • Partenariats: coopération annoncée avec universités et instituts, et ouverture à des partenaires industriels pour la smart mobility et l’IA “responsable”.

Astuce d’expert

  • Les premiers volumes pourraient viser des marchés à homologation plus fluide et infrastructures denses, avant d’élargir. Attendez-vous à une montée en puissance progressive par vagues, plutôt qu’un big bang.

Ce qui reste (volontairement) flou

  • Usine européenne: aucun site annoncé. Sans production locale, les coûts d’accès et la logistique pèseront; avec une usine, l’acceptabilité politique grimpe mais le capex aussi.
  • Gamme UE: Xiaomi ne confirme pas quels modèles arriveront en premier, ni les spécifications européennes (batterie, charge, ADAS).
  • Services et monétisation: quelles briques seront incluses, lesquelles sous abonnement, et à quels prix ? Le différenciateur logiciel dépendra beaucoup de ces arbitrages.

Les faiblesses potentielles de Xiaomi en Europe

  • Après-vente et pièces: bâtir un réseau robuste prend des années. Les délais de pièces détachées et la qualité d’intervention seront scrutés.
  • Valeur résiduelle: l’inconnue majeure pour les flottes et particuliers. Sans historique, les offres LLD/LOA devront être agressives.
  • Perception sécurité/données: indispensable de clarifier l’architecture data (stockage, anonymisation, accès) et la gouvernance IA.

Ce que doivent faire les constructeurs européens, maintenant

  • Accélérer le “software-defined vehicle” avec des stacks cohérentes, OTA fiables, OTA fiables et des interfaces irréprochables.
  • Recentrer l’offre: moins de variantes, plus de pertinence. Optimiser plateformes, réduire coûts fixe/variable, sécuriser la batterie (chimie, sourcing).
  • Capitaliser sur les atouts européens: dynamisme routier, ergonomie, sécurité active, qualité perçue. Et lier ces atouts à des services simples et lisibles.

✅ À retenir

  • Le centre R&D de Xiaomi à Munich n’est pas un simple relais marketing: c’est la clef de voûte d’une entrée en Europe par le logiciel, l’UX et l’écosystème.
  • 2027 sera un test grandeur nature: alignement réglementaire, réseau, confiance clients… et capacité de Xiaomi à conserver son avantage de cadence.
  • La menace n’est pas seulement le prix: c’est la redéfinition du “produit automobile” en service numérique sur roues. Les marques européennes doivent répondre sur ce terrain.

En une phrase, l’implantation munichoise de Xiaomi acte le déplacement de la bataille automobile européenne vers le logiciel et l’écosystème: l’offensive de charme pourrait bien être, pour les acteurs établis, un cheval de Troie redoutablement efficace.

Bosch supprime 13 000 postes : signal d’alarme pour la filière électrique française

En bref:

  • Bosch supprime 13 000 postes d’ici 2030 (objectif 2,5 Md€ d’économies) : signal d’alerte sur les surcapacités, la pression prix chinoise et le ralentissement de la bascule vers le BEV en Europe.
  • Risque de contagion pour la filière française (Valeo, Forvia, OPmobility et PME fournisseurs), particulièrement les rangs 2/3 exposés aux réallocations et à la guerre des prix.
  • Préconisations clés : basculer vers l’électronique/logiciels BEV, sécuriser contrats/plafonds matières, montée en intégration et compétences, et appui public (énergie, visibilité réglementaire, achats stratégiques).

La décision de Bosch de supprimer 13 000 emplois d’ici 2030, principalement en Allemagne, sonne comme un coup de tonnerre dans la supply chain automobile européenne. Au-delà du choc social, c’est un révélateur des tensions structurelles de la transition vers l’électrique sur le Vieux Continent. La question se pose désormais sans détour : la filière française (Valeo, Forvia, OPmobility, et tout l’écosystème de sous-traitants) peut-elle éviter l’effet domino ?

Ce que dit l’annonce de Bosch — et ce qu’elle signifie

  • 13 000 postes supprimés d’ici 2030, près de 10 % des effectifs en Allemagne et environ 3 % du total mondial.
  • Objectif financier explicite : combler un écart de coûts de 2,5 milliards d’euros par an dans la division Mobility.
  • Sites allemands particulièrement visés, avec des exemples déjà cités comme Reutlingen (jusqu’à 1 100 postes en moins d’ici 2029) et une fermeture prévue à Waiblingen.
  • Contexte assumé par la direction : production mondiale « atone », surcapacités, concurrence asiatique agressive, retards européens en électromobilité et conduite automatisée, et incertitudes réglementaires autour de 2035.

À retenir, surtout, le message sous-jacent : la marche pour être compétitif dans les technologies de la voiture électrique et logicielle s’est encore élevée en Europe. Et la la pression sur les prix, tirée par la Chine, dicte le tempo.

Trois chocs simultanés qui bousculent l’Europe

  • Demande moins dynamique que prévu en Europe
    Adoption électrique plus lente, infrastructures encore inégales, arbitrages budgétaires des ménages défavorables aux véhicules chers. Les plans produits et les capacités installées se heurtent à une demande qui n’est pas (encore) au rendez-vous.
  • Concurrence par les coûts et par le rythme industriel
    Les acteurs chinois produisent vite, bien et à moindre coût, avec une intégration verticale poussée (batterie, électronique de puissance, software). Ils imposent une pression accrue sur les prix des composants.
  • Incertitudes réglementaires
    L’horizon 2035 reste politiquement sensible, créant un « entre-deux » défavorable : l’ICE recule sans disparaître, le BEV n’absorbe pas assez vite, et les lignes de coûts restent trop lourdes pour deux mondes à la fois.

Le risque de contagion en France

La France est imbriquée dans la chaîne de valeur allemande et européenne. La La contraction de volumes chez les constructeurs d’outre-Rhin (Volkswagen annonce 35 000 suppressions en Allemagne, Daimler Truck 5 000) finit toujours par remonter vers les fournisseurs transfrontaliers.

  • Valeo
    Exposée à l’électrification (e-moteurs, power electronics, gestion thermique, ADAS) mais toujours liée à des volumes ICE résiduels et à une forte pression sur les prix. Sa force en électronique/logiciel est un atout… à condition de préserver les marges face à la guerre des prix.
  • Forvia (Faurecia + Hella)
    Mix produit contrasté : sièges/intérieurs sous pression de coûts, « clean mobility » encore dépendante de l’ICE (exhaust), montée en puissance de l’électronique/éclairage avec Hella. Le désendettement reste clé dans un contexte de volumes erratiques et de renégociations tarifaires serrées.
  • OPmobility (ex-Plastic Omnium)
    Modules/carrosserie exposés aux cycles, pari sur l’hydrogène et l’éclairage, mais cadence BEV lente et investissements lourds à amortir.
  • La sous-traitance de rangs 2 et 3
    C’est le maillon le plus vulnérable : délais de paiement qui s’allongent, re-sourcing à bas coûts, exigences de productivité incessantes. Les régions françaises industrielles (Hauts-de-France, Grand Est, Bourgogne-Franche-Comté, Auvergne-Rhône-Alpes) seront en première ligne.

Chiffres clés — pour situer l’onde de choc

  • 13 000 suppressions de postes chez Bosch d’ici 2030, après 9 000 déjà annoncées depuis 2024 (environ la moitié réalisées).
  • 2,5 milliards d’euros d’économies annuelles visées dans la division Mobility.
  • Croissance attendue « < 2 % » en 2025 pour Mobility, bien en deçà des plans initiaux.
  • En toile de fond : Continental, ZF, Schaeffler ont aussi engagé des coupes ; Ford, VW et Daimler Truck réduisent la voilure en Allemagne.

Pourquoi c’est un avertissement pour l’électrique en France

  • Le « trou d’air » de volumes. La bascule BEV ne compense pas encore les reculs du thermique. Les chaînes BEV tournent trop souvent en sous-charge, d’où l’obsession des coûts.
  • Le contenu local sous tension. Les batteries et l’électronique de puissance pèsent le plus dans la valeur d’un BEV. Tant que ces briques ne sont pas massivement européennes, la valeur créée localement reste inférieure aux attentes.
  • Le pricing power s’effrite. Avec une offre chinoise agressive, les constructeurs exigent des baisses continues auprès de leurs fournisseurs. Le risque de « délocalisation par les prix » réapparaît, y compris sur des pièces à plus forte valeur ajoutée.

Ce que peuvent faire les acteurs français — leviers concrets

  • Re-mix produit au pas de charge
    Accélérer le basculement vers les lignes à forte valeur sur BEV (power electronics, software embarqué, thermal management intelligent, ADAS), et sortir plus vite des lignes ICE résiduelles où la demande s’érode et les prix s’effondrent.
  • Verrouiller des contrats pluriannuels avec clauses de matières/énergie
    Indexation transparente pour éviter l’érosion des marges dans un contexte de volatilité.
  • Monter en intégration sélective
    Internaliser des sous-ensembles critiques (cartes de puissance, contrôle-commande, mécatronique) quand cela sécurise la marge et la propriété intellectuelle.
  • Nouveaux débouchés « adjacents »
    Stockage stationnaire, seconde vie et recyclage batteries, rétrofit pro/petites séries, modules de charge, thermal management pour data centers — des marchés moins sensibles aux cycles auto.
  • Alliances et consolidation ciblées
    Partage R&D, plateformes communes de composants, achats groupés de semis/batteries, co-investissements dans des lignes critiques (SiC/GaN).
  • Compétences et reconversion
    Requalifier vite (opérateurs mécanique → tests/qualif électronique, câblage HV, sécurité fonctionnelle). Sans accélération massive de la formation, le « gap » de compétences restera le premier goulet d’étranglement.

Le rôle des politiques publiques — où appuyer

  • Accélérer la compétitivité-coût des sites européens
    Énergie à prix stable pour l’industrie, amortissements accélérés, prêts longs dédiés aux relocalisations de briques critiques (électronique de puissance, BMS, chimie d’électrodes).
  • Visibilité réglementaire
    Stopper le « stop & go ». Une trajectoire claire sur 2030-2035 (normes, critères d’empreinte carbone des véhicules et des batteries) conditionne les plans industriels.
  • Demande et accès au marché
    Dispositifs de bonus/score environnemental intelligents, mais lisibles et durables pour soutenir l’absorption de volumes BEV européens. Politiques d’achats publics exemplaires (flottes État/collectivités).
  • « Buy Europe » stratégique et accords de réciprocité
    Sans fermer le marché, exiger des conditions équitables sur les subventions, l’accès aux marchés publics et la transparence des chaînes de valeur.

Scénarios 12–24 mois pour la filière française

  • Scénario central
    BEV en progression modérée, pression prix persistante. Les grands fournisseurs accélèrent les redéploiements internes et sauvent les marges par la productivité. Sous-traitance de rang 2/3 en risque élevé, concentration accrue.
  • Scénario bas
    Demande BEV européenne déçoit, guerre des prix s’intensifie. Nouvelles coupes d’effectifs chez plusieurs équipementiers, rationalisation d’empreintes industrielles en France et en Allemagne.
  • Scénario haut
    Stabilisation macro en Europe, montée en cadence des gigafactories et de l’électronique de puissance locale. Reprise progressive des commandes BEV, meilleure captation de valeur en France sur les modules critiques.

Les signaux à surveiller de près

  • Calendrier et modalités définitives autour de 2035 en Europe.
  • Rythme de montée en cadence des usines batteries/electronique de puissance en France et voisins.
  • Conditions de marché: intensité de la concurrence chinoise et évolutions tarifaires commerciales.
  • Indicateurs de marge brute et de book-to-bill chez Valeo, Forvia, OPmobility.
  • Annonces d’alliances industrielles (co-développement, plateformes communes, achats semis/batteries).

En clair, Bosch ne fait pas qu’annoncer un plan social : il pointe le cœur du problème européen, celui d’une d’une transition électrique mal synchronisée entre demande, compétitivité et contenu local. La filière française a des atouts — électronique, logiciels, thermal management — mais elle doit accélérer la reconfiguration et sécuriser sa profitabilité dans un marché qui impose désormais sa loi des coûts et du tempo industriel.

Vigoz Cixi à 120 km/h en pédalant : révolution utile ou mirage séduisant ?

En bref:

  • Vigoz: tricycle caréné français (2 avant/1 arrière), 22 kWh pour ~160 km, 120 km/h visés, pédalier générateur (PERS) pour participation active, catégorie L5e (permis B/B1), 2 places en tandem.
  • Proposition séduisante (sobriété, autoroute, mobilité active) mais le pédalage apporte peu d’énergie; risques majeurs = homologation/sécurité à 120 km/h, prix/industrialisation et modèle commercial encore flous.

Le Vigoz de Cixi fait parler de lui: un tricycle électrique caréné, 120 km/h sur autoroute, et… un pédalier pour participer à la propulsion. Entre prouesse d’ingénierie et promesse de mobilité plus sobre, l’engin interroge autant qu’il intrigue. Peut-il vraiment bousculer la micro-mobilité et remplacer une petite voiture au quotidien, ou n’est-ce qu’une fausse bonne idée?

À retenir

  • Vélomobile tricycle (3 roues) conçu en France, combinant moteur électrique et pédalier électronique sans chaîne (PERS).
  • Vitesse visée 120 km/h, autonomie annoncée ~160 km (batterie 22 kWh), charge complète en ~6 h sur prise 220 V.
  • Positionnement réglementaire: tricycle à moteur (catégorie L5e), permis B1/B, immatriculation et assurance; accès aux autoroutes en principe possible pour un L5e conforme.
  • Sécurité annoncée: structure à zones de déformation, ceintures 3 points, inclinaison active, cockpit fermé (clim/chauffage), Isofix arrière.
  • Commercialisation: calendrier et tarifs non confirmés; Cixi évoque un modèle par abonnement plutôt que la vente.

C’est quoi, exactement, le Vigoz ?

Vigoz est un “véhicule actif” conçu par la start‑up savoyarde Cixi: un tricycle fermé (2 roues avant, 1 arrière) pensé comme un hybride entre vélo couché et micro‑voiture. Le conducteur est en position semi‑couchée, un second siège (ou volume de chargement) est disposé en tandem derrière, avec un long espace traversant annoncé (des skis tiennent à bord). Côté gabarit, la tête du conducteur culmine à ~130 cm, la hauteur totale serait d’environ 1,65 m: assez pour rester visible dans le trafic.

Fiche express:

  • Batterie: 22 kWh sous le plancher
  • Autonomie cible: ~160 km
  • Vitesse max: 120 km/h (prototypes déjà testés à ~100 km/h)
  • Masse: ~550 kg
  • Architecture: carénage intégral, inclinaison active des trains, freinage régénératif
  • Confort/usage: ventilation, clim/chauffage, vitres ouvrantes, tandem 2 places, Isofix

📌 Bon à savoir: à ce stade, ni prix public ni liste d’attente officiels n’ont été annoncés. C’est un signe que la phase d’industrialisation et d’homologation n’est pas totalement bouclée.

Pédaler pour aller à 120 km/h: comment ça marche (vraiment) ?

Le pédalier PERS (Pedaling Energy Recovery System) n’entraîne pas les roues: c’est un générateur (série) qui convertit l’effort humain en électricité. On pédale à son rythme; le système module l’assistance, gère l’accélération et peut même commander le ralentissement.

Ce que le pédalage apporte… et ses limites:

  • Contrôle et ressenti: doser la vitesse à la pédale est intuitif pour certains, motivant pour d’autres (on “conduit” en restant actif).
  • Un appoint énergétique modeste: un humain soutenu produit 100–200 W en continu. En 30 minutes, cela représente 0,05–0,1 kWh. Rapporté à une conso cible autour de 12–15 kWh/100 km, c’est tout au plus quelques centaines de mètres d’autonomie “gagnés”. Autrement dit, l’intérêt du pédalage est surtout comportemental (santé, implication) et fin de gestion d’énergie, pas un véritable “rechargeur” de batterie.
  • Efficacité: le carénage et l’aérodynamique feront bien plus pour l’autonomie que le pédalage lui‑même.

💡 Conseil d’expert: si vous cherchez à “recharger en pédalant”, gardez l’ordre de grandeur en tête. Même 200 W pendant 1 h, c’est 0,2 kWh — symbolique face à un pack de 22 kWh. L’intérêt principal du système est la conduite active et la sobriété induite.

Homologation et cadre légal: où se situe le Vigoz ?

  • Catégorie probable: L5e (tricycles à moteur). Cixi met en avant une conception “toutes routes”, y compris autoroutes, à la vitesse de 120 km/h.
  • Permis: B1 (dès 16 ans) ou permis B.
  • Autoroute: les tricycles L5e homologués et aptes à tenir l’allure (au‑delà de 80 km/h) peuvent y accéder. Des modèles comme les Can‑Am/MP3 y circulent déjà. Le Vigoz s’inscrirait dans cette logique.
  • Casque: pour un tricycle fermé avec ceintures, le port du casque n’est en général pas requis.
  • Pistes cyclables/bus: le Vigoz n’est pas un vélo; il relève des voies et règles des véhicules motorisés.

Important: début septembre 2025, plusieurs médias et Cixi mentionnent l’homologation “toutes routes”. Mais on ne trouve pas encore de détails publics sur la réception européenne (type, variantes, puissances, dispositifs obligatoires). Tant qu’aucun numéro de réception ni conditions précises ne sont publiés, il faut considérer que la mise en circulation reste à confirmer dans ses modalités.

Sécurité: mieux qu’un vélo, moins qu’une voiture

Cixi évoque des zones de déformation, un habitacle fermé, des ceintures 3 points et un système d’inclinaison pour la stabilité. C’est d’ores et déjà bien supérieur à un vélo ou à un vélomobile artisanal. Reste que:

  • La catégorie L n’exige pas les mêmes crash‑tests qu’une voiture M1 (airbags, intrusion latérale, compatibilité choc, etc.).
  • À 120 km/h, les contraintes de sécurité passive deviennent celles du “monde auto”. Sans normes M1 (ou équivalent), il ne faut pas attendre les niveaux de protection d’une citadine moderne.
  • L’inclinaison active et un centre de gravité bas sont des atouts dynamiques, mais s’évalueront sur route, en charge, sur chaussée dégradée et par vent latéral.

📢 Point de vigilance: un L5e aussi rapide est inédit. Les assurances, les autorités et Euro NCAP observeront de près la cohérence entre performances et niveau de protection.

Où se place le Vigoz face à Ami, Twizy, Microlino… et la future Twingo électrique ?

  • Citroën Ami (L6e, 45 km/h): très accessible, urbaine pure, pas d’autoroute. Vigoz vise un autre usage (péri‑urbain, voies rapides).
  • Renault Twizy (L7e, 80 km/h): plus dynamique, mais ouvert, rustique, et limité en vitesse. Vigoz promet confort et autoroute.
  • Microlino (L7e, ~90 km/h): proche d’une micro‑voiture “lifestyle”, chère et urbaine chic. Vigoz se veut utilitaire/actif, 2 vraies places en tandem, et 120 km/h.
  • Twingo électrique (M1 attendue vers 2026): vraie voiture, 4 places, sécurité automobile complète, services, réseau. Consommation comparable ou meilleure en ville, mais masse et empreinte matière supérieures. Vigoz jouera la carte sobriété matérielle et “mobilité active”.

Ce que Vigoz change:

  • Il ouvre le champ de la micro‑mobilité aux voies rapides et à l’autoroute, seuil symbolique et pratique pour des trajets péri‑urbains et inter‑villes.
  • Il combine confort/capotage et engagement physique, une proposition unique pour réduire la sédentarité… sans renoncer à la vitesse.

Ce qui peut coincer:

  • Le coût. Une batterie de 22 kWh, une structure carénée, l’inclinaison active, la clim: l’addition grimpe vite. Beaucoup de micro‑EV finissent au‑delà de 15–20 k€; certains dépassent 25–30 k€.
  • L’acceptabilité. Pédaler pour commander un “véhicule” peut dérouter. Et sur autoroute, il faudra convaincre du sérieux du package sécurité.
  • La polyvalence. 2 places en tandem, peu de volume latéral: pratique à deux, moins familial qu’une petite voiture.

Empreinte énergétique et usage réel

  • Consommation visée: avec 22 kWh pour 160 km, on tourne autour de 13–14 kWh/100 km, soit le niveau des meilleures citadines électriques. Un bon score sur voie rapide, excellent en péri‑urbain si l’aérodynamique tient ses promesses.
  • Sobriété matérielle: ~550 kg et 3 roues, c’est bien moins de matière qu’une M1 (~1–1,3 t). À l’échelle du cycle de vie, c’est un argument fort.
  • Climat et réseau: charge AC 2,3 kW (prise domestique) en ~6 h; facile à loger, à garer, et compatible avec un usage quotidien. L’hiver en montagne (usage historique de Cixi) sera le juge de paix: chauffage + relief = stress test.

Modèle économique et industrialisation: le grand écart à éviter

Cixi met en avant une fabrication en Haute‑Savoie (Poisy) et un modèle par abonnement. La promesse: un coût mensuel “compétitif face aux petites électriques”. Reste à connaître:

  • Le ticket d’entrée (caution, durée d’engagement, services inclus, assurance).
  • Le dimensionnement du réseau après‑vente (pièces, réparation carrosserie, calibration de l’inclinaison).
  • Le calendrier: malgré des présentations riches, on ne voit pas encore de carnets de commande publics ni de tarifs. Plusieurs acteurs de ce segment ont trébuché sur ce point.

🧭 Repère marché: Microlino a percé en assumant le côté “objet-plaisir” plus que l’outil rationnel. Le Vigoz prétend l’inverse: utilitaire, actif et “autoroutier”. Il devra tenir cette promesse dans la vraie vie (et au bon prix).

Vraie innovation ou fausse bonne idée ?

Le Vigoz coche beaucoup de cases techniques et philosophiques: moins de matière, plus d’efficience, autoroute possible, mobilité active intégrée. C’est une proposition rare, cohérente avec la transition (décarboner la tonne‑kilomètre et la sédentarité). Mais trois écueils restent devant lui: l’homologation détaillée, le prix (même en LLD) et la crédibilité sécurité à 120 km/h vis‑à‑vis d’une M1. Si Cixi apporte des preuves solides sur ces trois points, le Vigoz pourrait inventer un vrai nouveau segment. Sinon, il restera une brillante curiosité d’ingénieurs dans un marché impitoyable.


Sources consultées: communications Cixi (fiche Vigoz, technologie PERS), New Atlas, Designboom, Electrek, presse régionale et spécialisée (Mobiwisy, Auto Plus, L’Automobiliste, etc.). Informations techniques et réglementaires vérifiées au 25/09/2025 dans le cadre des catégories L en France.

Rappel pour risque d’incendie et Poissy à l’arrêt: double pression sur Stellantis et ses petites électriques

En bref:

  • Stellantis rappelle ~16 000 PHEV (2019–2022) pour risque d’emballement thermique : contact concession, ne pas recharger et prise en charge gratuite (maj BMS ou remplacement de batterie).
  • L’arrêt de 15 jours de l’usine de Poissy (≈2 000 salariés concernés) révèle un marché européen atone et fragilise la compétitivité des petites électriques du groupe ; priorité à la transparence sur la panne, à la gestion après‑vente et à une feuille de route industrielle claire.

La fin septembre tourne au test de résistance pour Stellantis. D’un côté, un rappel de 16 000 hybrides rechargeables pour risque d’incendie de batterie. De l’autre, l’usine de Poissy (Yvelines) à l’arrêt pendant trois semaines en octobre, avec 2 000 salariés en chômage partiel ou en congés. Deux secousses, techniques et industrielles, qui retombent sur un même enjeu: la compétitivité des petites électriques et hybrides européennes du groupe, déjà malmenées par un marché plus heurté et une concurrence frontale.

Sans alarmisme mais sans angélisme, décryptons ce que cela signifie pour les clients, les équipes industrielles et la trajectoire électrique de Stellantis en Europe.

Rappel batteries: ce que l’on sait, ce que cela implique

  • Modèles concernés (produits entre 2019 et 2022): Peugeot 3008 V2 et 508 V2, Citroën C5 Aircross, DS 7 Crossback, Opel Grandland X.
  • Volume en France: environ 16 000 véhicules (campagne publiée sur RappelConso le 19 septembre; communication opérée par le constructeur à partir du 22–23 septembre). À l’échelle européenne, des extensions sont possibles.
  • Le risque: défaut de batterie haute tension pouvant provoquer une surchauffe et, dans des cas extrêmes, un incendie. À ce stade, la presse ne fait pas état d’accidents graves liés à ce défaut en France.
  • Les consignes: contacter son concessionnaire, vérifier le VIN (n° de série) via RappelConso ou le site de la marque. Par prudence, ne pas recharger la batterie avant prise en charge.
  • Les remèdes possibles:
    • mise à jour du logiciel de gestion de batterie (BMS) – environ 45 minutes,
    • remplacement complet de la batterie – 6 à 7 heures selon le modèle.
    • Toutes les opérations sont prises en charge par le constructeur, même hors garantie.
  • Contexte sécurité: l’emballement thermique d’une batterie lithium‑ion reste un événement rare, mais ses conséquences pouvant être sévères, les autorités et industriels appliquent un principe de prudence maximal.

📌 Bon à savoir

  • Les codes campagne recensés par la presse spécialisée: MYF (Peugeot), GK8 (Citroën/DS), KT8 (Opel).
  • Le groupe a mené plusieurs rappels ces derniers mois (logiciel moteur en avril, ceintures de 308 en août, moteurs 1.5 BlueHDi l’été dernier), signe d’une pression qualité forte et d’une coordination après-vente sollicitée.

Poissy à l’arrêt trois semaines: un signal industriel préoccupant

  • Calendrier: arrêt de production du 13 au 31 octobre (15 jours ouvrés).
  • Effectifs: environ 2 000 salariés en chômage partiel et/ou en congés.
  • Motif avancé: “marché difficile en Europe” et pilotage des stocks avant fin d’année.
  • Modèles produits sur site: Opel Mokka et DS 3 (en thermique, hybride et électrique selon versions); cadence d’environ 420 véhicules/jour selon la direction.
  • Sous-jacent commercial: des sources industrielles et syndicales évoquent des ventes en retrait, notamment du Mokka.
  • Inquiétudes locales: les représentants du personnel redoutent un affaiblissement de la charge à moyen terme, d’autant que l’arrêt du Mokka est annoncé pour 2028 et qu’aucun successeur n’est officiellement affecté à la ligne. En toile de fond, le site de Poissy fait l’objet d’appétits externes (projet de stade), ce qui renforce les crispations.

✅ À retenir

  • 15 jours d’arrêt industriel en Île‑de‑France, un fait rare, avec effets en chaîne probables chez sous‑traitants et équipementiers.
  • La direction annonce des travaux et des formations durant la pause, signe qu’elle cherche à maintenir les compétences et la performance du site.

Pourquoi cette double alerte pèse sur la stratégie “petites électriques”

  • Confiance technologique: même si le rappel vise des PHEV de segments supérieurs, chaque incident batterie rejaillit sur l’ensemble des technologies électrifiées. Or la bataille de 2025–2026 se joue aussi sur des B‑SUV et citadines électriques/hybrides accessibles (Mokka‑e, DS 3 E‑Tense, e‑208, ë‑C3). Toute érosion de confiance peut peser sur l’adoption.
  • Ressources après‑vente: diagnostics BMS et éventuels remplacements de batteries mobilisent du temps atelier, des packs et des compétences HV. À grande échelle, cela peut frictionner la disponibilité commerciale et le service client si l’orchestration n’est pas fluide.
  • Pression économique: au premier semestre 2025, Stellantis a enregistré une perte nette de 2,3 Md€. Les campagnes qualité (logistique, pièces, immobilisations) se chiffrent vite, alors que les prix de vente sont sous tension. Dans le même temps, les petites électriques européennes subissent la concurrence par les coûts (constructeurs chinois, offres agressives) et la montée des hybrides.
  • Signaux de demande: l’arrêt de Poissy pour piloter les stocks révèle un décalage entre offre et demande sur des véhicules cœur de marché. Dans un contexte d’aides publiques moins généreuses et de taux de crédit encore élevés, le client arbitre âprement le prix au kilomètre.
  • Empreinte industrielle: sans perspective produit claire pour Poissy au-delà de 2028, la crédibilité de la filière “petites voitures” en Île‑de‑France s’étiole. C’est pourtant un atout stratégique pour amortir des plateformes polyvalentes (BEV/PHEV/HEV) au plus près du marché français et européen.

💡 Conseil d’expert

  • La clé, à court terme, est la transparence sur la cause racine du défaut batterie et la vitesse de résolution. À moyen terme, l’équation sera gagnée avec des petites électriques à coûts battus (chimie LFP/LFMP, packs simplifiés, standardisation) et une visibilité industrielle solide pour sécuriser sites et compétences.

Ce que Stellantis doit réussir maintenant

  • Stabiliser la qualité perçue:
    • préciser le périmètre du rappel et l’avancement des corrections,
    • garantir des délais courts en atelier et un parc de batteries de remplacement suffisant,
    • accompagner les clients (mobilité, communication proactive).
  • Protéger Poissy:
    • annoncer un modèle de remplacement compatible avec les attentes européennes (B‑SUV/C‑SUV compacts, versions HEV et BEV),
    • renforcer la flexibilité multi‑énergies sur ligne pour lisser les à‑coups de demande.
  • Repositionner l’offre “petites électriques”:
    • sécuriser des versions d’entrée à prix plancher avec chimies moins coûteuses,
    • clarifier la stratégie d’hybridation légère/pleine pour franchir les normes CO2 sans casser le ticket d’entrée,
    • accélérer les volumes là où la demande est la plus réactive (flottes, LLD à mensualités contenues).
  • Maîtriser les coûts:
    • achats de cellules mutualisés, packs “design‑to‑cost”,
    • simplification des variantes et options pour concentrer l’outil industriel.

Les 5 questions à suivre dans les prochaines semaines

  1. Le taux de véhicules nécessitant un remplacement complet de batterie (et la disponibilité des packs).
  2. Les délais de rendez‑vous atelier et l’expérience client sur la campagne.
  3. La trajectoire des commandes de Mokka‑e/DS 3 E‑Tense, e‑208/ë‑C3 face aux Renault 5, MG4, BYD Dolphin et Dacia Spring remaniée.
  4. Un éventuel engagement produit pour Poissy après 2028.
  5. Les signaux financiers du T3: stocks, mix (HEV vs BEV), marge sous pression ou stabilisation.

📊 Chiffres clés

  • 16 000 véhicules rappelés en France (PHEV 2019–2022) pour risque d’incendie batterie.
  • 15 jours d’arrêt à Poissy en octobre; environ 2 000 salariés concernés.
  • 2,3 Md€ de perte nette au S1 2025, dans un contexte de ventes en retrait et de marché européen compliqué.

Que faire si votre véhicule est concerné

  • Vérifiez votre VIN (carte grise, champ E) sur RappelConso ou le site de la marque.
  • Contactez votre concession pour diagnostic. Par prudence, évitez de recharger avant la prise en charge.
  • Demandez:
    • la nature de l’intervention (mise à jour BMS vs remplacement),
    • un moyen de mobilité si immobilisation,
    • une attestation d’intervention pour vos dossiers assurance/CT.
  • Surveillez toute alerte bord, odeur inhabituelle, montée anormale en température; garez‑vous et contactez l’assistance en cas de doute.

En filigrane, cette double alerte rappelle une réalité du moment: la transition s’accélère, mais elle exige une exécution industrielle et qualité sans faille. À Stellantis désormais de transformer cet épisode en sursaut de méthode, pour rassurer ses clients et sécuriser l’avenir de ses petites électriques en Europe.

Fin du bonus US à 4 000 $ sur l’électrique d’occasion: ruée, trou d’air… et leçons pour l’Europe

En bref:

  • Aux États‑Unis, la fin du crédit d’impôt de 4 000 $ pour l’électrique d’occasion déclenche une ruée avant le 30/09, des tensions de stock et un risque de « trou d’air » au T4 ; la prime a amélioré la liquidité mais rendu le marché dépendant des aides.
  • Pour l’Europe, éviter les coupures brutales en faveur de trajectoires pluriannuelles et d’aides ciblées au point de vente (micro‑bonus pour ménages modestes), renforcer la confiance via un passeport batterie standardisé et lisser l’accès au leasing plutôt que des primes ponctuelles.

Dernière ligne droite aux États‑Unis: le crédit d’impôt fédéral pour voitures électriques d’occasion (jusqu’à 4 000 $) s’éteint le 30 septembre 2025. À une semaine de l’échéance, la mécanique s’emballe: stocks qui fondent, remises spectaculaires, files d’attente chez les concessionnaires. Mais que reste‑t‑il une fois l’incitation retirée? L’expérience américaine éclaire utilement les choix européens, où l’électrique d’occasion peine encore à se démocratiser.

Ce qui se passe aux États‑Unis cette semaine

  • Ruée avant l’extinction: selon Cox Automotive, les ventes d’EV neufs ont atteint un record en août (146 332 unités, 9,9 % de part de marché), tandis que l’occasion a bondi à près de 41 000 unités (+22 % sur un mois, +59 % sur un an). L’accélération devrait se prolonger jusqu’au 30/09.
  • Stocks en tension: le “days’ supply” des EV neufs est tombé à 62 jours (plus bas de 2025). Côté occasion, 36 jours seulement en moyenne, avec Tesla à 26 jours.
  • Prix et comportements: un indice de gros des valeurs d’EV d’occasion progresse de 1,2 % sur un mois à fin août, signe d’une pression de la demande avant l’arrêt. Près d’un acheteur sur deux déclare avancer son achat pour verrouiller le crédit (Cars.com).
  • “Loophole” de dernière minute: l’IRS autorise le crédit si un contrat “binding” est signé et un paiement effectué avant le 30/09, même si la livraison intervient après. Le rapport “time of sale” du concessionnaire reste indispensable.
  • Leasing en première ligne: la fin du crédit appliqué aux baux (via le régime “commercial”) renchérit fortement les loyers — un point crucial car l’EV se loue plus qu’il ne s’achète aux USA.
  • Après le 30/09: la plupart des analystes anticipent un “trou d’air” au T4, puis une normalisation graduelle. Certains constructeurs (ex. GM) ajustent déjà la cadence de production à une demande attendue plus molle, malgré des records de ventes juste avant l’échéance.

📌 À retenir

  • Le crédit d’occasion (jusqu’à 4 000 $) n’était accessible que sous 25 000 $ de prix de vente, créant un “sweet spot” très liquide sur ce créneau.
  • Les remises constructeurs ont parfois pris le relais pour préserver le volume, mais le retrait des incitations sur le leasing pèsera mécaniquement sur les mensualités.

Le crédit d’occasion a‑t‑il structuré un vrai marché?

Bilan nuancé plutôt que verdict expéditif.

  • Oui, pour la liquidité et le “match” offre‑demande sur l’entrée de gamme: le plafond de 25 000 $ a fluidifié l’écoulement des retours de LOA/LLD et des véhicules en fin de garantie, créant un référentiel de prix lisible pour les ménages sensibles au budget.
  • Non, pour les fondamentaux: les freins structurels (assurance élevée dans certains États, hétérogénéité de la recharge publique, incertitude perçue sur l’état de batterie) n’ont pas été “réparés” par une subvention. Ils réapparaissent dès que l’incitation disparaît.
  • Effet collatéral: une “latéralisation” vers le leasing, dopé par la possibilité de capter l’intégralité du crédit au point de vente. Côté revente, cette dynamique gonfle l’offre future d’occasion… mais au prix d’une volatilité quand l’incitation s’arrête brutalement.
  • Prix: les données disponibles suggèrent un soutien temporaire des valeurs avant l’échéance (légère hausse à gros), mais un reflux probable post‑crédit, surtout sur les modèles qui “tenaient” leur prix grâce au coup de pouce. À l’inverse, des baisses d’MSRP côté neuf pourraient s’amplifier pour compenser la disparition des aides — sans forcément neutraliser l’effet sur les loyers.

En bref, le crédit d’occasion a contribué à créer un marché plus liquide et plus lisible… mais sa suppression met à nu la dépendance aux incitations lorsque les fondamentaux (coût total de possession, qualité de recharge, transparence batterie) ne sont pas au niveau attendu par le grand public.

Leçons concrètes pour l’Europe (et la France)

L’Europe n’a pas d’outil homogène dédié à l’électrique d’occasion. Quelques enseignements très opérationnels se dégagent du cas américain.

  1. Éviter les “falaises budgétaires”
  • Les à‑coups (“on/off”) provoquent ruées, puis trous d’air. Préférer des trajectoires pluriannuelles, dégressives et annoncées très en amont. Côté États‑Unis, l’annonce puis l’extinction au 30/09 ont créé un pic artificiel suivi d’un risque de creux.
  1. Miser sur des aides ciblées, simples, au point de vente
  • L’efficacité tient autant à la simplicité qu’au montant. Un mécanisme point‑de‑vente, ciblé sur les ménages modestes et les véhicules à forte utilité (familles, ruraux, pros), maximise l’effet sans inflationner tout le marché.
  • Éviter les seuils “magiques” (25 000 $, 30 % du prix) qui rigidifient les stickers et créent des effets de bord.
  1. Outiller la confiance dans l’occasion
  • Instituer un “passeport batterie” standardisé à l’échelle européenne (état de santé certifié, historique de charge, garanties transférables).
  • Étiquetage TCO (coût total de possession) normalisé sur l’occasion: énergie, maintenance, assurance, garanties.
  • Harmoniser et étendre la recharge AC/DC là où l’occasion se joue (grands ensembles, zones rurales, voirie).
  1. Jouer le levier fiscal local plutôt que la subvention brute partout
  • Exonérations de TVS/CG/parkings résidentiels, gratuités zones ZFE, TVA réduite sur la rénovation/diagnostic batterie: autant de leviers moins procycliques que des primes “cash”.
  • Renforcer les scrappages conditionnés (prime à la conversion) applicables à l’occasion zéro émission.
  1. Cadencer l’offre par les flottes
  • L’occasion se nourrit des retours de flotte: fixer des quotas d’EV dans les marchés publics et les grandes flottes privées, avec durées/ kilométrages optimisés pour l’arrivée sur l’occasion à bon TCO.
  1. Sur le leasing: préserver l’accessibilité
  • Si l’on subventionne un élément, que ce soit le loyer lui‑même (et non une ristourne amont), pour lisser l’effort mensuel et éviter un choc à l’arrêt du dispositif — le point faible observé aux États‑Unis.

💡 Conseil d’expert

  • L’aide la plus “structurelle” pour l’occasion n’est pas toujours une prime achat: généraliser un diagnostic batterie standard, opposable et peu coûteux, peut avoir plus d’impact sur la valeur résiduelle et la confiance que 1 000 € de subvention.

Où en est la France?

  • Pas d’aide nationale spécifique à l’électrique d’occasion depuis la suppression du bonus dédié. En revanche, la prime à la conversion (mise au rebut d’un ancien véhicule) reste mobilisable pour l’achat d’un EV neuf ou d’occasion selon conditions.
  • Depuis juillet 2025, le “coup de pouce” via les CEE soutient l’achat neuf, avec un bonus additionnel de 1 000 € à partir du 1er octobre pour les modèles européens dotés de batteries produites en Europe. Ce sont des aides “neuf”: l’occasion reste en retrait.
  • LLD sociale: le dispositif de location longue durée à bas loyer doit être relancé (moins de 200 €/mois annoncés) — un point clé pour alimenter l’occasion dans 2 à 4 ans via les retours de location.

🎯 Pistes très pragmatiques pour 2026

  • Créer un “micro‑bonus” ciblé sur l’EV d’occasion sous un seuil de prix réaliste (ex. 18–22 k€), réservé aux ménages modestes, versé au point de vente et conditionné à un passeport batterie normalisé.
  • Flécher une part des CEE vers la remise en état/garantie batterie (reconditionnement, diagnostics certifiés), avec TVA réduite sur ces prestations.
  • Expérimenter dans 3 métros et 3 territoires ruraux un pack “occasion zéro émission”: aide à l’achat + carte de recharge publique + stationnement résidentiel gratuit 12 mois + assurance à tarif encadré pour premiers acquéreurs.

Impact attendu en Europe si rien n’est fait

  • Dépréciation encore plus rapide de certaines générations d’EV occasion, faute de confiance batterie et de filet d’aides ciblées.
  • Retard de massification sur les foyers modestes, ceux-là mêmes qui structurent le marché de seconde main.
  • Volatilité accrue des mensualités de LOA/LLD à la merci des politiques “stop‑and‑go”, avec effets de ciseaux sur la valeur résiduelle.

🎙️ Parole de terrain
“Ce qui met vraiment en confiance un acheteur d’EV d’occasion, c’est la preuve de l’état de la batterie et des coûts d’usage prévisibles. La prime ne suffit pas si on ne sait pas ce qu’on achète.” Un leitmotiv entendu chez les distributeurs comme chez les associations de consommateurs.

Ce qu’il faut surveiller dans les 6 prochains mois

  • États‑Unis: l’ampleur du “dip” post‑30/09 sur l’occasion, l’évolution des loyers de leasing, et l’ajustement des MSRP sur les modèles cœur de marché.
  • Europe: annonces nationales 2026 sur l’occasion (Pays‑Bas, pays nordiques, Italie/Allemagne après la réduction des aides), et initiatives locales (villes/ZFE) côté stationnement et recharge résidentielle.
  • France: calendrier précis de la LLD sociale 2.0, éventuelle intégration d’un passeport batterie dans la réglementation, et articulation CEE/occasion.

En définitive, l’extinction brutale du bonus US à 4 000 $ n’enterre pas l’électrique d’occasion, mais elle rappelle une évidence: sans politiques stables, ciblées et centrées sur la confiance (batterie, TCO, recharge), les incitations créent des pics… puis des creux. L’Europe a l’occasion de choisir la voie de la prévisibilité et du “service” au client d’occasion plutôt que celle des montagnes russes budgétaires.

Poids des électriques : pourquoi Volvo réinvente la sécurité à l’ère des batteries

En bref:

  • Les VE sont 20–30 % plus lourds, donc plus d’énergie à dissiper et un risque de mauvaise compatibilité en collision.
  • Volvo repense l’architecture: la batterie devient partie intégrante de la cage de sécurité (caisson central, chemins de charge, front réinventé) — démontré sur l’EX90.
  • Les protocoles de crash doivent évoluer (scénarios variés, compatibilité, intégrité batterie) pour que l’industrie conçoive des voitures « crash‑first » plutôt que plus lourdes.

L’électrique a réglé le problème des émissions au pot d’échappement, pas celui… des kilos. Au moment où les packs batteries gonflent l’autonomie, ils alourdissent aussi dangereusement les voitures. Chez Volvo, la patronne du centre de sécurité, Åsa Haglund, l’assume : il faut « repenser » la sécurité des VE en profondeur. Que signifie concrètement cette réinvention, pour Volvo et pour toute l’industrie, du crash-test à l’architecture des carrosseries ?

Le poids, un défi d’ingénierie… et de physique

Plus de masse, c’est plus d’énergie à dissiper en cas de choc (E = 1/2 m v²). Or, une voiture électrique équivalente pèse typiquement 20 à 30 % de plus qu’une thermique. Exemple parlant cité par Volvo: l’EX90 est environ 25 % plus lourd que le XC90 de taille proche. Les raisons sont connues:

  • batteries logées dans le plancher (densité énergétique encore limitée)
  • renforts structurels pour protéger la batterie
  • pneus et freins dimensionnés en conséquence

Ce surpoids a deux implications majeures:

  • compatibilité de choc: un véhicule lourd expose davantage un véhicule plus léger en face-à-face
  • gestion d’énergie: la structure doit proposer plus de « chemins de charge » pour absorber et détourner l’effort sans intrusion dans l’habitacle ni atteinte au pack batterie

Åsa Haglund: intégrer la batterie au cœur de la « cage de sécurité »

La ligne directrice de Volvo est claire: faire de la batterie un élément de la cage de sécurité, pas un point faible.

  • Batterie intégrée au caisson central: rigidité accrue, protection contre intrusion et débris
  • Avant repensé: l’absence de gros moteur n’offre plus le « bloc » qui absorbait naturellement l’effort. Il faut créer des longerons et boîtes de crash capables de s’activer selon des obstacles variés (véhicule, poteau, rebord…)
  • Multiplication des chemins de charge: la face avant ne vise plus seulement le test « barrière plate », mais des géométries réelles et complexes
  • Avantage annexe: plus de réservoir essence à l’arrière, donc moins de risques de fuite/embrasement post-choc

« Notre métier est de rendre chaque voiture sûre », résume Haglund. Sur un VE, c’est d’abord une affaire d’architecture.

Ce que Volvo a déjà changé (et montré)

Volvo a orchestré une démonstration publique inédite: une séquence de trois crashs avec des EX90 électriques. D’abord, un freinage automatique a évité un premier impact à 50 km/h. Puis une autre EX90 a violemment percuté latéralement le véhicule à l’arrêt, à 55 km/h, en plein centre d’habitacle. Les mesures sur mannequins concluent à l’absence de blessures graves probables, grâce:

  • à une cage de sécurité qui détourne et absorbe l’effort latéral
  • aux airbags latéraux et rideaux déclenchés instantanément
  • à la gestion d’énergie latérale renforcée, dimensionnée pour des masses élevées

Objectif affiché: dépasser les exigences réglementaires en s’alignant sur des accidents « du monde réel », pas uniquement sur les scénarios standardisés.

Crash-tests: pourquoi les protocoles doivent évoluer

Les organismes de notation ont, eux aussi, commencé à s’adapter à l’évolution du parc (SUV plus lourds, électriques).

  • IIHS (États-Unis): depuis 2021, le test de choc latéral a été durci avec une barrière mobile plus massive (~1 900 kg) lancée plus vite (60 km/h), pour mieux mimer l’impact d’un SUV moderne. Plusieurs modèles ont d’abord peiné avant de se hisser au niveau.
  • Euro NCAP (Europe): la barrière mobile déformable progressive (MPDB) introduite en 2020 évalue mieux la « compatibilité » entre véhicules, c’est-à-dire la manière dont la masse/rigidité de l’un affecte l’autre. Euro NCAP a aussi ajouté le « far-side » (protection côté opposé) et renforce progressivement les critères ADAS.

Prochaine étape logique? Intégrer davantage de scénarios multi-impacts, d’angles variés, et des évaluations spécifiques aux risques batterie (intégrité du pack, coupure HV, maîtrise thermique), déjà pris en compte par les constructeurs rigoureux, mais encore trop partiellement normés côté consommateur.

📌 À retenir

  • Le surpoids des VE change l’équation sécuritaire: plus d’énergie à dissiper, compatibilité de choc clé.
  • Les structures doivent multiplier les « chemins de charge » et protéger la batterie comme un organe critique.
  • Les protocoles de tests évoluent, mais l’écart se réduit lentement avec la complexité des accidents réels.

Les chantiers techniques ouverts par l’électrique

  • Structure et matériaux: généralisation d’aciers à très haute résistance et d’alliages d’aluminium, traverses « crash boxes » multi-étagées, traversées de plancher renforcées autour du pack.
  • Intégration batterie: caissons étanches et rigidifiés, fixations anti-arrachement, surveillance électronique (coupure HV automatique), séparation thermique des modules.
  • Face avant sans moteur: besoin de longerons et renforts calibrés pour déclencher l’absorption avec des obstacles variés (bordures, poteaux, chocs décalés).
  • Habitacle: airbags centraux et ceintures à prétensionneurs multi-étages pour contenir le déplacement des occupants dans les chocs latéraux et « far-side ».
  • Aides actives: capteurs (caméra, radar, LiDAR) pour éviter/atténuer le choc. La meilleure énergie à dissiper, c’est celle qu’on n’a pas accumulée.

💡 Conseil d’expert
Ne jugez pas la sécurité d’un VE à sa seule note « étoiles ». Surveillez les sous-notes de choc latéral durci, de compatibilité, la présence d’airbag central, et la robustesse de l’assistance active (AEB piétons/cyclistes, carrefours).

Le poids n’est pas qu’une histoire de batterie

Les VE ne sont pas seuls en cause: la montée en taille/hauteur des SUV, la quête d’équipements et de confort alourdissent tout le marché. Mais la batterie fixe une « assiette » de masse élevée, centrée dans le plancher, qui:

  • abaisse le centre de gravité (bon pour l’évitement)
  • rigidifie le plancher (bon pour l’intégrité)
  • exige une excellence en gestion d’énergie crash (sinon, risque d’intrusion/endomagement du pack)

À moyen terme, l’industrie mise sur des packs plus denses (cell-to-pack, chimies NMC/LMFP optimisées, puis semi‑solide/solide) pour réduire la masse à autonomie constante, et sur l’optimisation logicielle (ADAS) pour éviter les scénarios les plus sévères.

Ce que cela change pour toute l’industrie

  • Conception: les VE modernes doivent être dessinés « crash-first » autour de la batterie, avec des faces avant polyvalentes et des caissons centraux extrêmement rigides.
  • Essais: vers des matrices de tests enrichies (angles, multi-impacts, vitesses plus élevées) et des critères batterie explicites côté consommateurs.
  • Marché: la sécurité ne doit pas reposer sur la masse. La « compatibilité » entre véhicules de tailles différentes doit devenir un indicateur clé, au risque sinon d’une spirale du « toujours plus lourd ».

✅ Chiffres-clés

  • +20 à +30 %: surpoids typique d’un VE vs thermique équivalent
  • ~1 900 kg et 60 km/h: barrière et vitesse du nouveau choc latéral IIHS
  • 55 km/h: vitesse du choc latéral démonstrateur EX90 (séquence à trois véhicules)

En filigrane, l’électrique oblige à remettre les fondamentaux sur la table: répartir, guider et dissiper l’énergie d’un choc avec des structures « intelligentes », sans se contenter d’un bon bulletin aux tests historiques. Volvo en fait une doctrine; le reste du marché devra suivre, protocole après protocole.

Poignées affleurantes: Pékin change la donne, les constructeurs européens sous pression

En bref:

  • La Chine veut interdire d’ici juillet 2027 les poignées totalement affleurantes dépourvues de secours mécanique, pour garantir l’ouverture après choc ou panne électrique (un an de transition), en réponse à incidents par grand froid, inondations et enquêtes (ex. NHTSA/Tesla).
  • Conséquence: les constructeurs mondiaux devront ajouter une redondance mécanique (poids/coût en hausse) — les gains aérodynamiques réels sont modestes (~0,005–0,01 de Cd, ≈0,6 kWh/100 km) — et l’industrie devrait harmoniser une solution « mécanique+tech » pour tous les marchés.

Les poignées de porte rétractables, devenues le symbole des voitures “tech” et des électriques efficientes, sont dans le viseur des autorités chinoises. Un projet de norme vise à interdire, dès juillet 2027, les poignées totalement dissimulées sans redondance mécanique, avec une période de transition d’un an. Pour un marché clé, c’est un tournant qui bouscule l’équilibre entre design, aérodynamisme et sécurité… et met au défi Tesla, Volkswagen, Mercedes et consorts.

Au-delà du débat esthétique, l’enjeu est concret: sécurité d’extraction après choc, fiabilité par grand froid ou sous fortes pluies, et gains énergétiques parfois surestimés. Décryptage, chiffres à l’appui, et scénarios pour l’Europe.

Ce que prépare la Chine

  • Champ: tous les véhicules neufs vendus en Chine seraient concernés.
  • Principe: interdiction des poignées entièrement affleurantes si elles ne disposent pas d’une alternative mécanique d’ouverture accessible en toutes circonstances.
  • Calendrier visé: entrée en vigueur autour de juillet 2027, avec un an de transition.
  • Objectif officiel: garantir l’accessibilité immédiate des ouvrants pour les occupants et les secours, y compris en cas de perte d’alimentation électrique.

ℹ️ Le projet est avancé mais encore en discussion. L’orientation est claire: bannir les systèmes entièrement escamotés sans secours mécanique et exiger une redondance tangible.

Pourquoi ce durcissement maintenant

Les régulateurs s’appuient sur une accumulation d’incidents et de données techniques.

  • Incidents documentés par temps froid (moteurs de poignées gelés) et lors d’inondations (court-circuits).
  • Après accident, des secours retardés par l’absence de prise manuelle évidente.
  • Enquête ouverte aux États‑Unis par la NHTSA sur ~174 000 Tesla Model Y (année 2021) pour des poignées devenues inopérantes après coupure d’alimentation 12 V.
  • Témoignages et plaintes consommateurs recensés depuis plusieurs années, notamment sur Tesla.

📌 Chiffres clés

  • 67%: taux d’ouverture post‑collision latérale pour des poignées électroniques, contre 98% pour des poignées mécaniques classiques (indice C‑IASI cité par la presse spécialisée chinoise).
  • 0,005 à 0,01: gain de coefficient de traînée (Cd) attribué aux poignées affleurantes dans des études ingénierie (bien inférieur aux 0,03 parfois revendiqués).
  • ~0,6 kWh/100 km: économie d’énergie typique associée aux poignées affleurantes, selon des estimations relayées par l’industrie.
  • Jusqu’à 12%: part des interventions après‑vente liée à ces poignées chez certains constructeurs.
  • x3: surcoût d’une poignée motorisée face à une poignée mécanique; +7 à +8 kg de mécanismes estimés selon modèles.

L’aérodynamisme: efficacité réelle vs promesse marketing

L’argument aérodynamique est juste… mais son ordre de grandeur compte.

  • À vitesse stabilisée, gagner 0,005 à 0,01 de Cd se traduit par une baisse de traînée mesurable, mais modeste au regard des autres sources de frottement (rétroviseurs, soubassements, pneumatiques, jantes).
  • L’économie d’environ 0,6 kWh/100 km reste faible en coût d’usage (≈0,12 € aux 100 km à 0,20 €/kWh), et peut être partiellement annulée par le poids et les pertes des mécanismes.
  • Des gisements d’efficience plus “rentables” existent: gestion active des entrées d’air, soubassements carénés, optimisation des roues/jantes, pneumatiques à faible résistance au roulement.

💡 Conseil d’ingénierie
Pour préserver l’autonomie WLTP et sur autoroute, les constructeurs gagneront plus à optimiser l’ensemble “front-end + soubassement + trains roulants” qu’à conserver des poignées entièrement escamotées sans secours mécanique.

Les marques face au mur: qui doit changer quoi

  • Tesla
    • Très exposée symboliquement (modele S/3/Y). Le patron du design, Franz von Holzhausen, a indiqué travailler sur une solution fusionnant commande électronique et commande mécanique pour une action unique et intuitive, y compris en cas de perte d’alimentation. Un pas vers la conformité chinoise et les attentes de la NHTSA.
  • Volkswagen Group
    • A déjà privilégié des poignées semi‑affleurantes en Chine. FAW‑Audi déploie des solutions hybrides (micro‑contacts, cordon mécanique d’urgence visible qui se déploie après choc).
  • Mercedes‑Benz et BMW
    • Nombre de modèles premium utilisent des poignées affleurantes ou escamotables (EQE/EQS, iX3, etc.). Les versions chinoises devront intégrer une prise mécanique évidente, voire revenir à une poignée semi‑dissimulée.
  • Coréens, Chinois, autres
    • Hyundai/Kia, Nio, Xpeng, BYD… Tous les modèles vendus en Chine passeront à une poignée avec redondance mécanique explicite; certains ont déjà commencé à “re‑mécaniser” la cinématique.

📊 Impact industriel

  • Conception: nouvelle architecture de serrure/loquet, masse et coût en hausse, revalidation crash et compatibilité avec déclencheurs pyrotechniques de déverrouillage.
  • Production: éviter deux façonnages de porte et deux gammes de poignées (Chine vs reste du monde) plaide pour une solution mondiale unique.
  • Marketing/produit: “semi‑affleurant” et “secours mécanique visible” deviendront des arguments sécurité, non un compromis.

Europe et États‑Unis: suivisme, divergence ou convergence?

  • États‑Unis: pas d’interdiction annoncée, mais des investigations ciblées (NHTSA) et un débat grandissant sur l’accessibilité d’urgence. Des évolutions de design sont déjà en cours chez certains constructeurs.
  • Europe: pas de projet de bannissement à ce stade. En revanche, les protocoles Euro NCAP évoluent: pénalisation des fonctions vitales reléguées au tout‑tactile, intérêt accru pour l’accessibilité post‑choc. La Chine, premier marché mondial, peut créer un effet d’entraînement industriel dont l’Europe pourrait bénéficier sans légiférer.

Scénarios pour l’UE (2026‑2028)

  • Minimal: statu quo réglementaire, mais bascule “de fait” des poignées vers des solutions avec levier mécanique visible sur les véhicules globalisés.
  • Intermédiaire: exigences d’identification/accès du secours mécanique, intégrées dans les évaluations sécurité.
  • Maximal (peu probable à court terme): encadrement strict du tout‑escamotable, sur le modèle chinois.

Quelles alternatives de design “safe by default”

  • Poignées semi‑affleurantes à traction mécanique, avec capteur capacitif pour le confort mais ouverture purement mécanique en secours.
  • Déverrouillage pyrotechnique post‑choc couplé à une mise en saillie mécanique de la prise de main (ressort), sans dépendance électrique.
  • Languette/cordon d’urgence rouge, normé et immédiatement visible après collision (extérieur et intérieur).
  • Levier intérieur mécanique unique, clairement signalé et accessible aux places arrière (éviter les trappes cachées).
  • Conception anti‑givre: joints chauffants localisés, gouttières d’évacuation, motorisations protégées (IP renforcé).

✅ À retenir

  • Les gains aérodynamiques des poignées affleurantes existent mais restent modestes; la sécurité d’extraction pèse désormais plus lourd.
  • Le projet chinois impose une redondance mécanique et met fin aux poignées totalement dissimulées sans secours.
  • L’industrie n’a ni l’envie ni l’intérêt économique de maintenir deux architectures de poignées: la solution “mondiale” sera mécaniquement redondante.
  • En Europe, la pression viendra d’abord de l’évaluation sécurité et de la standardisation industrielle, plus que d’un bannissement.

💬 Astuce sécurité (utilisateurs)
Repérez dès maintenant le levier mécanique d’ouverture d’urgence de votre voiture (y compris aux places arrière) et montrez‑le à vos proches. En cas de choc ou de panne 12 V, ce réflexe compte.

En somme, la poignée “tech” va devoir redevenir d’abord une poignée “utile”: intuitive, visible et mécaniquement fiable. Les constructeurs perdront un peu d’épure aérodynamique… pour gagner beaucoup en crédibilité sécurité, sans sacrifier l’autonomie là où elle se joue vraiment.

Inde–Afrique du Sud : l’axe électrique qui peut surprendre l’Europe

En bref:

  • Un axe Inde–Afrique du Sud émerge : l’Inde crée des volumes bas‑coût sur 2/3‑roues et petites voitures, tandis que l’Afrique du Sud devient un hub d’assemblage NEV soutenu par des incitations et des investisseurs chinois.
  • Pour l’Europe, double risque et opportunité — perte de parts sur l’entrée de gamme et débouchés export — la réponse exige des EV abordables (<20–25k€), localisation industrielle (JVs, batteries) et soutien financier/géopolitique.

L’Europe scrute la Chine et les États-Unis. Mais, discrètement, un nouvel axe se dessine entre l’Inde et l’Afrique du Sud — production, investissements et marchés à conquérir — qui pourrait rebattre les cartes de la transition automobile mondiale.

L’Inde vient de franchir le cap symbolique du million de véhicules électriques vendus sur l’exercice 2024-2025, pendant que Pretoria déroule le tapis rouge aux constructeurs chinois pour produire localement des hybrides et des VE. Entre menace concurrentielle et relais de croissance, les constructeurs européens n’ont plus le luxe de regarder ailleurs.

Chiffres-clés à avoir en tête

  • Inde: plus d’1 000 000 de VE vendus en FY2024-25, tirés par les deux-roues (+21% sur un an) et surtout les trois-roues (+57%). Les voitures particulières restent minoritaires mais progressent rapidement.
  • Afrique du Sud: discussions avancées avec plusieurs marques chinoises (BYD, Chery, Geely, Leapmotor, Changan…) pour assembler des hybrides et VE à East London ou Gqeberha (ex-Port Elizabeth).
  • Incitations:
    • Afrique du Sud: super-déduction fiscale de 150% sur les investissements industriels dans l’électrique dès 2026, enveloppe publique dédiée et possible taxe sur les batteries importées.
    • Inde: programme FAME (subventions à l’achat, GST réduit), forte pression à la localisation et soutien à l’infrastructure de recharge.
  • Concurrence: parts de marché des importations chinoises en hausse en Afrique du Sud; en Inde, les modèles importés chers patinent, la règle est la production locale.

Inde: le laboratoire de masse (et de coûts)

L’Inde ne convertit pas d’un coup son parc automobile à la voiture électrique… mais elle électrifie à marche forcée les segments du quotidien: scooters, motos légères et rickshaws. C’est là que se joue l’effet volume, l’apprentissage industriel et la baisse des coûts des composants (batteries, moteurs, électronique de puissance).

  • Politique publique: FAME subventionne l’achat, l’État pousse la production locale et le maillage de bornes. Condition essentielle: fabriquer sur place pour capter l’essentiel des aides et échapper aux droits d’importation punitifs.
  • Marché: les offres « import » premium peinent. Exemple emblématique, l’arrivée de Tesla, handicapée par des droits avoisinant 70% sur les véhicules entiers, s’est traduite par quelques centaines de commandes seulement après le lancement du Model Y à prix stratosphérique pour le pouvoir d’achat local.
  • Nouveau jeu d’acteurs: émergence accélérée de champions locaux (Tata, Mahindra) et de challengers asiatiques agressifs. Le vietnamien VinFast a déjà activé la carte « usine locale + prix plancher » pour casser les seuils psychologiques.

📌 Bon à savoir
L’Inde expérimente des alternatives techniques pour réduire la dépendance aux terres rares (moteurs sans aimants permanents, procédés de test adaptés), à la faveur des restrictions chinoises sur les minerais critiques. Production possible à court terme selon des fournisseurs locaux: un signal lourd pour l’amont de la filière.

Afrique du Sud: un hub d’assemblage NEV en gestation

L’Afrique du Sud est le pôle industriel auto le plus structuré du continent. Mais sa spécialisation historique dans les thermiques destinés à l’export (notamment vers l’Europe) est menacée par l’agenda d’interdiction du thermique neuf à horizon 2035 dans l’UE. D’où un pivot stratégique vers les « NEV » (véhicules électrifiés).

  • Politique industrielle: APDP II (2021-2035), super-déduction fiscale de 150% dès 2026 pour les investissements dans les VE/batteries, protection tarifaire renforcée contre les importations low-cost.
  • Terrain: 15 marques chinoises déjà actives; l’installation de lignes d’assemblage locales (East London, Gqeberha) réduirait coûts logistiques et ouvrirait l’accès aux incitations.
  • Contexte concurrentiel: les Européens (BMW, Mercedes, VW) restent forts sur le premium et l’hybride rechargeable, Toyota domine l’hybride. Mais la poussée chinoise s’accélère et vise le cœur du marché prix/équipement.

⚠️ Point de vigilance
La fiabilité du réseau et les épisodes de délestage imposent des architectures de recharge résilientes (solaire + stockage, microgrids industriels). Les projets d’usines et de flotte devront intégrer ces CAPEX d’infrastructure.

Un « axe Sud » aux effets d’entraînement

Au-delà des deux cas, on observe une dynamique plus large du « Sud Global »: BYD qui duplique ses usines hors de Chine (Hongrie, Turquie) pour contourner les barrières; Xpeng qui tisse des réseaux de distribution au Maghreb; l’Afrique australe qui attire les investissements d’assemblage; l’Inde qui consolide un écosystème de composants compétitif.

  • Effet coût: l’Inde et l’Afrique du Sud combinent main-d’œuvre qualifiée, marchés domestiques en croissance et incitations fiscales — un cocktail propice à la descente en gamme de coûts.
  • Effet chaîne d’approvisionnement: proximité de ressources (manganèse, platinoïdes, nickel) et volonté politique de « local content » sur batteries et pièces critiques.
  • Effet marché: montée en puissance des segments abordables (2/3-roues, utilitaires compacts, petites citadines) susceptibles de percoler vers l’Afrique et le Moyen-Orient.

💬 À retenir
Les volumes de 2 et 3-roues indiens créent une « école des coûts » que les constructeurs chinois savent exploiter. Si cet ADN prix/robustesse irrigue les citadines et SUV compacts assemblés en Afrique du Sud, l’Europe verra arriver, à moyen terme, des produits concurrentiels… ou perdre des débouchés export pour ses propres usines.

Ce que cela change pour l’Europe

Opportunité et risque se télescopent. Les stratégies « China+1 » et « Africa+1 » des groupes asiatiques visent à mitiger droits de douane et risques géopolitiques. L’Europe doit réagir à trois niveaux: produit, industrie, géopolitique.

1) Produit: l’incontournable EV abordable

  • Développer une offre sous 20 000–25 000 € TTC (batteries LFP, architectures 400 V sobres, infotainment rationalisé), avec TCO compétitif.
  • Adapter aux usages émergents: utilitaires légers électriques, micro-urbaines, flottes partagées. Ce sont précisément les segments qui montent au Sud.

2) Industrie: localiser et agréger des volumes

  • Inde: impossible de durer sans production locale ni partenaires. JVs, plateformes partagées, sourcing batterie sur place pour capter FAME et les GST réduits.
  • Afrique du Sud: utiliser la base existante (BMW, VW, Toyota, Mercedes) pour basculer des lignes vers l’électrique/hybride rechargeable, sécuriser des accords batterie locaux, et bénéficier de la super-déduction à 150%.
  • S’appuyer sur des corridors d’approvisionnement Afrique–Europe pour les minéraux de batterie, avec des critères ESG exigeants.

3) Géopolitique et commerce: prévenir l’érosion

Inde vs Afrique du Sud: où sont les fenêtres d’opportunité pour les Européens ?

ThèmeIndeAfrique du Sud
Accès marchéTrès restrictif sans production locale; aides FAME conditionnéesIncitations fiscales fortes aux investissements; protection contre import low-cost
Segments porteurs2/3-roues, citadines/duo-usage, utilitaires légersHybrides/VE compacts, SUV accessibles, flottes B2B
InfrastructuresRythme de déploiement rapide mais inégal selon ÉtatsContraintes réseau, solutions off-grid à intégrer
ConcurrenceLocaux (Tata/Mahindra) + chinois; imports premium pénalisésChinois agressifs; Européens encore forts sur premium
Stratégie gagnanteLocalisation, alliances, EV « value »Re-tooling des usines locales, intégration batterie, prix maîtrisés

💡 Conseil d’expert
Éviter l’erreur « Europe first » sur les spécifications. Co-concevoir avec des partenaires locaux des trims simplifiés, des packs LFP dimensionnés au juste besoin, et des services (maintenance, financement) adaptés. Le soft (télématique, OTA, gestion de flotte) est un différenciateur à coût marginal.

Points d’ombre à surveiller

  • Accessibilité: même subventionnés, les VE restent chers pour une large part des ménages indiens et sud-africains; le financement est clé.
  • Infrastructures: densité et fiabilité de la recharge, qualité réseau (Afrique du Sud), contraintes climatiques locales (les pertes d’autonomie en froid extrême observées en Himalaya pour certains VE doivent inspirer des calibrages batterie/thermal management adaptés aux marchés ciblés).
  • Matières premières: arbitrages politiques sur l’export des minéraux critiques et exigences de transformation locale.
  • Politique commerciale: l’Europe peut durcir ses barrières; les groupes asiatiques y répondent déjà par la localisation hors Chine (Hongrie, Turquie). Le jeu reste mouvant.

En filigrane, l’axe Inde–Afrique du Sud n’est pas seulement un relais de production à bas coûts: c’est un accélérateur d’apprentissage industriel et de parts de marché sur les segments qui feront la diffusion de masse de l’électrique. Pour l’Europe, c’est une alerte… et une carte à jouer, tant qu’il en est encore temps.

Ford coupe à Cologne, la France patine : vraie crise de la demande VE ou faux procès européen ?

En bref:

  • La demande BEV progresse en Europe (volumes et parts en hausse) mais de façon inégale et en‑dessous des prévisions : pas d’effondrement généralisé, juste une croissance contrariée.
  • Le cas Ford à Cologne reflète surtout des faiblesses de "legacy" (coûts, positionnement produit, exécution), pas une panne de la demande européenne.
  • La France décroche (–6,4% H1 BEV) en raison d’aides instables, prix d’accès élevés et d’une demande tirée par les flottes; des aides stables et des VE abordables peuvent inverser la tendance.

Face à l’annonce de Ford de supprimer jusqu’à 1 000 postes supplémentaires à Cologne en invoquant une « demande insuffisante » de voitures électriques, et au moment où le marché français décroche quand l’Europe accélère, une question s’impose : assiste-t-on à une crise de la demande en Europe, ou à des fragilités spécifiques, chez certains constructeurs historiques et sur le marché français ?

Les données du premier semestre 2025 dessinent un tableau moins caricatural qu’il n’y paraît. La demande européenne progresse, mais elle est inégale, inférieure aux prévisions de l’industrie, et met à nu les contradictions d’un continent qui exige d’aller vite, tout en changeant trop souvent les règles du jeu.

Ce que disent les chiffres (et ce qu’ils ne disent pas)

  • Europe élargie (UE + UK, Norvège, Suisse, Islande) H1 2025: 1,19 million de BEV, +24,9% vs H1 2024, soit 17,5% de parts de marché (ACEA).
  • Union européenne seule H1 2025: 869 000 BEV, 15,6% de parts de marché (ACEA).
  • Juillet 2025: 186 440 BEV immatriculés en Europe élargie, +33,6% vs juillet 2024. Allemagne +58%, Espagne +127%, France +14,8% (ACEA).
  • France H1 2025: 148 332 BEV, –6,4% vs H1 2024; part de marché BEV 17,6% (ACEA). La hausse de juillet est surtout tirée par les entreprises (+70%), les particuliers reculant (~–15%).

📌 À retenir

  • Il n’y a pas d’effondrement européen des VE. Les volumes et la part de marché progressent, mais plus lentement que prévu par l’industrie.
  • La France fait figure d’exception négative en 2025, alors même qu’elle reste le 3e marché BEV du continent.

Ford à Cologne : symptôme d’une crise, ou cas d’école d’un malaise « legacy » ?

Ford va réduire à une équipe à partir de janvier 2026 et supprimer jusqu’à 1 000 postes sur son site VE de Cologne (Explorer et Capri, base technique MEB), s’ajoutant aux plusieurs milliers de coupes déjà annoncées en Allemagne (Saarlouis a cessé son activité). Motif avancé par le constructeur américain: la demande de VE en Europe est « bien en deçà des prévisions ».

Analyse critique:

  • Demande sous les attentes, pas en chute libre: l’argument de Ford est factuel… si l’on parle de prévisions. En agrégé, le marché progresse. Mais pas assez pour remplir certaines usines au rythme planifié.
  • Mix-produit et positionnement: face à Tesla, à l’offensive chinoise et à des modèles européens plus récents, les Explorer/Capri peinent à imposer une proposition de valeur prix/technos/efficience réellement différenciante.
  • Coûts et héritage industriel: produire des VE compétitives sur des sites à coûts élevés exige du volume et des plateformes optimisées. Les « legacy » subissent la double peine: marges comprimées et ramp-up trop lent.
  • Dépendances externes: le choix d’une base MEB (VW) a accéléré la mise sur le marché, mais ajoute des contraintes techniques et économiques.

Dit autrement, Cologne raconte moins une « panne » de la VE en Europe qu’une difficulté d’exécution et de compétitivité chez un constructeur historique dans un contexte de concurrence dure et de prix volatils.

Pourquoi la France décroche quand l’Europe accélère

La contre-performance française en 2025 n’est pas une fatalité technologique, mais la combinaison de facteurs économiques, politiques et psychologiques.

  • Instabilité des aides: coups de rabot, pauses, révisions, retour partiel des dispositifs… Ces zigzags entretiennent l’attentisme des ménages. Les pics liés au leasing social 2024 l’ont montré; la nouvelle vague attendue fin septembre 2025 pourrait relancer ponctuellement, sans régler le fond.
  • Prix d’accès encore trop élevés: les citadines à 25–30 000 € et les familiales à 35–40 000 € restent hors de portée d’une large partie des ménages, malgré une baisse tendancielle des coûts batteries.
  • Bascule entreprises > particuliers: les flottes, contraintes par la fiscalité et le TCO, tirent la demande. Les particuliers, eux, temporisent.
  • Freins d’usage et perceptions: obsession de l’autonomie, crainte de la recharge lors des grands trajets, désinformation sur l’empreinte carbone et la durabilité des batteries, malgré l’essor et la fiabilisation du réseau.
  • Hybrides dynamiques: les HEV/HYBRID et PHEV gagnent du terrain en 2025, offrant une « solution de compromis » qui détourne temporairement une partie de la demande.

📊 Chiffres France à mi-année

  • 148 332 BEV (–6,4% vs H1 2024)
  • Part de marché BEV: 17,6%
  • Juillet: +14,8% vs juillet 2024, porté par les entreprises; particuliers en retrait

L’Europe face à ses contradictions

  • Objectifs CO₂ vs réalité de marché: pour respecter les cibles 2025–2030, les constructeurs doivent élever fortement le mix bas-carbone. Plusieurs analystes estiment qu’un mix BEV autour de 20% en 2025 facilite la conformité moyenne… L’UE est encore en dessous, créant une pression accrue sur le S2 2025 et 2026.
  • Fiscaux nationaux décisifs: là où l’écart de coût total de possession entre thermique et électrique est massif (Danemark, Belgique, pays nordiques), la part BEV explose. Là où l’écart est modeste (France, Italie, Espagne), l’adoption piétine.
  • Aides volatiles, messages brouillés: l’UE maintient 2035, mais la valse des primes nationales (Allemagne, Suède…) a provoqué des à-coups. Le consommateur lit l’incertitude… et attend.
  • Industrie sous tension: plans d’économies et réductions d’effectifs (Ford, VW, Audi, Porsche, équipementiers) coexistent avec des besoins d’investissement massifs dans plateformes, logiciels, batteries. La compression des marges accentue la prudence commerciale.
  • Montée des PHEV: utile pour le CO₂ à court terme, mais pas substitut durable aux BEV, surtout si l’usage électrique réel est faible.

💡 Astuce marché
Pour lisser les à-coups, les pays les plus performants couplent des aides d’achat stables, une fiscalité de détention différenciée, et un cadre clair pour les flottes (qui irriguent ensuite le marché de l’occasion).

Ce qui peut véritablement changer la donne d’ici 2026

  • Stabilité pluriannuelle des dispositifs: des règles lisibles au moins sur 24–36 mois pour redonner confiance aux ménages.
  • Électrique abordable, de série: generaliser des modèles européens sous 25 000 € bien équipés, efficients, et frugaux en batterie, plutôt que la « course aux kWh ».
  • Financement et occasion: booster le leasing social dans la durée, démocratiser la LOA d’occasion avec garanties batterie standardisées et des taux attractifs.
  • TCO transparent: factures énergétiques lisibles, tarifs de recharge maîtrisés et interopérables; fiabilité des bornes mieux mesurée et publiée.
  • Flottes publiques et privées: accélérer la bascule, car elles alimentent le parc d’occasion abordable 18–36 mois plus tard.
  • Compétitivité industrielle: plateformes dédiées petites/moyennes VE, simplification des gammes, accords batteries européens, et baisse des coûts fixes dans les usines historiques.

🔎 À surveiller (S2 2025 – 2026)

  • Effet réel de la nouvelle vague de leasing social en France (volumes, mix modèles).
  • Intensité des remises et immatriculations tactiques fin d’année.
  • Part BEV européenne vs « seuils implicites » de conformité CO₂ 2025–2026.
  • Capacité des « legacy » à sortir des VE à 25–30 k€ profitables.

En bref, l’Europe n’est pas en crise de demande électrique généralisée, mais en rattrapage contrarié: la croissance est là, inégale et inférieure aux plans initiaux. Le cas Ford illustre surtout la difficulté des constructeurs historiques à atteindre rapidement la compétitivité-coût et le bon produit-marché. La France, elle, paie l’instabilité de ses signaux et la frilosité des particuliers. Les prochains mois diront si la nouvelle salve d’aides, des offres mieux positionnées et des coûts en baisse suffisent à refermer l’écart avec ses voisins.

Thermique interdit en Éthiopie : 9 leçons (et mises en garde) pour l’Europe de 2035

En bref:

  • L’Éthiopie a interdit l’import de voitures thermiques et misé sur les VE appuyés par le gigantesque barrage GERD (5 150 MW) pour réduire la facture carburant : adoption urbaine rapide mais bornes, réseau et maintenance insuffisants.
  • Leçon pour l’Europe : synchroniser réglementation VE et renforcement des réseaux/charge, sécuriser tarifs compétitifs, filières locales et compétences, et garantir la résilience (stockage, V2G, mégawatts) avant d’imposer la bascule.

Alors que l’UE discute encore du cap 2035, l’Éthiopie a tranché: les importations de voitures essence et diesel sont interdites. En parallèle, le pays vient d’inaugurer le plus grand barrage hydroélectrique d’Afrique. Coup de force ou pari risqué? Au-delà du symbole, cette expérience grandeur nature livre des enseignements utiles — et quelques signaux d’alerte — pour la transition européenne.

Ce que l’Éthiopie a fait (et pourquoi)

  • Interdiction des importations de véhicules thermiques depuis 2024, une première mondiale.
  • Incitations massives pour l’électrique (exemptions fiscales), embryon d’assemblage local, marché tiré par les marques chinoises (BYD en tête).
  • Objectif affiché: 500 000 VE d’ici 2030 (ministère des Transports). Parc actuel: environ 115 000 VE sur 1,5 million de voitures.
  • Motivation prioritaire: économique. Le pays dépensait près de 4,5 à 5 milliards de dollars par an en carburants importés, avec une pénurie chronique de devises et des files interminables aux stations.
  • Contexte énergétique: électricité très majoritairement hydraulique (≈97%) et mise en service début septembre 2025 du Grand barrage de la Renaissance (GERD), 5 150 MW, doublant la capacité de production nationale (sources AP/AFP/ABC/TrtWorld).

👉 En un mot: couper la dépendance aux carburants importés et basculer sur une électricité domestique, moins chère et (en théorie) abondante.

Résultats sur le terrain… et limites

  • Les VE se banalisent dans Addis-Abeba; les coûts d’usage chutent (un taxi passe d’environ 20 000 birrs/mois en carburant à <3 000 birrs en recharge, témoignages locaux).
  • Mais l’infrastructure ne suit pas: un peu plus de 100 bornes pour tout le pays, presque toutes dans la capitale; objectif officiel >2 200 stations.
  • Réseau électrique fragile: coupures fréquentes, tension sur la distribution.
  • Hors de la ville, les trajets restent imprévisibles; l’adoption est très urbaine.
  • Prix d’achat élevés malgré les exonérations; marché de l’occasion déformé par l’explosion des taxes avant l’interdiction.
  • Camions: pas de feuille de route électrique à court terme; dépendance persistante au diesel pour le fret stratégique (port de Djibouti).

📌 À retenir: la bascule administrative a été radicale; la bascule physique (réseau, bornes, maintenance, compétences) demande du temps.

Le barrage GERD, pivot énergétique… et zone de risque

  • 5 150 MW, lac de retenue géant, ambition d’exporter de l’électricité vers le Kenya, le Soudan ou le Sud-Soudan.
  • Effet attendu: baisse des coupures, baisse du coût marginal de l’énergie, soutien à l’essor de la recharge et à l’industrialisation (y compris l’assemblage de VE).
  • Fragilités: réseau de transport et de distribution à renforcer; vulnérabilité climatique (sécheresses) inhérente à l’hydraulique; tensions géopolitiques avec l’Égypte et le Soudan sur les débits du Nil.

💡 Leçon structurelle: une offre électrique bon marché n’est utile à la mobilité électrique que si le réseau aval, la planification et l’infrastructure de charge sont au rendez-vous.


Neuf leçons utiles pour l’Europe

  1. Souveraineté énergétique et pétrole:
    L’Éthiopie illustre l’effet levier d’un basculement rapide pour réduire une facture d’importation. En Europe, réduire l’empreinte pétrolière des transports (près d’un baril sur deux va à la route) reste un objectif de sécurité énergétique autant que climatique.
  2. Synchroniser politiques auto et politiques réseaux:
    La contrainte réglementaire (2035, normes CO2) doit avancer de concert avec la capacité réseau (HTA/BT) et la densité de bornes. L’UE a l’AFIR; l’enjeu désormais, c’est le raccordement réel et rapide (délai de connexion, puissance disponible, foncier).
  3. Infrastructure d’abord, injonction ensuite:
    La séquence éthiopienne montre le coût social d’un «ban» sans capillarité de recharge. En Europe, la priorité 2026-2030 doit être la fiabilité et l’homogénéité pan-européenne (corridors autoroutiers, zones rurales et périurbaines, copropriétés).
  4. Pouvoir d’achat et TCO:
    L’avantage à l’usage (électricité vs carburant) est déterminant. L’Europe doit sécuriser des tarifs de recharge compétitifs, encourager le «smart charging», et massifier les offres abordables (A/B-segment, leasing social, marché de l’occasion et batteries LFP).
  5. Stabiliser la trajectoire réglementaire:
    L’incertitude freine l’investissement. L’UE doit clarifier la place résiduelle des e-fuels (niches) sans brouiller le signal principal sur le VE, et préserver une visibilité pluriannuelle sur bonus/malus, ZFE, et normes CO2.
  6. Chaîne de valeur locale:
    L’Éthiopie tente l’assemblage pour capter compétences et emplois; l’UE doit sécuriser mines (alliances), raffinage, cellules, packs, recyclage, et software — au-delà des seules gigafactories. La compétitivité prix/qualité est clé face à l’offensive chinoise.
  7. Compétences et service après-vente:
    Penser formation (électriciens, opérateurs réseau, techniciens VE, carrossiers HV), disponibilité des pièces, et logistique batterie. Un réseau de réparation capillaire est un accélérateur d’adoption… et de confiance.
  8. Des usages différenciés:
    La ville électrifie plus vite. L’UE doit soutenir les corridors et les zones blanches, mais aussi accélérer l’électrification des flottes (taxis/VTC, utilitaires) qui maximisent les km électriques, tout en préparant l’offensive sur le poids lourd (dépôts, mégawatts, MCS) et, selon les cas, l’hydrogène.
  9. Résilience électrique:
    Les blackouts éthiopiens rappellent l’impératif de robustesse. En Europe: effacement, tarification dynamique, V2G/V2H, stockage stationnaire, et ENR corrélées pour lisser les pics de recharge. L’objectif: une électricité fiable et compétitive pour faire du VE un «no brainer».

Repères chiffrés — Éthiopie (septembre 2025)

  • Interdiction d’import des thermiques: depuis 2024
  • VE en circulation: ≈115 000 (objectif 500 000 en 2030)
  • Bornes publiques: un peu plus de 100 (cible nationale >2 200)
  • Mix électrique: ≈97% hydraulique
  • GERD: 5 150 MW, capacité nationale doublée, inauguration 9 septembre 2025
  • Facture carburants d’avant bascule: ≈4,5–5 Md$ par an

Ce qui n’est pas transposable tel quel

  • La «rente hydro» éthiopienne n’a pas d’équivalent européen; l’UE devra composer avec un mix varié, des prix volatils et des contraintes d’équilibrage plus complexes.
  • Le top‑down politique éthiopien a permis la décision rapide; en Europe, la transition exige consensus, protection des ménages et compétitivité industrielle.
  • La taille et l’âge du parc diffèrent: électrifier un parc ancien et massif en Europe implique un rôle majeur du marché de l’occasion, des conversions ciblées et des contrats de performance énergétique.

Check-list européenne 2026–2030

  • Accélérer les raccordements des hubs de charge (délais, puissance, CAPEX)
  • Déployer massivement le smart charging et des tarifs heures creuses lisibles
  • Densifier les bornes en zones rurales/périurbaines et en habitat collectif
  • Sécuriser une offre VE abordable (segments A/B), et structurer l’occasion
  • Accélérer l’électrification des flottes captives (taxis/VTC, utilitaires)
  • Industrialiser recyclage/2e vie batteries et logistique pack
  • Consolider la filière batterie européenne (matières, cellules, BMS, software)
  • Préparer le «megawatt charging» pour VD/PL et les connexions dépôt-réseau

En miroir des débats européens, l’Éthiopie offre un laboratoire: audace réglementaire, ancrage énergétique domestique, mais aussi rappel sévère d’une vérité simple — sans réseau solide, bornes fiables et électricité compétitive, la promesse du véhicule électrique reste théorique. À l’Europe de réussir la synchronisation fine entre industrie, énergie et usages pour transformer l’essai de 2035.

Pour 3 Français sur 4, la voiture est un luxe : le boom de l’occasion électrique aux USA peut-il changer la donne en Europe ?

En bref:

  • La voiture est perçue comme un luxe mais reste indispensable; aux États‑Unis la forte décote des VE d’occasion a rendu l’électrique accessible et fait décoller le marché.
  • L’Europe peut suivre si elle règle trois verrous : transparence batterie (passeport 2027 + certificats), garanties/réparabilité/assurance, et financement/offres recharge fiables (leasing, pack wallbox, réseau de bornes).

L’automobile est perçue comme un luxe par 74 % des Français. Dans ce contexte de tension sur les budgets, le marché américain de l’occasion électrique, en plein essor grâce à une chute spectaculaire des prix, fait figure d’ovni. Simple exception américaine ou vraie piste pour accélérer – enfin – l’accès à la mobilité zéro émission en Europe ?

Sans biais ni angélisme, on décrypte ce que nous dit l’expérience américaine, ce qui est transposable en Europe… et ce qu’il faudra corriger pour que l’électrique de seconde main devienne un levier crédible de transition.

À retenir

  • 74 % des Français estiment que la voiture est devenue un luxe, mais 63 % la jugent indispensable (étude Leocare).
  • Aux États-Unis, l’occasion électrique explose… parce que les prix s’effondrent.
  • En Europe, la décote des VE s’accélère aussi (jusqu’à -51 % en < 2 ans selon des données Cox Automotive Europe).
  • Le marché peut décoller si trois verrous sautent: transparence batterie, garanties/entretien, financement/assurance.

La voiture, un luxe… indispensable: la tension française en chiffres

  • 74 % des Français considèrent la voiture comme un luxe, tandis que 63 % la jugent indispensable au quotidien.
  • Le prix moyen d’une voiture neuve dépasse désormais 35 000 € en France, en forte hausse depuis 2020, sur fond d’équipements imposés, de normes et de montée en gamme.
  • 50 % des Français disent avoir renoncé à acheter/remplacer un véhicule faute de moyens; l’âge moyen du parc dépasse 11 ans.
  • Dans les dépenses perçues comme les plus lourdes: entretien/réparations, carburant, puis financement/achat.

Dans ce contexte, l’électrique souffre d’un surcoût perçu et d’une méfiance sur la batterie. Résultat: l’accès par le neuf reste limité pour de nombreux ménages. La clef pourrait donc être… l’occasion.

Outre-Atlantique: quand l’occasion électrique devient l’ascenseur social de l’EV

  • Les prix des VE d’occasion ont nettement baissé aux États-Unis, au point de passer sous ceux de l’occasion thermique sur de nombreuses références.
  • Multiplication des remises constructeurs et des incitations, retour massif de flottes (leasing), prix du neuf en baisse (guerre des prix initiée par Tesla) et technologies évoluant vite: cocktail qui accélère la décote.
  • Effet système: plus d’offre, des prix accessibles, et un marché de l’occasion qui s’anime.

Symbole: la part de marché de Tesla dans le neuf est tombée à 38 % en août 2025 (contre ~80 % à son pic) selon Cox Automotive/Reuters. La concurrence reine pèse sur les prix du neuf… et tire l’occasion vers le bas. Pour l’acheteur, c’est un tremplin vers l’électrique. Pour les valeurs résiduelles, c’est rude.

L’Europe peut-elle répliquer le “modèle US” ?

Comparatif express:

  • Prix: l’Europe observe déjà une baisse nette des VE d’occasion (environ -20 % en 2024, prix moyen proche de 22 000 €), et des décotes records (jusqu’à -51 % < 2 ans). Le mouvement existe, mais de façon moins explosive.
  • Offre: la vague des retours de LOA/LDD 2023–2026 (e-208, Zoe, ID.3, Model 3, etc.) commence à abonder l’occasion.
  • Demande: plus hésitante qu’aux USA, la faute à la crainte batterie, au coût d’assurance, à l’hétérogénéité des bornes et au prix de l’électricité perçu comme volatil.
  • Politiques publiques: marché fragmenté par pays, incitations inégales, retrait de primes (ex. Allemagne) qui a refroidi le neuf et, indirectement, les valeurs résiduelles.

Conclusion intermédiaire: la dynamique américaine est partiellement transposable, car les mécanismes de décote et l’effet flottes sont universels. Mais l’Europe doit lever des freins structurels propres à son marché.

Les trois verrous à faire sauter

  1. Transparence et confiance batterie
  • Ce qui manque au client d’occasion: une mesure standardisée, opposable et lisible de l’état de santé (SoH) de la batterie, ainsi que l’historique de charge/maintenance.
  • Bonne nouvelle: l’UE impose un “passeport batterie” numérique à partir du 18 février 2027 (règlement 2023/1542). Accessible via QR code, il doit structurer l’information (origine, empreinte carbone, maintenance, performances).
  • D’ici là: généraliser des certificats batterie indépendants, tests de charge rapide encadrés et états de santé publiés par les labos/labels VNVO.
  1. Garanties, réparabilité et coûts d’usage
  • Les garanties batterie constructeur (souvent 8 ans/160 000–240 000 km) existent, mais elles sont inégales et méconnues.
  • Il faut: programmes VO labellisés avec 12–24 mois de garantie additionnelle incluant la batterie, modules de réparation disponibles, réseaux habilités HV, devis de remplacement transparents.
  • L’assurance doit revenir à des primes compétitives (formation des experts, disponibilité de pièces, protocoles de réparation).
  1. Financement, énergie, bornes
  • Le leasing d’occasion, les crédits attractifs et des offres packagées (voiture + wallbox + tarif heures creuses) font toute la différence.
  • Stabiliser le coût du kWh pour l’automobiliste (offres heures creuses/WE, pilotage de la charge) est clé pour verrouiller le TCO.
  • Côté bornes: accélérer la fiabilité et la maintenance. Un réseau stable rassure… et soutient la valeur de revente.

Opportunités concrètes pour accélérer

  • Label VO électrique paneuropéen incluant un “score batterie” harmonisé.
  • Buy-back garanti et valeurs résiduelles transparentes dès le neuf (limite la casse à la revente).
  • Offres “tout-en-un” d’occasion: financement + garantie + recharge + assistance, à mensualité maîtrisée.
  • Incitations ciblées sur l’occasion (prime à la conversion bonifiée pour VE d’occasion récents et sobres).
  • Formation réseaux: évaluation batterie, diagnostic HV, pédagogie client.
  • Économie circulaire: reconditionnement de modules et seconde vie stationnaire, pour sécuriser la fin de vie et alléger la crainte “batterie”.

Leçons américaines utiles… sans copier-coller

  • La transparence des prix et la concurrence tirent l’occasion vers le bas: à encourager, tout en pilotant les risques de décote avec des buy-back.
  • Les flottes sont le cœur du réacteur: un flux massif et standardisé crée des VO lisibles et abordables.
  • La pédagogie gagne toujours: expliquer la réalité de la longévité batterie (souvent 80–90 % de capacité après de forts kilométrages sur batteries bien gérées thermiquement), l’usage des charges lentes et le TCO réel.
  • Attention aux effets boomerang: une guerre des prix trop brutale plombe les valeurs résiduelles et renchérit les loyers au neuf. L’équilibre se travaille.

Freins perceptifs à adresser

  • Hybride “plus rassurant” pour beaucoup: il décote moins, offre une continuité d’usage et met la pression sur le VO électrique. Il faudra convaincre avec des preuves techniques (certificats batterie, garanties) et économiques (mensualités + coût au km).
  • Image et fiabilité perçues: le reconditionnement sérieux, des campagnes de rappel bien exécutées, et la stabilité du réseau de charge pèsent davantage que les fiches techniques.

Achat d’un VE d’occasion en 2025: la check-list utile

  • Batterie: demander un certificat de SoH indépendant, vérifier la vitesse de charge DC réelle et la part d’usage en charge rapide.
  • Garantie restante: batterie et chaîne de traction; exiger les conditions écrites et leur transférabilité.
  • Logiciels/BMS: s’assurer des mises à jour, vérifier qu’aucune alerte HV n’est active.
  • Historique: factures, opérations HV, sinistres, immersion, rappels constructeurs.
  • Équipement: présence d’une pompe à chaleur (hiver), câbles (T2/CCS), pneus adaptés (indice de charge).
  • Essai réel: parcours mixte, contrôle conso et autonomie affichée vs estimée; test de charge sur borne publique si possible.
  • Recharge à domicile: faisabilité et coût (abonnement, heures creuses, installation d’une wallbox).
  • Assurance: devis comparatif avant signature.

📌 Bon à savoir

  • Dès 2027, le “passeport batterie” européen rendra la traçabilité obligatoire sur les VE: un vrai catalyseur pour le VO.
  • Les retours de flottes 2025–2027 feront baisser encore les prix: rester à l’affût des programmes VO certifiés.

En clair, l’Europe n’a pas besoin d’importer le modèle américain: elle doit en retenir l’essentiel – transparence batterie, protection de l’acheteur et financement intelligent – pour transformer la décote en opportunité. C’est à ce prix que l’électrique d’occasion cessera d’être un pari… et deviendra, pour beaucoup, la voie d’entrée réaliste vers la mobilité zéro émission.